Livv
Décisions

Cass. com., 4 septembre 2018, n° 17-16.535

COUR DE CASSATION

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Twin (SARL), Chavane de Dalmassy (ès qual.), Grolleau

Défendeur :

Foncia franchise (SAS), Foncia groupe (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Mouillard

Rapporteur :

Mme Tréard

Avocats :

SCP Fabiani, Luc-Thaler, Pinatel, SCP Briard

Versailles, 12e ch. sect. 2, du 24 janv.…

24 janvier 2017

LA COUR : - Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Twin, qui a pour gérant M. Grolleau, a, le 16 décembre 2008, conclu un contrat de franchise avec la société Foncia franchise (le franchiseur) pour une durée de sept ans, renouvelable par tacite reconduction, lui permettant d'exercer les activités de transaction et de location immobilière sous l'enseigne Foncia, à l'exclusion des activités de gestion locative et de syndic ; que le 17 juin 2013, le franchiseur a notifié à la société Twin le non-renouvellement du contrat de franchise à son terme ; que s'estimant victimes d'un abus du droit de ne pas renouveler le contrat et d'une inexécution fautive de celui-ci, la société Twin et M. Grolleau ont assigné en responsabilité la société Foncia franchise et la société Foncia groupe, société mère de la précédente exploitant un ensemble d'agences en succursales ; que la société Twin ayant été mise en liquidation judiciaire, M. Chavane de Dalmassy est intervenu à l'instance en qualité de liquidateur ;

Sur le premier moyen, pris en ses troisième et quatrième branches : - Attendu que M. Chavane de Dalmassy, ès qualités, et M. Grolleau font grief à l'arrêt de rejeter leurs demandes indemnitaires formées au titre de l'exécution fautive du contrat alors, selon le moyen : 1°) que le franchiseur a le devoir d'assurer l'homogénéité du réseau en veillant au traitement égal des agences franchisés et des agences intégrées ; qu'en se bornant à relever, pour débouter la société Twin et son gérant de leur demande indemnitaire fondée sur le manquement de la société Foncia franchise à cette exigence élémentaire, qu'il n'était pas établi que le franchiseur avait " par un comportement délibérément discriminatoire, favorisé les succursales Foncia appartenant à la société Foncia groupe, sans respecter ses obligations envers les franchisés ", sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si le manquement du franchiseur à son devoir de loyauté ne résultait pas du système de fonctionnement qu'il avait mis en place en permettant aux agences intégrées du groupe Foncia de vendre des biens situés sur les secteurs contractuels de prospection des franchisés sans aucune réciprocité, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 1134, alinéa 3, et 1135 du Code civil, dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, ensemble l'article 1240 du Code civil ; 2°) qu'il incombe au franchiseur de respecter et de faire respecter l'exclusivité de prospection consentie au franchisé ; que pour les débouter de leur demande indemnitaire fondée sur le manquement de la société Foncia franchise à ce devoir, l'arrêt retient que la société Twin et son gérant ne justifiaient " pas d'une violation pérenne de l'exclusivité de prospection que le contrat litigieux " leur avait concédée et que " la société Foncia franchise n'avait pas à répondre directement ni des éventuels manquements commis par les autres franchisés, ni des agissements des agences intégrées, d'autant qu'il est constant que celles-ci ne sont pas sous sa direction " ; qu'en se déterminant par ces motifs la cour d'appel a violé les articles 1134, alinéa 3, et 1135 du Code civil, dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, ensemble l'article 1240 du Code civil ;

Mais attendu que l'arrêt retient que la société Foncia franchise justifie que la société Twin a pu bénéficier d'un partage de fichiers, via le logiciel Totalimmo, avec des agences intégrées et franchisées et que les allégations dénonçant le fonctionnement d'un système mis en place au seul bénéfice des agences intégrées du groupe Foncia et l'absence de réciprocité dont la société Twin aurait concrètement souffert ne sont étayées par aucun élément probant ; qu'en cet état, la cour d'appel a procédé à la recherche invoquée ;

Et attendu, d'autre part, que la société Twin et M. Grolleau s'étant bornés à invoquer une violation pérenne de leur exclusivité de prospection, sans se prévaloir de plaintes circonstanciées adressées au franchiseur en vue d'y remédier, la cour d'appel, qui n'a pas été mise en mesure d'apprécier la défaillance du franchiseur à respecter et faire respecter l'exclusivité consentie au franchisé, a pu rejeter la demande formée à ce titre ; d'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Et sur le deuxième moyen : - Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Mais sur le premier moyen, pris en sa première branche : - Vu l'obligation pour le juge ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ; - Attendu que pour dire que la société Foncia franchise n'a pas commis d'abus dans l'exercice de son droit de ne pas renouveler le contrat de franchise, l'arrêt relève que le franchisé reproche en réalité au franchiseur d'avoir, au cours de l'exécution du contrat litigieux, par une approche délibérément discriminatoire et en favorisant outrageusement l'activité des sociétés succursalistes, adopté dès le début des relations contractuelles un comportement déloyal ayant pris la forme de nombreux manquements contractuels, dont l'accumulation est révélatrice d'une intention de nuire visant à l'empêcher de développer normalement son activité, traduisant un exercice abusif du droit de non-renouvellement du contrat de franchise litigieux, et retient qu'aucun des arguments avancés visant à établir la matérialité de fautes délibérées que la société Foncia franchise aurait, directement et personnellement, commises au préjudice de la société Twin et de son gérant, ne se trouve en l'espèce étayé de preuves suffisantes, précises, concrètes, sérieuses et convaincantes d'une volonté intentionnelle de porter atteinte à la liberté d'action de ce franchisé, commerçant indépendant ;

Qu'en statuant ainsi, alors que, dans leurs conclusions d'appel, la société Twin et son gérant soutenaient que la responsabilité contractuelle du franchiseur devait être engagée chaque fois que son attitude avait été dictée par la mauvaise foi, sans qu'il ne soit nécessaire de démontrer une quelconque intention de nuire de sa part, la cour d'appel, qui en a dénaturé les termes clairs et précis, a violé le principe susvisé ;

Par ces motifs, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs : casse et annule, mais seulement en ce qu'il dit que la société Foncia franchise n'a pas abusé de son droit de ne pas renouveler le contrat de franchise et rejette les demandes formées à ce titre par la société Twin, M. Chavane de Dalmassy, en qualité de liquidateur de cette société, et M. Grolleau, l'arrêt rendu le 24 janvier 2017, entre les parties, par la Cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties et, pour être fait droit, les renvoie devant la Cour d'appel de Paris.