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Décisions

CA Rennes, 3eme ch. com., 11 septembre 2018, n° 15-09810

RENNES

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

Claudio S M. (SA)

Défendeur :

I.C.C Tableaux, Würth France (SA), Galvanotecnia y Derivados (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Calloch

Conseillers :

Mmes André, Jeorger le Gac

CA Rennes n° 15-09810

11 septembre 2018

La SARL ICC Tableaux, dont le siège est à Pont-Saint-Martin (44), installe des armoires et des tableaux électriques dans des centres hospitaliers, centres commerciaux, et installations industrielles.

A cette fin elle utilise notamment des rondelles de serrage dont elle s'approvisionne auprès de la SA Würth France.

En mai 2008, elle a constaté que lors du serrage du couple normalisé, un nombre important de rondelles se fissurait ou cassait ; ces rondelles provenaient d'un lot de 2 000 rondelles 'contact acier zingué 10x22 référence 041300012" acheté à la société Würth le 22 avril 2008.

La société ICC Tableaux a alors prévue la société Würth du défaut constaté et du risque subséquent d'échauffement électrique et d'incendie chez ses clients, et le 27 mai 2008, un technicien de la société Würth s'est déplacé dans ses locaux.

Le même jour, la société ICC Tableaux a avisé par courrier recommandé la société Würth du litige, en la prévenant qu'elle allait devoir remplacer toutes les rondelles défectueuses posées chez ses clients et qu'il y aurait des conséquences financières significatives. Elle lui a aussi demandé de saisir son assureur.

La société Würth s'est alors rapprochée de son fournisseur fabricant des rondelles, la société de droit espagnol Claudio S. M. SA, pour l'aviser du litige.

Par courrier du 14 octobre 2008, la société ICC Tableaux, après avoir procédé au remplacement de la totalité des rondelles issues du lot litigieux, a adressé à la société Würth une demande d'indemnisation à hauteur de 23 929,92 euros.

Aucune suite n'y ayant été donnée, la société ICC Tableaux a saisi le juge des référés d'une demande d'expertise et par ordonnance du 26 mai 2009, M. V. a été désigné comme expert au contradictoire des sociétés Würth France et Claudio S. M..

Les conclusions de l'expertise ayant mis en cause le processus de fabrication des rondelles, la société ICC Tableaux a assigné le 27 octobre 2010 les sociétés Würth France et Claudio S. M., cette dernière appelant en garantie la société de droit espagnol Galvanotecnia y Derivados SA, son sous-traitant ayant procédé au traitement de surface des rondelles.

Les procédures ont été jointes.

Par jugement du 12 novembre 2015, le tribunal de commerce de Nantes a :

- confirmé la jonction des instances,

- débouté la société Würth France de l'intégralité de ses demandes contre la société ICC Tableaux,

- débouté la société C. S. M. de l'intégralité de ses demandes contre la société ICC Tableaux,

- débouté la société C. S. M. de l'intégralité de ses demandes contre la société Galvanotecnia et de sa demande de désignation d'un expert,

- condamné solidairement les sociétés C. S. M. et Würth à verser à la société ICC TABLEAU la somme de 17 984,46 euros TTC à titre de dommages et intérêts et dit que cette somme portera intérêts légaux à compter du 28 janvier 2009,

- condamné la société C. S. M. à garantir la société Würth de cette condamnation,

- débouté la société ICC Tableaux de sa demande visant à voir les contrats de vente résolus,

- ordonné l'exécution provisoire,

- condamné solidairement les sociétés C. S. M. et Würth France à payer à la société ICC Tableaux la somme de 10 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamné la société C. S. M. à payer à la société Galvanotecnia la somme de 1.500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamné solidairement les sociétés C. S. M. et Würth France aux dépens comprenant les frais d'expertise.

Appelante de ce jugement, la société C. S. M., par conclusions du 19 février 2018, a en substance contesté que ses rondelles ne respectent pas la norme NFE 25-211 et conclu que leur fragilité était normale compte tenu du processus de dégazage à l'hydrogène.

Elle a sollicité que la Cour :

- infirme le jugement déféré,

- déboute les sociétés ICC Tableaux et Würth de toutes leurs prétentions contre elle,

- subsidiairement, condamne la société Galvanotecnia à la garantir de toutes condamnations prononcées contre elle,

- subsidiairement ordonne une expertise,

- condamne la société ICC Tableaux à lui payer la somme de 8 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par conclusions du 11 avril 2018, la société Würth a rappelé que dans des courriers, la société C. S. M. avait reconnu la défectuosité des rondelles et rappelé que la norme NFE 25-211 étant une norme de serrage, les rondelles la respectant devaient nécessairement supporter les contraintes mécaniques d'un serrage.

Elle a sollicité que la Cour :

- confirme le jugement déféré en ce qu'il a :

- dit que le vice affectant les rondelles résulte du process de fabrication imputable à la société C. S. M.,

- dit que la société C. S. M. a commis un manquement à ses obligations contractuelles envers elle en lui fournissant des rondelles non conformes,

- débouté la société C. S. M. de toutes ses demandes,

- retenu l'évaluation proposée par l'expert relativement aux coûts d'intervention d'ICC Tableaux à hauteur de 11 953,80 euros HT,

- infirme le jugement en ce qu'il a :

- retenu la demande de ICC TABLEAU pour des frais de gestion internes à hauteur de 3 965 euros,

- condamné solidairement les sociétés Würth France et Claudio S. M. à indemniser la société ICC Tableaux au principal et sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,

- statuant à nouveau :

- déboute la société ICC Tableaux de sa demande d'indemnisation des frais de gestion interne du sinistre,

- subsidiairement confirme le jugement entrepris en ce qu'il a retenu la somme proposée par l'expert,

- condamne in solidum les sociétés Würth et Claudio S. M. à indemniser ICC Tableaux de ses préjudices,

- mette les frais irrépétibles accordés à ICC Tableaux à la seule charge de Claudio S. M.,

- condamne toute partie succombante à lui payer la somme de 15 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par conclusions du 13 mai 2016, la société Galvanotecnia y Derivados a rappelé qu'il n'était pas démontré qu'elle ait procédé au traitement de surface des rondelles incriminées et a demandé que la Cour :

- confirme le jugement déféré,

- condamne la société C. S. M. ou toute partie succombante à lui payer la somme de 3 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par conclusions du 04 juillet 2016, la société ICC Tableaux a demandé que la Cour :

confirme le jugement déféré en ce qu'il a retenu les responsabilités respectives des sociétés Würth France et Claudio S. M. au titre des vices cachés et en ce qu'il a rejeté toute demande d'expertise,

l'infirme quant au quantum des dommages et intérêts lui ayant été alloué,

dise que les contrats de vente sont résolus,

condamne solidairement les sociétés C. S. M. et Würth à lui payer la somme de 20 153,30 euros HT ou 24 103,35 euros TTC à titre de dommages et intérêts,

dise que ces sommes porteront intérêts légaux à compter du 28 janvier 2009 date de l'assignation en référés,

subsidiairement confirme le jugement déféré dans toutes ses dispositions,

condamne la société C. S. M. à lui payer la somme de 5 000 euros de dommages et intérêts pour appel abusif,

condamne solidairement les sociétés Würth France et Claudio S. M. à lui payer la somme de 20 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,

les condamne aux dépens de première instance et d'appel comprenant les frais d'expertise.

Pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties, la Cour renvoie aux conclusions susvisées.

Motifs :

Les circonstances de fait et les conclusions de l'expertise :

Le litige concerne des rondelles de serrage vendues par la société C. S. M. accompagnées d'un certificat de conformité à la norme NFE 25-511 à la société Würth France qui les a elle-même revendues à la société ICC Tableaux, qui installe des armoires électriques basses tensions chez des clients industriels ou dans des ERP de grande taille (maisons de retraite, piscine etc).

La société ICC Tableaux, qui est en relation d'affaires depuis une quinzaine d'années avec la société Würth France pour l'achat de ses rondelles, s'est aperçue incidemment que les rondelles se fissuraient ou cassaient après avoir été serrées ; après avoir identifié le lot d'où provenaient les rondelles litigieuses, elle a averti la société Würth France et a demandé à l'ensemble des clients chez lesquels les rondelles provenant de ce lot avaient été installées de la laisser intervenir sur leur tableau afin de procéder à leur remplacement.

La société Würth France de son côté a dénoncé le désordre à son fournisseur, la société de droit espagnol Claudio S. M. et a fait réaliser une expertise de quelques rondelles provenant du lot litigieux par le laboratoire Cetim. Celui-ci a confirmé la fragilité des rondelles et constaté la présence d'hydrogène dissous sur le faciès de fissuration, cet hydrogène pouvant être la cause des ruptures.

L'analyse technique réalisée à la demande de l'expert judiciaire par le laboratoire de l'Ecole Centrale de Lille a abouti à un résultat similaire, c'est-à-dire à une fragilisation de l'acier des rondelles par l'hydrogène.

Ces constatations ont conduit l'expert judiciaire, par une analyse technique non contestée, à en déduire que l'origine technique de la fragilisation des rondelles était à rechercher dans le procédé d'électro-zingage des rondelles, qui inclut des opérations de décapage, puisque la présence d'hydrogène est la conséquence de la mise en présence de la pièce avec un acide.

Les documents de traçabilité conservés par les sociétés ICC Tableaux et Würth France ont permis, sans que ce fait soit contesté, d'établir que les rondelles provenaient d'un lot de 60 000 rondelles commandées en février 2008 par la société Würth France à la société C. S. M., qui elle-même a établi que ce lot portait comme référence le numéro 270849.

Selon la société C. S. M., elle-même fabrique les rondelles en acier, puis les envoie pour traitement thermique à un premier sous-traitant puis à leur retour, pour traitement de zingage, chez un deuxième sous-traitant ; selon elle, ce dernier serait la société Galvanotecnia.

La cause technique de la fragilité des rondelles n'étant pas contestée, les plus longs développements de l'expertise ont consisté à étudier les documents fournis par la société C. S. M. afin de déterminer si les rondelles litigieuses provenaient des lots dont la société Galvanotecnia avait assuré les opérations de zingage, sachant qu'elle n'est pas le seul sous-traitant de la société C. S. M. à assurer cette opération ; à l'issue de ces opérations, l'expert judiciaire a conclu qu'il était possible mais non démontré avec certitude que la société Galvanotecnia ait effectué l'électro-zingage des rondelles.

Les prétentions de la société ICC Tableaux :

La société ICC Tableaux dirige ses demandes contre son vendeur, la société Würth France et contre le vendeur de celui-ci, la société de droit espagnol Claudio S. M., en invoquant les droits du sous-acquéreur en présence d'une chaîne de contrat de vente.

Il doit immédiatement être relevé que la société C. S. M., seule à pouvoir se prévaloir de l'application de la Convention de Vienne relative aux ventes de marchandises, ne conteste pas l'application du droit français dans ses rapports avec la société ICC Tableaux.

Il doit aussi être relevé que la société Würth France ne critique pas la disposition du jugement déféré ayant dit que sa clause de limitation de garantie était inopposable à la société ICC Tableaux.

La société Würth France ne conteste pas avoir vendu à la société ICC Tableaux des rondelles atteintes d'un vice caché et ne pouvant être utilisées conformément à leur destination, c'est-à-dire le serrage en couple.

Tel n'est pas le cas de la société C. S. M., qui conclut que ses rondelles sont conformes à la norme NFE 25-511 dans la mesure où elles sont acier carbone à grains fins, de teneur en carbone supérieure à 0,55 et d'une dureté comprise entre 420 et 510 HV ; cette dureté les rendrait particulièrement sensibles aux opérations de dégazages nécessitées par le zingage et il aurait appartenu à la société ICC Tableaux de choisir un autre produit pour ses tableaux électriques, la société C. S. M. n'ayant pas été elle-même avisée de l'usage qu'entendait en faire le sous-acquéreur.

La norme NF E 25-511 est une norme relative aux rondelles striées de serrage, qui selon cette norme ont trois fonctions essentielles : assurer une répartition optimale des efforts sur la pièce à serrer sous réserve qu'elles soient mises à plat lors du montage, s'opposer au dévissage de la vis ou de l'écrou par la présence des stries, permettre de rattraper les tassements dans les matériaux d'un assemblage avec un minimum de perte de tensions.

L'expert judiciaire a ainsi rappelé que l'utilisation des rondelles striées de serrage pour assurer les liaisons boulonnées entre les composants de circuits électriques de puissance était un usage classique et qu'il s'agissait d'un équipement de sécurité de première importance, puisque qu'elles avaient pour objet d'assurer un contact permanent entre les pièces assemblées et d'éviter les échauffements (risques d'incendie) susceptibles de provenir d'un mauvais contact.

L'argumentation tenant à usage anormal des rondelles par la société ICC Tableaux apparait dès lors infondée.

D'autre part, tant le laboratoire Cetim que le laboratoire de l'Ecole Centrale de Lille ont démontré que les rondelles se fissuraient au serrage, ce qui, pour des rondelles dites "de serrage" constitue bien évidemment un vice les rendant impropres à l'usage auquel elles sont destinées.

Enfin, les rondelles litigieuses n'étaient au demeurant même pas conformes à la norme NF E 25-511 dans la mesure où cette dernière exige du fabricant qu'il mette en œuvre des tests de fragilité et que dans un courrier du 07 juillet 2008 adressé à la société Würth, la société C. S. M. a reconnu ne pas les avoir réalisés.

Par conséquent, les rondelles litigieuses sont atteintes d'un vice rédhibitoire au sens des dispositions de l'article 1641 du Code civil et la société ICC Tableaux est fondée à demander réparation des conséquences en étant résultée aux sociétés Würth et Claudio S. M., qui sont des vendeurs professionnels.

Elle ne peut toutefois conclure à la résolution des contrats de vente dans la mesure où toute restitution des rondelles est impossible et il convient uniquement d'examiner ses demandes indemnitaires.

L'expert a considéré justifiées les mesures prises par la société ICC Tableaux lors de la découverte de la fragilité des rondelles, ayant consisté à intervenir chez tous les clients où elles avaient été installées pour les démonter et les remplacer (treize clients concernés).

Les interventions chez les clients sont justifiées par les attestations de ces derniers et les fiches d'intervention.

La société ICC Tableaux a fourni un tableau des dépenses occasionnées par ces mesures que l'expert a rectifiées au motif que la société ICC Tableaux demandait une indemnisation sur la base d'un taux horaire de 55 euros pour son personnel technique alors que son coût de revient était de 38 euros de l'heure et que selon l'expert, les frais de " forfait administratif " demandés pour chaque dossier étaient trop élevés.

La société ICC Tableaux a demandé des dommages et intérêts relativement modestes de 24 103,35 euros TTC alors que les courriers versés aux débats démontrent qu'elle a dû dans l'urgence demander à treize clients de fermer partiellement ou totalement leur site d'exploitation durant une journée (les interventions sur site ayant duré entre 6 et 9 heures) car elle ne pouvait intervenir que sur des tableaux électriques mis hors tension.

Compte tenu des conséquences commerciales encourues par les clients, il n'est pas justifié, comme l'a conclu l'expert, de prétendre que les démarches n'avaient pas à impliquer les dirigeants de la société ICC Tableaux mais uniquement son personnel administratif, ceci afin de réduire d'un peu plus de 1 000 euros la somme de 4 885,66 euros demandée en réparation des démarches administratives (rechercher les clients concernés, les prévenir, organiser la réparation) ; bien au contraire, l'ampleur des conséquences pour ses clients demandait une intervention des dirigeants de la société ICC Tableaux pour en expliquer la nécessité sans perdre sa propre image commerciale.

S'agissant du taux horaire, la société ICC Tableaux fait valoir qu'elle ne demande aucun préjudice complémentaire (préjudice d'image et/ou préjudice moral) mais sollicite un taux correspondant à ce qui aurait été facturé si son personnel avait été affecté à réaliser des chantiers chez des nouveaux clients ; ainsi il est demandé un taux qui l'indemnise tout à la fois du temps passé à la réparation et du temps qui n'a pas pu être passé à sa propre exploitation commerciale.

Cette demande apparaît justifiée dans son principe comme dans son quantum et dès lors, il est fait droit intégralement à sa demande en paiement et le jugement déféré est infirmé de ce chef.

S'agissant de la garantie d'un vice caché due par un vendeur et son fournisseur, c'est à bon droit que le premier juge a prononcé une condamnation solidaire entre la société Würth France et la société C. S. M., qui sont ainsi solidairement condamnées à payer à la société ICC Tableaux la somme de 24 103,35 euros à titre de dommages et intérêts.

Ensuite, la société ICC Tableaux ayant avancé cette somme depuis 2008 en intervenant chez ses clients, une indemnisation totale de son préjudice nécessite d'assortir la condamnation de l'intérêt légal depuis le 28 janvier 2009, date de l'assignation en référés.

En revanche, il n'est pas justifié de prononcer une condamnation contre la société C. S. M. pour appel abusif, celle-ci n'ayant fait qu'utiliser une voie de recours lui étant ouverte.

Sur les prétentions de la société Würth France :

Les motifs qui précèdent justifient que la société C. S. M., qui a vendu à la société Würth France des rondelles de serrage affectées d'un vice rédhibitoire, soit condamnée à la garantir de toute condamnation pouvant être prononcée à son encontre au bénéfice de la société ICC Tableaux.

A cet égard, aucun reproche ne peut être émis contre la société Würth France pour ne pas avoir deviné que les séries de chiffres présentes sur les étiquettes des boites de rondelles lui étant livrées par le fabricant identifiaient les sous-traitants de ce dernier et devaient être conservées ; cette circonstance est donc insuffisante à exonérer la société C. S. M. de sa responsabilité.

Sur les prétentions de la société C. S. M. :

La société C. S. M. critique les opérations d'expertise en ce que l'expert aurait refusé d'accorder une valeur probante aux éléments de traçabilité contenus dans ses documents administratifs et comptables et refusé d'ordonner une analyse chimique des rondelles, qui aurait pu permettre d'en imputer le zingage à la société Galvanotecnia. Elle sollicite dès lors une expertise complémentaire.

Les opérations d'expertise ont permis de mettre en lumière des lacunes de la société C. S. M. dans la conservation des données permettant une traçabilité totale de ses produits.

La traçabilité existe au sein de la société dans la mesure où les rondelles sont conditionnées dans des boites en carton portant une étiquette identifiant précisément le sous-traitant chargé du traitement thermique et le sous-traitant chargé du zingage. Toutefois, ces boites partent chez les clients, à qui il n'a jamais été demandé de les conserver, et qui procèdent comme ce fut le cas pour la société Würth France à un nouveau conditionnement du produit, sans que les données de traçabilité soient conservées avec la même précision au sein de la société C. S. M..

Il est acquis que celle-ci faisait appel à deux sous-traitants pour le zingage, et que seul l'un d'eux, la société Galvanotecnia, a été appelée à la cause. Contrairement à ce qu'indique la société C. S. M., celle-ci conteste qu'il soit démontré qu'elle ait procédé au traitement des rondelles.

Les documents fournis à l'expert ont permis d'établir que les rondelles litigieuses proviennent d'un lot de 255 000 pièces environ pour un poids total de 872 kilos, correspondant pour la société C. S. M. à l'ordre de fabrication n°270849 ; sur ces 872 kgs, 468 kgs ont été traités par la société Galvanotecnia le 20 décembre 2007 et 404 kgs par une entreprise tierce. Ensuite, la société C. S. M. a pu fournir un ordre interne de constitution d'un lot de 60.000 pièces prélevé du lot 270849 le 13 février 2008 ainsi qu'une confirmation de commande de Würth du 26 février 2008 ; toutefois, il apparaît aussi que l'entreprise tierce avait effectué son propre traitement de surface à la date du 20 février 2018 et qu'ainsi à la date à laquelle a été mise à exécution la commande de Würth France, soit le 26 février 2008, la société C. S. M. possédait dans ses locaux les rondelles traitées par ses deux sous-traitants ; d'autre part, aucune référence ou Code barre ne permet de relier avec certitude la constitution du lot de 60 000 pièces le 13 février 2008 (avant même que Würth n'ait confirmé sa commande) avec lot parti chez Würth le 26 février.

Enfin, l'expert a relevé que dans le courrier du 07 juillet 2008 déjà cité, la société C. S. M. indiquait à la société WURHT ne pas avoir pu réaliser les tests de solidité "afin de respecter les délais de livraisons de nos clients" ; or, les pièces traitées par la société Galvanotecnia étaient présentes dans ses locaux depuis fin 2007, et cette explication serait plutôt compatible avec les pièces traitées par l'entreprise tierce : arrivée sur le site le 20 février pour être immédiatement livrées le 26 février.

Il en résulte l'absence de démonstration certaine, au regard de ces documents, de l'implication de la société Galvanotecnia dans le traitement de surface des rondelles litigieuses.

S'agissant de la demande d'expertise chimique, elle porterait sur des rondelles qui ont été remises à l'expert comme provenant du lot traité par la société Galvanotecnia sans que cette provenance soit établie avec certitude ; il ne peut dès lors être reproché à l'expert de ne pas y avoir procédé, pas plus que de ne pas avoir procédé à une réunion complémentaire, alors même qu'il a accepté de proroger plusieurs fois le délai de communication des dires à la demande de la société C. S. M. et que celle-ci a refusé de procéder à la traduction des pièces qu'elle lui remettait ;

En conséquence, le jugement déféré est confirmé en ce qu'il a débouté la société C. S. M. de ses demandes contre la société Galvanotecnia.

Sur les frais irrépétibles et les dépens :

La société C. S. M., qui succombe dans son recours, supportera la charge des dépens d'appel et paiera sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile la somme de 5.000 euros à la société ICC Tableaux. A défaut pour cette dernière d'avoir justifié par des factures le surplus de sa demande, il n'y a en effet pas lieu d'y faire droit.

Les autres demandes sont rejetées, ne serait-ce que parce qu'un dédommagement de la société ICC Tableaux par son fournisseur, la société Würth France, aurait permis d'éviter une partie du litige.

Par ces motifs : La Cour, Infirme le jugement déféré quant au quantum de la condamnation prononcée contre les sociétés Würth France et Claudio S. M. au bénéfice de la société ICC Tableaux. Statuant à nouveau : condamne solidairement la SA Würth France et la société de droit espagnol Claudio S. M. à payer à la SARL ICC Tableaux la somme de 24 103,35 euros portant intérêts légaux à compter du 28 janvier 2009. Confirme pour le solde le jugement déféré, notamment en ce qu'il a dit que la société C. S. M. garantirait la société Würth France de la condamnation prononcée au bénéfice de la société ICC Tableaux. Y ajoutant : déboute la société ICC Tableaux de sa demande indemnitaire pour procédure abusive. Déboute les parties du solde de leurs demandes. Condamne la société de droit espagnol Claudio S. M. aux dépens d'appel. Condamne la société de droit espagnol Claudio S. M. à payer à la SARL ICC Tableaux la somme de 5 000 euros au titre de ses frais irrépétibles d'appel. Rejette le solde des demandes présentées sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.