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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 5, 13 septembre 2018, n° 18-04712

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Kickoff SpA (Sté)

Défendeur :

Mappemode (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Birolleau

Conseillers :

Mmes Schaller, du Besset

Avocats :

Mes Bellichach, Giraud, Bettinger, Boitier

T. com. Paris, du 7 févr. 2018

7 février 2018

FAITS ET PROCÉDURE

La société Mappemode, spécialisée notamment dans la représentation de marques de prêt-à-porter, a été, entre 2004 et 2010, le distributeur exclusif de la société de droit italien Kickoff SpA (Kickoff) pour la vente en France et en Belgique des maillots de bain de la marque Sundek ; le 30 juillet 2010, Kickoff a retiré le marché belge à Mappemode. Entre 2012 et 2016, la société Mappemode a par ailleurs vendu directement les produits Sundek dans deux magasins mono-marque à enseigne Sundek à Paris et à Cannes.

Entre 2011 et 2016, la société Mappemode a été l'agent commercial exclusif de Kickoff pour la vente en France des produits de la marque Sundek.

Le 25 février 2016, Kickoff a mis fin à la relation d'agence commerciale entretenue avec Mappemode depuis 2011, avec effet au 1er juillet 2016. Le 27 juin 2016, elle a mis fin, avec effet au 1er janvier 2017, aux relations entretenues avec Mappemode en matière de fourniture de produits de marque Sundek destinés aux magasins mono-marques de Paris et Cannes.

Par acte du 16 août 2016, Mappemode a assigné Kickoff devant le Tribunal de commerce de Paris pour ne pas avoir respecté son droit à commissions dans le cadre du contrat d'agence commerciale, de ne pas avoir versé l'indemnité de fin de contrat d'agence commerciale et d'avoir agi de façon déloyale. Kickoff a soulevé l'incompétence du Tribunal de commerce de Paris pour connaître de la demande relative à l'indemnité de fin des relations d'agence commerciale.

Par jugement rendu le 7 février 2018, le Tribunal de commerce de Paris a :

- dit la société de droit italien Kickoff SpA recevable en son exception d'incompétence, mais mal fondée ;

- dit le Tribunal de commerce de Paris compétent pour connaître de l'indemnité de fin des relations d'agence commerciale entre la société de droit italien Kickoff SpA et la SARL Mappemode ;

- débouté les parties de leurs prétentions autres, plus amples ou contraires ;

- invité les parties à conclure au fond ;

- renvoyé la cause au 20 mars 2018 pour conclusions des parties ;

- réservé sa position sur les indemnités réclamées au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- condamné la société de droit italien Kickoff SpA aux dépens de l'incident.

Alors que Kickoff prétendait que la question de l'indemnité de fin de contrat est une obligation autonome qui relève de la compétence du domicile du défendeur à la différence de l'examen des conditions de l'exécution contractuelle du contrat d'agent commercial, le tribunal a retenu que l'indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi du fait de la cessation des relations contractuelles ne peut être considérée comme indépendante de l'exécution des relations commerciales contractuelles et qu'elle est soumise à l'appréciation du juge du contrat.

Vu l'appel interjeté le 7 mars 2018 par la société Kickoff SpA à l'encontre de cette décision ;

PRÉTENTIONS DES PARTIES :

La société Kickoff SpA, par dernières conclusions signifiées le 30 mai 2018, demande à la cour, au visa des articles L. 134-1 et suivants du Code de commerce, 42, 43, 73 à 75, 83 et suivants du Code de procédure civile, et du Règlement CE 1215/2012, dit Bruxelles I bis, de :

- réformer le jugement déféré en ce que les premiers juges se sont déclarés compétents pour connaître de l'indemnité de fin des relations d'agence commerciale entre Kickoff et Mappemode ;

Statuant à nouveau,

- dire le Tribunal de commerce de Paris incompétent pour connaître de l'indemnité de fin des relations d'agence commerciale entre Kickoff et Mappemode ;

- renvoyer la société Mappemode mieux se pourvoir devant le tribunale di Firenze, sis Firenze

Partant,

- condamner la société Mappemode à verser une indemnité de 5 000 euros à la société Kickoff en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- condamner la société Mappemode en tous les dépens de l'instance et autoriser Maître X à les recouvrer conformément à l'article 699 du Code de procédure civile.

Elle fait valoir que l'indemnité de fin des relations d'agence commerciale est une obligation autonome du contrat d'agence commerciale, qui justifie la compétence de la juridiction du siège social de Kickoff. La jurisprudence considère en effet que, dès lors que la demande porte sur la dette d'indemnité de fin de contrat, et non sur l'exécution du contrat lui-même, le défendeur doit nécessairement être attrait devant le tribunal du lieu de sa résidence, en l'occurrence le tribunal de Florence.

Elle conclut par ailleurs à la confirmation de la décision déférée en ce qu'elle a débouté Mappemode de ses demandes d'indemnités provisionnelles : le désintérêt de Mappemode pour les ventes de produits Sundek dans la zone sud, l'échec de la première tentative d'établissement mono-marque de Saint-Tropez, ainsi que le refus permanent et injustifié de Mappemode de signer des contrats de franchise expliquent pourquoi Kickoff a décidé de mettre fin à leurs relations commerciales.

Elle indique que, le contrat d'agence commerciale étant à durée indéterminée, Kickoff pouvait y mettre un terme à tout moment pourvu qu'elle respecte un délai de préavis. En l'occurrence, Mappemode a bénéficié d'un préavis de quatre mois pour une relation contractuelle de cinq ans, ce qui est parfaitement conforme aux usages.

Kickoff qualifie les relations entretenues avec Mappemode en matière de fourniture de produits Sundek destinés aux magasins mono-marque de Paris et Cannes de '"contrat de franchise". Ces relations étant à durée indéterminée, chacune des parties était bien fondée ày mettre un terme à tout moment, sous réserve d'un délai de préavis suffisant. En l'espèce, Mappemode a bénéficié d'un préavis de six mois pour des relations contractuelles d'une durée maximale de quatre ans et deux mois (Cannes) et trois ans et six mois (Paris), ce qui est supérieur aux usages.

La société Mappemode, par dernières conclusions signifiées le 31 mai 2018, demande à la cour, au visa des articles 46 du Code de procédure civile, 7, point 1, sous b), second tiret, du règlement n° 44/2001, 74 et 75 du Code de procédure civile, L. 131 du Code des procédures civiles d'exécution, de :

- rejeter les demandes, fins et prétentions formulées par la société Kickoff SpA ; En conséquence,

- dire la société Kickoff SpA mal fondée en son exception de compétence internationale au profit du tribunal de Florence (Italie) ;

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a retenu la compétence du Tribunal de commerce de Paris pour statuer sur la question de l'indemnité de fin des relations d'agence commerciale entre la société Kickoff SpA et la société Mappemode et en ce qu'il a condamné la société Kickoff SpA aux dépens de l'instance ;

Vu l'article 462 du Code de procédure civile,

- corriger l'erreur du jugement ayant dit "le tribunal déboutera les parties de leurs autres demandes" ;

- dire que cette mention est une erreur matérielle et qu'elle est supprimée du dispositif du jugement ;

A titre subsidiaire, si par extraordinaire la cour d'appel décidait d'infirmer le jugement dont appel du chef de la compétence,

- condamner en ce cas, la société Kickoff SpA à payer à la société Mappemode la somme de 80 000 euros à titre de provision ad litem pour lui permettre de financer sa défense devant les juridictions italiennes ;

Dans tous les cas,

- condamner la société Kickoff SpA à payer à la société Mappemode la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile au titre des frais irrépétibles d'appel ainsi qu'aux dépens dont le recouvrement pourra être poursuivi par Maître Pascale Y, avocat postulant au barreau de Paris, conformément à l'article 699 du Code de procédure civile pour ceux la concernant.

Elle soutient qu'on ne doit pas distinguer entre les demandes relatives à un même contrat quand ce contrat est un contrat de vente ou de prestation. Ainsi, toutes les demandes relatives à un contrat de prestation de services relèvent de la compétence du lieu d'exécution de la prestation. Elle rappelle que, pour la cour de cassation, la compétence du tribunal du domicile du défendeur ne prévaut pas sur la compétence du tribunal du lieu d'exécution de la prestation de services.

Elle souligne que la distinction de l'obligation autonome a été abandonnée par la cour de cassation. Depuis 2006, les demandes sont regroupées devant le juge du lieu de la prestation de services.

Mappemode observe, par ailleurs, que le tribunal statuant sur sa compétence ne pouvait débouter les parties de leurs autres demandes, que, s'étant déclaré compétent, le Tribunal de commerce de Paris demeurait saisi pour statuer sur ces demandes.

Sur sa demande subsidiaire de provision ad litem, elle indique que cette demande se justifie par la baisse des revenus de Mappemode et par le coût élevé d'un procès à l'étranger.

Il est expressément référé aux écritures des parties pour un plus ample exposé des faits, de leur argumentation et de leurs moyens.

MOTIFS :

Considérant que le règlement n° 1215/2012 du 12 décembre 2012 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale (Bruxelles I bis) dispose :

- en son article 4-1 : "Sous réserve du présent règlement, les personnes domiciliées sur le territoire d'un État membre sont attraites, quelle que soit leur nationalité, devant les juridictions de cet État membre";

- en son article 7 : "Une personne domiciliée sur le territoire d'un État membre peut être attraite dans un autre État membre :

1) a) en matière contractuelle, devant la juridiction du lieu d'exécution de l'obligation qui sert de base à la demande ;

b) aux fins de l'application de la présente disposition et sauf convention contraire, le lieu de l'exécution de l'obligation qui sert de base à la demande est :

- pour la vente de marchandises, le lieu d'un Etat membre où, en vertu du contrat, les marchandises ont été ou auraient dû être livrées ;

- pour la fourniture de services, le lieu d'un Etat membre où, en vertu du contrat, les services ont été ou auraient dû être fournis" ;

Considérant que le tribunal compétent pour connaître de toutes les demandes fondées sur le contrat est celui dans le ressort duquel se trouve le lieu de la fourniture principale des services de l'agent commercial ; qu'il n'est pas contesté que, Mappemode étant, postérieurement au 30 juillet 2010, date à laquelle Kickoff lui a retiré le marché belge, agent commercial de Kickoff pour la France, le contrat d'agence commerciale s'exécutait exclusivement sur le territoire français ; qu'il s'en déduit que les demandes de la société Mappemode, toutes fondées sur le contrat, relèvent, sans exclusive, de la compétence des juridictions françaises, en l'espèce du Tribunal de commerce de Paris ; que le jugement déféré sera confirmé sur ce point ;

Considérant, sur la demande de rectification d'erreur matérielle, qu'en "déboutant les parties de leurs prétentions autres, plus amples ou contraires", alors qu'ils ne statuaient que sur l'exception d'incompétence territoriale et invitaient les parties à conclure au fond, les premiers juges ont en réalité entendu débouter la seule société Kickoff de sa demande d'incompétence territoriale ; que l'erreur matérielle affectant le jugement entrepris sera rectifiée par la suppression du dispositif du jugement des mots "Déboute les parties de leurs prétentions autres, plus amples ou contraires" ;

Considérant que l'équité commande de condamner la société Kickoff à payer à la société Mappemode la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Par ces motifs, LA COUR, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, confirme le jugement entrepris, sauf en ce qu'il a débouté les parties de leurs prétentions autres, plus amples ou contraires ; Statuant à nouveau du chef infirmé ; Vu l'article 462 du Code de procédure civile, dit qu'à la page 4 du jugement rendu le 7 février 2018 par le Tribunal de commerce de Paris, au dispositif, les mots "Déboute les parties de leurs prétentions autres, plus amples ou contraires" sont supprimés ; ordonne le retour du dossier au Tribunal de commerce de Paris ; condamne la société Kickoff SpA à payer à la SARL Mappemode la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile ; condamne la société Kickoff SpA aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du Code de procédure civile.