Livv
Décisions

CA Rouen, ch. civ. et com., 13 septembre 2018, n° 16-03468

ROUEN

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Immo-Clef

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Brylinski

Conseillers :

Mmes Bertoux, Mantion

T. com. Evreux, du 9 juin 2016

9 juin 2016

FAITS ET PROCÉDURE,

Le 2 avril 2009, Mme Françoise C., mandante, a conclu avec Mme Françoise G., mandataire, un contrat de mandat.

En exécution de ce contrat, Mme C., agent immobilier exerçant sous la dénomination Immo-Clef, a donné mandat à Mme G. de la représenter auprès de la clientèle dans la recherche d'éventuels acquéreurs, de prospecter les biens immobiliers à vendre, de rechercher d'éventuels acquéreurs, d'assister la clientèle dans toutes les formalités nécessaires à l'aboutissement de la transaction et plus généralement de réunir tous éléments utiles et nécessaires à la finalisation de l'acte authentique de vente.

Le contrat prévoyait outre la mission, qu'il soit mis à la disposition de Mme G. un local commercial sous l'enseigne [...], et qu'elle devrait assurer seule l'intégralité des frais liés à l'exercice de son activité professionnelle tels que les charges sociales et fiscales, les frais liés à l'embauche d'une éventuelle secrétaire, les fournitures de bureau, l'affranchissement, la publicité, les frais liés à l'entretien intérieur et extérieur des locaux ou encore les frais d'avocat personnel.

Par lettre en date du 12 octobre 2013, Mme C. a informé Mme G. de son souhait de mettre fin au contrat de mandat en vertu de l'article 2 du contrat.

Par acte extrajudiciaire en date du 11 octobre 2014, Mme G. a fait assigner Mme C. devant le Tribunal de commerce d'Evreux aux fins d'obtenir le paiement d'une somme de 161 221, 54 € assortie des intérêts de droit capitalisés au titre de son indemnité de rupture, une somme de 8 327,06 € au titre de commissions non réglées et 2 500 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par jugement en date du 9 juin 2016, le tribunal de commerce a :

- condamné Mme C. à verser à Mme G.:

la somme de 49 375,32 €, montant en principal des causes sus énoncées, avec intérêts au taux légal à compter d'octobre 2014, au titre des indemnités de rupture de contrat,

la somme de 5 525 € avec intérêt au taux légal à compter d'octobre 2014, au titre des sommes dues pour l'exécution du contrat,

la somme de 1 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

les dépens, dont frais de greffe de la présente décision,

- débouté Mme G. du surplus de ses prétentions,

- débouté Mme C. de ses demandes reconventionnelles,

- ordonné, sauf en ce qui concerne les dépens et l'article 700 du Code de procédure civile, l'exécution provisoire de la présente décision.

Par déclaration en date du 29 juin 2016, Mme C. a interjeté appel de ce jugement, et dans ses dernières conclusions en date du 13 février 2018, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé des moyens développés, demande à la cour, au visa des articles L. 132-12 et L. 132-13 du Code de commerce de:

- dire et juger Madame Françoise C. recevable et bien fondée en son appel,

- en conséquence, réformer le jugement dont appel en toutes ses dispositions,

- débouter Madame Françoise G. de toutes ses demandes, fins et conclusions,

- dire et juger Madame Françoise C. recevable et bien fondée en sa demande reconventionnelle,

- condamner en conséquence, Madame G. à payer à Madame C., la somme de 64 500 € à titre de dommages et intérêts,

- ordonner compensation éventuelle entre toutes dettes et créances réciproques,

- condamner Madame Françoise G. à payer à Madame Françoise C. une indemnité de 5 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile

- la condamner aux entiers dépens.

Mme G., dans ses dernières conclusions en date du 13 décembre 2016, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé des moyens développés, demande à la cour, au visa des articles 1134 et suivants, 1984 et suivants du Code civil, de l'article L. 134-12 du Code de commerce, et des articles 695 et suivants du Code de procédure civile, de:

- réformer le jugement du Tribunal de commerce d'Evreux en ce qu'il a refusé de faire droit à l'intégralité des demandes de Mme G.,

- condamner Mme C. à verser à Mme G. une somme de 161 221,54 euros, augmentée des intérêts de droit à compter de la présente assignation, capitalisés le cas échéant dans les conditions prescrites par l'article 1154 du Code civil,

- condamner Mme C. à verser à Mme G. la somme de 8 327, 06 euros, augmentée des intérêts de droit à compter de la présente assignation, capitalisés le cas échéant dans les conditions prescrites par l'article 1154 du Code civil,

-débouter Mme C. de l'ensemble de ses demandes,

- condamner Mme C. à verser à Mme G. une somme de 4 500 € au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,

- ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir, compte tenu de l'ancienneté de la créance,

- condamner Mme C. aux entiers dépens de première instance et d'appel que la SELARL G.S., avocats associés, sera autorisée à recouvrer, pour ceux-là concernant, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.

SUR CE

Au soutien de son appel, Mme C. fait principalement valoir qu'aux termes des disposions de l'article L. 134-12 du Code de commerce, une indemnité compensatrice n'est due à l'agent commercial que pour autant qu'il apporte la démonstration d'un préjudice qu'il subit du fait de la cessation du contrat; que Mme G. a retrouvé une activité de négociatrice dès la fin de son contrat de mandat, le 13 janvier 2014; qu'elle n'a connu aucune période d'interruption entre la fin de son contrat d'agent commercial et la signature d'un nouveau contrat de même nature avec l'agence Logis Déclic de Bourg Achard, de sorte qu'elle ne justifie d'aucun préjudice.

Elle expose, à titre subsidiaire, qu'aux termes de l'article L. 134-13 du Code de commerce, la faute grave peut provoquer la cessation du contrat; qu'entre 2010 et 2013, le chiffre d'affaire de l'agence de Thuit Signol a été divisé par 3,5 et qu'entre 2012 et 2013, ce même chiffre a également connu une diminution de plus de la moitié; que Mme G. préparait sa sortie de l'agence en détournant sa clientèle, ce qu'elle soupçonnait sans pouvoir en apporter la démonstration lorsqu'elle a décidé de mettre fin au contrat de mandat; que plusieurs mandats régularisés par Mme G. pour le compte de Mme C., notamment en 2012, ont été détournés à partir de mars et avril 2014 au bénéfice de l'agence LogisDéclic de Bourg Achard comme le démontrent les pièces produites aux débats ainsi que les attestations de Mme Priscilla P. et de Mr Jean-Marie D. qui confirment avoir été contactés par Mme G. au début du premier trimestre 2014; que le comptabilité de Mme G. produite aux débats, confirme que pour au moins deux biens, Mme G. a perçu des honoraires lorsqu'elle travaillait sous l'enseigne LogisDéclic pour des biens dont des mandats avaient été régularisés par elle alors qu'elle travaillait pour l'agence Immo Clef; que l'attestation de Mr M. prouve non seulement une violation de la clause de non-concurrence par Mme G., mais également que celle-ci l'a privé de la possibilité de vendre son agence à Mr M.; que les différentes pièces produites démontrent que le détournement de clientèle auquel s'est livré Mme G. l'a privé de la possibilité de réaliser des commissions pour un montant de 64 500 €.

Elle soutient qu'elle est parfaitement à jour à l'égard de l'intimée concernant le paiement des commissions; que concernant la facture du 31 octobre 2013 d'un montant de 1 500 €, un virement bancaire a été effectué pour 902 €, 598 € ayant été déduit au titre des frais d'avocat dus par Mme G.; qu'en ce qui concerne le bien B.-C., il convient de relever que Mr C. est le neveu de Mme C., de sorte qu'en raison des liens familiaux, c'est la concluante qui a régularisé la vente sans aucune forme de rémunération; que le montant réclamé au titre de la facture du 1er février 2014 a été écarté à juste titre par le tribunal de commerce compte tenu des frais de publicité assumés par Mme C.; qu'en février 2014, il a été procédé à une reddition des comptes accompagnée du règlement de la somme de 5 708, 94 € moyennant un virement bancaire à concurrence de ladite somme sur le compte de Mme G..

Elle sollicite subsidiairement et compte tenu des dommages et intérêts qu'elle demande aujourd'hui reconventionnellement au titre du préjudice en lien avec le détournement de clientèle, la compensation des sommes dues au titre d'éventuelles commissions et dommages et intérêts demandés.

Mme G. fait principalement valoir qu'elle est bien fondée à demander le paiement de l'indemnité compensatrice prévue à l'article L. 134-12 du Code de commerce; que conformément à l'usage et à la jurisprudence, le montant de cette indemnité est égale à deux années de commissions brutes perçues par l'agent, soit un commissionnement brut moyen perçu au cours des deux années de 161 221, 54 € comme le démontrent les grands livres des commissions perçues depuis 2009.

Elle réplique que Mme C. s'est abstenue de régler plusieurs factures qui étaient dues à Mme G. au titre de l'article V du contrat de mandat, pour un montant total de 8 327,06 €.

Elle indique que la demande indemnitaire de Mme C. fondée sur le détournement de clientèle a été soutenue pour la première fois, le 29 mars 2016, soit trois années après la rupture de la convention, alors qu'aucun reproche ne lui a jamais été fait en ce sens avant, détournement de clientèle qui n' est invoqué que pour les besoins de la cause; que Mme C. n'a pas vérifié si Mme G. avait effectivement régularisé les mandats de vente au sein de l'agence Logis Déclic et si ces biens ont effectivement été vendus, alors que pour les biens des époux L. et Montjean, des mandats ont été régularisés avant son arrivée à l'agence Logis Déclic; qu'en ce qui concerne les biens des consorts R. et N.-G., donnés à vendre par elle lorsqu'elle travaillait pour Mme C. ces derniers ont été proposés non pas par l'agence Logis Déclic où elle travaillait, mais par celle de Rouen.

- sur l'indemnité de rupture

L'article L. 134-12 du Code de commerce dispose que 'En cas de cessation de ses relations avec le mandant, l'agent commercial a droit à une indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi.'

Selon l'article L. 134-13 1° du même code la réparation prévue à l'article L.134-12 n'est pas due lorsque la cessation du contrat est provoquée par la faute grave de l'agent commercial.

L'article L. 134-16 prévoit qu'est réputée non écrite toute clause ou convention contraire aux dispositions des...articles L. 134-12 et L. 134-13...'

- sur le principe du droit à indemnité

L'indemnité de cessation de contrat due à l'agent commercial a, certes, pour objet de réparer le préjudice qui comprend la perte de toutes les rémunérations acquises lors de l'activité développée dans l'intérêt commun, sans qu'il y est lieu de distinguer, selon leur nature, comme le rappelle, à juste titre, Mme C..

Toutefois, il résulte du caractère d'ordre public des dispositions de l'article L. 134-12 du Code de commerce que l'indemnisation de l'agent commercial est due du seul fait de la cessation des relations imputable au mandant. Elle n'est pas subordonnée à la preuve d'un préjudice. Le fait que Mme G. n'a connu aucune période d'interruption entre la fin de son contrat d'agent commercial régularisé avec Mme C. et la signature d'un nouveau contrat de même nature avec l'agence Logisdeclic de Bourg Achard est donc sans incidence sur le principe du droit à indemnité.

La demande en paiement de Mme G. est, par conséquent, fondée en son principe.

- sur la faute grave

Pour s'opposer au paiement d'une indemnité de rupture, Mme C. se prévaut du manquement de Mme G. à son devoir de loyauté en ce qu'elle s'est livrée à un détournement de la clientèle de Mme C. au bénéfice de l'agence Logisdéclic, constitutif d'une faute grave.

La faute grave est celle qui porte atteinte à la finalité commune du mandat d'intérêt commun et rend impossible le maintien du lien contractuel.

Il appartient au mandant de rapporter la preuve d'une telle faute.

En l'espèce, Mme C. a, dans sa lettre du 12 octobre 2013, à Mme G., motivé la rupture dans les termes suivants : ' Comme j'ai eu l'occasion de vous l'indiquer, je constate que les objectifs que nous avions fixés ensemble, dans le contrat de mandataire, ne sont plus atteints depuis plusieurs mois, ce qui m'oblige à envisager une restructuration de mon activité d'agent immobilier.'

Mme C. n'y fait pas état de l'existence d'une faute grave, à savoir un détournement de sa clientèle, que Mme G. aurait commise dans l'exécution de son mandat.

Le mandant peut toujours, même si elle s'est révélée postérieurement à la rupture du contrat, faire état de l'existence d'une faute commise antérieurement, à moins qu'il n'en ait eu connaissance et qu'il l'ait tolérée en ne lui reprochant aucune faute grave avant la rupture du contrat, ce qui n'est pas invoqué en l'espèce, de sorte qu'il est indifférent que ce grief ait été soutenu, pour la première fois, le 29 mars 2016, c'est-à-dire, près de trois ans après la rupture, comme le souligne Mme G..

Il est constant qu'un contrat d'agent commercial a été signé entre la SARL Maj Immo exerçant sous l'enseigne Logisdeclic, et Mme Françoise G., le 25 février 2014.

Pour preuve d'un détournement de clientèle, Mme C. produit six mandats de vente régularisés par Mme G. sous l'enseigne Immo-Clef entre le 07 décembre 2010 et le 31 juillet 2013 pour des biens qui ont été ensuite effectivement mis en ligne en vue de leur vente par l'agence immobilière Logisdeclic de Bourg-Achard entre le 08 avril et le 02 mai 2014.

Force est de constater que cette mise en ligne reprochée à Mme G. est postérieure à la rupture du contrat d'agent commercial conclu avec Mme C., à effet au 15 janvier 2014, date retenue par le tribunal comme étant celle de l'expiration du délai de préavis et qui n'est pas sérieusement discutée.

Par ailleurs, il s'agit de mandats de vente simples à l'exception du mandat de vente signé par les consorts N. et Ribeiro le 07 décembre 2010 mais valable pour une durée de deux ans, et partant expiré depuis le 07 décembre 2012, étant observé que ce bien a été mis en ligne par Logisdéclic le 08 avril 2014 soit 16 mois après l'expiration du mandant exclusif, de sorte que les vendeurs étaient libres de confier leurs biens à l'agence Logisdéclic sans pour autant avoir été démarché par Mme G. en ce sens, avant la rupture du contrat.

Il en est de même des deux mandats de vente régularisés par Mme G., respectivement les 10 octobre et 26 novembre 2013, de biens dépendant de successions et vendus par l'agence Logisdeclic ainsi qu'il résulte des documents comptables pour l'exercice 2015 produits par Mme G., s'agissant de mandats simples. La vente de ces biens pouvait être confiée à d'autres agences par leurs propriétaires, et la preuve de leur démarchage par Mme G. pour le compte de l'agence Logisdeclic avant la rupture du contrat n'est pas reapportée. Ils ne démontrent pas davantage que Mme G. avait préparé son départ de l'agence Immo Clef dès qu'elle a su que Mme C. avait décidé de faire valoir ses droits à la retraite fin 2013, et que par voie de conséquence, l'agence Immo Clef serait à vendre, comme le prétend Mme C., étant observé que Mme G. se devait de respecter un délai de préavis de 3 mois et poursuivre son activité pendant cette période. Cela n'explique pas davantage que le chiffre d'affaires entre 2012 et 2013 ait été divisé par 2, passant de 65 571,03 € à 30 873,73 €, comme l'indique l'appelante.

L'attestation de M. M., selon laquelle il n'a pas donné suite à son projet de reprise de l'agence en fin d'année 2013-2014 lorsqu'il a appris que Mme G. préparait son départ de cette agence notamment en reprenant les clients vendeurs, ne rapporte pas davantage la preuve des agissements fautifs de cette dernière, en l'absence d'indication précise quant à sa source d'information.

Il en est de même de l'attestation de Mme Valérie C., fille de l'appelante, qui indique que sa mère lui a proposé à la même époque de reprendre l'agence, et qu'elle a alors constaté que Mme G. avait très vite préparé son départ en vue de son installation à Bourg-Achard, plusieurs clients de l'agence Immo Clef lui ayant indiqué à l'époque avoir été recontactés par Mme G.. Elle y précise que les clients lui avaient d'ailleurs donné les flyers qu'elle mettait dans la boîte aux lettres et que certains avaient 'resigné' des mandats de vente. Or, cette attestation ne suffit pas à elle seule à établir que Mme G. a démarché lesdits clients avant la rupture du contrat signé avec Mme C., aucune attestation de leur part ne venant conforter les déclarations de Mme C..

Au vu des attestations produites par Mme C., à savoir celles de Mme Priscilla P. et M. Jean-Marie D., seuls ces deux clients de l'agence Immo Clef ont été contactés par Mme G. afin de vendre leur bien au cours du premier trimestre de 2014 pour le compte d'une nouvelle agence, selon leurs déclarations.

Ces deux seuls témoignages, qui restent imprécis quant à la date à laquelle Mme G. les a contactés, sont insuffisants pour caractériser la faute grave reprochée à Mme G. d'un détournement de clientèle pendant la durée de son mandat, et partant susceptible d'être invoqué comme faute grave justifiant la rupture du contrat.

La preuve d'une faute grave imputable à Mme G. n'étant pas rapportée, Mme C. est par conséquent redevable de l'indemnité de rupture prévue à l'article L. 132-14 du Code de commerce.

Le tribunal a estimé le préjudice financier de Mme G. à la somme de 49 375,32 € en prenant comme année de référence, la moyenne entre 2012 et 2013 (en extrapolant l'année 2013 sur 12 mois).

Mme G. produit les commissions perçues en 2009, 2010, 2011, 2012 et 2013 dont les montants ne sont pas contestés par Mme C..

Comme invoqué en première instance, Mme G. estime son préjudice à deux années de commissions moyennes pendant la période de 2009 à 20013, soit la somme de 161 221,54 €.

L'article L. 134-12 du Code de commerce dispose qu'en cas de cessation de ses relations avec le mandant, l'agent commercial a droit à une indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi.

Aucune disposition législative ou réglementaire ne détermine les modalités de calcul de cette indemnité, et les dommages et intérêts doivent être appréciés en fonction des rémunérations antérieurement perçues par l'agent commercial, de la durée de ses fonctions, et du préjudice effectivement subi, correspondant à la perte des commissions auxquelles l'agent aurait pu raisonnablement prétendre dans la poursuite du mandat.

En l'espèce, le tribunal a alloué à Mme G. la somme de 49 375,32 € soit une année de commissions, correspondant à une perte de revenus couvrant la période du 01 février 2014 au 30 janvier 2015, en prenant pour référence les deux dernières années d'exercice du mandat. Il a retenu une attestation d'un client du 27 janvier 2015 ainsi qu'une carte publicitaire qui permettent de croire qu'elle a pu retrouver une activité similaire en profitant de son expérience technique et territoriale à partir de janvier 2015.

En l'espèce, la durée des relations commerciales s'étend du 02 avril 2009 au 15 janvier 2014, soit 4 ans et 9 mois.

Comme le relève à juste titre le tribunal la baisse du montant des commissions a été conséquente entre 2012 et 2013, ce qui s'explique par l'évolution générale du marché immobilier de ces deux années.

Il y a lieu effectivement de tenir compte de la situation du marché immobilier au cours des deux dernières années d'activité de Mme G. avec l'extrapolation opérée par la juridiction de première instance pour 2013, et de prendre pour référence les deux années précédant la cessation du contrat. Il est, par ailleurs, établi en cause d'appel que Mme G. a retrouvé très rapidement une activité similaire puisqu'elle signait un contrat d'agent commercial le 25 février 2014.

Au vu de ces éléments, la somme allouée par le tribunal correspond à une juste évaluation du préjudice subi par Mme G. lié à la rupture du contrat.

Il convient, en conséquence de condamner Mme C. à payer à Mme G. la somme de 98 750,63 € ou 49 375,32 € augmentée des intérêts au taux légal à compter du 11 octobre 2014, date de l'assignation.

La décision entreprise sera réformée en ce sens.

- sur les sommes dues au titre de l'exécution du contrat

Comme en première instance, Mme G. sollicite la somme de 8 327,06 € au titre des quatre factures restées impayées.

Mme C. réplique que Mme G. a été réglée de l'intégralité de ses commissions.

Mme G. réclame le règlement des factures de commissions suivantes :

- facture n° 014/002 du 14 février 2014 pour un montant de 5 525 €

- facture du 01er février 2014 pour un solde de 102,06 €

- factures du 11 octobre 2013 (15%) 1 500 €

- factures du 02 mai 2013 (15%) 1 200 €

En ce qui concerne la facture du 14 février 2014 pour un montant de 5 525 €, Mme G. se prévaut de l'existence d'une reddition des comptes, courant février 2014, accompagnée du règlement de la somme de 5 708,94 € par virement bancaire sur le compte de Mme G..

S'il est effectivement justifié du règlement de cette somme par Mme G., il ne s'agit nullement, au vu du virement (pièce n°14 du dossier de Mme C.) d'une reddition des comptes mais d'un règlement faisant référence à un dossier en particulier, à savoir M./Van N. dossier 13/11, alors que la facture réclamée fait référence au dossier Lesort P./ Turquety.

Mme C. ne justifiant donc pas du règlement de la facture du 14 février 2014, c'est à bon droit qu'elle a été condamnée au paiement de cette somme par le tribunal.

En ce qui concerne la facture du 01er février 2014 pour un solde de 102,06 €, il ressort des pièces produites qu'elle correspond à la commission due dans un dossier M./Van N. dossier 13/11 qui s'élevait à la somme de 5 811 € sur laquelle Mme C. a réglé la somme de 5 708,94 € en retenant 60 € comme étant un avoir fait à M. M. par Mme G. 'pour lui être agréable' et 81,06 € pour frais de publicité.

Mme G. justifie de ce qu'elle a réglé à Mme C. la somme de 81,06 €. En ce qui concerne les 60 €, Mme G. a calculé sa commission sur 8 940 € soit (9 000 € - 60 €) de sorte qu'il n'y a pas lieu de procéder à une nouvelle déduction de cette somme.

Il reste donc dû une somme de 102,06 € au paiement de laquelle doit être condamnée Mme C..

En ce qui concerne la facture du 11 octobre 2013, elle a été établie pour un montant de 1 500 € dans un dossier A./D. sur laquelle Mme C. a réglé la somme de 502 € après déduction d'une somme de 598 € correspondant à des honoraires d'avocat.

Mme G. indique que ces honoraires sont le résultat de la sollicitation par Mme L., négociatrice au sein de l'agence Immoclef, de l'avocat dont les honoraires ont été imputés sur sa commission.

S'il est effectivement justifié d'une consultation auprès d'un avocat, Mme C. ne rapporte pas la preuve qu'elle a été sollicitée par Mme G. pour l'un de ces dossiers, et plus particulièrement le dossier A./D., ce d'autant que la facture d'honoraires de consultation est libellé '(dossiers J./S. et autres).

Mme C. est donc redevable de la somme de 598 € réclamée.

En ce qui concerne la facture du 02 mai 2013 correspondant à une commission de 15% sur des honoraires d'agence d'un montant de 8 000 €. Mme C. indique que pour des raisons évidentes tenant aux liens familiaux qui l'unissaient à M. Alexis C., son neveu, elle a régularisé le compromis de vente 'en direct' pour le compte de ce dernier, et ce sans aucune forme de rémunération.

S'il est effectivement justifié de ce que le bien a été vendu à M. Alexis C., au vu du compromis de vente, le débiteur de la commission est Mme B. Edith, le vendeur, dont il n'est pas soutenu qu'elle a des liens familiaux avec Mme C., de sorte que rien ne permet de conclure qu'aucune commission n'a été versée à Mme C. qui est par conséquent redevable de la somme de 1 200 € réclamée.

Il convient, en conséquence, de condamner Mme C. au paiement de la somme de 8 327,06 € augmentée des intérêts au taux légal à compter du 11 octobre 2014; le jugement entrepris sera infirmé sur ce point.

- sur la capitalisation des intérêts

Aucun élément ne s'oppose à ce qu'il soit fait application des dispositions de l'article 1154 du Code civil, la capitalisation sera ordonnée pour les intérêts échus à compter du 11 octobre 2014, date de l'assignation et de la demande, dès lors qu'ils seront dus depuis plus d'une année.

- sur la demande reconventionnelle

Mme C. sollicite le paiement de la somme de 64 500 € à titre de dommages et intérêts au titre du préjudice subi du fait de détournement de clientèle commis par Mme G..

Selon l'article VII 'Clause de non concurrence', 'en cas de rupture du présent contrat, le mandataire s'interdit expressément de s'intéresser directement ou indirectement à toute entreprise concurrente de Mme Françoise C..

Cette interdiction portera sur un périmètre de 30 kms (trente kilomètres) à vol d'oiseau autour de Thuit Signol (27370) et s'appliquera pendant une durée d'un an à compter du jour de la rupture du contrat.

En cas de violation de cette clause de non concurrence constatée par décision de justice, le point de départ du délai d'un an prévu ci-dessus sera reporté au jour où la décision de justice deviendra définitive.'

Il est versé aux débats un contrat d'agent commercial signé par Mme Françoise G. avec la SARL Maj Immo, enseigne Logisdéclic, dont le siège est à [...], signé le 25 février 2014, ainsi qu'une carte commerciale 'Logisdéclic - Agences immobilières', qui mentionne l'adresse de l'agence de [...], et comme conseiller, 'Françoise G.' , et qui est située à 16,6 kms de l'agence de Immoclef de Mme C., ainsi qu'il résulte du plan mappy produit par Mme C..

Il ressort de ces éléments qu'en signant un contrat d'agent commercial avec une agence immobilière située à moins de 30 kms à vol d'oiseau de l'agence Immoclef, un peu moins d'un mois et demi après la rupture du contrat conclu avec Mme C., Mme G. a violé la clause de non-concurrence ci-dessus rappelée.

Mme C. considère qu'elle s'est vue privée de la possibilité de réaliser des commissions qui s'élèvent à la somme de 64.500 € par référence aux mandats de vente qui avaient été confiés à l'agence Immoclef.

Or, le préjudice de Mme C. s'analyse en la perte d'une chance de réaliser les ventes. Son estimation ne peut donc correspondre au montant des commissions qu'elle aurait perçues si les opérations avaient été effectivement conclues.

Au vu des éléments produits, il convient d'évaluer le préjudice à la somme de 10 000 € au paiement de laquelle Mme G. sera donc condamnée.

- sur la compensation

En application de l'article 1348 du Code civil, la compensation entre les créances des parties sera ordonnée.

- sur les autres demandes

Chacune des parties succombant partiellement en cause d'appel, il ne paraît pas inéquitable de laisser à leur charge les frais irrépétibles qu'elles ont exposés en première instance comme en cause d'appel

Mme C. sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel.

Par ces motifs, LA COUR, statuant contradictoirement, Infirme la décision entreprise sauf en ce qu'elle a condamné Mme C. aux dépens, et statuant à nouveau, et y ajoutant : condamne Mme C. à payer à Mme G. : la somme de 49 375,32 € augmentée des intérêts au taux légal à compter du 11 octobre 2014 au titre de l'indemnité de rupture du contrat d'agent commercial, la somme de 8 327,06 € augmentée des intérêts au taux légal à compter du 11 octobre 2014 au titre du solde des commissions, dit que les intérêts échus à compter du 11 octobre 2014 produiront eux-mêmes intérêts au taux légal dès lors qu'ils seront dus depuis plus d'une année; condamne Mme G. à payer à Mme C. la somme de 12 000 € à titre de dommages et intérêts; ordonne la compensation entre les sommes réciproquement dues par les parties; déboute les parties de leur demande respective sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile; condamne Mme C. aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du Code de procédure civile au profit de la SELARL G.S., avocats associés, qui le demande.