CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 19 septembre 2018, n° 16-10057
PARIS
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Mercier Automobiles (SAS)
Défendeur :
Loeuille (ès qual.), Auto Bilan Lomme (SARL), Villeneuve Auto Bilan (SARL), Villeneuve Auto Contrôle (SARL), Mercier (ès qual.)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Luc
Conseillers :
Mmes Mouthon Vidilles, Comte
Avocats :
Mes Teytaud, Jeanson, Lequint, Bernabe, Chatelain
Faits et procédure
La société Mercier Automobiles est spécialisée dans la vente au détail de véhicules d'occasion aux enchères en magasin. Elle dispose de deux sites de vente aux enchères de véhicules d'occasion à Marcq en Baroeuil et à Vendeville à partir desquels elle organise les ventes. Les sociétés Villeneuve Auto Contrôle, ci-après la société VAC, Villeneuve Auto Bilan, ci-après la société VAB, et Auto Bilan Lomme, ci-après la société ABL, réalisent des contrôles techniques automobiles.
Chacun des véhicules vendus par la société Mercier Automobiles doit faire l'objet d'un contrôle technique préalable. C'est dans ces conditions que, depuis 1996, la société Mercier Automobiles confiait ses véhicules pour contrôle aux sociétés VAC, VAB et ABL dont M. Haentjens est le gérant. La société VAB était en charge des véhicules mis en vente sur le site de Marcq en Baroeuil, la société ABL de ceux mis en vente sur le site de Vendeville et la société VAC contrôlait tant les véhicules mis en vente à Vendeville qu'à Marcq en Baroeuil.
Le 8 novembre 2011, la société Mercier Automobiles a envoyé au gérant des sociétés Villeneuve Auto Contrôle, ci-après la société VAC, Villeneuve Auto Bilan, ci-après la société VAB, et Auto Bilan Lomme, ci-après la société ABL, un projet de convention, afin de formaliser leurs relations commerciales et prévoyant le recours possible par la société Mercier Automobiles, à une autre société de contrôle technique.
Le 29 décembre 2011, M. Haentjens a adressé un courriel à la société Mercier Automobiles rédigé comme suit " j'ai appris malgré notre conversation que vous avez fait appel au centre de M. Dorge pour effectuer vos contrôles à partir de lundi 2 janvier 2012. Comme je vous l'avais précisé sur le contrat que vous ne m'avez toujours pas retourné signé, je ne peux pas accepter de partager les volumes avec un autre centre, car il est très facile de prendre une petite partie sans trop de charges. Par contre, pour effectuer de gros volumes dans les meilleures conditions possibles, des moyens humains très importants sont nécessaires. C'est avec regret que mon équipe va vous rapporter les véhicules en stock dans nos centres dès demain vendredi 30 décembre 2011 ".
Le 13 juin 2013, les sociétés VAC, VAB et ABL ont adressé à la société Mercier Automobiles une mise en demeure de payer des dommages et intérêts pour rupture brutale de relations commerciales établies.
Le 16 juillet 2013 les sociétés VAC, VAB et ABL ont assigné la société Mercier Automobiles sur le fondement de la rupture brutale des relations commerciales établies devant le Tribunal de commerce de Lille Métropole.
Le 30 septembre 2013, le Tribunal de commerce de Lille Métropole a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'encontre des sociétés VAB, ABL et VAC et a désigné Me Mercier en qualité d'administrateur judiciaire et Me Loeuille en qualité de mandataire de chacune des sociétés. Me Emmanuelle Loeuille est le mandataire liquidateur de la société ABL, Me Jean-Luc Mercier est le commissaire à l'exécution du plan de la société AVC.
Par jugement du 13 mars 2014, le Tribunal de commerce de Lille Métropole a renvoyé les affaires devant le Tribunal de commerce de Paris.
Le 26 février 2014, le Tribunal de commerce de Lille Métropole a converti la procédure de redressement judiciaire de la société ABL en liquidation judiciaire et a désigné Me Loeuille en qualité de liquidateur.
Le 18 mars 2015, le Tribunal de commerce de Lille Métropole a arrêté le plan de redressement des sociétés VAC et VAB et a désigné Me Mercier en qualité de commissaire à l'exécution des plans. Par jugement du 21 décembre 2015, le Tribunal de commerce de Paris a :
- reçu Me Emmanuel Loeuille, ès qualités de mandataire judiciaire liquidateur de la société ABL nommé par jugement du Tribunal de commerce de Lille Métropole du 26 février 2014 et Me Jean-Luc Mercier, ès qualité d'administrateur judiciaire de la même société, en leurs interventions volontaires, et les y a déclaré bien fondés,
- dit que la société Mercier Automobiles qui n'a donné aucun délai de prévenance, est à l'origine de la rupture totale du 31 décembre 2011 et qu'elle en est responsable,
- fixé la durée du préavis dû pour la rupture de cette relation de plus de 15 ans à six mois, conformément à la demande,
- condamné la société Mercier Automobiles à payer à Me Emmanuel Loeuille, ès qualités de mandataire judiciaire liquidateur de la société ABL, la somme de 41 395 euros, majorée des intérêts au taux légal à compter du présent jugement, à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice causé par la brutalité de la rupture de la relation commerciale établie,
- débouté la société Mercier Automobiles de l'ensemble de ses demandes reconventionnelles,
- condamné la société Mercier Automobiles à payer à Me Emmanuel Loeuille, ès qualités de mandataire judiciaire liquidateur de la société ABL la somme de 3 500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
- débouté les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires,
- ordonné l'exécution provisoire, sans garantie à hauteur de 3 500 euros, montant de la condamnation au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, et avec garantie pour le solde et a dit que cette ou ces garanties pourront prendre la forme, au choix de Me Emmanuel Loeuille, ès qualités, d'une caution bancaire, d'un séquestre à la caisse des dépôts et consignations ou d'une fiducie sûreté respectant les dispositions des articles 2018 et 2372-2 du Code civil, au profit de la société Mercier Automobiles, les sommes ainsi garanties n'étant libérales qu'au profit de l'une ou l'autre des parties qu'au vu d'une décision de justice passée en force de chose jugée ou d'un accord des deux parties pour un paiement ou une libération totale ou partielle de ce solde,
- condamné la société Mercier Automobiles aux dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 144,84 euros dont 23,92 euros de TVA.
Par jugement rectificatif du 4 mars 2016, le Tribunal de commerce de Paris a :
- dit que Me Emmanuel Loeuille, ès qualités de mandataire judiciaire liquidateur de la société ABL et Me Jean-Luc Mercier, ès qualités d'administrateur judiciaire de la société ABL étaient bien fondés en leur requête formée en application de l'article 462 du Code de procédure civile et a rectifié comme suit le jugement entrepris,
- dit que la motivation aurait dû être la suivante :
" ...Mais qu'il convient en tout état de cause de retenir pour base de calcul la moyenne des chiffres d'affaires 2010 et 2011, de 177 725 euros, la moitié s'élevant à 44 431 88,862 euros dont il y a lieu de déduire le CA 2012 de 857 euros, ce qui donne une base de chiffre d'affaires de 43 574 88,005 euros,
Mais attendu que, même si, pour l'exercice de l'activité de contrôle technique, les charges qui correspondent à des consommables, sont d'un montant non significatif, il ne peut raisonnablement être considéré qu'elles sont nulles, que la marge sur coûts variable qui aurait dû être dégagée au premier semestre est donc nécessairement inférieure au chiffre d'affaires, qu'avec les éléments en sa possession, le tribunal est en mesure de l'évaluer à 95 % du chiffre d'affaires,
Que le tribunal dispose ainsi des éléments suffisants d'appréciation pour arrêter le préjudice subi par la société Auto-Bilan Lomme du fait de la brutalité de la rupture de la relation imposée par la société Mercier Automobiles, à la somme de (95 % x 43 574 88 005) 41 306 836,04 euros, majorée des intérêts au taux légal au jour du jugement, que cette dernière sera condamnée à payer à Me Emmanuel Loeuille, ès qualités de mandataire judiciaire liquidateur de la société Auto-Bilan Lomme, à titre de dommages et intérêts. "
- dit que le dispositif du jugement doit être rectifié en ce qui concerne le montant des dommages et intérêts dus par la SAS Mercier Automobiles, qui s'élève à 83.604 euros et non pas 41 395 euros, dans les termes suivants :
" Condamne la société Mercier Automobiles à payer à Me Emmanuel Loeuille, ès qualités de mandataire judiciaire liquidateur de la société ABL, la somme de 83 604 euros, majorée des intérêts au taux légal à compter du présent jugement, à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice causé par la brutalité de la rupture de la relation commerciale établie ",
- ordonné que conformément aux articles 462 et 463 du Code de procédure civile, mention de la présente décision sera portée sur la minute et sur les expéditions du jugement et qu'elle sera notifiée comme celui-ci,
- autorisé, conformément aux dispositions de l'article 465 du même Code, Monsieur le greffier de ce tribunal à délivrer une expédition comportant la formule exécutoire,
- dit que les dépens de la présente instance seront à la charge du trésor public.
Par un autre jugement du 21 décembre 2015, le Tribunal de commerce de Paris a :
- reçu Me Jean-Luc Mercier, ès qualités de commissaire à l'exécution du plan de la société VAB nommé par jugement du Tribunal de commerce de Lille Métropole du 18 mars 2015 et Me Emmanuel Loeuille, ès qualité de mandataire judiciaire maintenu par ce même jugement, en leurs interventions volontaires, et les y a déclarés bien fondés,
- dit que la société Mercier Automobiles qui n'a donné aucun délai de prévenance est à l'origine de la rupture totale du 31 décembre 2011 et qu'elle en est responsable,
- fixé la durée de préavis dû pour la rupture de cette relation de plus de 15 ans à 6 mois, conformément à la demande,
- condamné la société Mercier Automobiles à payer à l'EURL VAB la somme de 71 060 euros, majorée des intérêts au taux légal à compter du jugement, à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice causé par la brutalité de la rupture de la relation établie,
- débouté la société Mercier Automobiles de l'ensemble de ses demandes reconventionnelles,
- condamné la société Mercier Automobiles à payer à l'EURL VAB la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
- débouté les parties de leurs demandes autres plus amples ou contraires,
- ordonné l'exécution provisoire sans constitution de garantie,
- condamné la société Mercier Automobiles aux dépens dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 168,24 euros dont 27,82 euros de TVA.
Par un troisième jugement du 21 décembre 2015, le Tribunal de commerce de Paris a :
- reçu Me Jean-Luc Mercier, ès qualités de commissaire à l'exécution du plan de la société VAC nommé par jugement du Tribunal de commerce de Lille Métropole du 18 mars 2015 et Me Emmanuel Loeuille, ès qualité de mandataire judiciaire maintenu par ce même jugement, en leurs interventions volontaires, et les y a déclaré bien fondés,
- dit que la société Mercier Automobiles qui n'a donné aucun délai de prévenance est à l'origine de la rupture totale du 31 décembre 2011 et qu'elle en est responsable,
- fixé la durée de préavis dû pour la rupture de cette relation de plus de 15 ans à 6 mois, conformément à la demande,
- condamné la société Mercier Automobiles à payer à la société VAC la somme de 9 731 euros, majorée des intérêts au taux légal à compter du jugement, à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice causé par la brutalité de la rupture de la relation établie,
- débouté la société Mercier Automobiles de l'ensemble de ses demandes reconventionnelles,
- condamné la société Mercier Automobiles à payer à l'EURL VAB la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
- débouté les parties de leurs demandes autres plus amples ou contraires,
- ordonné l'exécution provisoire sans constitution de garantie,
- condamné la société Mercier Automobiles aux dépens dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 168,24 euros dont 27,82 euros de TVA.
La société Mercier Automobiles a relevé appel de ce jugement par déclaration remise au greffe le 2 mai 2016.
La jonction des affaires enregistrées sous les numéros de rôle 16/10065, 16/10067 avec l'affaire 16/10057 par ordonnance du 10 janvier 2017.
La procédure devant la cour a été clôturée le 5 juin 2018.
LA COUR
Vu les conclusions du 7 mai 2018 par lesquelles la société Mercier Automobiles, appelante, invite la cour, au visa des articles L. 4442-6, I, 5° du Code de commerce, à :
- réformer le jugement du Tribunal de commerce de Paris du 21 décembre 2015 (RG 2014040618) en toutes ses dispositions,
- constater, dire que la rupture des relations commerciales est imputable à la société VAB, - constater qu'elle n'a commis aucune faute à l'égard de la société VAB,
- constater que le préjudice revendiqué par la société VAB n'est pas justifié et totalement disproportionné,
en conséquence,
- la débouter de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions, subsidiairement,
- dire que sa responsabilité ne pourrait être retenue que pour rupture partielle de ses relations commerciales avec la société VAB et qu'en conséquence le préjudice indemnisable à ce titre se limite à la perte de 25 % de sa marge brute totale sur 4 mois,
en tout état de cause,
- constater que la société VAB a gravement manqué à ses obligations contractuelles en restituant du jour au lendemain l'intégralité des véhicules qui lui avaient été confiés et s'est ainsi privée de tout préavis,
- la condamner à lui payer la somme de 5 000 euros pour procédure abusive,
- la condamner à lui payer la somme de 8 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,
- la condamner aux entiers dépens de première instance et d'appel dont distraction au profit de Me François Teytaud dans les conditions de l'article 699 du Code de procédure civile ;
Vu les conclusions du 7 mai 2018 par lesquelles la société Mercier Automobiles, appelante, invite la cour, au visa des articles L. 442-6, I, 5° du Code de commerce, à :
- réformer le jugement du Tribunal de commerce de Paris du 21 décembre 2015 (RG 2014040618) en toutes ses dispositions,
- constater, dire et juger que la rupture des relations commerciales est imputable à la société VAC,
- constater qu'elle n'a commis aucune faute à l'égard de la société VAC,
- constater que le préjudice revendiqué par la société VAC n'est pas justifié et totalement disproportionné,
en conséquence,
- la débouter de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions, subsidiairement,
- dire que la responsabilité de la société Mercier Automobiles ne pourrait être retenue que pour rupture partielle de ses relations commerciales avec la société VAC et qu'en conséquence le préjudice indemnisable à ce titre se limite à la perte de 25 % de sa marge brute totale sur 4 mois, en tout état de cause,
- constater que la société VAC a gravement manqué à ses obligations contractuelles en restituant du jour au lendemain l'intégralité des véhicules qui lui avaient été confiés et s'est ainsi privée de tout préavis,
- la condamner à lui payer la somme de 5 000 euros pour procédure abusive, - la condamner à lui payer la somme de 8 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,
- la condamner aux entiers dépens de première instance et d'appel dont distraction au profit de Me François Teytaud dans les conditions de l'article 699 du Code de procédure civile ;
Vu les conclusions du 7 mai 2018 par lesquelles la société Mercier Automobiles, appelante, invite la cour, au visa des articles L. 442-6, I, 5° du Code de commerce, à :
- réformer le jugement du Tribunal de commerce de Paris du 21 décembre 2015 (RG 2014040618) en toutes ses dispositions,
- constater, dire et juger que la rupture des relations commerciales est imputable à la société ABL,
- constater qu'elle n'a commis aucune faute à l'égard de la société ABL,
- constater que le préjudice revendiqué par la société ABL n'est pas justifié et totalement disproportionné,
en conséquence,
- la débouter de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions, subsidiairement,
- dire que la responsabilité de la société Mercier Automobiles ne pourrait être retenue que pour rupture partielle de ses relations commerciales avec la société ABL et qu'en conséquence le préjudice indemnisable à ce titre se limite à la perte de 25 % de sa marge brute totale sur 4 mois, en tout état de cause,
- constater que la société ABL a gravement manqué à ses obligations contractuelles en restituant du jour au lendemain l'intégralité des véhicules qui lui avaient été confiés et s'est ainsi privée de tout préavis,
- la condamner à lui payer la somme de 5 000 euros pour procédure abusive,
- la condamner à lui payer la somme de 8 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,
- la condamner aux entiers dépens de première instance et d'appel dont distraction au profit de Me François Teytaud dans les conditions de l'article 699 du Code de procédure civile ;
Vu les conclusions du 25 mai 2018 par lesquelles la société VAB, intimée, demande à la cour, au visa de l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce et des dispositions du décret n° 2012-1444 en date du 24 décembre 2012, de :
- confirmer purement et simplement le jugement rendu par le Tribunal de commerce de Paris du 21 décembre 2015 (n° 2014040618),
- débouter la société Mercier Automobiles de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
- y ajoutant, la condamner à payer la somme de 8 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,
- la condamner aux entiers frais et dépens de première instance et d'appel dont distraction pour ces derniers au profit de Me Bernabe, avocat aux offres de droit ;
Vu les conclusions du 25 mai 2018 par lesquelles la société VAC, intimée, demande à la cour, au visa de l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce et des dispositions du décret n° 2012-1444 en date du 24 décembre 2012, de :
- confirmer purement et simplement le jugement rendu par le Tribunal de commerce de Paris du 21 décembre 2015 (n° 2014040638),
- débouter la société Mercier Automobiles de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
- y ajoutant, la condamner à payer la somme de 8 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,
- la condamner aux entiers frais et dépens de première instance et d'appel dont distraction pour ces derniers au profit de Me Bernabe, avocat aux offres de droit ;
Vu les conclusions du 25 mai 2018 par lesquelles la société ABL, intimée, demande à la cour, au visa de l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce et des dispositions du décret n° 2012-1444 en date du 24 décembre 2012, de :
- confirmer purement et simplement le jugement rendu par le Tribunal de commerce de Paris du 21 décembre 2015 (n° 2014040638),
- débouter la société Mercier Automobiles de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
- y ajoutant, la condamner à payer la somme de 8 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,
- la condamner aux entiers frais et dépens de première instance et d'appel dont distraction pour ces derniers au profit de Me Bernabe, avocat aux offres de droit ;
Sur ce
LA COUR se réfère, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens échangés et des prétentions des parties, à la décision déférée et aux dernières conclusions échangées en appel.
En application de l'article 954 alinéa 2 du Code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions.
Sur la rupture brutale des relations commerciales établies
La société Mercier Automobiles conteste être responsable d'une rupture brutale des relations commerciales établies : elle considère que la rupture a été initiée par M. Haentjens, dirigeant des sociétés VAB, VAC et ABL et que la cessation du courant d'affaires lui est exclusivement imputable. Elle indique qu'elle n'était liée par aucune convention d'exclusivité avec les sociétés VAB, VAC et ABL et était alors en droit de recourir au service d'une entreprise concurrente. Elle soutient que M. Haentjens a indiqué en 2011 être hostile à la poursuite des relations commerciales sans maintien de l'exclusivité de fait et a exigé une exclusivité contractuelle. Il aurait indiqué dans son courriel du 29 décembre 2011 rapporter tous les véhicules en stock, ce que la société Mercier Automobiles considère constituer une volonté de rupture. Elle estime que son refus est l'unique cause de l'arrêt ultérieur du courant d'affaires entre les parties, et du chiffre d'affaires entre elles. Elle explique également que M. Haentjens n'a pas repris contact avec elle. Ainsi, la cessation du courant d'affaires est exclusivement imputable aux sociétés VAB, VAC et ABL.
Les sociétés VAB, VAC et ABL soutiennent que la société Mercier Automobiles a décidé sans explication et sans préavis de confier les contrôles techniques à une société concurrente dès le mois de janvier 2012. Elle estime que son chiffre d'affaires réalisé avec la société appelante n'était plus que de 117 euros en janvier 2012 et que plus aucun véhicule ne leur était confié dès le mois de février 2012, éléments qui caractérisent une rupture brutale des relations commerciales. Elles contestent que le courriel du 29 décembre 2011 ait été à l'origine de la rupture des relations commerciales, ce courriel ayant pour seul objectif d'informer la société Mercier Automobiles qu'elles avaient eu connaissance par un tiers de ce que des ventes allaient être confiées à une autre société de contrôle technique, de manifester leur mécontentement mais aucunement de mettre un terme aux relations commerciales. Elles indiquent également avoir accepté 31 véhicules en janvier 2012, ce qui s'oppose à leur prétendue volonté de mettre fin aux relations commerciales
Les parties s'accordent sur la durée des relations commerciales et le caractère établi de ces relations. En revanche, elles s'opposent sur l'imputabilité de la rupture, la durée du préavis et le préjudice subi. Aux termes de l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce :
" Engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers (...) de rompre unilatéralement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels.
Les dispositions qui précèdent ne font pas obstacle à la faculté de résiliation sans préavis, en cas d'inexécution par l'autre partie de ses obligations ou en cas de force majeure ".
Il est constant qu'à compter du mois de janvier 2012, la société Mercier Automobiles n'a plus confié de véhicules aux sociétés VAB, VAC et ABL.
Toutefois, il apparaît que par courriel du 29 décembre 2011, reproduit ci-dessus, le gérant des sociétés VAB, VAC et ABL a fait savoir à la société Mercier Automobiles qu'il refusait les termes du nouveau contrat qu'elle lui a proposé, qu'elle lui reproche de vouloir confier intégralement les véhicules à un concurrent à compter du 1er janvier 2012 et que dans ces conditions, elle restituait les véhicules qui lui étaient confiés dès le lendemain. Les termes du courriel sont clairs quant aux intentions des sociétés VAB, VAC et ABL de cesser les relations commerciales au 1er janvier 2012 avec la société Mercier Automobiles.
En outre, les sociétés VAB, VAC et ABL ne peuvent utilement faire état de la signature du contrat le 15 novembre 2011 signé par la société Mercier Automobiles avec une société concurrente, en ce qu'aucune exclusivité ne liait les parties, que dans le contrat du 15 novembre 2011 signé avec la société CTAW la société Mercier Automobiles ne confiait pas de manière exclusive les prestations de contrôle technique et que le flux d'affaires entre les parties n'a pas baissé après l'entrée en vigueur du contrat. Ainsi, la société Mercier Automobiles n'a pas cessé de confier aux sociétés VAB, VAC et ABL le même nombre de véhicules malgré la signature du contrat du 15 novembre 2011. Par ailleurs, les sociétés VAB, VAC et ABL ne démontrent pas que la société Mercier Automobiles entendait confier l'intégralité des véhicules à la société CTAW, l'attestation de M. Maxime Peroniat, à la supposer probante, ne fait pas état d'un arrêt au mois de janvier 2012 des relations entre les parties, cette attestation étant imprécise sur le contexte et indirecte quant aux événements relatés, alors que la société Mercier Automobiles souhaitait officialiser leurs relations commerciales en signant un contrat avec elles. De même, il ne peut être fait grief à la société Mercier Automobiles de ne pas avoir essayé de reprendre contact avec les sociétés VAB, VAC et ABL après le courriel du 29 décembre 2011, ledit courriel annonçant la restitution des véhicules le lendemain, caractérisant ainsi la rupture des relations commerciales. Enfin, il n'est pas établi que de nouveaux véhicules lui ont été confiés par la société Mercier Automobiles en 2012 et que donc le montant de 855,48 euros HT facturé au mois de janvier 2012 par les sociétés VAB, VAC et ABL ne correspond pas à des véhicules confiés à la fin de l'année 2011.
Dès lors, par la restitution des véhicules en raison d'un désaccord entre les parties sur les termes de leur future collaboration, le contrôle technique n'ayant, par ailleurs, pas été effectué sur l'ensemble des véhicules restitués, tel qu'il ressort des pièces 20 et 21 de l'appelante non contestées, les sociétés VAB, VAC et ABL sont l'auteur de la rupture des relations commerciales établies avec la société Mercier Automobiles, celle-ci ne pouvant lui confier à nouveau des véhicules.
Les sociétés VAB, VAC et ABL, étant les auteurs de la rupture de la relation commerciale avec la société Mercier Automobiles, doivent être déboutées de leurs demandes de dommages et intérêts pour rupture brutale des relations commerciales établies.
Sur la demande de dommages-intérêts pour procédure abusive
L'exercice d'une action en justice ne dégénère en abus que s'il constitue un acte de malice ou de mauvaise foi, ou s'il s'agit d'une erreur grave équipollente au dol. L'appréciation inexacte qu'une partie se fait de ses droits n'est pas constitutive en soi d'une faute.
La société Mercier Automobiles ne rapporte pas la preuve de ce que l'action des sociétés VAB, VAC et ABL aurait dégénéré en abus. Elle doit être déboutée de sa demande de dommages-intérêts. Il y a donc lieu d'infirmer les jugements du 21 décembre 2015, rectifié le 4 mars 2016 s'agissant du jugement concernant la société ABL, rendus par le Tribunal de commerce de Paris sauf en ce qu'il ont :
- reçu Me Emmanuel Loeuille, ès qualités de mandataire judiciaire liquidateur de la société ABL nommé par jugement du Tribunal de commerce de Lille Métropole du 26 février 2014 et Me Jean-Luc Mercier, ès qualités d'administrateur judiciaire de la même société, en leurs interventions volontaires, et les y a déclaré bien fondés,
- reçu Me Jean-Luc Mercier, ès qualités de commissaire à l'exécution du plan de la société VAB nommé par jugement du Tribunal de commerce de Lille Métropole du 18 mars 2015 et Me Emmanuel Loeuille, ès qualités de mandataire judiciaire maintenu par ce même jugement, en leurs interventions volontaires, et les y a déclaré bien fondés,
- reçu Me Jean-Luc Mercier, ès qualités de commissaire à l'exécution du plan de la société VAC nommé par jugement du Tribunal de commerce de Lille Métropole du 18 mars 2015 et Me Emmanuel Loeuille, ès qualités de mandataire judiciaire maintenu par ce même jugement, en leurs interventions volontaires, et les y a déclaré bien fondés,
- débouté la société Mercier Automobiles de l'ensemble de ses demandes reconventionnelles. Sur les dépens et l'application de l'article 700 du Code de procédure civile
Le sens du présent arrêt conduit à réformer le jugement déféré sur le sort des dépens et aux frais irrépétibles.
Les sociétés VAB, VAC et ABL doivent être condamnées aux dépens de première instance chacune pour l'instance la concernant et d'appel in solidum suite à la décision de jonction des procédures, qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile, ainsi qu'à payer chacune la somme de 5 000 euros à société Mercier Automobiles par application de l'article 700 du Code de procédure civile.
Le sens du présent arrêt conduit à rejeter la demande par application de l'article 700 du Code de procédure civile formulée par les sociétés VAB, VAC et ABL.
Par ces motifs : LA COUR, Infirme les jugements du 21 décembre 2015, et rectifié le 4 mars 2016 s'agissant du jugement concernant la société ABL, rendus par le Tribunal de commerce de Paris sauf en ce qu'il ont : - reçu Me Emmanuel Loeuille, ès qualités de mandataire judiciaire liquidateur de la société ABL nommé par jugement du Tribunal de commerce de Lille Métropole du 26 février 2014 et Me Jean-Luc Mercier, ès qualité d'administrateur judiciaire de la même société, en leurs interventions volontaires, et les y a déclaré bien fondés, - reçu Me Jean-Luc Mercier, ès qualités de commissaire à l'exécution du plan de la société VAB nommé par jugement du Tribunal de commerce de Lille Métropole du 18 mars 2015 et Me Emmanuel Loeuille, ès qualité de mandataire judiciaire maintenu par ce même jugement, en leurs interventions volontaires, et les y a déclaré bien fondés, - reçu Me Jean-Luc Mercier, ès qualités de commissaire à l'exécution du plan de la société VAC nommé par jugement du Tribunal de commerce de Lille Métropole du 18 mars 2015 et Me Emmanuel Loeuille, ès qualité de mandataire judiciaire maintenu par ce même jugement, en leurs interventions volontaires, et les y a déclaré bien fondés, - débouté la société Mercier Automobiles de l'ensemble de ses demandes reconventionnelles ; Statuant à nouveau ; Déboute les sociétés VAB, VAC et ABL de leurs demandes de dommages et intérêts pour rupture brutale des relations commerciales établies ; Y ajoutant, Condamne les sociétés VAB, VAC et ABL aux dépens de première instance chacune pour l'instance la concernant et d'appel in solidum suite à la décision de jonction des procédures, qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile, ainsi qu'à payer chacune la somme de 5 000 euros à la société Mercier Automobiles par application de l'article 700 du Code de procédure civile ; Rejette toute autre demande.