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Décisions

Cass. com., 26 septembre 2018, n° 17-17.167

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

EPC France (SAS)

Défendeur :

Label Explo (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Riffault-Silk

Avocat général :

M. Debacq

Avocats :

SCP Meier-Bourdeau, Lécuyer, SCP Potier de La Varde

Nouméa, ch. com., du 6 avril 2017

6 avril 2017

LA COUR : - Sur le moyen unique : - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Nouméa, 6 avril 2017), que la société Nitrochimie, devenue EPC France (la société EPC), qui fabrique des explosifs et des unités mobiles de fabrication d'explosifs (UMFE) a conclu le 27 avril 2006 avec la société Label Explo, spécialisée en explosifs dans le domaine du forage-minage, un contrat de concession de droit d'utilisation de technologies d'une durée de cinq ans, étendu, pour la même durée, à une autre technologie par un contrat du 1er juillet 2008 qui a été tacitement reconduit ; qu'en mai 2014, la société Vale NC, qui était le principal client de la société Label Explo, pour lequel celle-ci exécutait des prestations de forage et dynamitage, a émis un appel d'offre pour la réalisation de ces prestations, auquel ont répondu les sociétés Label explo et EPC et que cette dernière a remporté ; que lui reprochant des actes de concurrence déloyale, la société Label explo a assigné la société EPC en réparation de son préjudice ; que devant la cour d'appel, elle a soutenu que la société EPC avait violé son obligation d'exclusivité ;

Attendu que la société EPC fait grief à l'arrêt de la déclarer responsable d'une rupture fautive du contrat d'exclusivité et d'une violation de ses obligations contractuelles à l'égard de la société Label explo alors, selon le moyen : 1°) que les contrats des 27 avril 2006 et 1er juillet 2008 stipulent dans leurs articles 1er (" objet du contrat ") et 6 (" droit d'utilisation de la technologie ") que Nitrochimie concède à Label Explo le système de mise en œuvre et le droit d'utilisation de la technologie Morse de re-pompage des émulsions en galerie ou à ciel ouvert pour le territoire défini à l'article 2 (Nouvelle-Calédonie, Polynésie française et Wallis & Futuna) exclusivement ; qu'en considérant qu'il résultait des termes de ce contrat, et notamment de son article 8.1 consacré aux " responsabilités et litiges ", qui se borne à mentionner le terme de " contrat d'exclusivité " à propos d'une obligation d'information de la clientèle de Nitrochimie, un engagement d'exclusivité de cette dernière au profit de Label Explo, cependant que la seule exclusivité mentionnée est le droit pour la concessionnaire d'exploiter la technologie concédée sur un territoire donné, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis de ces contrats et méconnu l'obligation pour le juge de ne pas dénaturer les documents de la cause ; 2°) qu'en présence d'un contrat ambigu, les juges du fond doivent rechercher l'intention des parties ; qu'à supposer que l'allusion à l'existence d'une exclusivité, sans autre précision, dans la clause relative aux " Responsabilités et litiges ", aurait rendu les conventions ambigües quant à l'étendue des obligations du concédant, la cour d'appel ne pouvait se borner à en déduire que la société Label Explo bénéficiait d'un droit exclusif d'utilisation des UMFE de la société EPC sans rechercher, au regard des autres clauses des conventions et du contexte dans lequel les contrats avaient été conclus, si les parties avaient eu l'intention de convenir d'une exclusivité du concédant en faveur du concessionnaire ; que, faute d'avoir effectué cette recherche, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1104 nouveau du Code civil ; 3°) que le commerce et l'industrie sont par principe libres ; qu'en retenant encore que les parties auraient été liées par un contrat d'intérêt commun excluant toute opération visant à se placer en concurrent direct sur le même marché, au prétexte des discussions qui avaient eu lieu en 2013 pour le rachat de la société Label Explo par la société EPC, quand ces négociations étaient postérieures de plus de cinq ans à la dernière convention de concession et n'avaient pas abouti, la cour d'appel a statué par un motif inopérant car impuissant à justifier l'existence d'un contrat d'intérêt commun et d'une interdiction pour la société EPC de se placer en concurrent de la société Label Explo sur le marché néo-calédonien ; qu'en statuant comme elle l'a fait, elle a alors violé le principe susvisé ; 4°) qu'en imputant à faute à la société EPC les retards de livraison de produits invoqués par la société Label Explo à compter de 2013, dont elle relevait qu'ils n'étaient pas imputables à une intention de nuire du concédant, au prétexte inopérant qu'elle aurait refusé de vendre un nouvel UMFE en raison d'un changement de stratégie et de sa volonté de développer une activité concurrente, sans constater la violation d'obligations contractuelles et rechercher, comme il lui était demandé, la cause de ces retards, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du Code civil, dans sa rédaction applicable au litige ;

Mais attendu, en premier lieu, que c'est par une interprétation, exclusive de dénaturation, des clauses des articles 4.2 et 8.1 des contrats de 2006 et 2008, que l'ambiguïté de leurs termes résultant de leur rapprochement rendait nécessaire, que la cour d'appel, qui n'était pas tenue de procéder à la recherche invoquée à la deuxième branche, a retenu que la société EPC s'engageait à ne fournir ses produits et sa technologie en Nouvelle-Calédonie qu'à sa partenaire la société Label Explo et que celle-ci devait s'approvisionner en émulsions et véhicules de fabrication exclusivement auprès de la société EPC ;

Attendu, en deuxième lieu, que la cour d'appel n'a pas déduit l'existence d'un contrat d'intérêt commun entre les parties excluant toute opération visant à se placer en concurrent direct sur le même marché, du constat que des discussions avaient été menées en 2013 pour le rachat de la société Label Explo ;

Et attendu, en dernier lieu, qu'après avoir relevé que la société EPC avait mis de la mauvaise volonté à partir de juillet 2013 pour satisfaire les demandes de la société Label Explo, que les délais de livraison avaient augmenté de manière significative à partir de cette date et que l'établissement d'un devis de matériel et le renouvellement des certifications de matériels étaient devenus problématiques à partir du deuxième semestre 2013, nécessitant de multiples échanges de messages, l'arrêt retient que le comportement des dirigeants de la société EPC à compter de cette période révèle que cette société se trouvait en position délicate, voire intenable, vis-à-vis de sa partenaire dont elle allait devenir un concurrent, puisque la satisfaction des besoins de la société Label Explo revenait à affaiblir sa propre position de futur prestataire de services en quête de marchés ; que par ces seuls motifs, caractérisant un manquement de la société EPC à son obligation d'exécuter de bonne foi les contrats de concession exclusive, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen, qui manque en fait en sa troisième branche, n'est pas fondé pour le surplus ;

Par ces motifs : Rejette le pourvoi.