Livv
Décisions

Cass. crim., 17 octobre 2018, n° 17-87.048

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Soulard

Rapporteur :

M. Guéry

Reims, ch. corr., du 14 sept. 2017

14 septembre 2017

LA COUR : - Statuant sur le pourvoi formé par M. Pierre N., contre l'arrêt de la Cour d'appel de Reims, chambre correctionnelle, en date du 14 septembre 2017, qui, pour abus de faiblesse, blanchiment, l'a condamné à deux ans d'emprisonnement, 60 000 euros d'amende, et a prononcé sur les intérêts civils ;

Vu les mémoires produits en demande et en défense ; - Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué, du jugement qu'il confirme et des pièces de procédure que Mme Marie de V., a porté plainte à l'encontre de M. Pierre N. en exposant qu'elle avait rencontré ce dernier alors qu'il était accueilli en qualité de prêtre étranger à la paroisse de Sept Saulx, afin de terminer ses études de théologie, en 2003, qu'elle s'était liée d'amitié avec lui et l'avait finalement adopté, courant 2009 et lui avait donné une procuration générale pour gérer ses affaires ; qu'elle avait découvert par la suite que M. N. avait réalisé à son détriment divers détournements, avait tenté de l'isoler de ses proches, et de mettre en place un dispositif successoral, visant à transférer son patrimoine au Luxembourg, à son profit ou à celui de la société Alector, qu'il avait créé ; que M. N. et la société Alector ont été poursuivis devant le tribunal correctionnel ; que M. N. a été condamné des chefs d'abus de faiblesse et blanchiment ; que les prévenus, le ministère public et la partie civile ont interjeté appel de cette condamnation ;

En cet état ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 223-15-2 du Code pénal, 591 et 593 du Code de procédure pénale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré M. N. coupable d'abus de faiblesse et l'a condamné à deux ans d'emprisonnement avec sursis et 60 000 euros d'amende, a prononcé une interdiction d'exercer une profession commerciale ou industrielle pendant dix ans, ordonné la confiscation de la somme de 25 546,26 euros et d'un bien immobilier situé à Maisons-Alfort et l'a condamné à verser à la partie civile 20 000 euros en réparation de son préjudice moral et 2 millions d'euros en réparation de son préjudice financier ;

"aux motifs propres que les éléments recueillis démontrent que Mme de V. se trouvait en état de vulnérabilité dès 2004/2005 (isolement, graves conflits familiaux puis à compter de janvier 2012 problèmes de santé) ; que pour elle, l'idée de l'adoption de M. N. était née par la conjonction de plusieurs éléments, son isolement familial, l'importance de la religion dans sa vie, sa qualité de prêtre, les grands projets humanitaires qu'il avait pour son pays et la référence à l'histoire du cardinal Gantin adopté par une vielle dame alors qu'il était jeune prêtre étranger ; que Mme de V. était sous la dépendance affective du prêtre à qui elle faisait toute confiance du seul fait de son état, et s'en était complètement remise à lui, allant jusqu'à lui consentir une procuration générale ; que Mme de V. ignorait que M. N. était en disponibilité de la prêtrise depuis 2011, avait interrompu ses études de théologie et entretenait des relations avec des femmes, ayant eu deux enfants fin 2011 dont un était décédé ; qu'il avait cherché à isoler Mme de V. de son personnel qui faisait partie de son quotidien, notamment en tentant une première fois d'évincer M. Olivier V., son régisseur depuis de nombreuses années et de le remplacer par du personnel placé par lui, puis évoquant auprès de Mme de V. un prétendu détournement de 800 000 euros commis par son employé et en interdisant à celui-ci et à Mme M. d'entrer en contact avec elle de quelque manière que ce soit alors qu'elle se trouvait au Luxembourg ; que ces actes de discrédit et d'abstraction de son environnement habituel étaient de nature à engendrer une certaine vulnérabilité pour une personne âgée dans un pays étranger ; que par ailleurs, il avait évoqué au cours d'une conversation surprise par Mme M. le placement éventuel de Mme de V. en maison de retraite au Luxembourg, puis entamait une procédure de mise sous tutelle dans ce même pays en dépit de l'opposition de M. Charles É. ; que lors de son audition il allait jusqu'à déclarer qu'il se retrouvait au Luxembourg avec " sa mère sur les bras " ; que le désintéressement financier de M. N. évoqué au moment de l'adoption était en totale contradiction avec les analyses effectuées sur le patrimoine de Mme de V., le préjudice total de Mme de V. s'élevant à minima à 2 221 332,39 euros, les prélèvements n'ayant fait que s'accentuer à compter de mi-2011 alors qu'il avait une procuration générale ; que par ailleurs, il avait interrompu le processus de titrisation du château, dont il était le seul bénéficiaire, dès lors qu'il comprenait qu'il n'aurait plus la main-mise sur le patrimoine de sa mère ; que le prévenu avait parfaitement connaissance de la vulnérabilité de sa mère adoptive ainsi qu'il l'a déclaré devant la cour ; que l'état de vulnérabilité peut résulter d'une faiblesse due à l'âge et à l'isolement affectif de la personne sans qu'il soit nécessaire d'établir une affection d'ordre médical avéré ; que s'il est constant que Mme de V. dispose de toutes ses facultés intellectuelles, l'expert psychiatre qui l'a examinée a mis en évidence son état de vulnérabilité à compter de 2004/2005 du fait de la conjonction d'un sentiment de solitude, d'un conflit familial et de l'arrivée dans sa paroisse d'un prêtre africain qui apparaissait à ses yeux en difficultés et dont elle est vite devenue dépendante affectivement du fait de sa grande piété et de son isolement ; qu'elle a ensuite rencontré continuellement des problèmes de santé dès janvier 2012, en traînant douleurs et perte de mobilité et nécessitant plusieurs interventions chirurgicales et a été atteinte d'une sévère pneumopathie ; que cette situation de particulière vulnérabilité était apparente et connue de M. N. qui savait parfaitement que Mme de V. était très âgée, veuve, isolée, ne voyait plus son fils et ses petits-enfants et en souffrait, attachait une grande importance à la religion et avait une grande affection à son égard ; que de même il avait connaissance de ses problèmes de santé, des souffrances que cela générait et des hospitalisations, se trouvant alors à son chevet ; que M. N. a profité de la confiance totale que lui faisait la victime très pieuse du fait de son seul état de prêtre ainsi que de sa dépendance affective, pour la conduire à lui remettre des fonds et biens divers, lui permettre l'accès à ses comptes et détourner des sommes très importantes ; que même si Mme de V. dispose d'une importante fortune, ces actes et les abstentions commises lui ont été gravement préjudiciables ; qu'ainsi elle n'a pas entrepris de démarches de révocation de la donation consentie à M. N., alors même que la cause prévue à l'acte n'était plus remplie, celui-ci l'ayant laissée dans l'ignorance de son retrait de son ministère, de l'abandon de sa thèse et du projet d'orphelinat ainsi que de sa vie personnelle ; que de même elle n'a jamais demandé le remboursement des prêts consentis ; que la renonciation à la clause de retour et d'inaliénabilité figurant sur la donation de 46 000 000 d'euros consentie à son fils M. Charles E., qui était une condition du consentement à l'adoption par celui-ci, a privé Mme de V. d'une importante garantie en cas de décès de son fils ou de non-respect par celui-ci des clauses de la donation ; que M. N. a bénéficié de nombreux avantages en nature (logements, véhicules de luxe, mise à disposition de personnel...) ; que la mise à disposition de fonds via des comptes joints et la délivrance d'une procuration générale ont permis le détournement de très importantes sommes ; que de plus, la création du trust et la titrisation dans le seul intérêt de M. N. puis le retour des biens dans son patrimoine ont généré des frais très importants tant fiscaux que de rémunération des conseils ; que la procuration a également permis le transfert des bijoux de grande valeur de Mme de V. au Luxembourg, dans un coffre ouvert au seul nom de M. N., à l'insu de cette dernière ; que ces actes et abstentions ont été gravement préjudiciables à Mme de V., ayant fortement diminué son patrimoine tel qu'évalué à la déclaration d'ISF figurant en procédure ; que M. N. a ainsi frauduleusement abusé de la situation de faiblesse de Mme de V., personne qu'il savait particulièrement vulnérable en raison d'une déficience psychique liée à une grande solitude et des dissensions familiales puis à une maladie et une déficience physique liée à des fractures ayant entraîné de grandes difficultés à se mouvoir et des douleurs importantes, pour la conduire à des actes ou à une abstention gravement préjudiciable pour elle, le préjudice total de Mme De V. s'élevant à plus de 2 220 000 euros ;

"et aux motifs adoptés que les faits ont été commis par une personne qui a abusé de son statut de prêtre auprès d'une personne âgée et malade, souffrant de solitude ; que loin de lui apporter le réconfort qu'elle était en droit d'attendre, le prévenu a contribué à l'isoler encore plus pour profiter et abuser des fonds qu'elle avait mis à sa disposition en pensant qu'ils seraient utilisés soit à des fins humanitaires, soit pour lui permettre de finir sa thèse, mais certainement pas pour l'entretien de ses maîtresses, ni pour le fonctionnement hasardeux de sociétés en Afrique ;

"alors que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision et que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ; que, pour déclarer le prévenu coupable d'abus de faiblesse à l'égard de la partie civile, du juin 2009 au 18 juin 2013, pour l'avoir conduit à le faire bénéficier de dons, de prêts, d'avantages en nature et d'une procuration sur ses comptes, la cour d'appel a retenu que la partie civile s'était trouvée en état de vulnérabilité dès 2004/2005 du fait de la conjonction de son isolement, d'un conflit familial et de l'importance de la religion dans sa vie, puis à compter de janvier 2012 en raison de problèmes de santé ; qu'il résulte cependant de ses constatations que, selon le médecin de la partie civile, l'état intellectuel et psychique de celle-ci avait toujours été tout à fait normal et était même remarquable pour son âge, que les autres médecins l'ayant examinée en 2012 et 2013 ont tous attesté de ses fonctions intellectuelles et psychiques excellentes, ainsi que de sa faible suggestibilité, et que la partie civile, très fortunée et vivant dans son château entourée par son personnel, reconnaissait avoir l'habitude de se montrer spontanément généreuse à l'égard des personnes de son entourage se trouvant dans le besoin ; qu'en l'état de ses énonciations contradictoires, desquelles il ne résulte pas de façon certaine la présence d'un état de particulière vulnérabilité au moment des actes visés à la prévention, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision" ;

Attendu que pour caractériser l'état de vulnérabilité dans lequel se trouvait Mme de V. au moment des faits, l'arrêt relève que s'il est constant que la plaignante disposait de toutes ses facultés intellectuelles, l'expert psychiatre qui l'a examinée a mis en évidence son état de vulnérabilité à compter de 2004/2005 du fait de la conjonction d'un sentiment de solitude, d'un conflit familial et de l'arrivée dans sa paroisse d'un prêtre africain qui apparaissait, à ses yeux, en difficulté, et dont elle est vite devenue dépendante affectivement du fait de sa grande piété et de son isolement, qu'elle a ensuite rencontré continuellement des problèmes de santé, entraînant douleurs et perte de mobilité et nécessitant plusieurs interventions chirurgicales et a été atteinte d'une sévère pneumopathie, que cette situation de particulière vulnérabilité était apparente et connue de M. N. qui savait parfaitement que Mme de V. était très âgée, veuve, isolée, ne voyait plus son fils et ses petits-enfants et en souffrait, attachait une grande importance à la religion et avait une grande affection à son égard ; que les juges concluent que M. N. a ainsi frauduleusement abusé de la situation de faiblesse de Mme de V., personne qu'il savait particulièrement vulnérable en raison d'une déficience psychique liée à une grande solitude et des dissensions familiales puis à une maladie et une déficience physique liée à des fractures ayant entraîné de grandes difficultés à se mouvoir et des douleurs importantes, pour la conduire à des actes ou à une abstention gravement préjudiciables pour elle ;

Attendu qu'en disposant ainsi, la cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction, caractérisé l'état de vulnérabilité de Mme de V. au moment de l'infraction ; d'où il suit que le moyen doit être écarté ;

Mais sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 324-1 du Code pénal, 388, 512, 591 et 593 du Code de procédure pénale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré M. N. et la société Alector coupables de blanchiment et, en conséquence, a condamné M. N. aux peines de deux ans d'emprisonnement avec sursis et de 60 000 euros d'amende et la société Alector à la peine de 150 000 euros d'amende, a prononcé à l'encontre de M. N. une interdiction d'exercer une profession commerciale ou industrielle pendant dix ans, a ordonné la confiscation des sommes de 25 546,26 euros et de 44. 273,66 euros et du bien immobilier <adresse> et a alloué à la partie civile la somme de 20 000 euros en réparation de son préjudice moral et celle de 2 millions d'euros en réparation de son préjudice financier ;

"aux motifs propres qu'en tant que gérant de la société Alector créée en janvier 2006, M. N. injectait entre 2006 et 2012 dans les comptes de la société des fonds provenant d'une donation de Mme de V. et également de ses comptes bancaires, pour un montant de l'ordre de 338 650 euros ; que ces sommes ont servi au fonctionnement de la société pour 173 650 euros (chèques d'un montant total de 29 euros en 2011 et de 44 550 euros en 2012) et la réalisation de diverses opérations financières, notamment l'achat de deux appartements pour 170 000 euros et 95 000 euros, dont un à Maisons-Alfort racheté à titre personnel par M. N. en juin 2009 avec des fonds provenant également de Mme de V. ; que le conseil du prévenu fait valoir au terme de ses conclusions que le blanchiment est un délit instantané qui se prescrit par trois ans, que le soit transmis d'enquête du parquet de Reims est du 3 septembre 2013 et qu'en conséquence tous les faits antérieurs au 3 septembre 2010 sont prescrits ; que la loi du 16 février 2017 modifiant le régime de la prescription pénale, d'application immédiate aux procédures ayant valablement donné lieu à l'exercice de l'action publique et dont les prescriptions ne sont pas encore acquises, prévoit en son article 9.1 al. 3 à 5 : " Par dérogation au premier alinéa des articles 7 et 8 du présent code, le délai de prescription de l'action publique de l'infraction occulte ou dissimulée court à compter du jour où l'infraction est apparue et a pu être constatée dans des conditions permettant la mise en mouvement ou l'exercice de l'action publique, sans toutefois que le délai de prescription puisse excéder douze années révolues pour les délits et trente années révolues pour les crimes à compter du jour où l'infraction a été commise ; qu'est occulte l'infraction qui, en raison de ses éléments constitutifs, ne peut être connue ni de la victime ni de l'autorité judiciaire ; qu'est dissimulée l'infraction dont l'auteur accomplit délibérément toute manœuvre caractérisée tendant à empêcher la découverte " ; que le blanchiment est le fait d'apporter son concours à une opération de placement, de dissimulation ou de conversion du produit direct ou indirect d'un délit ; qu'en l'espèce les fonds dont a bénéficié la société Alector provenaient d'abus de faiblesse au préjudice de Mme de V. ; que cette dernière ne s'est rendue compte que courant 2013 que des fonds avaient été détournés, que l'argent de la donation n'avait pas été utilisée dans l'exercice du ministère du père N. et n'avait pas servi au financement d'un orphelinat ; que les abus de faiblesse se sont prolongés dans le temps et les fonds obtenus par le prévenu, ont été déposés sur les comptes de la société Alector France, transférés vers d'autres comptes notamment les comptes personnels de M. N. et ceux des sociétés Alector Congo et Bohar Swiss Mining également détenues par le prévenu et ont servi à l'acquisition d'appartements faisant partie de ses actifs alors même que l'immobilier résidentiel était sans rapport avec l'objet social de la société du prévenu ; qu'en agissant ainsi M. N. son représentant légal a délibérément usé de manœuvres de nature à empêcher la découverte par Mme de V. de la destination des fonds détournés, celle-ci n'ayant aucun droit dans la société Alector et aucun moyen d'accès à sa comptabilité ; que le délit de blanchiment, s'agissant des fonds placés, dissimulés et convertis entre le 27 septembre 2009 et le 1er janvier 2012, période retenue pour la prévention, n'est en conséquence pas prescrit ; qu'il apparaît constitué en tous ses éléments et le jugent déféré qui a retenu la société Alector dans les liens de la prévention sera dès lors confirmé de ce chef ;

"et aux motifs adoptés que les faits ont été commis par une personne qui a abusé de son statut de prêtre auprès d'une personne âgée et malade, souffrant de solitude ; que loin de lui apporter le réconfort qu'elle était en droit d'attendre, le prévenu a contribué à l'isoler encore plus pour profiter et abuser des fonds qu'elle avait mis à sa disposition en pensant qu'ils seraient utilisés soit à des fins humanitaires, soit pour lui permettre de finir sa thèse, mais certainement pas pour l'entretien de ses maîtresses, ni pour le fonctionnement hasardeux de sociétés en Afrique ;

"1°) alors que les juridictions correctionnelles doivent statuer sur l'ensemble des faits dont elles sont saisies mais sans excéder leur saisine ; qu'en l'espèce, la prévention du chef de blanchiment visait le placement, dans la société Alector, de fonds obtenus au moyen de faits d'abus de faiblesse commis entre le 3 juin 2009 et le 1er janvier 2012 ; qu'en retenant, pour entrer en voie de condamnation pour blanchiment de fonds, que ces fonds provenaient notamment d'une donation réalisée en 2006, fait qui n'était pas compris dans la prévention, la cour d'appel a excédé les limites de sa saisine ;

"2°) alors que M. N. soutenait dans ses conclusions d'appel que la donation du 6 juin 2006 n'était pas visée à la prévention et que les fonds provenant de celle-ci ne pouvaient donc être retenus au titre de la somme de 270 000 euros mentionnée à l'acte de poursuite, pas plus que l'achat immobilier effectué par la société Alector en remploi de cette donation, ni le rachat de ce bien par M. N. ; qu'en ne répondant pas à ce moyen des conclusions du prévenu, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés" ;

Vu l'article 593 du Code de procédure pénale ; - Attendu que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision et répondre aux chefs péremptoires des conclusions des parties ; que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ;

Attendu que pour déclarer M. N. coupable du délit de blanchiment de la somme de 270 000 euros, l'arrêt relève que le prévenu a injecté, entre 2006 et 2012, dans les comptes de la société Alector dont il était le gérant et l'unique associé, des fonds provenant d'une donation de Mme de V. et également de ses comptes bancaires, pour un montant de l'ordre de 338 650 euros, ces sommes ayant servi au fonctionnement de la société pour 173 650 euros et à la réalisation de diverses opérations financières, notamment l'achat de deux appartements pour 170 000 euros et 95 000 euros, que les abus de faiblesse se sont prolongés dans le temps, les fonds obtenus par le prévenu ayant été déposés sur les comptes de la société Alector France, transférés vers d'autres comptes, notamment les comptes personnels de M. N. et ceux des sociétés Alector Congo et Bohar Swiss Mining également détenues par le prévenu et ayant servi à l'acquisition d'appartements faisant partie de ses actifs ; que les juges concluent que le délit de blanchiment, s'agissant des fonds placés, dissimulés et convertis entre le 27 septembre 2009 et le 1 er janvier 2012, période retenue pour la prévention, apparaît constitué en tous ses éléments ;

Mais attendu qu'en disposant ainsi sans mieux s'expliquer sur les conclusions de la défense de M. N. qui faisait valoir que la donation par Mme De V., en juin 2006, de la somme de 450 000 euros, non visée à la prévention, ne pouvait servir de base, même partiellement, à la déclaration de culpabilité, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision ; d'où il suit que la cassation est encourue ;

Et sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 1382 du Code civil, 2, 3 et 593 du Code de procédure pénale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a condamné M. N. et la société Alector à payer à la partie civile la somme de 2 millions d'euros au titre de son préjudice financier ;

"aux motifs propres que le jugement frappé d'appel, qui a justement apprécié la recevabilité de la constitution de partie civile, la responsabilité de M. N. et de la société Alector dans le préjudice subi et le montant de l'indemnisation allouée à Mme de V., sera confirmé en toutes ses dispositions civiles ;

"aux motifs adoptés que Mme de V., partie civile, sollicite, en réparation des différents préjudices qu'elle a subis les sommes suivantes : 20 000 euros en réparation du préjudice moral, 2 221 332, 39 euros en réparation de son préjudice financier ; qu'au vu des éléments produits au dossier, il convient d'accorder 000 euros en réparation du préjudice financier subi ;

"alors que tout arrêt ou jugement doit comporter les motifs propres à justifier la décision ; qu'en se bornant à une référence aux éléments produits pour allouer la somme de 2 millions d'euros à la partie civile en réparation de son préjudice financier, la cour d'appel n'a pas suffisamment justifié sa décision" ;

Vu l'article 593 du Code de procédure pénale ; - Attendu que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision et répondre aux chefs péremptoires des conclusions des parties ; que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ;

Attendu que pour confirmer le jugement, la cour d'appel prononce par les motifs repris au moyen ;

Mais attendu qu'en se déterminant ainsi, sans répondre aux conclusions du prévenu selon lesquelles le montant alloué au titre du préjudice financier incluait un don de 450 000 euros réalisé en 2006, qui ne faisait pas partie de la prévention, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision ; d'où il suit que la cassation est encore encourue de ce chef ;

Par ces motifs : casse et annule l'arrêt susvisé de la Cour d'appel de Reims, chambre correctionnelle, en date du 14 septembre 2017, en toutes ses dispositions ; et pour qu'il soit à nouveau statué, conformément à la loi, renvoie la cause et les parties devant la Cour d'appel d'Amiens, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil.