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Décisions

CA Colmar, 2e ch. civ. A, 19 février 2015, n° 13-02794

COLMAR

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Société d'Assurance Mutuelle à Cotisations Fixes SMACL, La Commune de Thann

Défendeur :

Automobiles Peugeot (SA), La Caisse des Depôts et Consignations "CDC", La Caisse Primaire d'Assurance Maladie de Colmar "CPAM"

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Leiber

Conseillers :

Mme Diepenbroek, M. Daeschler

Avocats :

Mes Harter, Peter Crovisier, Ackermann & Harnist

TGI Mulhouse, du 26 avr. 2013

26 avril 2013

Le 1er février 2005, survenait un accident de la circulation entre le véhicule professionnel Peugeot 206 de Bernard Yxxx , chef de la police municipale de la Ville de Thann, assurée pour ce véhicule auprès de la Société Mutuelle d'Assurance des Collectivités Locales et des Associations (SMACL), et celui de marque Chrysler de M. Souliyavong, M. Yxxx ayant perdu le contrôle de son véhicule et s'étant déporté sur la voie de gauche en heurtant le véhicule adverse. Le véhicule Yxxx s'embrasait et l'intéressé décédait de ses blessures le 12 février 2005.

Le juge des référés, saisi par la Ville de Thann, désignait un expert automobile qui excluait que la conception du véhicule Peugeot soit en cause.

Sur saisine de la Ville de Thann, en date du 1er août 2008, après nouvelle expertise automobile décidée par le juge de la mise en état et concluant à un possible lien entre l'embrasement et un défaut de conception du véhicule, le tribunal de grande instance de Mulhouse, statuant le 26 avril 2013 par jugement réputé contradictoire, a déclaré les interventions d'Astride Sutter, veuve Yxxx , de Christelle Yxxx , épouse Axxx , de l'enfant Emma représentée par ses parents Thierry et Christelle Axxx , ainsi que d'Alain Yxxx , de la SMACL et de la Caisse des Dépôts et Consignations (CDC), gérante de la Caisse Nationale de Retraites des Agents des Collectivités Locales, régulières et recevables, a rejeté leurs demandes sur le fond, a déclaré le jugement commun à la caisse primaire d'assurance maladie de Colmar (CPAM) et à la CDC, a condamné solidairement la Ville de Thann, les consorts Yxxx , la SMACL et la CDC à payer les dépens et la somme de 1 000 € à la SA Peugeot au titre de l'article 700 2 du Code de procédure civile.

Par déclaration électronique enregistrée au greffe le 7 juin 2013, la Ville de Thann, les consorts Yxxx -Axxx , la SMACL ont interjeté appel général à l'encontre de la SA Peugeot, de la CDC et de la CPAM de Colmar.

Vu l'article 455 3 du Code de procédure civile ;

Vu les conclusions récapitulatives de la Ville de Thann, des consorts Yxxx -Axxx et de la SMACL, reçues le 10 mars 2014, aux fins d'infirmer le jugement entrepris, de condamner la SA Peugeot à payer à Marie-Astride Yxxx les sommes de 40 000 € au titre du préjudice d'affection, de 440 635.67 € au titre de la perte de revenus, de 5 000 € au titre du préjudice d'accompagnement, de 1 500 € au titre de chacune des instances, de la condamner à payer à Christelle Yxxx , née Axxx , la somme de 30 000 € au titre du préjudice d'affection, de 5 000 € au titre du préjudice d'accompagnement, de 1 500 € au titre de l'article 700 2 du Code de procédure civile par chaque instance, de la condamner à payer à Emma Axxx la somme de 12 000 € pour son préjudice d'affection et de 1 500 € au titre de l'article 700 2 du Code de procédure civile, de la condamner à payer à Alain Yxxx la somme de 12 000 € de dommages et intérêts au titre de son préjudice d'affection, outre 1 500 € au titre de l'article 700 2 du Code de procédure civile, de la condamner à payer à Marie-Astrid et Christelle Yxxx , au titre de l'action successorale, 50 000 € au titre du pretium doloris, 20 000 € au titre du préjudice esthétique, 50 000 € au titre de la perte de chance de survie, de condamner la société Peugeot à payer à la Ville de Thann 10 377 € au titre du préjudice matériel, 15 000 € au titre du préjudice immatériel, 8 000 € au titre de l'article 700 2 du Code de procédure civile pour chacune des instance, de condamner la société Peugeot à payer à la SMACL la somme de 25 479.93 € au titre des prestations versées à Marie Astrid Yxxx , outre 1 500 € au titre de l'indemnisation des frais irrépétibles pour chacune des instances, le tout avec les intérêts au taux légal à compter de la demande, outre les frais et dépens des deux instances, y compris ceux de la procédure de référé expertise et de la contre-expertise ordonnée par le juge de la mise en état ;

Vu les conclusions avec appel incident de la CDC, reçues le 29 octobre 2013, visant à infirmer le jugement entrepris, à déclarer la SA des Automobiles Peugeot responsable des conséquences du décès de Bernard Yxxx , à la condamner à lui payer la somme de 88 961.24 €, avec les intérêts "légaux' à compter du 23 mars 2011, date de la demande, les dépens et 2 000 € au titre de l'article 700 2 du code de procédure civile ;

Vu les conclusions récapitulatives de la SA Automobiles Peugeot, reçues le 30 juin 2014, tendant à écarter les conclusions du contre-expert Parmentier, à confirmer le jugement entrepris, subsidiairement à dire que la faute de la victime est exonératoire pour le constructeur et à confirmer le jugement entrepris, plus subsidiairement à donner acte à la société de ce qu'elle s'en remet à sagesse pour les préjudices de Mme Veuve Yxxx , sauf en ce qui concerne la perte de revenus capitalisés qui ne saurait excéder 152 313.25 €, à lui

donner acte qu'elle s'en remet à sagesse concernant le préjudice de Christelle Axxx -Yxxx , à ramener à des plus justes proportions le préjudice d'affection de sa fille Emma et d'Alain Yxxx , à lui donner acte de ce qu'elle s'en remet à sagesse concernant les indemnités supplémentaires réclamées, à condamner les appelants aux dépens, avec distraction au profit de Me Crovisier, et à lui payer 2 000 € au titre de l'article 700 2 du Code de procédure civile ;

Vu l'ordonnance de clôture du 6 novembre 2014 ;

La CPAM, citée à personne le 5 août 2013, n'a pas comparu. L'arrêt sera réputé contradictoire.

Sur ce Vu les pièces de la procédure et les documents joints ;

Sur la recevabilité :

Attendu que les droits fiscaux applicables ont été régularisés, les appels seront déclarés recevables ;

Sur la responsabilité :

Attendu que pour critiquer la décision déférée, en ce que le premier juge a écarté la responsabilité du constructeur du fait des produits défectueux, en retenant que si l'hypothèse la plus probable de l'embrasement avait été énoncée par le contre-expert, soit la déformation du réservoir, avec passage de l'essence et de ses vapeurs à l'intérieur de l'habitacle par l'orifice d'accès au réservoir et mise à feu soit par un court circuit électrique soit par l'effet du frottement des tôles entre elles, cela n'établissait pas la preuve d'un défaut de conception, notamment au regard des normes de sécurité en vigueur ou de véhicules comparables, pas plus que ne le permettait l'affirmation de l'expert selon laquelle divers perfectionnements techniques auraient pu éviter l'embrasement, qu'en outre, l'incendie n'avait pas été spontané mais était lié à une violente collision et que la victime avait commis une faute prévalant dans la chaîne causale, les appelants font valoir que le véhicule qui s'embrase dans ces circonstances n'offre pas la sécurité à laquelle on peut légitimement s'attendre ; que la question de savoir si le véhicule était ou non conforme à la réglementation en vigueur ou à des véhicules comparables est indifférente au regard des dispositions de l'article 1386-10 4 du Code civil ; que l'existence d'un défaut de conception est établi par le contre-expert Parmentier, qui indique qu'il faudrait modifier divers dispositifs du véhicule ; qu'il y a bien un lien de causalité et même une présomption de causalité entre le défaut et le préjudice, le constructeur étant tenu d'une obligation de sécurité résultat, peu important les causes exactes du sinistre ; que la faute de la victime n'est pas établie, les experts n'ayant fait que des estimations de vitesse approximatives et le véhicule Yxxx ayant dérapé sur une plaque de verglas ; qu' à tout le moins, une telle faute ne serait pas à l'origine du décès lié au seul embrasement et aux graves brûlures subies et qu'elle ne saurait être totalement exonératoire, faute d'être la cause exclusive et d'être d'une particulière gravité, ce que n'a pas caractérisé le tribunal ;

Attendu que pour s'en défendre et conclure à la confirmation, la société des Automobiles Peugeot relève que le défaut n'est pas prouvé, dès lors que l'usage du véhicule ne peut être qualifié de raisonnable, puisque le conducteur en a perdu le contrôle, en présentant le flanc au véhicule adverse, et qu'il circulait à une vitesse supérieure à la vitesse autorisée et inadaptée aux conditions de circulation, selon le procès-verbal de gendarmerie et les calculs des experts ; que le rôle causal n'est pas plus établi, au vu de la dynamique de l'accident, tant sous l'aspect de la vitesse, que sous celui du caractère atypique du choc ou de la trajectoire du véhicule, le premier expert notant que suite au choc, la goulotte d'essence s'est écrasée, que de l'essence et des vapeurs sont entrées dans l'habitacle et se sont enflammées au passage du pot catalytique, contrairement aux conclusions erronées du second expert, démenties par les lois de la physique et les constatations matérielles ; que subsidiairement la faute de la victime est exonératoire, l'usage du véhicule n'étant pas raisonnable au vu des circonstances ;

Attendu qu'il résulte des dispositions des articles 1386-1 5 et suivants du Code civil, en premier lieu, que le producteur est responsable du dommage causé par un défaut de son produit, qu'il soit ou non lié par un contrat avec la victime ; en second lieu, qu'un produit est défectueux lorsqu'il n'offre pas la sécurité à laquelle on peut légitimement s'attendre, eu égard notamment à l'usage qui peut en être raisonnablement attendu ; en troisième lieu, que le demandeur doit prouver le dommage, le défaut et le lien de causalité entre le défaut et du dommage ; en dernier lieu, que la responsabilité peut être encourue alors même que le produit a été fabriqué dans les règles de l'art ou de normes existantes ou qu'il a fait l'objet d'une autorisation administrative, sans préjudice d'une exonération totale ou partielle lorsque le dommage est causé conjointement par un défaut du produit et la faute de la victime mais à l'exclusion du fait d'un tiers ;

Attendu qu'il sera relevé, à titre liminaire, que la contre expertise judiciaire Parmentier a été menée à la demande du juge de la mise en état, que les parties ont pu y participer contradictoirement et que ce rapport n'est pas critiqué pour des motifs juridiques, ni taxé de nullité, de telle sorte qu'il n'y a pas lieu de l'écarter d'emblée, comme le demande le constructeur;

Attendu, sur le fond, que l'expert Sauvage, commis par le juge des référés, énonce que les causes de l'accident, puis de l'embrasement du véhicule, sont la vitesse excessive de la victime, l'écrasement de la goulotte lors du choc avec le véhicule adverse, l'échappement de vapeurs d'essence, y compris dans l'habitacle, leur contact avec le pot catalytique très chaud, l'inflammation et la propagation de la flamme dans l'habitacle et qu'à son avis la conception du véhicule n'est pas en cause ;

Attendu que l'expert Parmentier dément quelque peu cette analyse, en relevant que, d'une part, la déformation ne se situe pas dans l'axe de la goulotte, que le réservoir ne contenait au moment des faits que 25 à 30 litres de carburant, ce qui n'est pas contesté, de sorte que du liquide ne pouvait se trouver dans cette goulotte ; d'autre part, que la trappe d'accès au réservoir est en matière plastique simplement emboîtée dans son orifice, de telle sorte que l'éjection de la bague, qui maintient la pompe jauge, a pu être provoquée par l'écrasement du réservoir et que l'embrasement est lié ainsi à la déformation du réservoir ; ensuite, que le passage de l'essence et de ses vapeurs à l'intérieur de l'habitacle s'est fait par l'orifice d'accès au réservoir en raison de la rupture du tuyau d'alimentation en carburant, du tuyau de circuit "canister", de l'anneau de fixation en matière plastique de la pompe/jauge ; par ailleurs, que la mise à feu peut résulter, soit d'un coupe circuit de l'alimentation électrique de la pompe et / ou de la jauge, soit d'un frottement des tôles déformées en contact entre elles, lors du déplacement du véhicule après le choc ; enfin que des éléments techniques devraient faire l'objet d'une modification par le constructeur : l'emplacement de la trappe d'accès du réservoir, la fixation de la trappe en matière plastique dans son orifice, le cheminement du faisceau électrique alimentant séparément la pompe et la jauge ;

Attendu que le premier juge a énoncé à bon droit que la description des événements et l'enchaînement des causes décrits par le deuxième expert apparaissaient les plus convaincants, et compatibles avec les constatations faites sur place au cours de l'enquête qui tendent à montrer que le véhicule adverse était quasiment à l'arrêt lors du choc, que le véhicule de M. Yxxx était peut être en excès de vitesse mais ne roulait pas à plus de 65-70 kms/heure, que le véhicule s'est embrasé peu de temps après l'impact, que la victime, qui n'était pas sérieusement blessée suite au choc, puisqu'elle est sortie elle-même de son véhicule, est décédée du fait des blessures consécutives à ses brûlures ;

Attendu, au demeurant, que cet expert a répondu abondamment aux objections techniques élevées par la société Peugeot à l'encontre de ses conclusions : en particulier, il a relevé que le choc, latéral et non frontal, n'apparaissait pas particulière rare ou atypique (page 20) ; que la trajectoire suggérée par le constructeur n'était pas la bonne, soit une rotation dans le sens inverse des aiguilles d'une montre après le choc, de sorte que les vapeurs ou traces d'essences éjectées sur la chaussée par la goulotte auraient pris feu après contact du pot catalytique particulièrement chaud, situé à l'avant du véhicule, dans la mesure où elle supposait que les deux véhicules rebondissent, avec de vitesses initiales supérieures à 70 km/heure, ce qui n'était pas le cas ; que les marques d'embrasement dans le véhicule montraient que l'incendie s'était déclaré et développé sur la partie arrière du pavillon, à l'intérieur de l'habitacle, c'est à dire à la verticale de la trappe d'accès de la pompe / jauge et non au niveau de la goulotte (page 21) ; que le passage de carburant dans l'habitacle, suite à la rupture de la bague de maintien sous la pression de la déformation du réservoir consécutif au choc n'exigeait pas l'arrachement du bloc pompe / jauge mais uniquement son soulèvement ; que la banquette arrière, qui surplombait ces éléments techniques n'avait pas pu faire barrage et s'était manifestement soulevée, contrairement à ce que soutenait Peugeot, alors qu'il avait été constaté lors des opérations la remontée de la déformation de 20 centimètres environ côté droit de l'armature amovible du siège à l'aplomb de la trappe d'accès au réservoir ; que la mise à feu, en dépit de la coupure de l'alimentation électrique de la pompe à carburant par le déclenchement des airbag était tout à fait possible n'étant pas instantanée, outre l'alternative de la mise à feu par contact des tôles entre elles ;

Attendu, dans cette optique, que la Cour est d'avis, contrairement à l'opinion du premier juge, que l'existence d'un défaut, au sens de la loi, en lien avec le dommage est bien établie, dès lors que suite à un choc consécutif à une perte de contrôle d'un véhicule, dans des circonstances somme toute assez banales, fut-ce à une vitesse excessive par rapport à la limitation sur cette portion de voie mais apparemment pas à plus de 70 km/h, le véhicule adverse étant quasiment à l'arrêt, l'automobile conduite par la victime s'est embrasée très rapidement de façon inopinée, alors qu'on peut attendre légitimement d'un tel équipement, eu égard à son usage et aux contraintes physiques et mécaniques qu'il subit, une meilleure résistance et une sécurité plus affirmée au titre du risque incendie et du transport d'un liquide hautement inflammable ;

Attendu, sur ce plan, que les consorts Yxxx relèvent à juste titre que la circonstance, retenue par le tribunal, selon laquelle l'expert ne se prononçait pas sur la conformité du véhicule aux normes de sécurité de l'époque et ne donnaît pas d'élément comparatif permettant d'établir que ce véhicule Peugeot 206 présentait un vice de conception au regard de ces normes et des caractéristiques techniques d'autres véhicules produits à la même époque, apparaît indifférente à l'appréciation de la responsabilité, étant rappelé que ces éléments ne sont pas des causes d'exonération ou des faits justificatifs en la matière (article 1386-10 4 du Code civil) ;

Attendu, il est vrai, que la société des Automobiles Peugeot, reprenant ainsi le raisonnement du tribunal, oppose l'usage déraisonnable du véhicule par M. Yxxx pour contester le lien de causalité ou soutenir subsidiairement l'exonération partielle ou totale de responsabilité ;

Attendu, sur ce point, que sans méconnaître que le choc proprement dit et la déformation du réservoir ont manifestement pour origine une faute de conduite de la victime, il n'en demeure pas moins vrai que le processus de mise à feu, décortiqué par l'expert, procède de causes autonomes et intrinsèques au véhicule litigieux et qu'il apparaît anormal, sur le plan de la sécurité, qu'un tel produit de consommation courante s'embrase suite à un accident de circulation, alors même que la vitesse à l'origine du choc, pour être excessive, n'était pas particulièrement élevée, ni déraisonnable s'agissant d'un équipement normalement conçu pour atteindre des vitesses allant pour le moins jusqu'à 130 km/heure sur autoroute avec tous les aléas liés à la circulation automobile ;

Attendu, ainsi, que le lien de causalité entre le défaut et le dommage apparaît établi et que la faute de la victime ne saurait être considérée, dans ces circonstances, comme exonératoire, même partiellement ;

Attendu, en conséquence, qu'il y a lieu d'infirmer le jugement entrepris de ce chef et, statuant de nouveau, de retenir la responsabilité entière de la société des Automobiles Peugeot du fait d'un produit défectueux ;

Sur les indemnisations :

Attendu que Mme Yxxx, épouse de la victime, demande 40 000 € pour son préjudice d'affection compte tenu du décès de mari après onze jours, suite à ses brûlures, et évalue sa perte de revenu à 440 635.67 € ;

Attendu qu'au titre de l'action successorale, Mme Veuve Yxxx et Christelle Yxxx , épouse Axxx , sollicitent un montant de 50 000 € pour les souffrances endurées, de 20 000 € pour le préjudice esthétique, de 50 000 € pour la perte de chance de survie et la souffrance morale générée, la victime en étant consciente ;

Attendu que Christelle Yxxx , née Axxx , fille unique de la victime, revendique la somme de 30 000 € au titre du préjudice d'affection, de 5 000 € au titre du préjudice d'accompagnement ;

Attendu qu'Emma Axxx , petite fille de la victime, réclame la somme de 12 000 € pour son préjudice d'affection ;

Attendu qu'Alain Yxxx , frère de la victime, met en compte une somme de 12 000 € de dommages et intérêts au titre de son préjudice d'affection ;

Attendu que la SMACL exerce l'action subrogatoire et sollicite le remboursement des prestations contractuelles versées à Mme Yxxx ;

Attendu que la Ville de Thann invoque un préjudice matériel, correspondant au versement de sommes correspondant au régime indemnitaire dû à M. Yxxx sur un an, soit 5 723 €, aux frais de recrutement d'un nouveau chef de la police municipale, soit 3 455.24 €, aux primes exceptionnelles versées à deux agents pour suppléer leur chef, soit 1 199.12 €, outre 15 000 € de préjudice moral suite au décès brutal entraînant désorganisation de son service de police municipale ;

Attendu que la CDC demande le remboursement de ses prestations, soit 49 574.83 € d'arrérages et 39 386.41 € à échoir au titre de la pension de réversion anticipée ;

Attendu que la société des Automobiles Peugeot conteste les modalités de calcul du préjudice économique invoqué par Mme Veuve Yxxx et l'estime à 152 313.25 € et considère que la réclamation de la petite fille âgé de trois ans est excessif, de même que celle du frère Alain âgé de 50 ans et conclut au débouté de la CDC ;

- Action successorale : 30 000 € 10 000 € pour chacun des préjudices subis au titre des souffrances endurées, du préjudice esthétique, et de la perte de chance de survie dont la victime avait conscience.

Il est admis, sans méconnaître les souffrances physiques et psychiques subies par la victime, que les héritiers ne sont fondés à poursuivre l'indemnisation des préjudices subis par leur auteur que jusqu'au jour de son décès ( Cass. 2ème Civ. 24 juin 1998 nº 96-18534 ).

- Préjudice de Mme Veuve Yxxx : 242 953.07 €

- Préjudice d'affection : 30 000 €. Mme Yxxx était mariée à la victime depuis une trentaine d'années.

- Préjudice d'accompagnement : 5 000 €. En considération du fait que la victime a survécu à ses blessures une dizaine de jours.

- Préjudice économique : 207 953,07 €.

56 121 € (revenu du couple) - (30% x 56 121 €) = 39 284.70 € - 19 570 € (revenu de l'épouse) - 7 762 € (pension de réversion) = 11 952.70 € x 17.398 (prix de l'euro de rente viagère pour un homme de 53 ans barème 7-9 novembre 2004) = 207 953.07 €.

- Préjudice de Christelle Yxxx , épouse Axxx : 17 500 €

- Préjudice d'affection : 15 000 €. Mme Axxx, âgée de 31 ans, mariée, ne vivait plus au foyer paternel.

- Préjudice d'accompagnement : 2 500 €.

- Préjudice d'Emma Axxx : 9 000 €

- Préjudice d'affection : 9 000 €. L'enfant a perdu son grand-père mais n'était âgée que de trois ans.

- Préjudice d'Alain Yxxx : 9 000 €

- Préjudice d'affection : 9 000 €.

- Préjudice de la Ville de Thann : 11 377,36 €.

- Maintien des indemnités pendant un an : 5 723 € (annexe nº 6 de Me Harter).

- Frais d'embauche d'un nouveau chef de la police municipale : 3 455.24 € (annexes nº 7 à 9 de Me Harter).

- Primes exceptionnelles versées aux suppléants : 1 199.12 € (annexes nº 10 et 11 de Me Harter).

- Préjudice moral : 1 000 €.

- Action subrogatoire de la SMACL : 25 479.93 €. Selon quittance subrogative (annexe nº 26 de Me Harter).

- Action subrogatoire de la CDC : 88 961.24 €. Au titre de la pension de réversion CNRACL versée à la veuve, se décomposant en arrérages échus (49 574.83 €) et arrérages à échoir (39 386.41 € in annexe nº 1 de Me Harnist).

Attendu, en conséquence, qu'il convient de faire droit aux demandes, de condamner la SA des Automobiles Peugeot au paiement des dites sommes, avec les intérêts au taux légal à compter du présent arrêt sur les indemnités versées aux victimes indirectes et à compter de la réception de leur demandes respectives sur les créances indemnitaires de la Ville de Thann, de SMACL, soit le 2 février 2011, et de la CDC, soit le 24 mars 2011 ;

Sur l'article 700 2 du Code de procédure civile et les dépens :

Attendu que les appelants obtiennent en définitive gain de cause, il y a lieu d'infirmer le jugement de ces chefs et de condamner la SA des Automobiles Peugeot aux dépens de première instance comme d'appel, y compris ceux de la procédure de référé-expertise RG 05/336 et de la contre-expertise ;

Attendu, en outre, qu'il y a lieu d'indemniser les appelants au titre des frais irrépétibles qu'ils ont exposés dans les deux instances : 1 000 € pour chacun des consorts Yxxx , 1 000 € pour la Ville de Thann, 1 000 € pour la SMACL, lesquels ont un conseil commun, et 2 000 € pour la CDC ;

Par ces motifs LA COUR statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire, sur mise à disposition au greffe, après en avoir délibéré conformément à la Loi ; Déclare les appels recevables et partiellement bien fondés ; Dit n'y avoir lieu d'écarter le rapport de l'expert Parmentier ; Confirme le jugement entrepris uniquement en ce qu'il a déclaré les interventions des consorts Yxxx , de la Société Mutuelle d'Assurance des Collectivités Locales et des Associations et de la Caisse des Dépôts et Consignations régulières et recevables et en ce qu'il s'est déclaré commun et opposable à la Caisse des Dépôts et Consignations et à la caisse primaire d'assurance maladie ; L'infirme pour le surplus ; Statuant de nouveau des chefs infirmés : Déclare la SA des Automobiles Peugeot, prise en la personne de son représentant légal, entièrement responsable des conséquences dommageables du sinistre survenu à Thann le 1er février 2005 au préjudice de Bernard Yxxx ; Condamne la SA des Automobiles Peugeot, prise en la personne de son représentant légal, à payer à Marie-Astride Sutter, Veuve Yxxx , et à Christelle Yxxx , épouse Axxx , venant aux droits de Bernard Yxxx , la somme de 30 000 € (trente mille euros) de dommages et intérêts, avec les intérêts au taux légal à compter du présent arrêt ; Condamne la SA des Automobiles Peugeot, prise en la personne de son représentant légal, à payer à Marie-Astride Sutter, Veuve Yxxx , la somme de 242 953.07 € (deux cent quarante deux mille neuf cent cinquante trois euros et sept cents) de dommages et intérêts, avec les intérêts au taux légal à compter du présent arrêt ; Condamne la SA des Automobiles Peugeot, prise en la personne de son représentant légal, à payer Christelle Yxxx , épouse Axxx , la somme de 17 500 € (dix sept mille cinq cents euros) de dommages et intérêts, avec les intérêts au taux légal à compter du présent arrêt ; Condamne la SA des Automobiles Peugeot, prise en la personne de son représentant légal, à payer à Emma Axxx , représenté par sa mère Christelle Yxxx , épouse Axxx la somme de 9 000 € (neuf mille euros) de dommages et intérêts, avec les intérêts au taux légal à compter du présent arrêt ; Condamne la SA des Automobiles Peugeot, prise en la personne de son représentant légal, à payer à Alain Yxxx la somme de 9 000 € (neuf mille euros) de dommages et intérêts, avec les intérêts au taux légal à compter du présent arrêt ; Condamne la SA des Automobiles Peugeot, prise en la personne de son représentant légal, à payer à la Ville de Thann, agissant en la personne de son représentant légal, la somme de 11 377.36 € (onze mille trois cent soixante dix sept euros et trente six cents) de dommages et intérêts, avec les intérêts au taux légal à compter du 2 février 2011 sur la somme de 5 723 € (cinq mille sept cent vingt trois euros) et à compter du présent arrêt pour le surplus ; Condamne la SA des Automobiles Peugeot, prise en la personne de son représentant légal, à payer à la Société Mutuelle d'Assurance des Collectivités Locales et des Associations, agissant en la personne de son représentant légal, la somme de 25 479.93 € (vingt cinq mille quatre cent soixante dix neuf euros et quatre vingt treize cents), avec les intérêts au taux légal à compter du 2 février 2011 ; Condamne la SA des Automobiles Peugeot, prise en la personne de son représentant légal, à payer à la Caisse des Dépôts et Consignations, prise en la personne de son représentant légal, la somme de 88 961.24 € (quatre vingt huit mille neuf cent soixante et un euros et vingt quatre cents), avec les intérêts au taux légal à compter du 24 mars 2011 ; Rejette toutes conclusions plus amples ou contraires; DÉBOUTE la SA des Automobiles Peugeot, prise en la personne de son représentant légal, au titre de l'article 700 2 du Code de procédure civile ; Condamne la SA des Automobiles Peugeot, prise en la personne de son représentant légal, à payer un montant de 1 000 € (mille euros) à chacun des consorts Yxxx -Axxx , ainsi qu'à la Ville de Thann et à la Société Mutuelle d'Assurance des Collectivités Locales et des Associations et celle de 2 000 € (deux mille euros) à la Caisse des Dépôts et Consignation au titre de l'article 700 2 du Code de procédure civile ; Condamne la SA des Automobiles Peugeot, prise en la personne de son représentant légal, aux dépens de première instance comme d'appel, y compris ceux de la procédure de référé-expertise RG 05/336 et ceux de la contre-expertise ; DIT que le présent arrêt sera communiqué au juge aux affaires familiales de Colmar compétent en matière de tutelle des mineurs.