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Décisions

CA Bourges, ch. civ., 25 octobre 2018, n° 17-00831

BOURGES

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

BNP Paribas Personal Finance (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Foulquier

Conseillers :

MM. Guiraud, Perinetti

Avocats :

Mes Jacquet, Boulanger, Habib, Bertrand

TI Clamecy, 31 mai 2017

31 mai 2017

Le 28 mai 2015, les époux de Lecluse ont conclu avec la SARL Sungold, exerçant sous l'enseigne Institut des Nouvelles Énergies, un contrat d'acquisition et de pose de 12 panneaux photovoltaïques incluant les démarches administratives ainsi que le raccordement au réseau ERDF pour un prix de 22 500 €.

Cette installation a été réalisée le 12 juin 2015 mais le contrat d'achat d'énergie avec EDF n'a été conclu, sur la propre initiative des époux de Lecluse, qu'à compter du 10 octobre 2016, avec prise d'effet au 4 février 2016, date du raccordement de l'installation au réseau.

Pour financer cette acquisition, les époux de Lecluse ont souscrit le même jour auprès de la société Sygma Banque un crédit affecté d'un montant de 22 500 € remboursable en 58 échéances de 282,56 €, au taux nominal de 5,86 % l'an.

Les époux de Lecluse ont soldé de manière anticipée ce prêt à compter du 20 mars 2016 au moyen d'un chèque d'un montant de 24 030,91 €.

Par actes d'huissier des 26 et 27 janvier 2017, les époux de Lecluse ont fait assigner la SARL Sungold, en la personne de Me Bertrand, son liquidateur judiciaire, ainsi que la société Sygma Banque devant le tribunal d'instance de Clamecy, aux fins de voir prononcer l'annulation du contrat principal et celle du contrat de crédit affecté, dire que la société Sygma Banque ne pourra se prévaloir des effets de l'annulation à l'égard des emprunteurs, ordonner le remboursement par la société Sygma Banque de la somme de 24 030,91 €, condamner la société Sygma Banque à leur payer la somme de 6 121,50 € au titre de la remise en état de la toiture, celle de 3 000 € au titre du préjudice financier et du trouble de jouissance et celle de 2 000 € au titre du préjudice moral, outre une somme de 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.

Par jugement réputé contradictoire rendu le 31 mai 2017, le tribunal a :

- déclaré la demande des époux de Lecluse recevable,

- annulé le contrat de vente conclu le 28 mai 2015 entre la SARL Sungold et les époux de Lecluse,

- annulé le contrat de crédit conclu le 28 mai 2015 entre la société BNP Paribas Personal Finance, venant aux droits de la société Sygma Banque, et les époux de Lecluse,

- débouté les époux de Lecluse de leurs demandes indemnitaires au titre des frais de remise en état de la toiture,

- condamné la société BNP Paribas Personal Finance à verser aux époux de Lecluse la somme de 8 258,18 € au titre du préjudice financier et du trouble de jouissance,

- condamné la société BNP Paribas Personal Finance à verser aux époux de Lecluse la somme de 300 € au

titre du préjudice moral,

- condamné la société BNP Paribas Personal Finance à payer aux époux de Lecluse la somme de 1 500 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.

Le premier juge retient que le bon de commande souscrit par les époux de Lecluse à leur domicile le 28 mai 2015 ne désigne pas de manière suffisamment précise la nature et les caractéristiques des biens offerts, non plus que le coût unitaire de chacun des équipements vendus et celui des prestations de services, que les conditions de vente sont imprimées en très petits caractères les rendant très peu lisibles, que les caractéristiques du crédit ne sont pas détaillées, enfin que ni les modalités du droit de renonciation ni le texte intégral des articles L. 121-23 et suivants du Code de la consommation ne figurent au contrat. Après avoir souligné que la nullité du contrat principal entraîne de plein droit celle du contrat de crédit affecté, le tribunal relève que le prêteur ne s'est pas assuré de la conformité du contrat principal à la législation relative au démarchage à domicile, que les démarches administratives comme le raccordement au réseau ne pouvaient avoir été réalisés à la date de délivrance de l'attestation de fin de travaux, d'autant que le prêteur s'est refusé à produire ce document malgré une sommation de communiquer, et qu'il a donc commis des fautes dans le déblocage des fonds le privant de son droit de solliciter la restitution du capital versé.

Sur la demande indemnitaire des époux de Lecluse, le jugement note que la centrale photovoltaïque est productive, que le vendeur ne récupérera pas le matériel dont il n'a pas sollicité la restitution et que les époux de Lecluse doivent être déboutés de leur demande de remboursement de frais de remise en état qu'ils n'exposeront pas. Il évalue le préjudice financier et de jouissance subi par les époux de Lecluse à la somme de 1 500 €, le préjudice moral à la somme de 300 € et y ajoute une somme de 6 758,18 € correspondant à la différence entre les sommes déboursées par les époux de Lecluse (24 030,91 €) et le prix du matériel désormais à leur disposition (17 272,73 €).

La société BNP Paribas Personal Finance a interjeté appel de ce jugement à l'encontre des époux de Lecluse et de Me Bertrand ès qualité par déclaration reçue le 13 juin 2017.

Par conclusions notifiées le 12 janvier 2018 auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé, la société BNP Paribas Personal Finance demande à la cour de :

- réformer en toutes ses dispositions le jugement rendu le 31 mai 2017 par le tribunal d'instance de Clamecy, sauf en ce qu'il a débouté les époux de Lecluse de leurs demandes indemnitaires au titre des frais de remise en état de la toiture,

À titre principal :

- dire que le bon de commande du 28 mai 2015 est conforme aux dispositions des articles L. 121-23 et L. 121-24 du Code de la consommation,

- à défaut, dire que les époux de Lecluse ont manifesté leur volonté de renoncer à se prévaloir de la nullité du contrat en toute connaissance des dispositions applicables,

- dire que les conditions d'annulation du contrat principal sur le fondement du dol ne sont pas réunies,

- en conséquence, débouter les époux de Lecluse de l'intégralité de leurs prétentions,

À titre subsidiaire :

- dire que la société BNP Paribas Personal Finance n'a commis aucune faute en procédant à la délivrance des fonds,

- en conséquence, débouter les époux de Lecluse de l'intégralité de leurs prétentions et notamment de leur demande de remboursement du capital versé par anticipation,

En tout état de cause :

- débouter les époux de Lecluse de leur demande en paiement de dommages et intérêts en l'absence de faute du prêteur et à défaut de justification de la réalité et du sérieux d'un quelconque préjudice,

- débouter les époux de Lecluse de leur demande en paiement de dommages et intérêts au titre de la remise en état de la toiture,

- condamner solidairement les époux de Lecluse à lui payer la somme de 1 500 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamner in solidum les époux de Lecluse aux dépens et accorder à Me Jacquet le bénéfice de l'article 699 du Code de procédure civile.

Par conclusions notifiées le 14 mai 2018 auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé, les époux de Lecluse demandent à la cour de :

- confirmer le jugement en ce qu'il a prononcé l'annulation du contrat de vente et du contrat de crédit et retenu la responsabilité de la société BNP Paribas Personal Finance,

- infirmer, sur leur appel incident, le jugement en ce qu'il s'est abstenu de prononcer la restitution des sommes versées par les époux de Lecluse au titre du remboursement anticipé du contrat de crédit, les a déboutés de leur demande d'indemnisation au titre des frais de remise en état de la toiture et n'a pas assuré une juste indemnisation des préjudices subis,

En conséquence :

- ordonner le remboursement par la société BNP Paribas Personal Finance de l'intégralité de la somme de 24 030,91 € remboursée par anticipation,

- condamner la société BNP Paribas Personal Finance à leur payer la somme de 6 121, 50 € au titre de la remise en état de la toiture, celle de 4 000 € au titre de leur préjudice financier et du trouble de jouissance et celle de 2 000 € au titre du préjudice moral,

- condamner la société BNP Paribas Personal Finance à leur payer la somme de 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens,

À titre subsidiaire,

- prononcer la déchéance du prêteur du droit aux intérêts contractuels,

- condamner le liquidateur de la SARL Sungold à les garantir de l'éventuelle condamnation à restitution du capital emprunté,

- ordonner au liquidateur de la SARL Sungold et à la société BNP Paribas Personal Finance que soient effectuées la dépose des panneaux et la remise en état de la toiture dans les deux mois de la signification de la décision à intervenir et dire, à défaut d'exécution dans ce délai, qu'ils pourront en disposer comme bon leur semblera.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 5 juin 2018.

Sur ce,

1 - Sur la nullité du contrat principal :

Sur les mentions du bon de commande :

Les époux de Lecluse font valoir que le bon de commande, établi dans le cadre d'un démarchage à domicile, d'une part, ne respecte pas les prescriptions de l'article L. 111-1 du Code de la consommation concernant la désignation précise de la nature et des caractéristiques du bien vendu, le prix unitaire de chaque composant de l'installation, l'absence des conditions d'exécution du contrat et les délais de livraison, enfin les modalités de financement et, d'autre part, comporte un formulaire de rétractation qui n'est pas détachable sans amputer le corps du contrat et indique de manière incomplète les modalités du droit de rétractation, ne respectant pas les dispositions de l'article R. 121-3 du Code de la consommation et se réfèrant par ailleurs aux articles L. 121-23 à L. 121-26 qui n'étaient plus en vigueur depuis le 14 juin 2014.

La société BNP Paribas Personal Finance soutient que le bon de commande est conforme aux dispositions des articles L. 121-23 et L. 121-24 du Code de la consommation dont les dispositions sont par ailleurs reproduites, que les biens offerts et services proposés sont expressément précisés et que les modalités de financement sont complètes dès lors que se trouve joint au contrat principal l'offre préalable de crédit comportant toutes les mentions requises. Elle ajoute que le contrat comporte bien un formulaire détachable de rétractation dont la prétendue absence n'est pas au demeurant sanctionnée par la nullité du contrat.

Le contrat principal, conclu le 28 mai 2015 dans le cadre d'un démarchage à domicile, est régi, notamment, par l'article L. 121-18-1 du Code de la consommation, en sa rédaction applicable au jour de sa conclusion, lequel dispose que "Le professionnel fournit au consommateur un exemplaire daté du contrat conclu hors établissement sur papier signé par les parties ou, avec l'accord du consommateur, sur un autre support durable, confirmant l'engagement exprès des parties. Ce contrat comprend toutes les informations prévues à l'article L. 121-17. Le contrat est accompagné du formulaire type de rétractation mentionné au 2° de l'article L. 121-17.

L'article L. 121-17 prévoit que préalablement à la conclusion d'un contrat de vente ou de fourniture de services, le professionnel communique au consommateur, de manière lisible et compréhensible, les informations suivantes :

1° les informations prévues aux articles L. 111-1 et L. 111-2,

2° lorsque le droit de rétractation existe, les conditions, le délai et les modalités d'exercice de ce droit ainsi que le formulaire type de rétractation, dont les conditions de présentation et les mentions qu'il contient sont fixées par les articles R. 121-1 et R. 121-2,

L'article L. 111-1 précise qu'avant que le consommateur ne soit lié par un contrat de vente ou de fourniture de services, le professionnel communique au consommateur, de manière lisible et compréhensible, les informations suivantes :

1° les caractéristiques essentielles du bien ou du service, compte tenu du support de communication utilisé et du bien ou service concerné,

2° le prix du bien ou du service, en application des articles L. 113-3 et L. 113-3-1,

3° s'il y a lieu, les informations relatives aux garanties légales (...) à l'existence et aux modalités de mise en œuvre des garanties et aux autres conditions contractuelles.

En l'espèce, le bon de commande signé le 28 mai 2015 par M. de Lecluse désigne l'objet du contrat de la manière suivante : "Installation solaire photovoltaïque d'une puissance globale de 3000 WC comprenant douze panneaux photovoltaïques monocristalllatins Thomson Énergy d'une puissance individuelle de 250 WC haut rendement certifiés NF EN 61 215 classe II certifié CE ; démarches administratives (mairie, EDF, Consuel, AOA ...) ; raccordement au réseau ERDF à la charge de l'Institut des nouvelles énergies en totalité". Il est également mentionné, juste au dessus de l'encadré dans lequel figurent les renseignements ci dessus, que l'installation bénéficie d'une garantie standard pièces et main d'œuvre, d'un système intégré au bâti, d'un onduleur Schneider, d'un coffret de protection, d'un disjoncteur et d'un parafoudre. S'agissant des conditions de paiement, ce bon de commande fait état d'un financement par l'organisme Sygma à hauteur de 22 500 euros remboursable en 108 mensualités de 282,56 euros avec un TEG de 5,86 % et un report de douze mois.

Si les caractéristiques essentielles du bien ou du service n'incluent pas, contrairement à ce que soutiennent les époux de Lecluse, l'aspect, la dimension des panneaux ou le poids de l'installation, elles doivent néanmoins comporter des éléments permettant d'identifier le modèle de panneaux et de l'onduleur, dès lors que les deux types de matériels présents sur le marché ne répondent pas tous aux mêmes normes de qualité en matière notamment de rendement. En l'occurence, si la description des panneaux et le renvoi à certaines normes peut paraître suffisants à identifier leur modèle ou un modèle équivalent, en revanche force est de constater que le bon de commande ne précise pas le modèle de l'onduleur, appareil permettant de transformer l'électricité produite en courant alternatif, ni des références qui rendraient possible son identification.

Par ailleurs, aucun prix global ne figure sur ce bon de commande, le consommateur ne pouvant le déduire que de la mention d'un financement à hauteur de 22 500 euros, sans aucun paiement au comptant. En revanche, l'exigence de la mention d'un prix détaillé pour une installation globale, telle une installation photovoltaïque, n'est pas posée expressément par l'article L. 111-1 du Code de la consommation et l'ancien article L. 121-3, dont le premier juge a fait application par erreur, tout en lui faisant dire le contraire, n'exigeait au demeurant que la mention d'un prix global à payer.

Le délai de livraison de trois mois maximum est mentionné expressément au recto du bon de commande et les conditions générales de vente, contenant également une clause relative au délai de livraison, sont énoncées au verso dont le client a déclaré expressément avoir pris connaissance. Il n'est nullement exigé que le bon de commande précise les modalités de pose, l'impact visuel, l'orientation et l'inclinaison des panneaux ou encore le délai de mise en service qui dépend au demeurant de tiers au contrat ou encore soit accompagné d'un plan technique.

Les modalités de financement de l'opération sont indiquées de manière relativement complète au recto du bon de commande et le taux nominal ainsi que le coût global du crédit, qui font seuls défaut sur ce document, sont par ailleurs précisés dans l'offre de crédit signée le même jour par le client.

Enfin, le bon de commande produit en original par M. de Lecluse, qui reproduit le texte de l'ancien article L. 121-21 du Code la consommation dont la teneur demeure inchangée malgré son abrogation, informe le consommateur sur les conditions et le délai d'exercice de ce droit. Il comporte par ailleurs un bordereau de rétractation facilement détachable puisque prédécoupé, mentionnant, au verso, "Annulation de commande" et énonçant les modalités précises d'exercice de ce droit et une formule par laquelle le client déclare annuler sa commande et, au recto, l'adresse à laquelle il doit être envoyé, à l'exclusion de toute autre mention. En outre, ainsi qu'il résulte de l'article L. 121-21-1 du Code de la consommation, en sa version alors en vigueur, l'absence ou le défaut de conformité du bordereau de rétractation n'est plus sanctionné par la nullité du contrat mais par le report dans le temps du délai de rétractation qui peut être exercé jusqu'à 12 mois après l'expiration du délai initial, à savoir à partir de la conclusion du contrat ou la livraison du bien. En l'occurrence, il n'est pas soutenu par M. de Lecluse qu'il aurait exercé son droit de rétractation avant le 28 mai 2016 et au plus tard le 12 juin 2016.

Dès lors, seuls l'insuffisance de précision des caractéristiques essentielles concernant l'onduleur et le défaut de mention explicite d'un prix global sont susceptibles de justifier l'annulation du bon de commande signé par M. de Lecluse le 28 mai 2015.

Sur le dol :

Invoquant l'existence de manœuvres dolosives qui auraient vicié leur consentement au sens des articles 1109 et 1116 anciens du Code civil, les époux de Lecluse, après avoir longuement rappelé les textes et la jurisprudence relatifs aux pratiques commerciales trompeuses, soutiennent que la SARL Sungold s'est abstenue de les renseigner sur les caractéristiques essentielles du bien vendu, que le contrat ne contient aucune information concernant le délai de raccordement, l'assurance obligatoire à souscrire en cas d'acquisition de tels matériels, la location obligatoire d'un compteur de production durant vingt ans, la durée de vie des matériels (notamment l'onduleur), la nécessité de procéder à la désinstallation des matériels à l'issue de leur exploitation, le prix d'achat de l'électricité et les rendements envisageables, que la SARL Sungold a sciemment fait état d'un partenariat mensonger avec la société EDF et qu'elle a fait une présentation fallacieuse de la rentabilité de l'installation qui devait s'autofinancer, ce qui n'est pas le cas, qu'enfin l'opération a été présentée comme une candidature sans engagement soumise à la confirmation de sa parfaite viabilité économique et de son autofinancement et non comme un contrat d'achat.

La société BNP Paribas Personal Finance réplique que les conditions de validité requises par l'article 1108 ancien du Code civil sont remplies et que l'existence de manœuvres dolosives déterminantes du consentement ne repose que sur des allégations.

Cependant, l'obligation mise à la charge du vendeur d'une installation photovoltaïque d'informer l'acquéreur des caractéristiques essentielles du bien vendu, et spécialement des aspects tenant à la rentabilité économique de l'opération, compte tenu notamment des contraintes techniques de l'installation, des conditions d'acquisition par EDF de l'électricité produite ou de la capacité de production de l'installation, suppose que l'installateur se soit engagé sur un rendement particulier ou ait fait entrer, d'une manière ou d'une autre, la rentabilité économique de l'opération dans le champ contractuel. Or, les époux L., qui procèdent par voie de simples affirmations, ne produisent aux débats aucune pièce propre à établir que l'Institut des nouvelles énergies se serait engagé sur une rentabilité particulière qu'il ne serait pas possible d'atteindre, ou n'aurait obtenu son consentement à l'opération qu'en lui communiquant, sous une forme ou une autre, une étude de faisabilité économique de l'opération qui se révélerait fallacieuse.

Par ailleurs, l'existence d'une pratique commerciale trompeuse repose sur des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur le consommateur et ne peut procéder d'une simple rétention d'information, laquelle ne peut constituer un dol que si, comme il a déjà été précisé ci dessus, l'un des deux cocontractants avait parfaitement conscience que l'information manquante, entrée dans le champ contractuel, était déterminante du consentement de l'autre et qu'il s'est donc abstenu délibérément de la lui fournir.

Il n'est pas davantage établi, à l'examen des pièces produites, que la SARL Sungold aurait sciemment fait état d'un partenariat mensonger avec la société EDF pour pénétrer dans l'habitation des époux de Lecluse.

Il n'est pas plus sérieux de soutenir que la SARL Sungold aurait présenté l'opération comme une candidature sans engagement, soumis à la confirmation de sa parfaite viabilité économique et de son

autofinancement, au seul motif que le démarcheur n'aurait pas coché la case "contrat d'achat" sur le bon de commande ou que le montant total de l'emprunt, intérêts inclus, ne serait pas indiqué. En effet, d'une part le formulaire de bon de commande ne comprend aucune case autre que "contrat d'achat" et toute une page est réservée aux conditions générales de vente, et d'autre part, ainsi que rappelé ci dessus, une offre de contrat de crédit affecté signée le même jour mentionne le coût total du crédit et ne laisse aucune ambiguïté sur la nature de l'opération.

Dès lors, les époux de Lecluse ne démontrent pas que le vendeur, par une dissimulation intentionnelle d'une information dont il savait le caractère déterminant pour l'autre partie, a commis un dol qui devrait être sanctionné par la nullité du contrat principal.

Sur la confirmation de l'acte :

Invoquant la confirmation du contrat principal, la société BNP Paribas Personal Finance soutient que l'installation ayant été raccordée au réseau électrique et produisant de l'électricité, la nullité du contrat principal ne saurait être prononcée pour vice du consentement. Elle ajoute qu'à supposer même que le bon de commande ne comporte pas toutes les mentions requises, les époux de Lecluse n'ont pas fait usage de leur droit de rétractation, ont accepté la livraison et la pose des panneaux photovoltaïques sans la moindre réserve, ont signé le 12 juin 2015 le certificat de livraison en demandant au prêteur de procéder au déblocage des fonds et ont donc manifesté, en toute connaissance de cause, leur volonté de renoncer à invoquer la nullité simplement relative du contrat principal et donc celle du contrat de crédit affecté.

Les époux de Lecluse soutiennent que la nullité du bon de commande entraîne la nullité du contrat de crédit accessoire à la vente et que la confirmation du contrat principal ne saurait résulter de son exécution dès lors que l'absence de conformité du contrat et les vices qui y sont inhérents n'ont pu être découverts par eux que postérieurement et qu'ils n'ont pu manifester une volonté claire de renoncer à la nullité de l'acte.

La nullité encourue sur le fondement des articles L. 121-17 et L. 111-1 du Code de la consommation est relative et, conformément aux dispositions de l'article 1338 ancien du Code civil, à défaut d'acte de confirmation ou ratification, l'exécution volontaire du contrat, en connaissance des vices l'entachant de nullité, après l'époque à laquelle l'obligation pouvait être valablement confirmée ou ratifiée, emporte renonciation aux exceptions de nullité.

Il importe de rappeler que la nullité encourue sur le fondement de ces textes est liée uniquement à une absence de désignation du modèle de l'onduleur et un défaut de mention explicite d'un prix global.

Or, en premier lieu, le 12 juin 2015, M. de Lecluse a signé un certificat attestant sans réserve que la livraison du bien et/ou la fourniture de la prestation de service, à savoir un kit photovoltaïque, avait été pleinement effectuée conformément au contrat principal et que cette livraison était intervenue le même jour, reconnaissant que ses obligations au titre du contrat de crédit affecté prenait effet à compter de la livraison et demandant au

prêteur de procéder à la mise à disposition des fonds. S'il est constant aujourd'hui que la prestation n'était pas achevée à la date du 12 juin 2015, M. de Lecluse, en signant ce document, a néanmoins attesté de l'exécution du contrat principal et autorisé le déblocage des fonds par le prêteur qui, en l'absence d'anomalie ou de contradiction manifeste de ce document, n'avait pas l'obligation de procéder à des investigations particulières.

Le 15 juillet 2015, M. de Lecluse a reçu de la SARL Sungold une facture décrivant de manière détaillée l'installation photovoltaïque, y compris l'onduleur, et mentionnant un prix global hors taxes et toutes taxes comprises.

L'installation a été ensuite mise en service et est devenue productive à compter du 4 février 2016, date à partir de laquelle EDF a commencé à facturer l'électricité produite, ce qui implique que M. de Lecluse ait conclu un contrat dit d'achat d'énergie électrique avec cette dernière, contrat qui a été signé en fait les 23 septembre et 10 octobre 2016 avec effet rétroactif à compter du 4 février 2016.

M. de Lecluse prétendant qu'en dépit de la signature du certificat de livraison le 12 juin 2015, les travaux n'étaient pas achevés ni même autorisés à cette date, en l'absence de raccordement au réseau et de Consuel, aurait donc, à suivre son raisonnement, également procédé, entre le 12 juin 2015 et le 4 février 2016, aux actes nécessaires pour assurer ce raccordement et obtenir ce Consuel.

Enfin, à la date du 20 mars 2016, les époux de Lecluse ont procédé au remboursement par anticipation du contrat de prêt à hauteur de 24 030,91 euros.

Les époux de Lecluse ont donc exécuté sans réserve le contrat principal mais aussi le contrat de crédit, en sachant parfaitement, pour avoir eu le temps de procéder à toute vérification utile, quel type de matériel avait été installé à leur domicile et quel en était le prix ainsi que son mode de financement, de sorte qu'ils ont, par cette exécution, confirmé le bon de commande entaché de nullité.

Ils seront donc déboutés de leur demande d'annulation du contrat principal pour violation des dispositions des articles L. 121-17 et L. 111-1 du Code de la consommation et, par voie de conséquence, du contrat de crédit affecté à son financement.

2 - Sur la responsabilité de la banque :

Les époux de Lecluse soutiennent principalement que :

- la banque a financé un contrat principal entaché de nullité manifeste et que le défaut de vérification de la validité du contrat la prive de son droit à restitution du capital prêté,

- il appartiendra à la banque d'établir que la SARL Sungold, en sa qualité d'intermédiaire de crédit, est régulièrement répertoriée et remplit ses obligation de formation,

- la banque a participé au dol de son prescripteur de crédit en ce qu'elle ne pouvait ignorer, au regard des nombreuses réclamations, les mécanismes douteux de conclusion des contrats et la cause prépondérante des conventions financées, à savoir les revenus énergétiques attendus ;

- la banque a manqué à ses obligations de surveillance, de vigilance, de conseil et de mise en garde quant à l'opportunité économique du projet et au caractère illusoire des rendements escomptés, comme elle a manqué à ses obligations prévues aux articles L. 311-6 et L. 311-8 du Code de la consommation ;

- le prêteur a délivré les fonds, alors même que les travaux n'étaient pas achevés ni même autorisés, en l'absence de raccordement au réseau et de délivrance du Consuel, et qu'ils ne l'ont été que le 4 février 2016 ;

- le prêteur ne peut se prévaloir du certificat ou attestation de livraison pour s'exonérer de sa responsabilité dès lors que le document émane de la SARL Sungold, qu'il est imprécis quant à la désignation des travaux effectués (kit photovoltaïque) et est d'autant plus ambigu que le contrat comporte à la fois une vente et plusieurs prestations de services ;

- l'intégration en toiture de panneaux photovoltaïques constitue des travaux de construction au sens de l'article 1792 du Code civil et la banque a donc mis en place un crédit délibérément inapproprié en faisant souscrire aux emprunteurs un crédit à la consommation en lieu et place d'un crédit immobilier.

Les époux de Lecluse en déduisent qu'en raison de toutes les fautes qu'il a commises, le prêteur doit être privé du droit de réclamer le remboursement du capital prêté et doit leur restituer la somme de 24 030,91 euros qu'ils lui ont remboursée par anticipation, et que l'impossibilité de recouvrer à leur encontre le capital prêté constituerait même la conséquence première de la nullité prononcée, d'autant que les sommes ont été versées entre les mains du vendeur. Subsidiairement, à défaut de pouvoir obtenir la restitution des sommes versées, ils s'estiment fondés à demander la déchéance du prêteur du droit aux intérêts conventionnels. Ils considèrent également que la banque est tenue, en raison des fautes commises et de l'obligation de replacer les parties dans la situation antérieure, de leur régler les frais de remise en état de la toiture et, subsidiairement, de procéder, avec le concours de la SARL Sungold, à la dépose des panneaux et à la remise en état de la toiture, à défaut de quoi ils pourront en disposer comme bon leur semblera. Ils prétendent enfin qu'ils subissent un préjudice financier et de jouissance lié à la mobilisation de leurs économies et la souscription d'un nouveau prêt bancaire pour rembourser celui consenti par Sygma et à la réduction de leur niveau de vie, ainsi qu'un préjudice moral en rapport avec l'angoisse d'avoir à supporter longtemps le remboursement d'un crédit ruineux ainsi que la présence d'une installation aussi inutile qu'inesthétique.

La société BNP Paribas Personal Finance soutient que l'annulation du contrat de prêt, si elle devait être prononcée, emporterait l'obligation pour l'emprunteur de restituer les fonds prêtés, peu important qu'ils aient été versés directement entre les mains du vendeur, et cette obligation de restitution ne cesserait qu'en présence d'une faute du prêteur dans le déblocage des fonds, laquelle ne saurait être retenue dès lors que les époux de Lecluse ont attesté de la fin des travaux et qu'il n'appartenait au prêteur ni de contrôler leur conformité aux dispositions contractuelles, ni de vérifier la régularité du bon de commande par rapport aux dispositions du Code de la consommation. Elle fait encore valoir que les demandes indemnitaires formées par les époux de Lecluse sont injustifiées et spécialement celle tendant à la remise en état de la toiture, alors qu'ils conserveront la centrale photovoltaïque qui est productive et que le vendeur ne récupérera pas, une telle indemnisation étant de nature à consacrer un enrichissement sans cause et à constituer une sanction manifestement disproportionnée.

Ces moyens des parties étant rappelés, il convient tout d'abord de constater qu'en l'absence d'annulation, le contrat principal et le contrat de crédit affecté doivent recevoir exécution et que, par suite, la question des restitutions réciproques est sans objet. Se trouve ainsi privé de tout intérêt l'ensemble de l'argumentaire des époux L. relatif aux fautes commises par le prêteur dans le déblocage des fonds puisque ces fautes sont uniquement invoquées pour faire obstacle à la restitution du capital prêté et qu'il n'en est pas tiré d'autres conséquences, horsmis ce qui sera dit ci après sur la déchéance des intérêts conventionnels.

En tout état de cause, en dehors de circonstances particulières qui ne se retrouvent pas en l'espèce, le prêteur n'est tenu envers l'emprunteur à aucun devoir de mise en garde quant à l'opportunité économique de l'opération financée. En outre, le prêteur s'est conformé aux obligations prescrites par les articles L. 311-6 et suivants du Code de la consommation puisqu'il produit la fiche d'informations préontractuelles européennes normalisées, la fiche patrimoniale, la fiche d'explications et de mise en garde ainsi que la fiche d'informations et conseil en assurance, toutes signées par l'emprunteur. Enfin, si l'intégration en toiture de panneaux photovoltaïques constitue des travaux d'amélioration d'un immeuble, pour autant la réglementation propre au crédit immobilier n'est pas applicable dès lors que, conformément à l'article L. 312-2 en sa rédaction applicable à la date de conclusion du contrat, le montant de l'emprunt n'excède pas la somme de 75 000 euros.

Les époux de Lecluse ne sauraient non plus solliciter la dépose de l'installation et la remise en état de la toiture, ni l'indemnisation d'un préjudice financier et de jouissance ou encore d'un préjudice moral s'inscrivant dans les suites d'une annulation qui n'est pas prononcée.

La demande de déchéance du droit aux intérêts conventionnels, sollicitée à titre subsidiaire sans autre précision, ne peut que se fonder sur une violation des articles L. 311-6 et suivants du Code de la consommation, dont il vient d'être précisé qu'elle n'était pas établie.

En conséquence, les époux de Lecluse seront déboutés de l'ensemble de leurs demandes. L'équité ne commande pas de faire application en la cause des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par ces motifs LA COUR, Infirme le jugement rendu par le tribunal d'instance de Clamecy le 31 mai 2017, sauf en ce qu'il a débouté M. Alain d. et Mme Brigitte d. de leurs demandes indemnitaires au titre des frais de remise en état de la toiture, Statuant à nouveau, Déboute M. Alain d. et Mme Brigitte d. de l'ensemble de leurs autres demandes, Déboute la société BNP Paribas Personal Finance de sa demande d'indemnité de procédure, Condamne in solidum M. Alain d. et Mme Brigitte d. aux dépens de première instance et d'appel et accorde à Maître Jacquet le droit prévu à l'article 699 du Code de procédure civile.