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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 24 octobre 2018, n° 16-10972

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Groupe Gesti Pro (SAS)

Défendeur :

Yutaka (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Luc

Conseillers :

Mmes Mouthon Vidilles, Comte

Avocat :

Me Cherki

T. com. Paris, du 14 déc. 2015

14 décembre 2015

Faits et procédure

La société Groupe Gesti Pro est spécialisée dans le nettoyage courant des bâtiments.

La société YFJM France Japon Management, ci-après YFJM, est spécialiste de la formation continue d'adultes.

En 2009, la société Groupe Gesti Pro a conclu un contrat de nettoyage de ses locaux avec la société Tin Pro, dont l'activité a été reprise par la société YFJM.

Les relations entre les parties se sont ensuite détériorées s'agissant de la qualité des prestations réalisées et des facturations.

Par courrier du 10 octobre 2013, la société Groupe Gesti Pro informe la société YFJM qu'elle cesse d'exécuter les prestations contractuelles, au motif que la lettre de mise en demeure du 1er octobre 2013 d'avoir à payer la somme de 1 616,97 euros au titre de factures impayées était demeurée sans effet.

La société Groupe Gesti Pro a assigné la société YFJM devant le Tribunal de commerce de Nanterre par acte du 21 février 2014, en paiement des factures impayées.

Par jugement du 13 mars 2014, le Tribunal de commerce de Nanterre s'est déclaré incompétent au profit du Tribunal de commerce de Paris par application de l'article L. 442-6 du Code de commerce, la société YFJM ayant fondé l'examen de sa demande reconventionnelle sur l'article L. 442-6-I 5° du Code de commerce.

Sur contredit formé par la société Groupe Gesti Pro, la Cour d'appel de Versailles a, par arrêt du 9 septembre 2014, rejeté le contredit et confirmé la compétence du Tribunal de commerce de Paris.

Par jugement du 14 décembre 2015, le Tribunal de commerce de Paris :

- a débouté la société YFJM de sa demande in limine litis sur sa qualité à agir,

- a débouté la société Goupe Gesti Pro, venant aux droits de la société Tin Pro, de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions,

- a condamné la société Groupe Gesti Pro, venant aux droits de la société Tin Pro, à payer à la société YFJM la somme de 2 000 euros afin de l'indemniser du préjudice subi par la résiliation brutale de la relation commerciale,

- a condamné la société Groupe Gesti Pro, venant aux droits de la société Tin Pro, à payer à la société YFJM la somme de 131,74 euros au titre du solde des comptes,

- a condamné la société Groupe Gesti Pro, venant aux droits de la société Tin Pro, à payer à la société YFJM la somme de 4 800 euros au titre de l'article 700 Code de procédure civile,

- a débouté les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires,

- d'office a ordonné l'exécution provisoire du présent jugement,

- a condamné la société Groupe Gesti Pro, venant aux droits de la société Tin Pro, aux dépens dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 112,88 euros dont 18,37 euros de TVA.

La société Groupe Gesti Pro a relevé appel de ce jugement par déclaration remise au greffe le 13 mai 2016.

La procédure devant la cour a été clôturée le 26 juin 2018.

LA COUR

Vu les conclusions du 18 juillet 2016 par lesquelles la société Gestri Pro, appelante, invite la cour, au visa des articles L. 442-6, I, 5° du Code de commerce et 1134 ancien du Code civil, à :

- confirmer le jugement du 14 décembre 2015 rendu par le Tribunal de commerce de Paris, en ce qu'il a débouté la société YFJM, de sa demande in limine litis contestant la qualité à agir de la société Groupe Gesti Pro, venant aux droits de la société Tin Pro,

- infirmer le jugement du 15 décembre 2015 rendu par le Tribunal de commerce de Paris, pour le reste de ses dispositions, et juger à nouveau :

- dire la rupture du contrat du fait de la société YFJM,

- dire que l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce ne s'applique pas dans les rapports entre les sociétés Groupe Gesti Pro et YFJM,

en conséquence,

- condamner la société YFJM au paiement des sommes suivantes au profit de la société Groupe Gesti Pro :

* 13 776,64 euros TTC restant due à ce jour au titre :

. du solde au 1er octobre 2013 : 798,30 euros

. de la facture n° 130914126 : 784,48 euros

. de l'avoir n° 130912765 : 153,09 euros

. de la facture n° 131014294 : 12.346,95 euros

avec intérêts de retard au taux de 1,5 fois le TIL à compter de la mise en demeure du 29 octobre 2013 ;

* 1 500 euros de dommages et intérêts pour résistance abusive et dilatoire;

- débouter la société YFJM de toutes ses demandes, fins et prétentions,

en tout état de cause, condamner la société YFJM à lui payer la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, et aux entiers dépens,

à titre infiniment subsidiaire, et si par extraordinaire, la cour devait confirmer le jugement rendu par le Tribunal de commerce de Paris rendu le 14 décembre 2015, la condamnation au titre de l'article 700 du Code de procédure civile doit être réduit à plus jute proportion sans pouvoir excéder la somme de 3 600 euros ;

Vu la signification de la déclaration d'appel et des conclusions à la requête de la société Gestri Pro délivrée à la société YFJM le 12 juillet 2016 sur la base d'un procès-verbal de remise à étude ;

SUR CE

La société YFJM n'a pas constitué avocat. Il sera statué par défaut.

La cour se réfère, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens échangés et des prétentions des parties, à la décision déférée et aux dernières conclusions échangées en appel.

En application de l'article 954 alinéa 2 du Code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions.

Il y a lieu de rappeler qu'en appel, si l'intimé ne conclut pas, il est néanmoins statué sur le fond, et le juge ne fait droit aux prétentions et moyens de l'appelant que dans la mesure où il les estime réguliers, recevables et bien fondés et que par ailleurs, l'effet dévolutif de l'appel suppose que la cour statue sur l'entier litige en prenant en compte l'ensemble des données et notamment les prétentions formées par l'intimée en première instance.

Ainsi, la cour n'étant saisie d'aucune demande d'infirmation du jugement sur la qualité à agir, il n'y a pas lieu d'examiner cette exception.

Sur les comptes entre les parties

La société Groupe Gesti Pro soutient que la société YFJM est débitrice de deux factures émises aux mois d'août 2012 et 2013. Elle explique que la société YFJM ne saurait se prétendre créditrice de la société Groupe Gesti Pro pour refuser de la payer car, elle a réalisé un avoir sur la facture d'août 2012, de sorte que cette facture des prestations du mois d'août 2012 n'a pas lieu d'être déduite. Elle relève également que la facture d'août 2013 a fait l'objet de deux avoirs, mais la société YFJM est restée débitrice d'une somme au titre de cette facture.

Elle fait également valoir qu'elle est fondée, en vertu de la combinaison de l'article 5 des conditions générales de vente prévoyant que " les mois restant à courir jusqu'à la date d'anniversaire demeureront intégralement dus " et l'article 1 fixant le terme du contrat au 22 janvier 2015, à solliciter le règlement des sommes dues au titres des mois restant à courir.

Devant le tribunal de commerce, la société YFJM a contesté être débitrice à l'égard de la société Groupe Gesti Pro, sollicitant au contraire le paiement de la somme de 131,74 euros au titre du solde des comptes. Elle a expliqué qu'aux mois de juillet et août 2012 et 2013, son établissement était fermé et que ces factures ne correspondaient pas aux termes du devis qui précisait que les prestations étaient suspendues du 1er juillet au 31 août de chaque année.

Le contrat liant les parties prévoit notamment, en page 9 que " les prestations ainsi que la facturation seront suspendues du 1er juillet au 31 août de chaque année sauf contre-indication de votre part ".

La société Groupe Gesti Pro réclame la somme de 13 776,64 euros TTC au titre :

- du solde au 1er octobre 2013 : 798,30 euros

- de la facture n°130914126 : 784,48 euros

- de l'avoir n°130912765 : 153,09 euros

- de la facture n°131014294 : 12 346,95 euros.

La facture n° 130914126 d'un montant de 784,48 euros correspond aux prestations réalisées au mois de septembre 2013, et a été émise le 20 septembre 2013. Elle n'est pas prise en compte dans le courrier de mise en demeure du 1er octobre 2013. Il n'a pas été contesté par la société YFJM en première instance que les prestations ont été effectivement réalisées par la société Groupe Gesti Pro au mois de septembre 2013. Il ne ressort d'aucun élément qu'elle se soit acquittée de cette somme ni être créditrice de la somme de 131,74 euros. La société Groupe Gesti Pro en réclame le paiement à bon droit.

Par ailleurs, s'agissant du solde au 1er octobre 2013 de 798,30 euros, il ressort du décompte des sommes réclamées par la société Groupe Gesti Pro dans sa lettre de mise en demeure du 1er octobre 2013 portant sur la somme totale de 1 616,97 euros, que sont comptabilisées 3 factures portant sur les mois d'août 2012 pour 776,95 euros, juillet 2013 pour 784,48 euros et août 2013 pour 784,48 euros, soit un total de 2 345,91 euros. Si la facture du mois d'août 2012 a effectivement fait l'objet d'une régularisation ultérieure partielle par l'émission de deux avoirs au mois d'octobre 2012 d'un montant de 731,63 euros et 24,12 euros, il n'en demeure pas moins que les montants réclamés portent également sur des montants indus, les prestations n'ayant pas à être réalisées et payées aux mois de juillet et d'août 2013 conformément aux dispositions contractuelles, soit un total de 1.590,16 euros. Cette somme ne peut donc être valablement réclamée. Il apparaît donc qu'un solde en faveur de la société YFJM à hauteur de la somme de 791,86 euros, au regard des sommes induement comptabilisées dans le décompte au 1er octobre 2013.

Enfin, la facture n° 131014294 d'un montant de 12 346,95 euros correspond à l'indemnité de résiliation prévue à l'article V intitulé Clause Résolutoire des conditions générales de vente. Toutefois, cette somme ne peut être due que si la résiliation est bien fondée. Or, la résiliation unilatérale du contrat par la société Groupe Gesti Pro est fondée pour le défaut de paiement par la société YFJM de la somme de 1 616,97 euros, comprenant la somme de 1 590,16 euros, infondée comme il a déjà été justifié supra. Le non-paiement de la somme de 26,81 euros, qui ne correspond pas à une facture, ne peut valablement justifier la résiliation, comme l'ont justement relevé les premiers juges, et donc le paiement des mois restant à courir jusqu'à la date d'anniversaire du contrat n'est pas dû.

Dès lors, il apparaît que le solde des comptes entre les parties est de 160,47 euros au crédit de la société YFJM (784,48 - 153,09 correspondant à l'avoir - 791,86).

Le jugement doit donc être confirmé sur l'ensemble de ces points.

Sur la rupture brutale

Sur la rupture brutale des relations commerciales établies

La société Groupe Gesti Pro sollicite l'infirmation du jugement en ce qu'elle a été condamnée à réparation le préjudice subi par la société YFJM au titre de la brutalité de la rupture, faisant valoir que la résiliation du contrat était due au défaut de paiement par la société YFJM de factures.

Devant les premiers juges, la société YFJM a soutenu que la société Groupe Gesti Pro s'était rendue coupable d'une rupture brutale des relations commerciales établies.

Le caractère établi et la durée des relations commerciales comme la date de la rupture ne sont pas contestés par les parties. Elles s'opposent sur la durée du préavis dont aurait dû bénéficier la société YFJM.

Aux termes de l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce :

" Engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers (...) de rompre unilatéralement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels.

Les dispositions qui précèdent ne font pas obstacle à la faculté de résiliation sans préavis, en cas d'inexécution par l'autre partie de ses obligations ou en cas de force majeure ".

La rupture des relations commerciales établies peut intervenir à effet immédiat à la condition qu'elle soit justifiée par des fautes suffisamment graves imputées au partenaire commercial.

Il a été jugé ci-dessus que le courrier de résiliation par la société Groupe Gesti Pro était infondé, la faute de la société YFJM n'étant pas établie.

Il ressort de l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce que la brutalité de la rupture résulte de l'absence de préavis écrit ou de l'insuffisance de la durée de ce préavis au regard des relations commerciales antérieures. L'évaluation de la durée du préavis à accorder est fonction de toutes les circonstances de nature à influer son appréciation au moment de la notification de la rupture, notamment de l'ancienneté des relations, du volume d'affaires réalisé avec l'auteur de la rupture, du secteur concerné, de l'état de dépendance économique de la victime, des dépenses non récupérables dédiées à la relation et du temps nécessaire pour retrouver un partenaire sur le marché de rang équivalent.

Il est constant que les relations commerciales établies ont débuté en 2009 et qu'elles ont cessé le 10 octobre 2013.

Compte tenu du secteur d'activité, à savoir les prestations de nettoyage, particulièrement concurrentiel, de la durée de la relation commerciale établie de plus de 4 années et du montant annuel du flux d'affaires entre les parties, soit 7 806 euros, correspondant à la moyenne sur 10 mois des prestations réalisées en 2012 et 2013, il y a lieu de fixer la durée du préavis à 2 mois.

Dans ces conditions, la rupture des relations commerciales établie par la société Groupe Gesti Pro a été brutale à l'égard de la société YFJM, qui aurait dû bénéficier d'un préavis.

A défaut d'éléments comptables communiqués par la société YFJM devant la présente cour, notamment quant au taux de marge, mais compte tenu de la durée de la relation commerciale, du secteur d'activité et du flux d'affaires il y a lieu de fixer la perte de marge de la société YFJM à la somme de 300 euros.

Dès lors, il y a lieu d'infirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société Groupe Gesti Pro, venant aux droits de la société Tin Pro, à payer à la société YFJM la somme de 2 000 euros afin de l'indemniser du préjudice subi au titre de la résiliation brutale de la relation commerciale, et statuant à nouveau, de condamner la société Groupe Gesti Pro, venant aux droits de la société Tin Pro, à payer à la société YFJM la somme de 300 euros afin de l'indemniser du préjudice subi par la résiliation brutale de la relation commerciale.

Sur la demande de dommages et intérêts pour résistance abusive et dilatoire

La société Groupe Gesti Pro ne démontre pas que la société YFJM a résisté à ses demandes abusivement, alors qu'elle est déboutée de l'ensemble de ses demandes.

Elle doit être déboutée de sa demande de dommages-intérêts.

Sur les dépens et l'application de l'article 700 du Code de procédure civile

Le sens du présent arrêt conduit à confirmer le jugement sur les dépens.

La société Groupe Gesti Pro doit être condamnée aux dépens d'appel.

Le sens du présent arrêt conduit à rejeter la demande par application de l'article 700 du Code de procédure civile formulée par la société Groupe Gesti Pro.

Par ces motifs : LA COUR, Dans la limite de sa saisine, Confirme le jugement, sauf en ce qu'il condamné la société Groupe Gesti Pro, venant aux droits de la société Tin Pro, à payer à la société YFJM la somme de 2 000 euros afin de l'indemniser du préjudice subi du fait de la résiliation brutale de la relation commerciale ; L'infirmant sur ces points ; Statuant à nouveau ; Condamne la société Groupe Gesti Pro, venant aux droits de la société Tin Pro, à payer à la société YFJM la somme de 300 euros afin de l'indemniser du préjudice subi au titre de la résiliation brutale de la relation commerciale ; Y ajoutant ; Condamne la société Groupe Gesti Pro aux dépens d'appel ; Rejette toute autre demande.