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Décisions

CA Paris, Pôle 1 ch. 2, 8 novembre 2018, n° 18-04006

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Syndicat des Jeunes Biologistes Médicaux - SJBM

Défendeur :

Cerba Healthcare (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Chevalier

Conseillers :

Mmes Bodard Hermant, Aldebert

Avocats :

Mes Boccon Gibod, Hervey Chupin, Buge, Teytaud, Bretzner

TGI Paris, prés. du 2 févr. 2018

2 février 2018

La société Cerba Healthcare est une société holding française qui opère sur le marché de la biologie médicale, notamment en France, via des filiales et un réseau de 320 laboratoires. Depuis les années 2000, elle a mis en place une stratégie d'expansion et intègre à son groupe de nouveaux laboratoires.

Le Syndicat des Jeunes Biologistes Médicaux est un syndicat professionnel réunissant des internes, médecins, pharmaciens et laboratoires exerçant dans le secteur privé et public au sein d'un laboratoire de biologie médicale. Créé en 2008, il se présente comme le premier syndicat de la profession en nombre d'adhérents.

Il expose défendre, dans une logique sanitaire et non financière, l'objectif de maintien du contrôle des biologistes sur les structures dans lesquelles ils exercent, dans le contexte de l'assouplissement des règles de détention et de contrôle, par les biologistes y exerçant, du capital des sociétés d'exercice libéral (SEL) de biologistes médicaux . Ils entendent, en conséquence, s'opposer à la financiarisation progressive de la biologie médicale française, l'une des meilleures au monde et, à travers elle, de tout le système de santé.

Dénonçant la stratégie de contournement des modifications législatives intervenues depuis la loi du 30 mai 2013 pour contrecarrer l'expansion continue des réseaux de SEL de biologistes libéraux dominés par des investisseurs tiers à la profession, le Syndicat des Jeunes Biologistes Médicaux et deux autres syndicats professionnels ont assigné par acte du 29 mars 2017 la société Cerba Healthcare devant le tribunal de grande instance de Pontoise, afin d'obtenir, sur le fondement de la concurrence déloyale et d'une fraude à la loi consistant à contourner les règles garantissant l'indépendance des biologistes médicaux dans les laboratoires, l'annulation de stipulations insérées dans des statuts et dans des pactes d'actionnaires ainsi que des dommages et intérêts.

Soutenant alors être la cible d'actions concertée de ces syndicats en vue de faire échec au développement de sa stratégie de développement, la société Cerba Healthcare a obtenu deux ordonnances sur requête n° 17/1366 et 17/1551 rendues par le président du tribunal de grande instance de Paris des 26 avril et 12 mai 2017 désignant un huissier de justice, avec mission de rechercher et prendre copie des fichiers et correspondances électroniques, depuis janvier 2015, appartenant au Syndicat des Jeunes Biologistes Médicaux (SJBM) à son président, M. Lionel B., son secrétaire général et leurs assistantes respectives outre les messages émis ou reçus depuis ou à par t i r des adresses é lec t roniques su ivantes : s jb iomed@gmai l .com et sjbm. premiem@sjbm. fr et ce, suivant divers mots clés.

Le Syndicat des Jeunes Biologistes Médicaux a fait assigner, par acte du 30 juin 2017, la société

Cerba Healthcare en référé rétractation des ordonnances sur requête n° 17/1366 et 17/1551 devant le président du tribunal de grande instance de Paris, qui, par ordonnance contradictoire rendue le 2 février 2018, a joint les deux instances et a rejeté la fin de non recevoir tirée du défaut de qualité à agir de la société Cerba Healthcare ainsi que sa demande de rétractation et l'a condamné aux dépens.

Par ordonnance du 29 mai 2018 le président du tribunal de grande instance de Paris a débouté la société Cerba Healthcare de sa demande de main levée du séquestre des pièces saisies au visa des ordonnances sur requête des 26 avril et 12 mai 2017.

Le Syndicat des Jeunes Biologistes Médicaux a fait appel de l'ordonnance de référé du 2 février 2018 suivant déclaration du 21 février 2018 et, par conclusions communiquées par voie électronique le 3 mai 2018, il demande à la cour de la réformer et de :

- Déclarer la société Cerba HealthCare irrecevable en ses requêtes 17/1366 et 17/1551 des 26 avril et 12 mai 2017

- Réformer l'ordonnance du président du tribunal de grande instance de Paris en date

du 2 février 2018 ;

- Statuant à nouveau, rétracter les ordonnances n°17/1366 et 17/1551 des 26 avril et

12 mai 2017 ;

- Condamner Cerba HealthCare à verser au SJBM la somme de 20 000 euros au titre

de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens

La société Cerba Healthcare, intimée, par conclusions transmises par voie électronique le 1er juin 2018, demande à la cour de confirmer l'ordonnance de référé entreprise en toutes ses dispositions, rejeter les demandes du Syndicat des Jeunes Biologistes Médicaux et le condamner à lui payer la somme de 20 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

La cour renvoie à la décision entreprise et aux conclusions susvisées pour un exposé détaillé du litige et des prétentions des parties, conformément à l'article 455 du Code de procédure civile.

Sur ce la cour

Selon l'article 145 du Code de procédure civile, s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé sur requête ou en référé.

Il en résulte que le demandeur à la mesure d'instruction n'a pas à démontrer les responsabilités des désordres qu'il invoque puisque cette mesure in futurum est justement destinée à les établir et qu'il doit seulement justifier d'éléments rendant crédibles ses suppositions.

Au vu des requêtes précitées, la nécessité de déroger au contradictoire a été dûment étayée ce qui n'est d'ailleurs pas contesté non plus que le respect des dispositions de l'article 495 alinéa 3 du Code de procédure civile.

Sur l'intérêt à agir de la société Cerba Healthcare

Le Syndicat des Jeunes Biologistes Médicaux soutient en vain que la société Cerba HealthCare dont

l'objet social est purement financier, n'est pas un " intéressé " au sens de l'article 145 ou 31 du Code de procédure civile, n'étant pas un laboratoire de biologie médicale ayant intérêt à agir du fait de prétendus actes de concurrence déloyale ou d'entente commis sur le marché de la biologie médicale, activité réglementée dont elle ne satisfait pas les critères.

En effet, la société Cerba Healthcare a manifestement un intérêt légitime dès lors que les pratiques délictuelles suspectées sont prétendument constitutives d'ententes anticoncurrentielles, à tout le moins d'actes de concurrence déloyale et de dénigrement des mécanismes qu'elle utilise pour mener les opérations de croissance qu'elle conçoit et met en œuvre personnellement dans le cadre de son activité opérationnelle centrale et sont prétendument destinées à les paralyser. En conséquence, elles lui porteraient préjudice directement si elles étaient établies, peu important qu'elle soit une société holding qui n'opère pas, le cas échéant, sur le marché de la biologie médicale.

Le Syndicat des Jeunes Biologistes Médicaux en convient au demeurant expressément, qui affirme au point 3 de l' assignation au fond précitée que la société Cerba Healthcare est ' le centre névralgique du groupe Cerba (...) qui définit la stratégie (') identifie les objectifs financiers à atteindre par les biologistes , identifie et négocie les laboratoires cibles à acquérir (...)

Les parties reconnaissent par ailleurs que le grief de déloyauté de la société Cerba Healthcare qui aurait masqué dans la présentation de sa requête qu'elle n'est pas un professionnel réglementé de la biologie médicale est, en soi, inopérant.

Sur l'absence de procès en cours

Le Syndicat des Jeunes Biologistes Médicaux soutient, d'une part, que les requêtes ne sont qu'une contre attaque à l'assignation délivrée le 29 mars 2017 aux 'trois structures de tête de la nébuleuse CERBA à savoir la S. Cerba, CEFID et Cerba Healthcare' qui ont été présentées juste après la délivrance de l'assignation , et, d'autre part, que dans un article de La Tribune du 9 juin 2017, comme dans la lettre de sa présidente adressée au Syndicat des Jeunes Biologistes Médicaux le 4 juillet 2017, la société Cerba Healthcare a elle même fait le lien entre les deux actions, au fond et sur requête, le débat de la seconde n'ayant aucune autonomie par rapport à celui de la première.

La société Cerba Healthcare prétend au contraire que le procès futur à l'appui de sa requête est distinct de celui pendant devant le tribunal de grande instance de Pontoise, aucune des questions soumises au tribunal de grande instance de Pontoise n'ayant trait à l'existence d'une entente anticoncurrentielle, distincte de la concurrence déloyale que lui reproche le Syndicat des Jeunes Biologistes Médicaux devant le tribunal de grande instance de Pontoise. Elle fait valoir à cet égard que cette juridiction, qui n'est d'ailleurs pas saisie de demandes reconventionnelles, n'est pas spécialement habilitée à connaître du contentieux des ententes en vertu de l'article R420-3 du Code de commerce de sorte que la crainte adverse d'un usage dans la procédure au fond des pièces saisies au visa de l'ordonnance sur requête relève de la 'crainte spéculative (et gratuite)' et aboutirait, qui plus est, à restreindre inutilement le champ d'application de l'article 145 du Code de procédure civile au mépris du droit fondamental à la preuve.

Au vu des pièces produites, on ne peut à l'évidence retenir que le procès au fond est relatif au même litige que celui qu'envisage la société Cerba Healthcare si la mesure d'instruction litigieuse conforte ses soupçons d'entente, concurrence déloyale et dénigrement des syndicats de biologistes concernés, entre eux et avec leurs adhérents.

En effet, ce procès initié par le Syndicat des Jeunes Biologistes Médicaux a certes pour but de dénoncer comme frauduleuse la stratégie que la société Cerba Healthcare met en œuvre et dont elle prétend qu'elle est paralysée et en tout état de cause dénigrée.

En outre, les thématiques en débat sinon les prétentions de cette instance au fond, d'une part et de

l'action en concurrence déloyale envisagée par la société Cerba Healthcare, d'autre part, sont similaires, notamment en ce qu'elles interrogent la licéité de cette stratégie de fusion, fusion acquisition, fusion absorption, arguée de fraude notamment au regard des articles L 6223-5 et 6223-8 du Code de la santé publique dans le procès au fond, et de la réaction du Syndicat des Jeunes Biologistes Médicaux qu'elle suscite, objet du procès futur envisagé par la société Cerba Healthcare.

Enfin, cette similitude ressort clairement de certains mots clés de la mesure d'instruction choisis par la société Cerba Healthcare, tels que Cerba, fusion, fusion acquisition, fusion absorption, lexobio, 6223-5, 6223-8, présents dans des proportions non négligeables dans l'assignation. Elle témoigne de l'absence d'autonomie juridique et factuelle effective et totale des requêtes par rapport à l'action des syndicats, que confirme la chronologie concomitante des procédures au fond puis sur requête.

Néanmoins, la stratégie de la société Cerba Healthcare, incriminée au fond et la réaction contestée du Syndicat des Jeunes Biologistes Médicaux, objet de la mesure d'instruction sont des faits distincts, distinctement qualifiés dans ces deux procès, et relèvent d'ailleurs de juridictions distinctes concernant l'entente alléguée.

Par suite, peu importe qu'il s'infère manifestement de la lettre précitée du 4 juillet 2017 adressée au Syndicat des Jeunes Biologistes Médicaux et de l'article susmentionné de la Tribune du 9 juin 2017 que la société Cerba Healthcare, entende expressément assurer sa défense à ce procès par ses requêtes, notamment en ce qu'elles sont susceptibles, s' il y est fait droit et dans cette limite, de lui donner accès à des informations relatives à la mise en œuvre par le Syndicat des Jeunes Biologistes Médicaux dans leur lutte contre sa stratégie de développement.

Sur le motif légitime

La société Cerba Healthcare allègue dans sa requête comme en appel un soupçon de double entente, entre les trois syndicats en cause comme au sein de ceux ci, consistant à fausser le jeu de la concurrence par des actions nocives - dont elle a besoin d'établir l'ampleur - d'obstruction à ses opérations de croissance externe du groupe Cerba Healthcare auprès des Agences Régionales de Santé (ARS) auxquelles elle doit notifier ses opérations de fusions absorptions et auprès des greffiers de plusieurs tribunaux de commerce chargés de délivrer les attestations de conformité de certaines de ses opérations de fusion. Elle reproche au Syndicat des Jeunes Biologistes Médicaux de jeter publiquement le discrédit sur l'activité et la stratégie du groupe Cerba Healthcare et soutient qu'il est sorti de son rôle d'information en soutenant une thèse péremptoire fausse qu'aucune juridiction ni autorité n'a jamais approuvée.

Elle invoque enfin la campagne de déstabilisation menée dans la presse spécialisée à l'occasion du procès au fond devant le tribunal de grande instance de Pontoise, de nature à nuire à son groupe dont deux fonds d'investissement, l'un canadien, PSP, l'autre Suisse, Partners Group, viennent de prendre le contrôle et ont décidé d'acquérir son capital pour une somme de 1,8 milliards d'euros.

Il en résulte selon elle des actions judiciaires plausibles sur plusieurs fondements délictueux même en l'absence d'effet avéré sur le marché qui justifient l'utilité de la mesure.

Le Syndicat des Jeunes Biologistes Médicaux soutient qu'une action future de société Cerba Healthcare pour entente ou concurrence déloyale prenant la forme d'un dénigrement serait vaine dans la mesure où il n'existe aucun indice rendant manifestement plausible un procès au fond et qu'il a agit conformément à sa mission d'intérêt général et d'information de ses adhérents.

Il prétend qu'il peut légitimement relayer dans la presse ou auprès des interlocuteurs institutionnels son opinion sur les rachats opérés par les investisseurs sur le marché de la biologie médicale.

Il fait valoir qu' il n'a pas incité ses adhérents à adopter un comportement économique susceptible de

faire obstacle à la concurrence et qu'il ne peut se voir reprocher une entente pour avoir défendu une opinion y compris en justice.

Il conteste l'existence d'un motif légitime qui justifierait la mesure d'instruction en mettant en avant que les " indices " qu'ils concernent ou non le Syndicat sont des lettres et communiqués qui ne visent pas les laboratoires de biologie médicale du groupe Cerba Healthcare mais un certain type de fusions réalisées par les laboratoires de biologie médicale détenus par les groupes financiers, auxquelles le Syndicat des Jeunes Biologistes Médicaux s'oppose; il ajoute que les propos de son président dans la presse ne dénigrent pas le groupe Cerba mais ne font que rappeler la position du syndicat s'agissant de la financiarisation de la biologie médicale.

Il objecte enfin l'absence de préjudice de la société Cerba Healthcare qui n'a subi aucun blocage dans ses opérations et soutient que l'enquête est à l'évidence instrumentalisée en vue du procès au fond comme en témoignent les mots clés.

Du tout, la cour retient que la société Cerba Healthcare ne peut se prévaloir d'un faisceau d'indices graves et concordants suffisant pour rendre ses soupçons vraisemblables et ne dispose donc pas d'un motif légitime à la mesure d'instruction sollicitée, pour les motifs suivants.

Un syndicat professionnel qui a des prérogatives d'information, de conseil et de défense des intérêts professionnels qu'il représente, n'est pas un acteur économique ou un concurrent. Cependant, il n'est pas exclu par principe du champ d'application des règles garantissant une concurrence libre et non faussée dans l'hypothèse où il sort de sa mission en adoptant un comportement de nature à influer directement ou indirectement sur celle ci, notamment par l'incitation de ses adhérents à faire obstacle à la concurrence sur un marché donné en agissant sur les tarifs, les volumes, les acteurs, etc...

En l'espèce la société Cerba Healthcare pour étayer ses soupçons d'action concertée ou de concurrence déloyale prenant la forme d'un dénigrement invoque des écrits qui n' émanent pas tous du Syndicat SJBM qui sont un extrait du communiqué de presse du syndicat SBM en date du 21 février 2017 (pièce 12) un extrait d'un communiqué de presse du SDB du 14 octobre 2016 ( pièce 11) qui alertent sur le caractère illégal d'un certain nombre de fusions de SEL biologistes et sur l'existence d'une lettre circulaire que le SDB a envoyée aux ARS et aux tribunaux de commerce.

Ces pièces ne renseignent pas sur la participation du SJBM.

En revanche il est produit une lettre adressée à l' ARS de Normandie par le président du Syndicat des Jeunes Biologistes Médicaux ainsi que deux articles du quotidien la Tribune du 13 mars 2017 et du 30 mars 2017 rapportant ses propos et deux mails adressés par le syndicat à ses adhérents les 8 mars et le 22 mars 2017 ( pièces 9, 14,17 ,22 et 23).

La société Cerba Healthcare tire argument du premier de ces documents pour justifier du bien fondé de la suspicion de faits d'entente ou de concurrence déloyale en ce qu'il y est indiqué

" [L]a fusion d'une SEL dérogatoire (en général absorbante) et d'une SEL non dérogatoire (la SEL ' cible), qui aboutit à faire perdre aux biologistes de la SEL non dérogatoire la détention de la majorité du capital, viole le régime législatif exposé plus haut, et est illicite

sous couvert d'une prétendue fusion, les acteurs de cette opération ne font que procéder, de façon déguisée, à la vente pure et simple des droits détenus par les associés de la société cible sur leur laboratoire. [']. L'opération de fusion est donc constitutive d'une fraude à la loi.

En l'espèce l'opération qui vous sera soumise sous peu consiste en ce qu'une société CBM ou autre filiale de Cerba Healthcareabsorbe la société cible LEXOBIO ( ...)

cette opération de fusion ne peut donner lieu d 'agrément de votre part,

Au nom de SJBM je me permets donc de vous alerter par anticipation sur l'illécéité absolue ( Cass civ 1ére 15 janvier 2015, pourvoi 13-13.565 publiée au bulletin) de l'opération au titre de laquelle vous serez très prochainement saisie, afin que vous ne donniez pas suite à cette fusion'.

Elle invoque les communiqués de presse de la Tribune du 13 mars et 30 mars 2017 qui ont pour titre ' laboratoires d'analyse : trois syndicats de biologistes attaquent le géant Cerba Healthcareen justice' ' un syndicat va attaquer Cerba Healthcare justice pour lutter contre la financiarisation du secteur'

La société Cerba Healthcare vise précisément la reprise des propos du président du syndicat dans la presse dans laquelle il indique " 'Cerba Healthcare a continué à faire des rachats de SEL avec l'accord des Agences Régionales de santé sans être inquiétée alors que c'était illégal'.

Enfin pour étayer l'existence plausible d'une entente et d'actes de concurrence déloyale par désorganisation elle produit deux mails des 8 mars et le 22 mars 2017 adressés par le bureau du syndicat ou son président à la liste de diffusion des adhérents ayant respectivement pour objet " dossiers fusions illégales CERBA " et " Cerba Healthcare procédure en cours " dans lesquels il est indiqué " Nous travaillons avec les autres représentants de la profession " afin d'obtenir un front uni contre les dérives ": ( mail du 22 mars 2017) et " Dans le cadre de différentes procédures actuelles, notre cabinet d'avocats m'a demandé de faire un appel sur cette mailing afin d'obtenir tous documents en votre possession qui pourraient concerner Cerba Healthcare ou l'une de ses filiales, le cabinet fera le tri.

Vous pouvez les envoyer directement à ott@solferinoassocies. com et nous en garantissons l'anonymat : seuls les avocats et moi même en aurons connaissance.

Il est temps de mettre un coup d'arrêt aux fusions illicites et autres débordements financiers asservissant notre profession et les biologistes médicaux. "( mail du 8 mars 2017)

Force est toutefois de constater que le premier document à l'évidence connu de la société Cerba Healthcare contient l'avis juridique du syndicat des Jeunes Biologistes Médicaux sur l'interprétation de la loi du 30 mai 2013 par rapport aux opérations de fusion des laboratoires de biologie médicale opérées par des groupes financiers en vue de la défense des intérêts de la profession concernée.

S'il contient à la fin la mention de ne pas faire suite à une opération de rachat en cours du groupe Cerba Healthcare (Lexobio) il s'agit seulement de l'expression d'un point de vue qui est par ailleurs resté sans effet étant rappelé que le syndicat ne dispose d'aucun pouvoir normatif et ne peut rien imposer aux autorités publiques.

Ce document même s'il reprend en termes identiques le courrier du SDB adressé à l' ARS d 'Ile de France le 6 octobre 2016 n'est pas de nature à étayer, en soi, la vraisemblance de l'entente alléguée en vue de faire obstruction à la croissance du groupe Cerba Healthcare dont il faudrait déterminer l'ampleur.

Cette initiative consiste à faire connaître aux interlocuteurs institutionnels une opinion syndicale sur le caractère illégal d'un certain nombre de fusions de SEL de biologistes médicaux qui mettent en cause l'indépendance des biologistes selon l'avis des syndicats professionnels partagé par le Syndicat des Jeunes Biologistes Médicaux.

De même les propos du président du syndicat des Jeunes Biologistes Médicaux repris dans la presse qui n'incitent personne à adopter un quelconque comportement économique ne font que rapporter l'existence d'une action judiciaire en cours et la divergence d'avis entre le Syndicat des Jeunes

Biologistes Médicaux et le groupe Cerba Healthcare sur l'interprétation de la réglementation.

En tout état de cause, compte tenu du caractère public d'un article de presse et de ses éventuelles reprises par d'autres organes de presse, un référé probatoire n'apparaît pas utile à la préservation des droits de la société Cerba Healthcare.

De même encore l'e mail du 22 mars 2017 du Syndicat des Jeunes Biologistes Médicaux à ses adhérents, évoquant " un front uni contre ces dérives " n'est que l'expression militante de l'action syndicale qui vise l'action au fond engagée en commun avec les syndicats SDB et SBLC à l'encontre de la société Cerba healthcare devant le tribunal de grande instance de Pontoise sans rapporter l'indice d'une autre participation ; il en est de même du mail concomitant du 8 mars 2017 limité aux besoins de l' action judiciaire engagée au même moment (assignation du 29 mars) qui ne rend pas crédible les suppositions d'entente ou de désorganisation du groupe Cerba.

Il s'ensuit que le syndicat des Jeunes Biologistes Médicaux n'apparaît pas être sorti de sa mission d'information, de conseil et de défense des intérêts professionnels en donnant aux interlocuteurs institutionnels son avis juridique sur la validité des opérations de rachat des laboratoires par la société Cerba Healthcare, cette question étant par ailleurs soumise à l'examen par l'autorité judiciaire de sorte que la mesure d'instruction ordonnée est dépourvue de motif légitime.

Au surplus, la mesure d'instruction sollicitée n'apparaît pas utile au procès que la société Cerba Healthcare envisage d'engager contre le Syndicat des Jeunes Biologistes Médicaux à qui elle reproche des faits connus, voire même ouvertement revendiqués par ce dernier comme relevant de sa mission syndicale.

L'ordonnance entreprise sera donc infirmée en toutes ses dispositions et les ordonnances sur requête rétractées.

Conformément aux articles 696 et 700 du Code de procédure civile, la société Cerba Healthcare partie perdante, doit supporter la charge des dépens et ne peut prétendre à une indemnité de procédure mais doit payer à ce titre au Syndicat des Jeunes Biologistes Médicaux la somme indiquée au dispositif.

Par ces motifs LA COUR Infirme l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions ; statuant à nouveau et y ajoutant, Rétracte les ordonnances sur requête n° 17/1366 et 17/1551 rendues par le président du tribunal de grande instance de Paris les 26 avril et 12 mai 2017 ; Condamne la société Cerba Healthcare aux dépens et à payer au Syndicat des Jeunes Biologistes Médicaux la somme totale de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.