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Décisions

CA Paris, Pôle 1 ch. 8, 9 novembre 2018, n° 17-14830

PARIS

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

Sogi Abbé Groult (SARL)

Défendeur :

Sodipar (SAS), Atac (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Kerner Menay

Conseillers :

MM. Vasseur, Ancel

Avocats :

Mes Ravet, Abinader, Bette, Teytaud, Fournier, Botella,

T. com. Paris, prés., du 6 juill. 2017

6 juillet 2017

Exposé du litige :

La société My Auchan (anciennement dénommée Sodipar) se présente comme une filiale de la société Auchan Supermarché (anciennement désignée " Atac "), les deux sociétés étant filiales de la société Auchan Holding. Elle bénéficie d'une licence sur la marque " A2Pas " concédée par la société Auchan Holding lui permettant d'accorder un droit d'usage de celle ci à ses franchisés.

La société Sodipar, franchiseur, a conclu un contrat de franchise avec la société Sogi Abbé Groult, franchisé, le 10 septembre 2014 pour une durée de 5 ans, soit jusqu'au 10 septembre 2019, relatif à l'exploitation sous l'enseigne " A2Pas " d'un point de vente sis, <adresse>, ce contrat instituant au profit du franchiseur un droit de préemption et d'un droit d'agrément en cas de cession par le franchisé.

L'associé unique de la société Sogi Abbé Groult " la société Mila " a par un acte de cession du 1er juillet 2016, cédé à Monsieur X, la pleine propriété des 510 parts sociales lui appartenant et constituant 100 % du capital social de la société Sogi Abbé Groult, sans permettre à la société Sodipar d'user de son droit de préemption et son droit d'agrément.

Après des négociations et la conclusion d'un protocole d'accord le 29 juillet 2016, la société My Auchan a, le 9 décembre 2016, informé son franchisé qu'elle refusait d'agréer Monsieur X et a notifié la résiliation du contrat de franchise conclu le 10 septembre 2014.

Ayant constaté que la société Sogi Abbé Groult continuait notamment à faire usage de l'enseigne A2Pas en décembre 2016 et que des produits de marque Auchan persistaient à y être vendus en janvier 2017, les sociétés Sodipar et Atac, après une mise en demeure adressée le 26 janvier 2017, ont fait citer le 19 avril 2017 la société Sogi Abbé Groult devant le juge des référés du tribunal de commerce de Paris aux fins d'obtenir le paiement de leurs créances au titre des encours marchandises, des redevances de franchises impayées et des frais de participations de mise à l'enseigne par la société Sogi Abbé Groult et ainsi que l'arrêt immédiat des pratiques illicites commises par cette dernière.

Par ordonnance du 6 juillet 2017, le juge des référés du tribunal de commerce de Paris a :

- débouté la société Sogi Abbé Groult de sa demande de débouter les demandeurs compte tenu de l'absence de tentative de résolution amiable du litige ;

- débouté la société Sogi Abbé Groult de sa demande de voir constater la nullité du contrat de franchise pour vice de consentement ;

- constaté que la société Sogi Abbé Groult a continué à vendre des produits de la marque distributeur Auchan sans droit ni titre jusqu'au 20 janvier 2017 inclus mais qu'il n'y a lieu à référé pour toute demande postérieure à cette date ;

- condamné la société Sogi Abbé Groult à restituer tous documents (instructions, conseils, descriptifs, fiches techniques, tarifs, conditions etc) fournis pendant la durée du contrat de franchise, ainsi que tous les matériels et programmes informatiques prêtés ou loués par la société Sodipar, à compter de la signification de la présente ordonnance, sous astreinte de 30 euros par jour de retard et ce pendant 60 jours, passé lequel délai il sera de nouveau fait droit ;

- dit qu'il ne réservera pas la liquidation de l'astreinte ;

- condamné la société Sogi Abbé Groult à payer à la société Sodipar la somme provisionnelle de 13 137,72 euros augmentée des intérêts au taux légal à compter du 26 janvier 2017, date de la mise en demeure ;

- condamné la société Sogi Abbé Groult à payer à la société Sodipar la somme provisionnelle de 71 400 euros augmentée des intérêts au taux légal à compter du 26 janvier 2017, date de la mise en demeure ;

- dit qu'il n'y a lieu à référé sur la demande de la société Atac en paiement par la société Sogi Abbé Groult d'une somme provisionnelle de 32 823 euros au titre des marchandises commandées et livrées ;

- condamné la société Sogi Abbé Groult à payer à la société Sodipar la somme de 160 euros au titre des pénalités forfaitaires ;

- débouté la société Atac de sa demande de paiement des pénalités forfaitaires pour la somme de 3 640 euros ;

- condamné la société Sogi Abbé Groult à payer à chacune des parties demanderesses une somme de 1 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;

- condamné la société Sogi Abbé Groult aux dépens de l'instance.

La société Sogi Abbé Groult a interjeté un " appel total " de cette ordonnance de référé le 21 juillet 2017, l'affaire ayant été enrôlée sous le numéro RG 17/14830.

Par déclaration en date du 28 juillet 2017, enregistrée au rôle sous le numéro RG 17/15571 les sociétés Sodipar et Atac ont interjeté appel de cette ordonnance aux fins de voir " réformer ou annuler par la cour d'appel l'ordonnance de référé rendue par Monsieur le Président du tribunal de commerce de Paris le 6 juillet 2017 ".

Les instances enregistrées sous les numéros RG 17/15571 et RG 17/14830 ont été jointes sous ce dernier numéro le 27 septembre 2018.

Aux termes de ses dernières conclusions d'appelante et d'intimée transmises par voie électronique le 2 octobre 2018, la société Sogi Abbé Groult demande à la cour, au visa notamment des articles 956 et 700 du Code de procédure civile, de l'article L. 330-3 du Code de commerce ; de l'article 1117 du Code civil dans sa version ancienne et de l'article 1131 de ce même Code, de :

Dire et juger qu'il existe une contestation sérieuse à la demande de restitution des documents fournis pendant la durée du contrat de franchise ;

Dire et juger qu'il existe une contestation sérieuse sur la validité du contrat de franchise ;

Dire et juger que la société My Auchan a manqué à son obligation d'approvisionnement de la société Sogi Abbé Groult ;

Dire et juger que la société My Auchan n'a pas tenté de trouver une solution amiable avant d'assigner devant le Tribunal de commerce la société Sogi Abbé Groult ;

Dire et juger qu'il existe des contestations sérieuses sur le montant de la contribution financière réclamée ;

Dire et juger que les demandes de la société Auchan Supermarché ne sont aucunement justifiées ;

Par conséquent,

Débouter les sociétés My Auchan et Auchan Supermarché de l'intégralité de leurs demandes, fins et prétentions ;

Infirmer l'ordonnance de référé rendue par le Tribunal de commerce de Paris le 6 juillet 2017 (RG 2017/021736) en ce qu'elle a condamné la société Sogi Abbé Groult à restituer tous documents fournis pendant la durée du contrat de franchise, ainsi que tous les matériels et programmes informatiques prêtés ou loués par la SAS My Auchan, à compter de la signification de la présente ordonnance, sous astreinte de 30 euros par jour de retard et ce pendant 60 jours ;

Infirmer l'ordonnance de référé rendue par le Tribunal de commerce de Paris le 6 juillet 2017 (RG 2017/021736) en ce qu'elle a condamné la société Sogi Abbé Groult à payer à la SAS My Auchan la somme provisionnelle de 13 137,72 euros augmentée des intérêts au taux légal à compter du 26 janvier 2017 ;

Infirmer l'ordonnance de référé rendu par le Tribunal de commerce de Paris le 6 juillet 2017 (RG 2017/021736) en ce qu'elle a condamné la société Sogi Abbé Groult à payer à la SAS My Auchan la somme provisionnelle de 71 400 euros augmentée des intérêts au taux légal à compter du 26 janvier 2017 ;

Infirmer l'ordonnance de référé rendue par le Tribunal de commerce de Paris le 6 juillet 2017 (RG 2017/021736) en ce qu'elle a condamné la société Sogi Abbé Groult à payer à la SAS My Auchan la somme de 160 euros au titre des pénalités forfaitaires ;

Infirmer l'ordonnance de référé rendue par le Tribunal de commerce de Paris le 6 juillet 2017 (RG 2017/021736) en ce qu'elle a condamné la société Sogi Abbé Groult à payer à la société My Auchan et à la société Auchan Supermarché une somme de 1 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Infirmer l'ordonnance de référé rendue par le Tribunal de commerce de Paris le 6 juillet 2017 (RG 2017/021736) en ce qu'elle a condamné la société Sogi Abbé Groult aux dépens de l'instance dont ceux à recouvrer par le greffe liquidés à la somme de 65,17 euros TTC ;

Confirmer l'ordonnance rendue par le Tribunal de commerce de Paris le 6 juillet 2017 (RG 2017/021736) en ce qu'il a débouté la société Auchan Supermarché de sa demande de paiement des pénalités forfaitaires pour la somme de 3 640 euros ;

Confirmer l'ordonnance rendue par le Tribunal de commerce de Paris le 6 juillet 2017 (RG 2017/021736) en ce qu'elle a dit qu'il n'y avait lieu à référé sur la demande de la société Auchan Supermarché en paiement par la SARL Sogi Abbé Groult à Auchan Supermarché d'une somme provisionnelle de 32 823 euros au titre des marchandises commandées et livrées ;

En tout état de cause,

Condamner in solidum la société Auchan Supermarché et la société My Auchan au versement de la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile à la société Sogi Abbé Groult ;

Condamner les sociétés My Auchan et Auchan Supermarche aux dépens de l'instance.

La société Sogi Abbé Groult fait valoir en substance que :

- La demande de voir restituer les documents fournis pendant le contrat de franchise se heurte à une contestation sérieuse, les sociétés Sodipar et Atac ne rapportant aucunement la preuve de leur prétention et ce alors même qu'en application de l'article 9 du Code de procédure civile elles y étaient tenues ;

- Les demandes pécuniaires formées à son encontre se heurtent également à de nombreuses contestations sérieuses dès lors que le document d'information précontractuelle qui aurait dû lui être communiqué au minimum 21 jours avant la conclusion du contrat de franchise ne l'a pas été et n'est même pas signé et que ce manquement a en conséquence vicié son consentement entachant ledit contrat de franchise de nullité ;

- La société Sogi Abbé Groult ajoute que la société Sodipar a, à de nombreuses reprises, violé les obligations mises à sa charge au titre du contrat de franchise ;

S'agissant enfin des demandes formées par la société Atac, la société Sogi Abbé Groult expose qu'elles ne sont aucunement justifiées en l'absence de preuve de livraison des marchandises étant ajouté que de nombreux problèmes liés à l'approvisionnement ont été signalés et que la société Atac intègre des factures sans lien soit avec elle car adressées par la société Simply Market soit sans lien avec le magasin de la société Sogi Abbé Groult puisqu'elles sont adressées à la SARL Distri26.

Aux termes de leurs dernières conclusions récapitulatives d'appelantes et d'intimées communiquées par voie électronique le 1er octobre 2018, les sociétés My Auchan et Auchan Supermarché (anciennement désignée respectivement Sodipar et Atac) demandent à la cour au visa notamment des articles 1134 (ancienne version) et 1231-7 du Code civil, 59 et 873 du Code de procédure civile, et 330-3 et 441-6 du Code de commerce, de :

- Constater, Dire et juger que la société Sogi Abbé Groult a vendu les produits de la marque de distributeur Auchan sans droit ni titre et n'a restitué ni les documents (instructions, conseils, descriptifs, fiches techniques, tarifs, conditions, etc.) fournis pendant la durée du contrat de franchise, ni les matériels et programmes informatiques prêtés ou loués par My Auchan ;

- Dire et juger que la société Sogi Abbé Groultest débitrice d'une somme de 71 400 euros TTC à l'égard de My Auchan, au titre du budget de mise à l'enseigne ;

- Dire et juger que la société Sogi Abbé Groultest débitrice d'une somme de 13 137,72 euros TTC à l'égard de My Auchan, au titre des redevances de franchise impayées ;

- Dire et juger que la société Sogi Abbé Groult est débitrice d'une somme de 32 823,21 euros TTC à l'égard d'Auchan Supermarché au titre des marchandises commandées et livrées ;

- Constater, Dire et juger que les arguments soulevés par Sogi Abbé Groult sont infondés et injustifiés ;

En conséquence,

- Confirmer l'ordonnance de référé du Tribunal de commerce de Paris en date du 6 juillet 2017 en ce qu'elle a :

- Condamner la société Sogi Abbé Groult à payer à My Auchan une somme de 71 400 euros TTC au titre du budget de mise à l'enseigne, majorées des intérêts de retard, et de la pénalité forfaitaire de quarante euros par facture impayée, soit la somme de 40 euros pour My Auchan ;

- Condamner la société Sogi Abbé Groultà payer à My Auchan une somme de 13 137,72 euros TTC au titre des redevances de franchise impayées, majorées des intérêts de retard, et de la pénalité forfaitaire de quarante euros par facture impayée, soit la somme de 120 euros pour My Auchan ;

- Ordonner à la société Sogi Abbé Groultde restituer tous documents (instructions, conseils, descriptifs, fiches techniques, tarifs, conditions, etc.) fournis pendant la durée du contrat de franchise, ainsi que tous les matériels et programmes informatiques prêtés ou loués par My Auchan, et ce jusqu'à la restitution des documents et matériels sollicités, et porter l'astreinte à 1 000 euros par jour de retard à compter de la signification de l'arrêt à intervenir, et ce jusqu'à la restitution des documents et matériels sollicités ;

- Infirmer l'ordonnance de référé en date du 6 juillet 2017 en ce qu'elle a déboutée la société Auchan Supermarché de ses demandes et :

- Condamner la société Sogi Abbé Groult à payer à Auchan Supermarché une somme de 32 823,21 euros TTC, majorées des intérêts de retard et de la pénalité forfaitaire de quarante euros par facture impayée, soit la somme de 3 640 euros pour Auchan Supermarché (91 factures) ;

En tout état de cause,

- Condamner la société Sogi Abbé Groult à payer à la société My Auchan et à la société Auchan Supermarché une somme de 3 000 euros chacune, au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- Condamner la société Sogi Abbé Groult aux dépens dont distraction au profit de Maître Teytaud, Avocat, conformément aux dispositions de l'article 669 du Code de procédure civile.

Au soutien de leurs demandes, les sociétés My Auchan et Auchan Supermarché font notamment valoir que :

- La Sogi Abbé Groult a continué de commercialiser les produits de la marque de distributeur Auchan, alors même que le contrat de franchise a été résilié le 9 décembre 2016 et que le point de vente a été mis sous l'enseigne concurrente et ce alors que la vente de ces produits sans les droits requis en dépit de la résiliation intervenue constitue une faute, la fin du contrat de franchise emportant l'obligation pour le franchisé de faire disparaître tous les éléments internes et externes à son magasin permettant son identification à cette enseigne et de cesser la vente des produits de la marque distributeur Auchan et restitution par le franchisé de tous documents (instructions, conseils, descriptifs, fiches techniques, tarifs, conditions, etc..) fournis pendant la durée du contrat de franchise ainsi que tous les matériels et programmes informatiques prêtés ou loués par My Auchan (article 17.1) ;

- Après la résiliation du contrat de franchise, des marchandises sont demeurées impayées pour un montant total de 32 823 euros et cette créance est incontestable en ce qu'elle correspond aux marchandises commandées et livrées à Sogi Abbé Groult, ce qui n'a jamais été contesté. Elle ajoute que la preuve de prétendus manquement dans l'obligation d'approvisionnement n'est pas rapportée étant observé que les produits manquants ne sont en tout état de cause pas facturés ;

- La société Sogi Abbé Groult est débitrice de la somme de 71 400 TTC à titre de restitution au prorata temporis des participations de mise à l'enseigne (en application de l'article 17.3 du contrat de franchise), la société My Auchan ayant participé à hauteur de 105 000 euros HT, soit 126 000 euros TTC à la mise à l'enseigne au concept A2Pas ;

- La Sogi Abbé Groult ayant réalisé un chiffre d'affaires surface de vente de (i) 100 627 euros en octobre 2016, (ii) 96 811 euros en novembre 2016 et (iii) 51 383 euros sur la période du 1er au 19 décembre 2016, la contribution franchise due à My Auchan pour la période du 1er octobre 2016 au 19 décembre 2016 s'élève à 13 137,72 euros TTC (4,4 % du chiffre d'affaires) ;

Sur la nullité prétendue du contrat de franchise en l'absence de signature du document d'information précontractuelle avant celle du contrat de franchise, les sociétés My Auchan et Auchan Supermarché soutiennent que ce document a bien été remis le 14 mai 2014 à la Sogi Abbé Groult, soit pratiquement 3 mois avant la signature du contrat de franchise de sorte que les exigences posées par l'article L. 330-3 du Code de commerce ont été satisfaites étant ajouté que la société Sogi Abbé Groult ne démontre nullement que son consentement a été vicié.

Les sociétés My Auchan et Auchan Supermarché ajoutent que la société Sogi Abbé Groult ne peut reprocher la transformation d'un magasin de la rue de Vaugirard sous enseigne A2Pas en " My Auchan " alors que ce magasin ne se situe pas dans la zone d'exclusivité visée par le contrat de franchise entre les parties et conteste en tout état de cause les reproches selon lesquelles elle n'apporterait plus assistance à l'enseigne A2Pas.

Les sociétés My Auchan et Auchan Supermarché considèrent enfin qu'il est particulièrement malvenu de prétendre qu'elles n'ont pas tenté de trouver une issue amiable à ce litige après les efforts consentis pendant plusieurs mois afin d'agréer Monsieur X, puis de conclure un protocole transactionnel étant ajouté qu'elles n'avaient pas à répondre à un courriel émanant du conseil de Monsieur Y, cédant de la société Sogi Abbé Groult.

Sur ce LA COUR

En application de l'article 872 du Code de procédure civile, dans tous les cas d'urgence, le président du tribunal de commerce peut, dans les limites de la compétence du tribunal ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différent.

Selon l'article 873 dudit Code, il peut dans tous les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, accorder une provision au créancier ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.

Sur l'existence d'une contestation sérieuse portant sur la validité du contrat de franchise ;

En application de l'article L. 330-3 du Code de commerce, " Toute personne qui met à la disposition d'une autre personne un nom commercial, une marque ou une enseigne, en exigeant d'elle un engagement d'exclusivité ou de quasi exclusivité pour l'exercice de son activité, est tenue, préalablement à la signature de tout contrat conclu dans l'intérêt commun des deux parties, de fournir à l'autre partie un document donnant des informations sincères, qui lui permette de s'engager en connaissance de cause./ Ce document, dont le contenu est fixé par décret, précise notamment, l'ancienneté et l'expérience de l'entreprise, l'état et les perspectives de développement du marché concerné, l'importance du réseau d'exploitants, la durée, les conditions de renouvellement, de résiliation et de cession du contrat ainsi que le champ des exclusivités./ Lorsque le versement d'une somme est exigé préalablement à la signature du contrat mentionné ci dessus, notamment pour obtenir la réservation d'une zone, les prestations assurées en contrepartie de cette somme sont précisées par écrit, ainsi que les obligations réciproques des parties en cas de dédit./Le document prévu au premier alinéa ainsi que le projet de contrat sont communiqués vingt jours minimum avant la signature du contrat, ou, le cas échéant, avant le versement de la somme mentionnée à l'alinéa précédent. "

En l'espèce, il ressort du contrat de franchise conclu le 10 septembre 2014 que " le franchisé reconnaît avoir reçu le Dossier d'informations Précontractuelles aux moins vingt (20) jours avant la signature des présente... ". Cette précision claire et précise est corroborée par un courriel en date du 7 octobre 2014 produit aux débats par la société Sogi Abbé Groult selon lequel une responsable de la société My Auchan rappelle lui avoir transmis ledit document le 14 mai 2014, soit plus de 3 mois avant la signature du contrat et sollicite sa restitution.

En tout état de cause, le défaut de respect de cette exigence ne saurait emporter la nullité du contrat de franchise que si cette carence a pu vicier le consentement du franchisé à charge pour la partie qui invoque un tel vice d'en rapporter la preuve. En l'espèce, outre qu'elle ne précise pas la nature même du vice qui a prétendument affecté son consentement, la société Sogi Abbé Groult ne rapporte aucun élément pour étayer la preuve d'un tel vice.

Il convient en conséquence de rejeter ce moyen, comme ne pouvant caractériser une contestation sérieuse au sens de l'article 872 du Code de procédure civile précité.

Sur la demande de restitution des documents ;

Le contrat de franchise conclu le 10 septembre 2014 entre les parties mentionne en page 3 que celui-ci " s'accompagne de la remise d'un kit d'ouverture comprenant les droits et devoirs du franchisé et du franchiseur, la charte technique, la charte commerciale " et que " Un Manuel Opératoire (Manop) organisé par thèmes et regroupant l'ensemble des fiches de bonne pratique métiers sera également mis à la disposition du franchisé sous format électronique (...) l'ensemble de ces documents expriment et garantissent la transmission du savoir faire du franchiseur ".

Il ressort des pièces versées aux débats que le contrat de franchise a été résilié entre les parties à la suite de la notification aux fins de résiliation en date du 9 décembre 2016.

En application de l'article 17 dudit contrat de franchise intitulé " Effets de la fin du contrat quelle qu'en soit la cause " le " Franchisé, quelle que soit la cause de la fin du présent contrat de franchise, (...) s'oblige à restituer au Franchiseur tous documents (instructions, conseils, descriptifs, fiches techniques, tarifs, conditions, ...) fournis pendant la durée du présent contrat de franchise. (...) le franchisé s'oblige également à restituer sans délai à ses frais au siège du Franchiseur ou auprès de tout représentant désigné par lui tous les programmes informatiques qui lui auraient été prêtés ou loués par ses soins, y compris les éventuelles copies de sauvegarde nécessaires et tous les matériels informatiques qui lui auraient été prêtés ou loués par le Franchiseur ".

En l'espèce, malgré une mise en demeure qui lui a été adressée le 9 décembre 2016, aux termes de laquelle il lui a été fait notamment la demande de restituer " tous les documents fournis par Sodipar durant l'exécution du contrat (instructions, conseils, descriptifs) " ainsi que " tous les programmes informatiques fournis, prêtés ou loués par Sodipar ", la société Sogi Abbé Groult, qui a la charge de prouver s'être libérée de son obligation de restitution desdits documents, n'en justifie nullement.

En l'état de ces éléments, l'ordonnance de référé sera confirmée sauf à porter l'astreinte provisoire à la somme de 50 euros par jour de retard pendant un délai de 90 jours, à l'issue d'un délai de 1 mois à compter de la signification de la présente décision.

Sur les demandes de condamnations pécuniaires au profit de la société My Auchan et Auchan Supermarché ;

Sur l'existence d'une contestation sérieuse liée à la violation par la société My Auchan et Auchan Supermarché de leurs obligations contractuelles ;

Pour caractériser l'existence d'une contestation sérieuse résultant de la violation des obligations contractuelles, la société Sogi Abbé Groult fait valoir que la société My Auchan n'a pas respecté son obligation d'exclusivité en ouvrant un magasin sous l'enseigne A2Pas au <adresse>, situé à 290 mètres du magasin qu'elle exploitait ; qu'elle n'a pas répondu au courriel officiel du 9 mars 2017 afin de trouver une solution amiable au litige ; qu'elle a manqué à son obligation d'approvisionnement, la société Sogi Abbé Groult n'ayant eu de cesse de subir des problèmes relatifs aux livraisons de marchandises ayant mis en grande difficulté cette dernière comme l'attestent de nombreux courriels ; qu'elle a également effectué des pressions intolérables à son encontre pour la signature d'un protocole d'accord afin d'organiser la sortie de la société Sogi Abbé Groult du réseau A2pas.

S'agissant de l'obligation d'exclusivité, il ressort cependant de l'article 2 du contrat et de son annexe 6 que " le Franchiseur garantit au Franchisé l'exclusivité d'exploitation de l'enseigne A2pas sur le territoire mentionné à l'article 2 des conditions particulières et illustré sur une carte du territoire d'exclusivité d'enseigne Annexe 6 (ci-après le " territoire "). Le Franchiseur ne pourra accorder une nouvelle franchise sous l'enseigne A2Pas, ni exploiter lui même un nouveau point de vente ayant la même enseigne à l'intérieur du territoire concédé ni approvisionner un magasin dans cette même zone ".

En l'espèce, la cour constate que le magasin litigieux situé <adresse> n'est pas localisé dans la zone d'exclusivité consentie à la société Sogi Abbé Groult de sorte que cette dernière ne peut exciper d'une violation de son obligation d'exclusivité.

S'agissant de l'absence de recherche de solution amiable, ce moyen manque manifestement en fait alors même que la société My Auchan produit aux débats un protocole d'accord du 29 juillet 2016 qui a été signé notamment par la société Sogi Abbé Groult aux termes duquel il est indiqué expressément qu'afin de remédier à la situation ayant privé la société My Auchan de la faculté d'agréer Monsieur X " et de préserver l'exploitation du magasin, Sogi Abbé Groult en tant

que candidat franchisé, Distri 26 la caution, Monsieur Y et Monsieur X mettent tout en œuvre dans les plus brefs délais pour apporter les garanties nécessaires au franchiseur pour que ce dernier puisse se prononcer sur l'agrément ou pas du nouvel associé ". Il ressort de ce protocole que la société My Auchan a bien tenté de résoudre amiablement la difficulté et qu'elle n'était donc nullement tenue de répondre aux arguments avancés par le conseil de la société Sogi Abbé Groult avant d'engager une procédure alors que les diligences antérieures pour parvenir à une solution amiable avaient échoué.

Si, s'agissant du respect par la société My Auchan de son obligation d'approvisionnement, la société Sogi Abbé Groult produit plusieurs courriels aux termes desquels sur une période s'écoulant entre janvier 2015 et juin 2016, des problèmes d'approvisionnement ont pu être constatés, outre que ceux ci ont été peu nombreux sur cette période (9 cas sont justifiés dans les pièces de la société Sogi Abbé Groult), plusieurs d'entre eux ont été signalés d'initiative par le franchiseur à son franchisé en raison de circonstances indépendantes de sa volonté telle que la survenance de " différentes inondations en Ile de France et sur Paris " (courriel du 4 juin 2016) ou l'absence de livraison par le producteur initial (Cf. courriel du 26 février 2016 à 13h09 indiquant que le fournisseur n'a pas honoré sa livraison suite " au blocage des agriculteurs " ; courriel du 28 décembre 2015 selon lequel le fournisseur Nestlé Waters a informé My Auchan que " face à un débit très faible de la source permettant de commercialiser la marque Hepar, un contingentement des livraisons est maintenu jusqu'à avril 2016 "). Enfin, la production d'une seule fiche " réclamations entrepôts " datée du 20 février 2016 et relative à 6 boîtes de gaspacho qui ont été livrées à la société Sogi Abbé Groult endommagés ne saurait suffire à entacher les demandes en paiement des sommes dues en vertu du contrat, d'une contestation sérieuse.

Enfin, si des négociations ont manifestement été tenues dans la perspective de la signature d'un nouveau protocole d'accord en décembre 2016, il n'est pas contesté que ces négociations n'ont pas abouti, la société Sogi Abbé Groult n'en ayant pas accepté les conditions, de sorte qu'elle ne peut exciper de pressions qu'elle aurait subies pour la signature dudit protocole afin de caractériser l'existence d'une contestation sérieuse.

Les moyens tirés de l'existence de contestations sérieuses seront en conséquence rejetés.

Sur la demande de condamnation au paiement de la somme de 13 137,72 euros au titre de la contribution franchise pour la période du 1er octobre 2016 au 19 décembre 2016 majorée de la pénalité ;

En application de l'article 8.2 du contrat de franchise, intitulé " contribution franchise ", " En contrepartie, notamment, du droit d'utiliser la Marque, l'enseigne et d'une façon générale les logos et signes caractéristiques de la franchise A2pas, de la mise à jour du Savoir faire, de l'assistance commerciale et marketing, et afin d'assurer la rémunération des divers services et prestations rendus par le Franchiseur au Franchisé au titre du présent contrat de Franchise, le Franchisé versera au Franchiseur une contribution franchise dont le montant sera déterminé par l'application d'un taux au chiffre d'affaires HT réalisé dans le magasin que le franchisé exploite à l'enseigne franchisée " étant précisé à l'article 8.2.1 que le taux de la contribution est égal à 4,40 % du chiffre d'affaires annuel HT réalisé dans le magasin et à l'article 8.2.3 que cette contribution est calculée mensuellement.

Il ressort des factures émises par la société Sodipar (nouvellement My Auchan) que la Sogi Abbé Groult a réalisé un chiffre d'affaires de 100 627 euros en octobre 2016, 96 811 euros en novembre 2016 et 51 383 euros sur la période du 1er au 19 décembre 2016.

La société My Auchan est donc bien fondée en sa demande de paiement pour la période du 1er octobre 2016 au 19 décembre 2016 de la somme provisionnelle de 13 137,72 euros avec intérêts au taux légal à compter du 26 janvier 2017 date de la mise en demeure, outre une somme de 120 euros au titre de la pénalité forfaitaire.

Sur la demande en paiement de la somme de 71 400 euros TTC au titre de la participation de mise à l'enseigne ;

En application de l'article 3 des conditions particulières du contrat de franchise conclu le 10 septembre 2014, le " Franchiseur participera à la mise au concept A2Pas par le Franchisé par le versement d'une participation à hauteur de 105 000 euros HT " payée à la signature.

Selon l'article 17.3 dudit contrat de franchise, " dans le cas où le présent contrat de franchise prendait fin par anticipation dans les conditions définies aux articles 16.2 et 16.3 (...) le Franchisé s'engage à restituer au prorata temporis les participations de mise à l'enseigne ".

La société Sodipar a émis une facture d'un montant de 59 500 euros HT soit 71 400 euros TTC le 22 décembre 2016 qu'au demeurant la société Sogi Abbé Groult ne conteste pas dans son montant.

Il convient en conséquence de confirmer l'ordonnance en ce qu'elle a condamné la société Sogi Abbé Groult à payer à la société My Auchan cette somme provisionnelle avec intérêts au taux légal à compter du 26 janvier 2017 outre une pénalité de retard de 40 euros.

Sur la créance invoquée par la société Auchan Supermarché (anciennement Atac) ;

En application de l'article 17.1 du contrat de franchise, le Franchisé " s'engage à honorer le paiement des marchandises livrées postérieurement à la date de fin du contrat et commandées avant l'envoi de son préavis ".

En l'espèce, la société Auchan Supermarché verse aux débats plusieurs factures portant sur des livraisons de marchandises pour les mois de novembre et décembre 2016, étant observé que si un récapitulatif de ces factures est effectué sur un papier à en tête " Simply Market", les factures en elle mêmes sont bien émises par la société Atac (nouvellement désignée Auchan Supermarché) au nom de la société Sogi Abbé Groult quand bien même certaines mentionnent cette société sous son enseigne A2Pas et qu'elle y ajoutent la société Distri26, dont il ressort du contrat de franchise qu'elle s'était portée caution solidaire de la société Sogi Abbé Groult.

En l'état de ces factures, la créance de la société Auchan Supermarché n'est pas sérieusement contestable, alors même que les parties étaient en relation commerciale antérieure en application du contrat de franchise et ce sans qu'il soit exigé du créancier qu'il justifie des bons de livraison.

Le décompte des seules factures produites (sans prendre en compte les récapitulatifs émis par Simply Market) permettent de justifier des créances suivantes :

26/12/2016 : 17 098,59 euros (au lieu de 17649,18 faute de justifier des factures portant sur les sommes de 335,13 euros et 215,46 euros),

02/01/2017 : 7 827,59 euros (au lieu de 8 272,07 faute de justifier de la facture portant sur 444,48 euros),

09/01/2017 : 9 789,88 euros,

16/01/2017 : 1 491,77 euros,

Soit un total de 36 207,83 dont il faut déduire les régularisations et avoirs évaluées par la société Auchan Supermarché à la somme de 4 379,69 euros, soit un solde restant dû de 31 828,14 euros.

En outre, si la société Auchan Supermarché sollicite le paiement d'une somme forfaitaire complémentaire de 3 640 euros au titre de 91 factures impayées, le nombre de factures émises produites aux débats étant de 32, cette somme sera ramenée à la somme de 1 280 euros.

L'ordonnance de référé sera en conséquence infirmée de ce chef et la société Sogi Abbé Groult condamnée au paiement de la somme provisionnelle de 31 828,14 euros au titre des marchandises impayées avec intérêt au taux légal à compter du 26 janvier 2017 date de la mise en demeure outre une somme de 1 280 euros au titre de la pénalité forfaitaire.

Sur les autres demandes ;

Le premier juge a fait une application équitable de l'article 700 du Code de procédure civile et fondée de l'article 696 du même Code, de sorte que l'ordonnance attaquée doit aussi être confirmée de ces chefs.

En cause d'appel, il y a lieu de condamner la société Sogi Abbé Groult, partie perdante, aux dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.

En outre, elle doit être condamnée à verser à la société My Auchan et à la société Auchan Supermarché, qui ont dû exposer des frais irrépétibles pour faire valoir leurs droits, une indemnité au titre de l'article 700 du Code de procédure civile qu'il est équitable de fixer à la somme de 1 500 euros pour chacune.

Par ces motifs : LA COUR Confirme l'ordonnance rendue le 6 juillet 2017 en ce qu'elle a : - Condamné la société Sogi Abbé Groult à payer à la société Sodipar (devenue My Auchan) une somme provisionnelle de 71 400 euros au titre du budget de mise à l'enseigne, avec intérêts au taux légal à compter du 26 janvier 2017 outre une pénalité de retard de 40 euros ; - Condamné la société Sogi Abbé Groult à payer à la société Sodipar (devenue My Auchan) une somme provisionnelle de 13 137,72 euros au titre des redevances de franchise impayées, avec intérêts au taux légal à compter du 26 janvier 2017 outre une pénalité de retard de 120 euros ; - Ordonné à la société Sogi Abbé Groult de restituer tous documents (instructions, conseils, descriptifs, fiches techniques, tarifs, conditions, etc.) fournis pendant la durée du contrat de franchise, ainsi que tous les matériels et programmes informatiques prêtés ou loués par la société Sodipar (devenue My Auchan) sous astreinte, et y ajoutant dit que l'astreinte est portée à 50 euros par jour de retard pendant un délai de 90 jours, à l'issue d'un délai de 1 mois à compter de la signification de la présente décision ; - Condamné la société Sogi Abbé Groult à payer à la société Sodipar (devenue My Auchan) et à la société Atac (devenue la société Auchan Supermarché), à chacune une somme de 1 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux dépens de l'instance ; L'infirme pour le surplus, Statuant à nouveau, - Condamne la société Sogi Abbé Groult à payer à la société Auchan Supermarché une somme provisionnelle de 31 828,14 euros au titre des marchandises impayées avec intérêts au taux légal à compter du 26 janvier 2017 date de la mise en demeure outre une somme de 1280 euros au titre de la pénalité forfaitaire ; - Condamne la société Sogi Abbé Groult à payer à la société My Auchan et à la société Auchan Supermarché, à chacune, une somme de 1 500 euros, au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ; - Condamne la société Sogi Abbé Groult aux dépens dont distraction au profit de Maître Teytaud, Avocat, conformément aux dispositions de l'article 669 du Code de procédure civile.