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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 14 novembre 2018, n° 16-01932

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

PB Développement (SARL)

Défendeur :

FL Développement (SARL) , Soinne (ès qual.)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Luc

Conseillers :

Mmes Mouthon Vidilles, Comte

Avocats :

Mes Bernabe, Dasse, de la Taille, Campagne

T. com. Lille, du 1er déc. 2015

1 décembre 2015

Faits et procédure

La société Calima PVC, créée en 2005 par M. Frédéric Lefèvre, a pour activité la vente et la pose de tous types de fermetures, volets et vérandas.

La société FL Développement, créé en septembre 2007 également par M. Frédéric Lefèvre, a pour objet l'acquisition de matériaux de construction pour la revente à des professionnels, sous l'enseigne Calima PVC à Calais.

La société PB Développement, créée en octobre 2007 par M. Philippe Bar et M. Frédéric Lefèvre, est spécialisée dans les travaux de menuiserie bois et PVC. Elle acquiert des matériaux de construction pour la revente à des professionnels et exploite des contrats de distribution de la marque Calima PVC.

Au moment de la création de la société PB Développement, une charte de partenariat a été signée entre les sociétés FL Développement et PB Développement, qui définit notamment la relation à venir entre elles et prévoit une action forte de la société FL Développement en matière de formation et au niveau des achats, ainsi que le paiement d'une redevance par la société PB Développement, en fonction de son chiffre d'affaires, au profit de FL Développement.

Au mois de septembre 2012, la société FL Développement a cédé l'ensemble des parts qu'elle détenait dans PB Développement à M. Philippe Bar et à son épouse qui sont devenus ainsi les seuls associés de la société PB Développement.

Le courant d'affaires entre les sociétés FL Développement et PB Développement a alors baissé rapidement, la société FL Développement reprochant à la société PB Développement de ne pas respecter la charte de partenariat en s'approvisionnant auprès d'autres fournisseurs que ceux convenus au départ.

Considérant que la société PB Développement était à l'origine de la rupture brutale des relations commerciales, au sens de l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce, la société FL Développement a, par acte du 9 décembre 2013, assigné la société PB Développement devant le tribunal de commerce de Lille, en vue d'obtenir réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi.

Par jugement du 1er décembre 2015, le tribunal de commerce de Lille Métropole a :

- débouté la société PB Développement de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- jugé la société FL Développement recevable en ses demandes,

- jugé la rupture des relations commerciales établies avec la société PB Développement brutale et fautive, en l'absence de respect d'un quelconque délai de préavis ou d'un délai de préavis suffisant tant en durée qu'en volume d'activité,

- condamné la société PB Développement au paiement de la somme de 20 000 euros au titre de la perte de marge brute subie par la société FL Développement au titre de l'absence de préavis et de la brusque rupture des relations commerciales,

- jugé que la dite somme portera intérêts au taux légal à compter du jour de l'assignation,

- jugé qu'en vertu des dispositions de l'article 1154 du Code civil, les intérêts porteront eux-mêmes capital dans le délai d'un an,

- condamné en outre la société PB Développement au paiement de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code procédure civile,

- condamné la société PB Développement aux entiers frais et dépens, taxés set liquidés à la somme de 81,12 euros du Code de procédure civile.

La société PB Développement a relevé appel de ce jugement par déclaration remise au greffe le 12 janvier 2016.

Par jugement du 23 février 2018, la société FL Développement a été déclarée en liquidation judiciaire. Me Soinne a été désigné en qualité de liquidateur judiciaire de la société FL Développement.

La société PB Développement a assigné Me Soinne, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société FL Développement, en intervention forcée.

La procédure devant la cour a été clôturée le 4 septembre 2018.

Vu les conclusions du 1er septembre 2016 par lesquelles la société PB Développement, appelant, invite la cour, au visa des articles 442-6, I, 5° du Code de commerce, 1147 et suivants du Code civil, à :

- la dire recevable et bien fondée tant en son appel qu'en ses demandes,

- infirmer le jugement du tribunal de commerce de Lille du 1er décembre 2015 en toutes ses dispositions

en conséquence,

- dire que seule la société FL Développement est responsable de la rupture des relations commerciales établies entre elles,

- débouter la société FL Développement de l'ensemble de ses demandes, à titre infiniment subsidiaire, dire que l'indemnisation du préavis non respecté ne saurait dépasser la somme de 5 572,10 euros,

- condamner en toute hypothèse, la société FL Développement à lui payer la somme de 8 000 euros à titre de préjudice moral,

- condamner la société FL Développement à lui payer la somme de 5 000 euros à titre de d'indemnité de procédure sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamner la société FL Développement aux entiers dépens y compris ceux exposés en première instance, et dont distraction s'agissant de ceux d'appel, au profit de la SCP Bernabe avocat aux offres de droit en application de l'article 699 du Code de procédure civile ;

Vu les conclusions du 2 mai 2018 par lesquelles Me Nicolas Soinne, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société FL Développement, intimée, demande à la cour, au visa des articles L 442-6, I, 5° du Code de commerce, 1142, 1147, 1382 et 1383 anciens du Code civil, de :

- dire mal appelé, bien jugé,

- confirmer la décision déférée en toutes ses dispositions, en ce compris l'article 700 du Code de procédure civile,

- débouter la société PB Développement de toutes ses demandes, fins et conclusions,

- condamner en outre la société PB Développement au paiement de la somme de 3.500 euros au titre des frais irrépétibles engagés en cause d'appel sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,

- la condamner en outre aux entiers frais et dépens de la procédure, d'instance et d'appel ;

Sur ce

LA COUR se réfère, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens échangés et des prétentions des parties, à la décision déférée et aux dernières conclusions échangées en appel.

En application de l'article 954 alinéa 2 du Code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions.

Sur la rupture brutale des relations commerciales établies

La société PB Développement soutient que la notification de la rupture du contrat a été faite par la société FL Développement, par courrier de M. Frédéric Lefèvre du 11 avril 2013, par lequel elle lui reproche notamment de ne pas respecter la clause selon laquelle la société FL Développement est son unique fournisseur, lui demande de cesser son activité sous l'enseigne Calima PVC et lui réclame la somme de 13.377 euros TTC, compte tenu de la rupture anticipée de la charte de partenariat. Elle indique que, par courrier du 29 avril 2013, M. Frédéric Lefèvre lui a demandé que la cession soit immédiate.

La société FL Développement fait valoir que la société PB Développement a rompu de manière brutale les relations commerciales avec elle, en ne se fournissant plus auprès d'elle. Elle explique que par courrier du 18 mars 2013, elle a rappelé à son partenaire ses obligations, à savoir de contracter avec ses propres fournisseurs et qu'en retour, par courrier du 20 mars 2013, la société PB Développement a indiqué souhaiter ne plus exercer sous l'enseigne Calima PVC. Elle explique que la baisse significative des commandes par la société PB Développement doit être analysée en une rupture brutale des relations commerciales.

Aux termes de l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce :

" Engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers (...) de rompre unilatéralement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels.

Les dispositions qui précèdent ne font pas obstacle à la faculté de résiliation sans préavis, en cas d'inexécution par l'autre partie de ses obligations ou en cas de force majeure ".

Il ressort des éléments du dossier que :

- par courrier du 18 mars 2013, la société FL Développement a fait savoir à la société PB Développement qu'elle ne respectait pas la charte de partenariat, en citant 6 chantiers pour lesquels les commandes ont été passées à d'autres fournisseurs, clause qui précise que les seuls fournisseurs sont Proferm, France Fermetures et Cetal et lui rappelle que le respect de cette clause est essentiel afin de ne pas rendre la charte de partenariat nulle et non avenue ;

- par courrier du 20 mars 2013, la société PB Développement a contesté l'ensemble des griefs formulés à son encontre, expliquant que les produits commandés à d'autres fournisseurs ne sont pas proposés par Proferm, France Fermetures et Cetal, que les commandes ont été passées à ces fournisseurs Proferm, France Fermetures et Cetal ; elle a également formulé des griefs à l'encontre de la société FL Développement, lui reprochant de ne pas assurer la formation convenue dans la charte, de ne pas l'informer des offres promotionnelles ou des nouveaux produits ; elle conclut que " je trouve ce climat de suspicion regrettable, et me pousse effectivement à m'interroger sur la continuation de mon entreprise sous l'enseigne Calima PVC ; puisqu'aujourd'hui, de par votre courrier, vous m'avez fait prendre conscience de vos réelles motivations, et de votre manquement à vos obligations, ce qui me semble comme vous l'avez si bien dit dans votre courrier, l'une des conditions essentielles à une quelconque collaboration " ;

- par courrier du 11 avril 2013, la société FL Développement, faisant suite à l'entretien du 9 avril 2013, confirme d'abord sa décision de mettre fin à la charte de partenariat, aux motifs que la clause d'exclusivité est violée, les commandes de volets ayant beaucoup diminué, et prétend que les méthodes de pose ne sont pas respectées, par le non-respect des normes DTU et par le recours à des travailleurs non déclarés et ensuite demande à la société PB Développement de cesser son activité sous l'enseigne Calima PVC ;

- par courrier du 17 avril 2013, la société PB Développement explique que c'est elle qui souhaite quitter l'enseigne Calima PVC et lui reproche d'inverser les rôles ; elle conteste les griefs formulés à son encontre ; elle propose de poursuivre son activité sous enseigne Calima PVC jusqu'au mois de juin 2013 ;

- par courrier du 29 avril 2013, la société FL Développement rappelle à la société PB Développement que, malgré un chiffre d'affaires plus ou moins constant, les commandes de volets et portails ont diminué et qu'en 2012 les commandes de portes de garage et châssis également ; elle rappelle qu'elle possède une gamme de produits permettant de répondre aux demandes de produits moins onéreux ; elle conteste la demande de délai de la société PB Développement et indique qu'elle demande la cessation sans délai de l'utilisation de son enseigne.

Le courrier du 20 mars 2013 ne peut être assimilé à un courrier de rupture de la part de la société PB Développement, celle-ci ne faisant qu'envisager de cesser d'utiliser l'enseigne Calima PVC compte tenu du contexte entre les deux sociétés.

En revanche, dans le courrier du 11 avril 2013, qui fait suite à un premier courrier demandant le respect des obligations contractuelles essentielles de la société PB Développement sous peine de rupture de contrat, la société FL Développement fait savoir à cette dernière qu'elle confirme ses propos tenus lors de la réunion entre les parties le 9 avril précédent, à savoir la fin de leurs relations commerciales en exposant deux griefs et en demandant de cesser d'utiliser dans les plus brefs délais l'enseigne Calima PVC. C'est donc par ce courrier qu'une des deux parties fait savoir sans ambiguïté que les relations commerciales ont cessé entre elles de manière claire et certaine et ce sans délai.

Dans ces conditions, il apparaît que la société FL Développement est l'auteur de la rupture des relations commerciales avec la société PB Développement.

Ainsi, si par courrier du 17 avril 2013, la société PB Développement faisait savoir à la société FL Développement qu'elle souhaitait également quitter l'enseigne Calima PVC, il n'en demeure pas moins que c'est la société FL Développement qui a décidé en premier de rompre sans délai la charte conclue avec la société PB Développement et de le faire savoir à son cocontractant.

Il y a donc lieu de débouter Me Nicolas Soinne, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société FL Développement de l'ensemble de ses demandes de dommages et intérêts pour rupture brutale des relations commerciales établies.

Le jugement doit être infirmé en ce qu'il a :

- jugé la rupture des relations commerciales établies avec la société PB Développement brutale et fautive, en l'absence de respect d'un quelconque délai de préavis ou d'un délai de préavis suffisant tant en durée qu'en volume d'activité,

- condamné la société PB Développement au paiement de la somme de 20 000 euros au titre de la perte de marge brute subie par la société FL Développement au titre de l'absence de préavis et de la brusque rupture des relations commerciales,

- jugé que la dite somme portera intérêts aux taux à compter du jour de l'assignation,

- jugé qu'en vertu des dispositions de l'article 1154 du Code civil, les intérêts porteront eux-mêmes capital dans le délai d'un an.

Sur la demande reconventionnelle de la société PB Développement pour préjudice moral

La société PB Développement ne caractérise pas le préjudice moral elle estime avoir subi ni le lien de causalité entre les agissements reprochés et ce préjudice moral.

Il y a donc lieu de rejeter la demande de ce chef. Le jugement est confirmé sur ce point.

Sur les dépens et l'application de l'article 700 du Code de procédure civile

Le sens du présent arrêt conduit d'infirmer le jugement déféré sur le sort des dépens et des frais irrépétibles.

Me Nicolas Soinne, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société FL Développement, doit être condamné aux dépens de première instance et d'appel, qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile, ainsi qu'à payer à la société PB Développement la somme de 5 000 euros par application de l'article 700 du Code de procédure civile.

Le sens du présent arrêt conduit à rejeter la demande par application de l'article 700 du Code de procédure civile formulée par Me Nicolas Soinne, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société FL Développement.

Par ces motifs LA COUR, Infirme le jugement sauf en ce qu'il a rejeté les demandes de la société PB Développement pour préjudice moral ; Le Confirme sur ce point ; Statuant à nouveau ; Déboute Me Nicolas Soinne, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société FL Développement, de l'ensemble de ses demandes ; Y ajoutant, Condamne Me Nicolas Soinne, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société FL Développement, aux dépens de première instance et d'appel, qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile, ainsi qu'à payer à la société PB Développement la somme de 5 000 euros par application de l'article 700 du Code de procédure civile ; Rejette toute autre demande.