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Décisions

CAA Nantes, 5e ch., 12 novembre 2018, n° 17NT02720

NANTES

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Laboratoires Goëmar (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Dussuet

Rapporteur :

Mme Picquet

Rapporteur public :

M. Sacher

Avocat :

Me de Baynast

TA Rennes, du 6 juill. 2017

6 juillet 2017

LA COUR : - Procédure contentieuse antérieure :

La société Laboratoires Goëmar a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler la décision du 16 mars 2016 par laquelle le directeur départemental de la cohésion sociale et de la protection de la population d'Ille-et-Vilaine lui a enjoint de cesser l'utilisation de la mention "utilisable en agriculture biologique" sur les étiquetages et notices techniques d'un certain nombre de produits qu'elle commercialise.

Par un jugement n° 1603520 du 6 juillet 2017 le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 5 septembre 2017, la société Laboratoires Goëmar, représentée par Me B, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 6 juillet 2017 ;

2°) d'annuler la décision du 16 mars 2016 ;

3°) de mettre à la charge l'Etat une somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du Code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle n'entend pas devant la cour reprendre le moyen relatif à l'incompétence du signataire de l'acte, toutes précisions ayant été apportées en cours de procédure ;

- les dispositions de l'article L. 211-5 du Code des relations entre le public et l'Administration ont été méconnues, dès lors que la motivation en droit et en fait de la décision litigieuse est tout à fait insuffisante, le courrier du 4 février 2016 ne pouvant pallier cette insuffisance car n'étant pas joint à la décision litigieuse qui n'en fait nullement référence et le courrier visé dans la décision, en date du 1er mars 2016 comportant les mêmes indications tout à fait succinctes ;

- la décision attaquée a été prise en méconnaissance de l'article L. 141-1 du Code de la consommation, dès lors que le délai de deux mois fixé par la direction départementale de la cohésion sociale et de la protection de la population d'Ille-et-Vilaine ne satisfait pas à la condition de "délai raisonnable" posée par cet article.

Par un mémoire en défense, enregistré le 30 mars 2018, le ministre de l'Economie et des Finances conclut au rejet de la requête.

Le ministre de l'Economie et des Finances fait valoir qu'aucun des moyens d'annulation soulevés par la requérante n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le Code de la consommation ;

- le Code des relations entre le public et l'Administration ;

- le Code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Picquet,

- les conclusions de M. Sacher, rapporteur public,

- et les observations de Me A substituant Me B, représentant la société Laboratoires Goëmar.

Considérant ce qui suit :

1. A la suite de deux interventions réalisées dans les locaux de la société Laboratoires Goëmar les 17 mars et 1er juin 2015 par les services de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes d'Ille et Vilaine, un rapport de contrôle a été adressé le 2 juin 2015 à la société intéressée pour lui faire part d'observations quant à l'emploi de la mention " utilisable en agriculture biologique ", d'une part sur le site internet de la société en ce qui concerne plusieurs références de produits, et d'autre part sur la fiche technique et l'étiquetage des produits alors que ceux-ci contiennent de l'extrait d'algues GA 142 dans lequel est incorporé du méthylparabène et du métabisulfite. Par courrier du 4 février 2016, la société a été informée par l'Administration du fait que l'apposition de la mention " utilisable en agriculture biologique " sur un engrais renfermant du méthylparabène constituait une pratique commerciale trompeuse au sens de l'article L. 121-1 du Code de la consommation. Le 1er mars 2016, l'Administration a adressé deux courriers à la société Laboratoires Goëmar, l'un, faisant suite au courrier du 4 février 2016 pour lui enjoindre de cesser les agissements illicites constitutifs de pratiques commerciales trompeuses sur son site internet dans un délai de trois semaines et l'autre avant injonction par lequel le directeur départemental informe la société intéressée de ce qu'il envisage de lui enjoindre de cesser les agissements illicites constitutifs de pratiques commerciales trompeuses portant sur les étiquettes et les notices techniques de produits contenant la mention litigieuse, dans un délai de trois semaines. Par courrier du 16 mars 2016, l'Administration a, d'une part, rejeté le recours gracieux formé par la société le 9 mars précédent par lequel celle-ci sollicitait un délai de vingt mois maximum pour trouver une alternative à l'utilisation du méthylparabène sodé et pour valider la stabilité de la nouvelle formule et lui a, d'autre part, enjoint de cesser les agissements illicites constitutifs de pratiques commerciales trompeuses portant sur les étiquettes et les notices techniques dans un délai de deux mois. La société Laboratoires Goëmar relève appel du jugement en date du 6 juillet 2017 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande à l'encontre de la décision du 16 mars 2016.

Sur le bien fondé du jugement attaqué :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du Code des relations entre le public et l'Administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : 1° Restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police ; (...) ". Aux termes de l'article L. 211-5 du même Code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision. ".

3. La décision attaquée mentionne l'article L. 121-1 du Code de la consommation sur les pratiques commerciales trompeuses et l'article L. 141-1 VII du Code de la consommation permettant à l'Administration d'enjoindre de cesser les agissements illicites constitutifs de pratiques commerciales trompeuses. Elle se réfère également aux règlements 889/2008 du 5 septembre 2008 portant modalités d'application du règlement (CE) n° 834/2007 du 28 juin 2007 modifié relatif à la production biologique et à l'étiquetage des produits biologiques, les pratiques commerciales trompeuses en cause résultant de la présence de mentions figurant sur l'étiquetage et les notices techniques en méconnaissance de ces règlements communautaires. En outre, la décision attaquée mentionne que l'apposition d'une mention alléguant la possibilité d'une utilisation en agriculture biologique n'est pas autorisée sur un engrais renfermant du méthylparabène, cette présentation constituant une pratique commerciale trompeuse. Par suite, la décision attaquée du 16 mars 2016 fait apparaitre les considérations de droit et de fait qui la fondent. Dès lors, il y a lieu d'écarter le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la décision du 16 mars 2016.

4. En second lieu, aux termes de l'article L. 141-1 du Code de la consommation, dans sa rédaction alors applicable : " VII.- Les agents habilités à constater les infractions ou les manquements aux dispositions mentionnées aux I à III peuvent, après une procédure contradictoire, enjoindre à tout professionnel, en lui impartissant un délai raisonnable, de se conformer à ces dispositions, de cesser tout agissement illicite ou de supprimer toute clause illicite ou interdite. ". Il est constant qu'une procédure contradictoire préalable d'environ quinze jours avait permis des échanges et éclaircissements entre la société intéressée et l'Administration. Au regard de la teneur de l'injonction, tendant à la suppression de la mention " utilisable en agriculture biologique " des étiquettes et des notices d'utilisation sur les produits non encore commercialisés de la société requérante, alors que le directeur des Laboratoires Goëmar avait lui-même indiqué, dans un courriel du 18 février 2016, qu'il faudrait deux mois de réimpression d'étiquettes pour les changer et trois mois pour réimprimer tout le stock de notices techniques, le délai de deux mois fixé par la décision attaquée pouvait être regardé comme raisonnable.

5. Il résulte de ce qui précède que la société Laboratoires Goëmar n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté sa demande.

6. Les conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du Code de justice administrative présentées par la requérante doivent être rejetées par voie de conséquence.

Décide :

Article 1er : La requête de la société Laboratoires Goëmar est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Laboratoires Goëmar et au ministre de l'Economie et des Finances.