CA Colmar, 1re ch. civ. A, 21 novembre 2018, n° 17-00958
COLMAR
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Auto Site (EURL)
Défendeur :
Hypromat France (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Panetta
Conseillers :
M. Roublot, Mme Harrivelle
Faits procédure et prétentions des parties :
L'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL) Auto Site, ci-après également dénommée société Auto Site, et la société par actions simplifiée (SAS) Hypromat France, ci-après également dénommée société Hypromat, ont conclu le 9 janvier 2008 un contrat de franchise, lequel, à l'initiative de l'EURL Auto Site, ne devait pas être renouvelé en 2011.
Par ordonnance du 3 septembre 2013, signifiée à la partie défenderesse le 11 septembre suivant, le juge des référés commerciaux du tribunal de grande instance de Strasbourg a accordé à la société Hypromat une provision de 8 000 euros et ordonné à la société Auto Site, sous astreinte provisoire de 100 euros par jour passé un délai de trente jours, de faire disparaître les couleurs spécifiques de la franchise, ainsi que les repose-béquilles portant même partiellement le logo de la société Hypromat.
Par assignation délivrée le 6 février 2014, la SAS Hypromat France a fait citer l'EURL Auto Site devant la chambre commerciale du tribunal de grande instance de Strasbourg.
Par jugement en date du 6 janvier 2017, le tribunal de grande instance de Strasbourg a condamné l'EURL Auto Site à payer à la SAS Hypromat France la somme de 30 000 euros augmentée des intérêts au taux légal à compter du 6 février 2014, ainsi que les frais et dépens outre une indemnité de procédure de 1 500 euros, le tout sous bénéfice de l'exécution provisoire, déboutant les parties du surplus de leurs demandes.
Le premier juge a ainsi constaté, au vu notamment de deux constats d'huissier versés aux débats, que l'ordonnance de référé avait reçu exécution le 5 novembre 2013, soit au-delà des délais prescrits en dépit de l'intention établie de la défenderesse de s'y conformer, prenant en compte pour évaluer le préjudice de la durée de maintien, même partiel, des couleurs et logos de la franchise, du jeu de l'astreinte contractuelle après mise en demeure et de celui de la clause de non-concurrence. Il a par ailleurs relevé qu'il n'était pas discuté que l'enseigne avait été restituée, la SAS Hypromat France n'établissant en revanche pas que les deux manuels selon elle manquants avaient été remis.
L'EURL Auto Site a interjeté appel de ce jugement par déclaration en date du 24 février 2017.
Par ses dernières conclusions visées par le greffe le 31 juillet 2017, elle sollicite l'infirmation du jugement entrepris et le débouté de la partie adverse de ses demandes, ou subsidiairement la réduction sensible du montant des dommages-intérêts mis à sa charge et, en tout état de cause, le rejet de l'appel incident adverse, outre la condamnation de la SAS Hypromat France à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
A appui de ses demandes, relevant que le litige s'inscrit dans le cadre des relations post-contractuelles entre les parties et plus précisément des stipulations de l'article 15 du contrat de franchise relatif à l'usage des combinaisons, enseigne et dénomination propriétés exclusives de la société Hypromat, elle fait notamment valoir que les reproches adverses se résument à l'absence de suppression intégrale des couleurs bleue et blanche de leur établissement, ce qu'elle considère comme abusif alors même que n'est protégée, et dès lors interdite à la concurrence, y compris en application des seules dispositions contractuelles indépendamment de toute action en concurrence déloyale, que l'usage d'une combinaison d'un bleu au demeurant particulier, dont il n'est pas établi qu'il est celui relevé par l'huissier, et de blanc. Elle ajoute avoir, dès la rupture du contrat, apposé un bandeau mauve sur la marque de la franchise, et avoir dès le mois d'octobre repeint presque entièrement son site en vert, à l'exception de deux poteaux bleus non constitutifs d'infraction. Elle reproche encore à la partie adverse de se fonder sur des photographies antérieures à l'ordonnance de référé. Concernant la restitution demandée de manuels, elle soutient que la partie adverse se garde de préciser la nature de ses manuels et invoque un nombre variable de manuels. Subsidiairement enfin, elle entend voir limiter les dommages-intérêts réclamés au titre de la concurrence déloyale au regard des limites géographiques restreintes du secteur concerné.
La SAS Hypromat France s'est constituée intimée le 8 mars 2017.
Elle a conclu en dernier lieu le 7 juin 2017 au débouté de l'EURL Auto Site de ses demandes, ainsi qu'à sa condamnation aux dépens de l'appel et au paiement à son profit d'une indemnité de procédure pour frais irrépétibles de 4 000 euros, et sur appel incident a sollicité la réformation du jugement déféré en ce qu'il ne lui avait accordé que 30 000 euros et rejeté sa demande en restitution des manuels opératoires, demandant à la cour la condamnation de l'EURL Auto Site à lui payer la somme de 50 000 euros, ainsi que la restitution du second manuel opératoire sous astreinte de 1 000 euros par jour à compter du huitième jour suivant la signification du présent arrêt.
Elle soutient ainsi notamment fonder son action sur l'application du contrat, qui implique la disparition de toute couleur bleue ou blanche des sites concernés après rupture dudit contrat, ce qui justifierait, au vu notamment d'une photographie en date du 6 avril 2013 attestant de la non application du contrat et de l'ordonnance de référé, le paiement d'une indemnité contractuelle de plus de 1 200 000 euros, le quantum sollicité étant cependant ramené à un montant en rapport avec la jurisprudence. Elle ne conteste pas par ailleurs la restitution de l'enseigne, mais affirme qu'il appartient à la partie adverse d'établir qu'elle a restitué les deux manuels opératoires qu'elle a reçus, cette dernière circonstance résultant du contrat.
Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens de chacune des parties, il conviendra de se référer à leurs dernières conclusions respectives.
La clôture de la procédure a été prononcée le 3 novembre 2017 et l'affaire renvoyée à l'audience de plaidoirie du 3 octobre 2018 puis mise en délibéré à la date du 21 novembre 2018, par mise à disposition au greffe.
Sur les demandes principales de la société Hypromat France envers la société Auto Site :
Il résulte de l'article 14 du contrat de franchise conclu entre les deux parties au présent litige, qu'en cas de cessation, résiliation ou rupture unilatérale dudit contrat de la part du franchisé, ce dernier, outre la dépose de tout signe distinctif d'appartenance au réseau, s'engage à ne plus utiliser les couleurs bleu et blanc et s'engage à faire repeindre son centre dans d'autres couleurs que bleu et blanc dans les 6 mois à compter de la cessation du contrat.
A cela s'ajoute que l'article 15 du contrat stipule, au titre de la concurrence déloyale, que le franchisé s'engage, après la rupture du contrat, à ne jamais faire usage de la combinaison des couleurs du centre.
Par ailleurs, l'annexe 3 du contrat signée par les parties mentionne l'obligation, lors de la cessation du contrat, de repeindre le centre dans les 6 mois, sans désignation des services par code couleur, bleu de marque, anis, vert, orange et bleu clair, précisant que les nouvelles couleurs du centre ne devront être ni blanc, ni bleu.
Il convient de relever que ce contrat de franchise a pris fin au cours de l'année 2011, la société Hypromat indiquant ainsi à son franchisé par un courrier en date du 9 février 2011, faisant suite à un courrier de ce dernier du 8 janvier 2011, que ce contrat arrivait à son terme le 9 janvier 2011 et ne serait pas renouvelé.
Or il apparaît que le constat établi par huissier de justice, sur autorisation du président du tribunal de commerce de Douai le 28 mai 2013, soit au-delà du délai de six mois imparti au franchisé, mentionne la présence de bandeaux et de structures de couleur bleue, avec lettres et panneaux de couleur blanche, avec la précision " à l'exception de toute autre couleur ".
La société Hypromat France verse en outre aux débats une photographie comportant les mentions " 11/14/2013 01:40 PM " qui apparaît correspondre au cliché décrit par le premier juge comme daté du 11 avril 2013, date également retenue par l'appelante, et dont il précisait qu'il résultait que, si une moitié de la station a été repeinte en verte, une grande partie est restée en blanc, les superstructures étant resté en bleu.
Il découle de ces éléments que la société Auto Site a donc manqué à ses obligations post-contractuelles, ce qui a d'ailleurs motivé la saisine du juge des référés, lequel a ordonné à la société Auto Site de se conformer à ses obligations dans les termes rappelés précédemment, et ce sous astreinte et moyennant le règlement d'une provision au profit de la société Hypromat.
L'appelante soutient avoir, dès la rupture du contrat, apposé un bandeau mauve sur la marque de la franchise, et avoir dès le mois d'octobre repeint presque entièrement son site en vert.
Elle verse aux débats un constat d'huissier daté des 30 octobre et 5 novembre 2013 qu'elle verse aux débats et qui mentionne que :
- huit poteaux sur dix des parois séparatives sont peints en vert,
- au niveau du distributeur de jetons, le local technique est peint intégralement en " vert fumeterre ",
- le bandeau en périphérie de toiture est entièrement peint en " verre tremble ",
- les deux aspirateurs ainsi que le lampadaire à proximité sont peints en vert,
- deux grandes barres transversales entre les poteaux sont également peintes en vert.
L'huissier de justice, qui indique que le gérant lui explique, en date du 30 octobre, devoir procéder à des finitions au niveau des superstructures, constate ensuite le 5 novembre, que les dix poteaux des parois séparatives sont peints en vert et des grandes barres transversales entre ces poteaux sont également peintes en vert.
Si le constat fait par l'huissier de justice et les photographies qui l'accompagnent ne permettent pas de conclure formellement qu'à cette date le centre de lavage avait été entièrement repeint dans des couleurs dont étaient exclues à la fois le bleu, ce qui apparaissait être le cas, et le blanc, il n'en demeure pas moins que les éléments distinctifs les plus caractéristiques et visibles tels les logos et enseignes avaient été déposés, et que toute couleur bleue avait disparu, tout en relevant que cette disparition a été tardive au regard du délai imparti par le contrat et même par le juge des référés. Dans ces conditions, l'atteinte à la lisibilité et à l'image de marque du réseau de franchise pouvait être considérée à cette date comme résiduelle.
Pour le surplus, c'est à bon droit que le premier juge a retenu que la société Auto Site avait démontré, par l'achat de peinture verte notamment, attestée par des factures et autres pièces, ne pas entendre ignorer ses obligations et a tenu compte, outre de la durée du maintien même partiel des couleurs et logo de la marque, du montant journalier et par contravention de l'astreinte prévue par l'article 19 du contrat, ainsi que le champ géographique de la clause de non-concurrence limitée au territoire communal de Lallaing.
Il convient en conséquence de ce qui précède de confirmer le jugement en ce qu'il a alloué à la société Hypromat une indemnité de 30 000 euros.
S'agissant par ailleurs de la demande en restitution de manuels technique, les stipulations contractuelles, et notamment des articles 5.4.1 et 14 font bien référence à un manuel opératoire ou manuel d'exploitation qui vise à permettre d'assurer un bon fonctionnement technique du centre et doit être restitué immédiatement au franchiseur à l'expiration du contrat.
Si l'article 5.4.9 invoque le contenu " des manuels opératoires " au titre du droit d'auteur, cette disposition ne saurait suffire à établir que plusieurs manuels sont systématiquement remis au franchisé ou l'ont été dans les circonstances de l'espèce.
Or comme l'a relevé le premier juge, il n'est pas contesté que dès le mois d'avril 2011, la société Auto Site a renvoyé un manuel technique en sa possession.
Pour le surplus, la société Hypromat France, qui se borne à se référer au contrat sans autre précision pour réclamer la restitution de deux autres manuels, ne justifie pas sa demande qui doit dès lors être rejetée, le jugement devant donc également être confirmé sur ce point.
Sur les dépens et les frais irrépétibles :
L'EURL Auto Site succombant pour l'essentiel sera tenue des dépens de l'appel, par application de l'article 696 du Code de procédure civile, outre confirmation du jugement déféré sur cette question.
L'équité commande en outre de mettre à la charge de l'EURL Auto Site une indemnité de procédure pour frais irrépétibles de 2 000 euros au profit de la SAS Hypromat France, tout en disant n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Code de procédure civile à l'encontre de cette dernière et en confirmant les dispositions du jugement déféré de ce chef.
Par ces motifs, LA COUR, Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 6 janvier 2017 par le tribunal de grande instance de Strasbourg Y ajoutant, Condamne l'EURL Auto Site aux dépens de l'appel, Condamne l'EURL Auto Site à payer à la SAS Hypromat France la somme de 2 000 euros (deux mille euros) au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Code de procédure civile à l'encontre de la SAS Hypromat France.