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Décisions

CA Aix-en-Provence, 2e ch., 29 novembre 2018, n° 16-06137

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Gourand (SAS)

Défendeur :

JL. 26 (SARL), Kiabi Europe (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Aimar

Conseillers :

M. Prieur, Mme Petel

Avocats :

Mes Sider, Rousseau, Magnan, Champagner Katz, Weil, Gasnier, N. Boespflug, E. Boespflug

TGI Marseille, du 28 janv. 2016

28 janvier 2016

Vu les articles 455 et 954 du Code de procédure civile,

Vu le jugement contradictoire du 28 janvier 2016 rendu par le tribunal de grande instance de Marseille, première chambre,

Vu l'appel interjeté le 4 avril 2016 par la SAS Gourand ,

Vu les dernières conclusions de la SAS Gourand , appelante en date du 24 octobre 2016,

Vu les dernières conclusions de la SAS Kiabi Europe, intimée et incidemment appelante en date du 19 octobre 2016,

Vu les dernières conclusions de la société JL. 26, intimée et appelante incidente en date du 23 décembre 2016,

Vu l'ordonnance de clôture en date du 24 septembre 2018,

Sur ce, la cour,

Il est expressément renvoyé pour un plus ample exposé des faits de la cause et de la procédure à la décision entreprise et aux écritures des parties,

Il sera simplement rappelé que :

La société JL26 a pour activité la conception, la fabrication et la diffusion de produits vestimentaires. Elle conçoit et commercialise un grand nombre de modèles de vêtements dans le domaine du streetwear et du sportswear sous la marque D., ainsi que sous la marque WEST SURF CALIFORNIA. Elle conçoit et commercialise également des accessoires (sacoches, ceintures, etc.).

La société JL26 commercialise un modèle de veste coupe vent pour hommes, de référence " D. Charly ''.

Faisant valoir que des vestes reproduisant servilement ou quasi servilement le modèle susvisé étaient proposées à la vente par le magasin Kiabi situé 252 Route des Trois Lucs à Marseille 13011 et sur Ie site internet www. kiabi. com. elle a procédé à l'achat d'une de ces vestes le 13 mars 2013 via le site internet www. kiabi. com. et le 20 mars 2013, Maître SAFFON, huissier de Justice à Marseille a dressé un procès verbal de constat d'achat.

Le 15 mars 2013, elle a également acheté d'une de ces vestes dans le magasin Kiabi sis 252 Route des Trois Lucs à Marseille 13011 et elle a fait procéder, le même jour, à un procès verbal de constat d'achat par Maître SAFFON, huissier de Justice.

Selon acte d'huissier du 23 avril 2013 la société JL. 26 a fait assigner la société Kiabi Europe devant le tribunal de grande instance de Marseille en contrefaçon de droit d'auteur sur le blouson Charly et le patch de ce blouson et en concurrence déloyale et réparation du préjudice en résultant.

Selon acte d'huissier du 14 mai 2013 la société Kiabi Europe a appelé en garantie son fournisseur la société Gourand sise à Paris qui a pour activité le commerce de gros d'articles d'habillement et de chaussures. Cet appel en garantie a été joint à l'instance principale par ordonnance du juge de la mise en état du 1er octobre 2013.

Suivant jugement contradictoire du 28 janvier 2016 dont appel, le tribunal a :

- dit que le modèle de patch ornant le blouson Charly conçu par la société JL26 est protégé au titre du droit d'auteur et des droits des dessins et modèles.

- rejeté la demande en annulation des procès verbaux de constat formée par la société Gourand SAS,

- dit que la société Kiabi et la société Gourand SAS ont commis des actes de contrefaçon de droit d'auteur et de modèle en ce qui concerne le patch ornant les blousons Charly et déposé le 5 décembre 2011,

- condamné in solidum la société Kiabi et la société Gourand SAS à verser à la société JL. 26 la somme de 5 000 euros en réparation du préjudice moral et I5 000 euros en réparation du préjudice patrimonial occasionné par les actes de contrefaçon,

- ordonné la cessation immédiate de la diffusion, de l'offre à la vente et de la commercialisation des patchs contrefaisants et ordonné leur retrait immédiat sous astreinte provisoire de 50 euros par article contrefaisant à l'issue d'un délai de 30 jours suivant la signification de la présente décision,

- autorisé la publication de la présente décision, par extraits ou en totalité, dans trois journaux professionnels aux frais des deux sociétés défenderesses, le coût de chaque insertion ne pouvant dépasser 3 000 euros TTC,

- débouté la société JL. 26 du surplus de ses demandes,

- annulé partiellement l'enregistrement du dépôt effectué le 5 décembre 2011 sous le numéro 2011 5833, cette annulation concernant le modèle de blouson et non le modèle de patch figurant dans le dépôt,

- condamné in solidum la société Kiabi et la société Gourand SAS à verser à la société JL. 26 la somme de 2 500 euros on application de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamné la société Gourand SAS à garantir la société Kiabi de l'intégralité des condamnations prononcées à son encontre dans le présent jugement,

- ordonné l'exécution provisoire de la présente décision,

- mis l'intégralité des dépens in solidum à la charge de la société Gourand SAS et de la société Kiabi, dont distraction au profit des avocats à la cause.

En cause d'appel la société Gourand , appelante, demande dans ses dernières écritures en date du 24 octobre 2016, de :

vu les articles L. 111-1, L. 122-4, L. 331-1-3, L. 331-1-4, L. 511-1 et suivants, L. 512-4 et L. 512-5 du Code de la propriété intellectuelle et les articles 1382 et 1383 du Code civil,

- infirmer le jugement du tribunal de grande instance de Marseille rendu le 28 janvier 2016 en toutes ses dispositions,

- débouter la société JL26 de son appel incident et de toutes ses demandes à l'encontre de la société Gourand ,

et, statuant à nouveau, de :

- dire et juger que la société JL26 n'est pas titulaire de droits d'auteur sur le blouson référencé " D. Charly '' ou sur le patch revendiqué,

- dire et juger que le blouson et le patch revendiqués parla société JL26 ne sont pas originaux,

- dire et juger que le modèle français numéro 20115833 déposé le 5 décembre 2011 est nul pour défaut de nouveauté et de caractère propre,

- dire et juger que la commercialisation des blousons litigieux ne constitue ni un acte de contrefaçon ni un acte distinct de concurrence déloyale ,

- dire et juger que la société JL26 ne justifie pas des préjudices qu'elle allègue,

- dire et juger que la société JL26 est mal fondée en toutes ses demandes, prétentions, fins et conclusions ;

- déclarer l'appel en garantie formé par la société Kiabi Europe sans objet,

- débouter la société Kiabi Europe de sa demande de garantie,

- condamner la société JL26 à verser à la société Gourand SA une somme de 20 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamner la société JL26 aux entiers dépens.

La société Kiabi Europe, intimée et appelante incidente demande dans ses dernières écritures en date du 19 octobre 2016 de :

- infirmer le jugement déféré en ce qu'il a jugé protégeable par le droit d'auteur et par le droit des dessins et modèles le patch de la société JL. 26 et en ce qu'il a condamné la société Kiabi Europe pour contrefaçon de celui ci,

- annuler le modèle n° 20115833 déposé par la société JL. 26 le 5 décembre 2011 en totalité,

- débouter la société JL. 26 de son appel incident et de toutes ses demandes à l'encontre de la société Kiabi Europe,

- confirmer le jugement déféré pour le surplus,

- condamner la société JL. 26 à payer à la société KlABl EUROPE une indemnité de

10 000 euros en vertu de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamner la société JL. 26 aux dépens.

La société JL. 26, intimée, demande dans ses dernières écritures en date du 23 décembre 2016 de :

vu les articles L. 111-1, l..122-4, L. 331-1-3, L. 331-1-4 du CPI,

vu l'article 1240 du Code civil (Anciens articles 1382 et 1383 du Code civil)

- confirmer la décision du Tribunal de Grande Instance de Marseille en ce qu'elle a rejeté la demande d'annulation des procès verbaux de constat formée par la société Gourand ,

- infirmer la décision du Tribunal de Grande Instance de Marseille en ce qu'il a rejeté la protection du blouson Charly au titre du droit d'auteur,

- infirmer décision du Tribunal de Grande Instance de Marseille en ce qu'elle a rejeté la protection du blouson Charly au titre du droit des dessins et modèles,

statuant à nouveau,

- condamner conjointement et , solidairement les sociétés Kiabi et Gourand pour contrefaçon de droit d'auteur et contrefaçon de dessins et modèles du blouson Charly de JL26,

statuant à nouveau,

- condamner conjointement et solidairement les sociétés Kiabi et Gourand à cesser immédiatement la diffusion, de l'offre à la vente et la commercialisation des blousons contrefaisants sous astreinte provisoire de 50 euros par article contrefaisant à l'issue d'un délai de 30 jours suivant la signification de la décision à intervenir,

- condamner in solidum les sociétés Gourand et Kiabi à verser à la société JL26 la somme de 20000 euros en réparation du préjudice moral et 30000 euros à titre provisionnel pour le préjudice patrimonial résultant de la contrefaçon du blouson Charly,

- infirmer la décision entreprise en ce qu'elle a refusé de reconnaître les faits de concurrence déloyale connexe et statuant à nouveau, dire et juger que les sociétés Kiabi et Gourand se sont livrées à des faits de concurrence déloyale et les condamner in solidum au paiement d'une somme de 20 000 euros à titre provisionnel,

à titre subsidiaire, confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a reconnu que le patch est protégeable au titre du droit d'auteur et du droit des dessins et modèles,

à titre subsidiaire, confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a reconnu les société Gourand et Kiabi coupable d'actes de contrefaçon du patch au titre du droit d'auteur et du droit des dessins et modèles et les a conjointement et solidairement condamnées au paiement de 5000 euros au titre du préjudice moral et 15000 euros au titre du préjudice patrimonial occasionné par les actes de contrefaçon,

à titre subsidiaire, confirmer la décision du Tribunal de Grande instance de Marseille en ce qu'elle a ordonné la cessation immédiate de la diffusion, de l'offre à la vente et à la commercialisation des patchs contrefaisants et ordonné sous astreinte provisoire de 50 euros par article contrefaisant à l'issue d'un délai de 30 jours suivant sa signification,

- à titre infiniment subsidiaire, infirmer le jugement en ce qu'il a débouté JL26 au titre de la concurrence déloyale et du parasitisme, et, statuant à nouveau, condamner conjointement les sociétés Kiabi et Gourand à verser à JL26 la somme de 50 000 euros en réparation de ses préjudices moral et patrimonial, à titre provisionnel,

en toute hypothèse, ordonner la production par la société Kiabi, sous astreinte de 500 euros par jour à l'expiration d'un délai de 20 jours francs à compter de la date de signification à partir de la décision à intervenir, des documents suivants :

o La liste avec noms et adresses des fabricants, fournisseurs et distributeurs des produits contrefaisants, que ces distributeurs soient grossistes, détaillants, vendeurs en circuit de distribution classique ou sur Internet,

o Le justificatif, attesté par l'expert comptable de la société Kiabi des factures d'achat des vestes contrefaisantes si ces dernières n'ont pas été fabriquées directement par la société Kiabi,

o Le justificatif, attesté par l'expert comptable de la société Kiabi des quantités vendues de chaque veste contrefaisante, par client.

o Le justificatif, attesté par l'expert comptable de la société Kiabi des prix de vente pratiqués par client,

o Le justificatif, attesté par l'expert comptable de la société Kiabi, des bénéfices dégagés par la société Kiabi sur les vestes contrefaisantes, en précisant le mode de calcul dudit bénéfice et les frais pris en compte,

- condamner in solidum les sociétés Gourand et Kiabi à verser à la société JL26 les frais d'huissier liés à la constatation des faits de contrefaçon et des actes de concurrence déloyale à hauteur de mille (1000) euros HT,

- condamner in solidum les sociétés Gourand et Kiabi à verser à la société JL26 la somme de 10000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamner in solidum les sociétés Gourand et Kiabi à verser à la société JL26 les sommes correspondant au paiement des dépens distraits aux profits de Maître Ludovic Rousseau, avocat postulant, en application de l'article 699 du Code de procédure civile.

La SARL JL. 26 se prévaut à la fois de la protection au titre du droit des dessins et modèles et celle, sans formalité, instituée au titre du droit d'auteur, du seul fait de la création d'une forme originale ;

Sur la protection au titre du droit d'auteur,

Sur la titularité

L'article L. 111-1 du Code de la propriété intellectuelle dispose que l'auteur d'une œuvre de l'esprit jouit sur cette œuvre, du seul fait de sa création, d'un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous, comportant des attributs d'ordre intellectuel et moral ainsi que des attributs d'ordre patrimonial.

Le droit de l'article susmentionné est conféré selon l'article L. 112-1 du même Code , à l'auteur de toute œuvre de l'esprit, quels qu'en soit le genre, la forme d'expression, le mérite ou la destination.

Il s'en déduit le principe de la protection d'une œuvre sans formalité et du seul fait de la création d'une forme originale.

Il est constant que la personne morale qui commercialise de façon non équivoque une œuvre de l'esprit sous son nom est présumée à l'égard des tiers recherchés en contrefaçon et en l'absence de toute revendication du ou des auteurs, détenir sur ladite œuvre, qu'elle soit ou non collective, les droits patrimoniaux de l'auteur ;

Pour bénéficier de cette présomption simple, il appartient à la personne morale d'identifier précisément l'œuvre qu'elle revendique et de justifier de la date à laquelle elle a commencé à en assurer la commercialisation ; qu'il lui incombe également d'établir que les caractéristiques de l 'œuvre qu'elle revendique sont identiques à celles dont elle rapporte la preuve de la commercialisation sous son nom ;

Enfin, si les actes d'exploitation propres à justifier l'application de cette présomption s'avèrent équivoques, elle doit préciser les conditions dans lesquelles elle est investie des droits patrimoniaux de l'auteur ;

* sur le blouson Charly

La société Gourand expose que la facture en date du 9 février 2012 porteuse de la référence Charly n'établit pas la commercialisation du blouson référencé D. Charly et qu'elle ne prouve pas que les caractéristiques du blouson que la société JL. 26 revendique soient identiques à celles du blouson vendu à la société Cote Marque en février 2012.

Elle ajoute que l'extrait de catalogue D. collection Summer 2012 présentant en page 8 la photographie du blouson revendiqué avec la référence S12-604 Charly, n'est pas de nature, faute de production du catalogue en original et en intégralité à établir la titularité de la société JL. 26 sur ce blouson.

Elle soutient également que cette dernière ne s'explique pas sur le processus de création de ce blouson et de sa date de création, ni d'avoir été investie des droits patrimoniaux par son auteur; qu'elle ne justifie pas qu'il y ait eu au sein de l'entreprise un quelconque processus créatif.

La société JL. 26 expose qu'elle investit régulièrement depuis plusieurs années dans la conception et dans les distributions de ses produits et que la masse salariale du bureau de style, chargé de la conception et du design des modèles s'élève à 135 448, 87 euros pour 2010 et 169 260, 87 euros pour l'année 2011 et qu'elle investit également dans la promotion et la communication, édite chaque année plusieurs catalogues et expose des dépenses substantielles en matière de publicité.

La société JL. 26 qui souligne qu'elle a fourni de manière surabondante la fiche de création du blouson Charly, indique qu'elle produit aux débats des factures justifiant de la commercialisation du blouson Charly en 2012 et le Catalogue Eté 2012 de la marque D..

Elle ajoute que l'exploitation de son modèle, préparée dès le mois d'août 2011 se poursuit en 2014 jusqu'à ce jour sur son site internet www. deeluxe. fr. qui lui appartient depuis 2006, ce qui constitue bien un acte de divulgation sous son nom.

Ceci rappelé, il ressort de la facture en date du 9 février 2012 adressée à la société Côté Marque , des factures adressées en février 2012 aux sociétés White Legend, Esprit D. Sud, Bailly Sport comportant la référence 12604 du blouson Charly, du catalogue original de 2012 de la société JL. 26 représentant le blouson Charly sous la même référence et de la fiche de création du blouson mentionnant la marque D., été 2012 et la date de création août 201 et le nom du designer salarié de la société JL. 26, que la société JL. 26 a commercialisé de façon non équivoque le blouson Charly dont s'agit et que c'est à bon droit que le tribunal a jugé que la société JL. 26 justifie de la titularité des droits sur ce blouson dont elle poursuit la commercialisation sur son site, sans qu'un quelconque auteur en revendique la paternité.

* Sur le patch

La société Gourand fait valoir que la société JL. 26 n'a pas commercialisé sous son nom le patch revendiqué ; qu'elle est incapable de l'identifier précisément, le patch étant d'ailleurs dépourvu de référence de commercialisation au sein de la société et qu'elle ne justifie pas de la date à laquelle elle aurait commencé à commercialiser ce patch, la capture d'écran communiquée à ce titre étant postérieure aux faits dénoncés.

Elle poursuit en indiquant que la société JL. 26 n'établit ni de la date et des conditions de création de ce patch, ni de la date à compter de laquelle celui ci aurait été commercialisé ou divulgué au public pour la première fois, la seule communication d'un extrait de catalogue ne permet pas de justifier d'une exploitation effective du modèle du patch et ce d'autant que le catalogue communiqué est d'une qualité ne permettant pas d'identifier quelque patch que ce soit, et ajoute qu'aucun élément n'est versé concernant la titularité de la société sur le patch.

La société JL. 26 expose que le patch est identifié de manière précise par sa fiche de création en date du 4 août 2011 puisqu'il est non seulement représenté en taille réelle mais également par éléments le composant ; que le dégradé de couleur est également spécifié .

Elle ajoute qu'il est apposé sur diverses pièces vestimentaires toutes commercialisées sous son nom et sous sa marque D. depuis 2012.

Ceci rappelé, le patch qui est apposé sur le blouson litigieux est identifié par sa fiche de création en date du 11 août 2011 et il est justifié par le catalogue D. summer 2012 de février 2012 versé aux débats, qu'il est apposé sur diverses pièces vestimentaires commercialisées par la société JL. 26 et sous sa marque de sorte que cette dernière justifie d'une exploitation non équivoque de celui ci et c'est à juste titre que le tribunal a jugé qu'elle est titulaire des droits sur le patch.

Sur l'originalité

* du patch

La société Gourand expose que la société JL. 26 caractérise l'originalité de son modèle de patch comme suit :

- un drapeau américain figurant dans un rond,

- la mention 1974 au bas du drapeau dans un encadré doré,

- un bandeau qui encadre le drapeau présentant les termes Deeluxe Denim Brand,

- un contour en forme de vague de couleur écrue.

Elle soutient que la société JL. 26 ne peut revendiquer aucun monopole sur l'usage du drapeau américain ou sur l'apposition d'une année sur un écusson et fait valoir que le fait que le drapeau américain soit présenté sous forme arrondie alors qu'il est majoritairement représenté comme cela, et le fait qu'il soit entouré de deux ronds et d'une date ne permet pas d'établir qu'il ait une caractéristique originale.

Que l'on ne peut apprécier, comme le soutient la société JL. 26, la finesse de chaque détail, car chaque détail même infime ferait différer un modèle d'un autre et rendrait impossible la contrefaçon puisque chaque consommateur serait apte à faire la différence entre chaque produit.

Elle ajoute que la société JL. 26 ne peut prétendre être titulaire de droit sur l'usage des termes DENIM BRAND qui apparaît descriptif et banal en matière de prêt à porter sportwear.

Elle fait valoir qu'elle verse aux débats des pièces propres à établir que des caractéristiques identiques préexistaient sur des patchs ou écussons antérieurs, notamment apposés sur des blousons de base ball américain et particulièrement la marque française n° 3868428 déposée le 20 octobre 2011 antérieurement à la divulgation au public du patch revendiqué.

Elle soutient que le patch est dépourvu d'originalité.

La société Kiabi Europe soutient que le choix qui porte sur la reproduction partielle du drapeau étoilé et de faire figurer la date dans un bandeau qui sont des éléments banals ne procède pas d'un effort de création et n'est pas original.

La société JL. 26 expose que les designers du bureau de style ont choisi de ne reproduire qu'une partie bien précise du drapeau américain et de le faire figurer dans un rond dans des proportions

choisies et ont également inséré la mention 1974 au bas du drapeau dans un encadré doré, ainsi que les termes Deeluxe Denim Brand dans un bandeau qui encadre le drapeau et qu'ils ont opté pour un contour particulier en forme de vague de couleur écrue, ce qui caractérise clairement l'apport créatif des auteurs.

Ceci rappelé, il ressort de l'examen du patch de la société JL. 26 qu'il comporte des éléments qui ne sont pas dictés par des contraintes techniques : représentation du drapeau américain coupé au centre , encadrement doré , bandeau de forme ondulée qui encadre le drapeau et que la combinaison de ces éléments auxquels ont été ajoutées une date dans un phylactère situé au bas et des couleurs selon un agencement particulier lui conférant , une singularité qui manifeste l'empreinte de la personnalité des créateurs de ce patch.

Aucune des pièces communiquées par la société Gourand ne reproduit la structure et l'organisation du patch de la société JL. 26 et ne lui ressemblent.

C'est donc à bon droit que le tribunal a jugé qu'il relève de la protection au titre du droit d'auteur.

* le blouson Charly

La société Gourand expose que la société JL. 26 caractérise l'originalité du modèle de blouson comme suit :

- une veste courte en nylon ;

- le bas des manches et le bas du blouson composés d'une bande de tissu en maille élastiques sur laquelle figure six bandes de couleurs horizontales (bleue, blanche, bleue, rouge, bleue, blanche) ;

- un col haut et droit avec, à |'intérieur du col une bande de tissu en maille de la couleur de la veste et à l'extérieur une bande de tissu avec la même combinaison de lignes de couleurs qu'aux bas des manches et du blouson;

- deux poches latérales disposées symétriquement de part et d'autre de la fermeture à glissière et fermées elles mêmes par une fermeture à glissière formant une sorte d'ourlet venant déborder de part et d'autre de ladite fermeture ;

- une poche centrale située sur le haut de la veste avec une fermeture à glissière et des ourlets similaires ;

- des " tirettes '' des fermetures à glissières du blouson munies d'un passant reprenant les trois couleurs des bandes du tissu en maille élastique ;

- des surpiqûres aux poches, du col jusqu'au bas des manches, des épaules jusqu'au bas du blouson à l'avant et dans le dos ;

- un patch brodé sur le coté gauche (poitrine) du blouson ;

- une broderie blanche sur la manche droite.

Elle fait valoir qu'il s'agit, comme l'a relevé le tribunal, d'un blouson classique de type Teddy, et qu'elle verse aux débats des pièces propres à établir que les caractéristiques du blouson revendiqué par la société JL. 26 préexistaient sur des blousons antérieurs.

Elle souligne que ni les coloris, ni la matière d'un vêtement ne sont protégeables au titre du droit d'auteur, et indique qu'elle a commercialisé un blouson aux caractéristiques similaires référencé

BENNY, dans sa collection Printemps Eté 2011 à compter du 28 février 2011, pratiquement un an avant la divulgation du blouson Charly.

Elle dénie tout caractère original au blouson.

La société Kiabi Europe demande la confirmation du jugement en ce qu'il a décidé que le blouson de la société JL. 26 n'est pas protégeable par le droit d'auteur comme constituant une déclinaison banale du blouson de type Teddy ne portant pas l'empreinte de la personnalité du créateur.

La société JL. 26 caractérise l'originalité de son blouson comme suit :

- une veste courte en nylon;

- le bas des manches est formé d'une bande de tissu élastique en maille comprenant trois fines bandes horizontales bleues (bleu ciel ou bleu marine selon la couleur dans laquelle est décliné le vêtement), deux fines bandes horizontales blanches et une grosse bande horizontale rouge. Les bandes sont intercalées dans l'ordre suivant :

* une bande bleue,

* une bande blanche,

* une bande bleue,

* une bande rouge

* une bande bleue,

* une bande blanche

- le bas du blouson est formé également d'une bande de tissu en maille sur laquelle figurent des bandes de couleur (bleues, blanches, rouges) intercalées dans le même ordre, cette bande de tissu s'arrêtant à environ 10 cm de part et d'autre de la fermeture à glissière, laissant apparaître un carré de tissu de même apparence que le reste du blouson,

- le col est haut et droit avec, à l'intérieur du col une bande de tissu en maille de la couleur de la veste et à l'extérieur une bande de tissu avec la même combinaison de lignes de couleur que ci dessus,

- deux poches latérales disposées symétriquement de part et d'autre de la fermeture à glissière et fermées elles mêmes par une fermeture à glissière formant une sorte d'ourlet venant déborder de part et d'autre sur ladite fermeture,

- une poche centrale située sur le haut de la veste fermée par une fermeture à glissière formant une sorte d'ourlet venant déborder de part et ci'autre sur ladite fermeture,

- la " tirette '' des fermetures à glissière des poches et du blouson est munie d'un passant constitué d'une bande de tissu reprenant les bandes rouges, blanches et bleues en surpiqûre,

- des surpiqûres sont présentes autour de chaque poche latérale, du col jusqu'au bas des manches, des épaules jusqu'au bas de la veste tant sur l'avant de la veste que sur le dos,

- un patch brodé figurant un drapeau américain avec l'inscription 'Deeluxe Denim Brand 1974" sur le côté gauche (poitrine) du blouson,

- une broderie blanche sur la manche droite indiquant le nombre " 74 ''.

Elle précise qu'elle décline ce modèle dans les couleurs marine, bleue et blanche et que les caractéristiques de formes, de matières et de couleurs sus mentionnées correspondent à une combinaison de certains éléments, certes connus dans le secteur encombré des blousons de genre " teddy '', mais justement originale puisqu'elle n'est identique à aucune autre et reflète l'empreinte de la personnalité du créateur de la veste.

Qu'il s'agit bien d'une combinaison originale d'éléments qui traduit l'originalité du blouson Charly, quand bien même chaque élément pris individuellement ne serait pas nécessairement original en soi.

Qu'il s'agit d'un blouson de type Teddy à la fois léger pour l'été et résolument urbain, s'éloignant du côté très sport de certains Teddy , en limitant l'effet bombé , en supprimant tout contraste entre les manches et le corps du blouson, le blouson Charly n'ayant rien d'un blouson de type doudoune ; qu'il revêt une caractère original.

Elle relève que les blousons communiqués par la société Gourand présentent des emplacements de couleurs contrastés à hauteur des épaules, ou ressemblent à des doudounes ou présentent des différences notables tant au niveau des coutures, des contrastes de couleurs, des bandes de couleur, leur forme générale diffère, les patchs sont différents, leur conférant une impression d'ensemble différente du blouson Charly.

Que ce dernier revêt un caractère original.

Ceci rappelé, le blouson Charly tel que figurant sur le catalogue 2012 et celui photographie lors du constat d'huissier, est un blouson de forme classique, présentant des bandes colorées en maille au bas du blouson et au bas des manches, une fermeture à glissière centrale, un col à cheminée portant une bande rouge centrale deux poches latérales disposées symétriquement, fermées par une fermeture à glissière , comportant une poche fermée sur le côté haut du blouson, un patch apposé sur le côté opposé de la poche haute, un numéro sur la manche ; que l'ensemble de ces éléments figurent sur de nombreux modèles de blousons de type Teddy communiqués par la société Gourand ; que les extraits de presse antérieurs et contemporains au modèle de blouson revendiqué font apparaître que la forme de ce blouson , la présence d'un numéro sur l'une des manches et d'un écusson sur la poitrine, la présence de bandes de couleur en maille ont été reproduits depuis de nombreuses années et que ces éléments identifiables ont par la suite été régulièrement repris de sorte que, comme relevé par le tribunal, le blouson Charly apparaît comme une déclinaison banale du blouson de type Teddy et que les choix des couleurs des bandes et du blouson et des accessoires ne peuvent être considérés comme des choix esthétiques et particuliers et reconnaissables portant l'empreinte de leur créateur.

Il s'ensuit que c'est à bon droit que le tribunal a jugé qu'il est dépourvu de toute originalité et n'est pas protégé par le droit d'auteur.

Sur la protection au titre des dessins et modèles,

Aux termes de l'article L. 511-3 du Code de la propriété intellectuelle, un dessin ou modèle est nouveau si à la date du dépôt de la demande d'enregistrement ou à la date de la priorité revendiquée, aucun dessin ou modèle identique n'a été divulgué. Des dessins ou modèles sont considérés comme identiques lorsque leurs caractéristiques ne diffèrent que par des détails insignifiants.

Selon l'article L. 511-4 du même Code un dessin ou modèle a un caractère propre lorsque l'impression visuelle d'ensemble qu'il suscite chez l'observateur averti diffère de celle produite par tout dessin ou modèle divulgué avant la date de dépôt de la demande d'enregistrement ou avant la date de priorité revendiquée.

Pour l'appréciation du caractère propre, il est tenu compte de la liberté laissée au créateur dans la réalisation du dessin ou modèle.

Sur le modèle n° 20115833

La société Gourand demande de prononcer la nullité du modèle français n° 20115833 déposé le 5 décembre 2011 par la société JL. 26 publié le 3 août 2013 avec reproduction du blouson et du patch, pour défaut de nouveauté et de caractère propre.

Elle oppose comme antériorité la doudoune Wallace Galt commercialisée sous la marque Redskins depuis l'automne hiver 2010-2011 et indique que le modèle de doudoune à capuche, déposé, ne correspond pas au blouson Charly revendiqué.

Elle fait valoir que le modèle litigieux ne présente pas la même impression visuelle d'ensemble que le modèle déposé.

La société Kiabi Europe demande la confirmation du jugement en ce qu'il a décidé que le blouson n'est pas protégeable par le droit des dessins et modèles et précise, à titre subsidiaire, qu' en raison des différences existant entre les blousons en cause, il ne saurait y avoir de contrefaçon.

La société JL. 26 fait valoir que le fait que le modèle de blouson déposé diffère par une capuche n'est pas de nature à faire obstacle à la protection des dessins et modèles et ajoute que le blouson revendiqué et le modèle de blouson déposé présentent la même impression visuelle d'ensemble puisqu'il s'agit de la déclinaison du même modèle.

Elle soutient que les blousons produits aux débats ne sont pas de nature à détruire la nouveauté de son modèle de blouson car les différences de couleur ne se retrouvent pas dans son blouson de couleur unie, les largeurs des bandes d'ornementation des côtes en bas du blouson et des manches diffèrent ; qu'au contraire, le blouson est vendu avec son ornement : les broderies et le patch qui contribuent à produire un effet différenciant et qui ne constituent pas des détails insignifiants, le patch étant doté d'un caractère propre.

Elle sollicite la réformation du jugement à ce titre.

Ceci rappelé, s'il n'est opposé au modèle de blouson de la société JL. 26 aucune antériorité de toute pièce susceptible d'en détruire la nouveauté, en revanche ces nombreux modèles antérieurs communiqués de type Teddy sont destructeurs de tout caractère propre au modèle de la société JL. 26, les différences invoquées par cette dernière présentant un caractère insignifiant par rapport à l'impression d'ensemble quasi identique sur l'utilisateur averti qui a une bonne connaissance des modèles disponibles sans être expert, et ce alors que le modèle de blouson opposé qualifié par elle d'aérien et de léger ne correspond pas à la description de la doudoune avec capuche du modèle déposé.

A défaut de caractère propre, il y a lieu par substitution de motif, de confirmer le jugement en ce qu'il a annulé le modèle déposé du chef de la doudoune.

Sur le patch

La société Gourand expose que le dessin du patch n'a pas été déposé et qu'en toute hypothèse le patch revendiqué ne saurait être considéré comme présentant un caractère propre dans la mesure où il génère chez l'observateur averti une impression visuelle d'ensemble similaire à divers dessins antérieurs qu'elle communique.

Elle ajoute qu'un dépôt de modèle ne peut être partiellement validé car son identité même serait

modifiée, ce qui est contraire aux dispositions de l'article 512-5 du Code de la propriété intellectuelle qui prévoit :

'Si les motifs de nullité n'affectent le dessin ou modèle qu'en partie, l'enregistrement peut être maintenu sous une forme modifiée à condition que, sous cette forme, le dessin ou modèle réponde aux critères d'octroi de la protection et que son identité soit conservée.'

Et qu'en l'espèce le modèle déposé le 5 décembre 2011 a pour objet un vêtement doudoune et que le caractère propre du modèle modifié n'est plus le même que le caractère propre du modèle original ; qu'il n'y a aucune impression générale d'ensemble de ressemblance.

Elle sollicite l'annulation totale du dépôt.

La société Kiabi Europe fait valoir que la reproduction partielle d'un drapeau américain et la mention d'une date dans un bandeau, sont banales, et ne sont pas de nature à susciter chez l'observateur averti une impression visuelle d'ensemble différente de celle produite par les patchs antérieurs et que la patch est dépourvu de caractère propre.

Elle ajoute que le patch litigieux test décrit dans le dépôt comme 'blason sur le blouson de face' de sorte que ce patch ne peut être protégé indépendamment du blouson par ce modèle, car la disparition du blouson du modèle en altère nécessairement l'identité.

Elle demande l'annulation totale du dépôt.

La société JL. 24 précise que les deux créations figurent de manière distincte dans l'acte de dépôt et ce, même si le patch qui fait l'objet d'une représentation indépendante et détaillée, est une composante du blouson.

Elle soutient que son modèle est nouveau dès lors qu'aucune antériorité de toute pièce ne lui est opposée et alors que rien dans les pièces versées au débats n'apparaît de nature à affecter la nouveauté du patch.

Elle ajoute qu'il revêt un caractère propre car les créateurs avaient une infinité de possibilités pour la conception de ce patch : choix des contours, des couleurs, d'un drapeau, d'une date, d'un autre texte, d'une taille.

En effet, l'ensemble des patchs ou écussons communiqués par la société Gourand , à l'exception de leur taille ou de leur forme ronde ou en écu, diffèrent très fortement de celui de la société JL. 26 et ne sont pas de nature à détruire son caractère nouveau et propre résultant des éléments choisis, de leur organisation, des couleurs et de leur combinaison.

C'est donc à bon droit que le tribunal a jugé que le patch est protégeable au titre des dessins et modèles et a annulé partiellement ce dépôt dès lors que les deux créations figurent de manière distincte et détaillée.

Sur la contrefaçon

L'article L. 122-4 CPI dispose que toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle (de l'œuvre) faite sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite. Il en est de même pour la traduction, l'adaptation ou la transformation, l'arrangement ou la reproduction par un art ou un procédé quelconque.

L'article L. 521-1 du Code de la propriété intellectuelle prévoit que toute atteinte portée aux droits du propriétaire d'un dessin ou modèle, tels qu'ils sont définis aux articles L. 513-4 à L. 513-8, constitue

une contrefaçon engageant la responsabilité civile de son auteur.

L'article L. 513- 4 du Code de la propriété intellectuelle dispose que sont interdits, à défaut du consentement du propriétaire du dessin ou modèle, la fabrication, l'offre, la mise sur le marché, l'importation, l'exportation, l'utilisation, ou la détention à ces fins, d'un produit incorporant le dessin ou modèle.

L'article L. 513-5 du Code de la propriété intellectuelle précise que la protection conférée par l'enregistrement d'un dessin ou modèle s'étend à tout dessin ou modèle qui ne produit pas sur L'observateur averti une impression visuelle d'ensemble différente.

La société Gourand soulève la nullité des procès verbaux de constat en date des 15 et 20 mars 2013 car ils s'analysent en des actes de saisie contrefaçon et doivent être annulés faute de respect des règles spéciales applicables en la matière, car l'huissier a procédé à une saisie descriptive. Elle ajoute, concernant le procès verbal dressé le 15 mars 2013, que l'huissier instrumentaire n'a pas pris le soin d'identifier la personne présentée par lui comme 'mandatée par la société JL. 26" et n'a pu constater l'achat du modèle en cause car la personne qui l'a effectué échappait à son regard.

Elle conteste tout acte de contrefaçon.

Sur le blouson,

La société Gourand qui souligne que les caractéristiques reprises sont celles usuelles de tous les blousons Teddy , et ajoute qu'il existe des différences entre les modèles en cause :

- un col complètement différent de type blouson de base ball américain et non haut et droit comme celui du blouson revendiqué,

- un col porteur de rayures à l'extérieur et à l'intérieur contrairement à celui du blouson revendiqué,

- le col, le bas des manches et le bas du blouson composés d'une bande de tissu en maille élastiques ne présentant que deux bandes de couleurs : une blanche épaisse et une rouge plus fine,

- une broderie blanche ' Owk University League' sur le pan droit du blouson, au niveau de la poitrine,

- des poches sans fermeture à glissière,

- aucune " tirette '' sur la seule fermeture à glissière située au centre,

- une absence de poche sur la poitrine,

- une absence de broderie sur la manche.

La société JL. 26 fait valoir concernant la validité des constats d'achat que l'huissier s'est contenté de photographier le produit qui lui a été remis, n'est pas entré dans le magasin, n'a pas procédé lui même à l'achat en ligne et n'a émis aucun avis subjectif ni même décrit les produits contrefaisants ; qu'il n'a pas dépassé son rôle de simple constatant.

Elle expose concernant la contrefaçon au titre du droit d'auteur pour le patch que seul le texte même de l'inscription en pourtour du patch diffère ainsi que la date, 1974 au lieu de 1972, mais que l'ensemble des autres éléments constituant une combinaison originale ont été reproduits:

'Forme du patch avec pourtour ondulé, même couleur écrue du pourtour ondulé tranchant sur le fond sombre du patch, texte enfermé dans un cercle concentrique doré, même typographie, date dorée dans un phylactère placé au bas du drapeau, reproduction partielle du drapeau américain avec même disposition.'

Concernant la contrefaçon du modèle déposé du patch elle fait valoir que l'impression visuelle d'ensemble dégagée par les deux modèles en présence est la même et est perceptible comme tel par un utilisateur averti.

Concernant la contrefaçon du blouson Charly la société JL. 26 fait valoir que les bandes de couleurs du col sont de proportions et de couleurs similaires de sorte que les deux cols se ressemblent à l'extérieur.

Elle soutient que le modèle contrefaisant reprend la combinaison d'éléments originale de son blouson de façon servile ou quasi servile caractérisés par :

'renforcer le côté urbain du teddy en limitant l'effet bombé et en supprimant tout contraste entre les manches et le corps du blouson. Les origines du teddy sportif sont toutefois rappelées avec les bandes de couleur avec un contraste original, positionnées à la façon des Teddy de type " sport '', mais également grâce au patch. Ainsi, on constate que l'on s'éloigne du teddy classique (effet sport avec manches contrastée, aspect bombé renforcé) pour arriver à un modèle de teddy épuré, droit, qui se rapproche des vestes classiques, sans en être une, puisque les éléments caractéristiques du Teddy sont conservés. Il s'agit donc bien d'une déclinaison originale à l'intérieur d'un genre.

Que l'on retrouve la combinaison d'éléments originaux dans le blouson de la société Gourand .

Ceci rappelé, l'huissier instrumentaire mandaté par la société JL. 26 n'ayant procédé qu'à un simple constat, sans rôle actif, ses opérations ne peuvent être qualifiées de saisie descriptives et en vérifiant le sac et l'identité de la personne mandatée à l'entrée du magasin et son ticket de caisse à la sorite, il a veillé à la régularité de ses constations sans outrepasser sa mission.

Il s'ensuit que c'est à bon droit que le tribunal a rejeté la demande de nullité de ces deux constats.

A défaut de justifier de droits protégeables sur le blouson, la société JL. 26 est irrecevable en ses demandes à ce titre et c'est à bon droit que le tribunal les a rejetées.

En revanche l'examen des deux patchs en présence fait apparaître que celui de la société Gourand commercialisé par la société Kiabi dégage une impression visuelle d'ensemble identique et est perceptible comme tel par un utilisateur averti de sorte que c'est à bon droit que le tribunal a jugé qu'il porté atteinte aux droits de la société JL. 26 sur son patch tant au titre du droit d'auteur qu'au titre des dessins et modèles.

Sur la concurrence déloyale et le parasitisme,

La concurrence déloyale doit être appréciée au regard de la liberté du commerce ce qui implique qu'un signe ou un produit qui ne fait pas l'objet de droits de propriété intellectuelle, puisse être librement reproduit, sous certaines conditions tenant à l'absence de faute par la création d'un risque de confusion dans l'esprit de la clientèle sur l'origine du produit, circonstance attentatoire à l'exercice paisible et loyal du commerce.

L'appréciation de la faute au regard du risque de confusion doit résulter d'une approche concrète et circonstanciée des faits de la cause prenant en compte notamment le caractère plus ou moins servile, systématique ou répétitif de la reproduction ou de l'imitation, l'ancienneté d'usage, l'originalité, la notoriété de la prestation copiée.

Le parasitisme économique est caractérisé par la circonstance selon laquelle une personne, à titre lucratif et de façon injustifiée, s'inspire ou copie la valeur économique d'autrui, individualisée et procurant un avantage concurrentiel fruit d'un savoir faire, d'un travail intellectuelle et d'investissement.

La société Gourand soutient que la société JL. 26 est défaillante à démonter un fait distinct de la contrefaçon et un préjudice distinct de ceux demandés au titre de la contrefaçon.

La commercialisation de blousons différents à des prix inférieurs qui ne découlent que du libre jeu de la concurrence, n'étant pas constitutifs de faits fautifs.

La société Kiabi Europe sollicite la confirmation du jugement qui a estimé qu'en l'absence de fait distincts de la contrefaçon alléguée, a écarté le grief de concurrence déloyale et ajoute que concernant la concurrence déloyale alléguée à titre subsidiaire, les ressemblances existant entre les blousons et patchs en cause portent sur des éléments connus et banals exclusifs de toute concurrence déloyale alors que la marque D. est absente du blouson et du patch litigieux.

La société JL26 soutient que la reprise quasi servile du modèle d'un concurrent est vendu à vil prix dans le cadre d'une activité de discounter constitutive d'une faute au titre de la concurrence déloyale, et indique que la pratique usuelle de soldes n'avilit en rien sa réputation.

Ceci rappelé, quand bien même le blouson incriminé sur lequel est apposé le patch constituerait une imitation du blouson Charly de la société JL. 26 il n'en demeure pas moins que, dans un contexte de liberté du commerce et de l'industrie permettant à un acteur économique d'attirer licitement la clientèle de son concurrent, par notamment des prix inférieurs ceux qui ne peut disposer d'un droit de propriété intellectuelle opposable ne peut trouver dans l'action en concurrence déloyale une action de repli afin de faire sanctionner la simple reproduction ou imitation de l'œuvre qu'il commercialise.

A défaut, pour la société JL. 26 de démontrer qu'au delà de la simple imitation du blouson Charly dénué de toute protection par un droit privatif, correspondant à un modèle très répandu, les sociétés Kiabi et Gourand ont adopté un comportement contraire aux usages loyaux du commerce de nature à rompre l'équilibre dans les relations concurrentielles, aucune faute caractérisant la concurrence déloyale ne saurait être retenue.

Il s'ensuit que c'est à bon droit que le tribunal a rejeté la demande de la société JL. 26 au titre de la concurrence déloyale à défaut d'actes fautifs distincts de ceux allégués au titre de la contrefaçon.

Sur les mesures réparatrices,

L'article L. 513-5 du Code de la propriété intellectuelle doit s'interpréter à la lumière de la directive relative à l'harmonisation du droit des dessins ou modèles n° 98/71 dont l'article 9 paragraphe 2 dispose que 'pour apprécier l'étendue de la protection, il est tenu compte du degré de liberté du créateur dans l'élaboration du dessin ou modèle'.

L'article L. 331-3 CPI dispose que 'pour fixer les dommages et intérêts, la juridiction prend en considération les conséquences économiques négatives, dont le manque à gagner, subies par la partie lésée, les bénéfices réalisés par l'auteur de l'atteinte aux droits et le préjudice moral causé au titulaire de ces droits du fait de l'atteinte.

Toutefois, la juridiction peut, à titre d'alternative et sur demande de la partie lésée, allouer à titre de dommages et intérêts une somme forfaitaire qui ne peut être inférieure au montant des redevances ou droits qui auraient été dus si l'auteur de l'atteinte avait demandé l'autorisation d'utiliser le droit auquel il a porté atteinte'.

L'article L. 521-7 du Code de la propriété intellectuelle reprend très exactement les mêmes dispositions pour ce qui concerne les dessins ou modèles déposés.

La société Gourand conteste les préjudices revendiqués en indiquant que les boutiques à l'enseigne Kiabi ne sauraient être assimilées à des grandes surfaces ; que la société JL. 26 qui ne justifie pas distribuer ses produits exclusivement dans un réseau de distribution sélective ou par des vendeurs spécialisés, écoule ses produits grâce à d'importantes promotions et précise qu'elle n'a pas déposé le patch à titre de marque.

Elle ajoute, pour contester le préjudice moral allégué, que la société JL. 26 ne rapporte pas la preuve des modèles allégués ni de l'existence d'une baisse de chiffre d'affaires s'agissant de ces modèles particuliers.

Elle soutient que la société JL. 26 est mal fondée en sa demande de production de pièces sous astreinte alors qu'elle n'a pas procédé à une opération de saisie contrefaçon et a été défaillante dans l 'administration de la preuve et soutient que la demande de publication judiciaire est disproportionnée au préjudice allégué.

Elle soutient que la demande en garantie formée à son encontre par la société Kiabi est sans objet en l'absence de faute à son égard.

La société Kiabi qui sollicite la garantie de son fournisseur en application des conditions générales de vente régissant leurs relations et en application de la garantie résultant de l'article 1626 du Code civil, demande, à titre subsidiaire, la réduction des condamnations prononcées, en faisant valoir que le patch constitue un élément secondaire du blouson et que les mesures de retraits du marché e t de publication sont disproportionnée par rapport aux faits litigieux.

Elle ajoute qu'elle a versé aux débats l'intégralité des bons de commande et des factures concernant les blousons litigieux qui lui ont été fournis par la société Gourand.

La société JL. 26 fait valoir qu'elle n'est pas en mesure de connaître l'ampleur de la contrefaçon et demande de faire application des dispositions de l'article l 331-1-2 du CPI, la preuve de la contrefaçon pouvant par ailleurs être rapportée par tout moyen.

Elle soutient que l'apposition d'un patch spécifique sur un blouson permet d'un coup d'oeil de distinguer une gamme de produits d'une autre et que son modèle est dévalorisé et avili par un produit contrefaisant sur le marché largement diffusé au sein de magasins qui ne mettent pas comme elle les produits en valeur par un environnement adapté.

Elle précise dans le cadre de sa demande subsidiaire à ce titre que le patch Kiabi est quai identique au sien et situé au même endroit, sans aucune raison, que deux poches sont situées sur les côtés ce qui n'est pas systématique, que les rayures au col, aux poignets et à la taille sont de même couleur, que l'utilisation d'une fermeture à glissière centrale n'est pas systématique et vient renforcer la même impression d'ensemble, que la couleur du blouson est bleu marine dans les deux cas et que les empiècements à la taille autour de la fermeture sont identiques ; que les caractéristiques essentielles de son blousons sont recopiées, avec le patch ce qui occasionne un risque de confusion dans l'esprit du public.

Elle sollicite la condamnation in solidum des sociétés adverses à lui payer, réformant le jugement à ces titres, une provision de 30 000 euros pour son préjudice patrimonial, une provision de 20 000 euros au titre de la concurrence déloyale et la somme de 20 000 euros pour son préjudice moral, outre la confirmation des mesures d'interdiction sous astreinte et de publication judiciaire.

A titre subsidiaire elle sollicite au titre de la concurrence déloyale et de parasitisme une provision de 50 000 euros.

La seule contrefaçon du modèle de patch étant retenu c'est à bon droit que le tribunal en tenant compte du caractère ornemental du modèle et de son positionnement sur le modèle a fixé le préjudice résultant de sa contrefaçon à la somme de 15 000 euros et le préjudice moral en résultant pour la société JL. 26 à celle de 5 000 euros de sorte qu'il y a lieu de confirmer le jugement de ces chefs et de rejeter la demande de communication de pièces sans objet.

En revanche il convient à l'effet de faire cesser et d'interdire tout renouvellement des faits délictueux de confirmer les mesures d'interdiction sous astreinte et de confirmer à titre de mesure réparatrice complémentaire, la publication ordonnée et proportionnée aux faits fautifs.

Il convient de confirmer la garantie accordée à la société Kiabi Europe par la société Gourand aux regard des conditions générales régissant leurs relations commerciales.

Sur les autres demandes,

L'équité commande d'allouer à la société JL. 26 la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile et de rejeter la demande formée à ce titre par les sociétés Kiabi Europe et Gourand.

Les dépens resteront à la charge in solidum des sociétés Kiabi Europe et Gourand et qui seront recouvrés par les avocats de la cause dans les conditions de l'article 699 du Code de procédure civile, dont la société Kiabi Europe sera garantie par la société Gourand.

Par ces motifs LA COUR Statuant publiquement, par arrêt contradictoire, en dernier ressort, Rejette l'ensemble des demandes de la société Gourand, Rejette l'ensemble des demandes de la société Kiabi Europe, Rejette l'appel incident de la société JL. 26, En conséquence, Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions, Y ajoutant, Condamne in solidum les sociétés Kiabi Europe et Gourand à payer à la société JL. 26 la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile. Condamne in solidum les sociétés Kiabi Europe et Gourand aux entiers dépens qui seront recouvrés par les avocats de la cause dans les conditions de l'article 699 du Code de procédure civile et dont la société Kiabi Europe sera garantie par la société Gourand.