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Décisions

CA Amiens, 1re ch. civ., 22 novembre 2018, n° 17-00332

AMIENS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Défendeur :

Volkswagen Group France (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Coulange

Conseillers :

M. Maimone, Mme Piedagnel

TGI Soissons, du 17 nov. 2016

17 novembre 2016

Décision :

M. Roberto C. a acquis le 15 juin 2005 un véhicule de marque Volkswagen modèle Tourane 105 TDI confort immatriculé 752 EPH 92, mis en circulation le 27 mars 2005.

Le 7 juillet 2010, M. Roberto C. et son véhicule a été immobilisé au garage Auto M.J. situé à Conflans Ste Honorine, qui a chiffré le coût des réparations à 4 492,06 €, comprenant notamment un remplacement de boîte de vitesse.

Le cabinet d'expertise T., saisi par M. Roberto C. a conclu dans un rapport du 27 septembre 2011, sans que la SA Groupe Volkswagen France actuellement dénommée SA Volkswagen Group France (ci-après la SA Volkswagen ) ne se déplace et sans démontage du véhicule, que la rupture du carter, provoquant l'immobilisation du véhicule, semblait être assimilable à un vice caché.

Par acte d'huissier en date du 24.mars 2011, M. Roberto C. a fait assigner, en référé, la SA Volkswagen devant le Président du Tribunal de Soissons pour entendre ordonner la mise en place d'une expertise technique du véhicule.

Par ordonnance de référé du 6 mai 2011 le Président du Tribunal de Soissons a ordonné, sur le fondement de l'article 145 du Code de procédure civile, la mise en place d'une mesure d'expertise judiciaire technique du véhicule litigieux, et désigné M. Pascal D. en qualité d'expert judiciaire pour y procéder.

M. Pascal D. a déposé son rapport le 9 novembre 2011 en précisant notamment que l'immobilisation du véhicule litigieux est due à la casse du différentiel, qu'en aucun cas, cette casse est liée au roulement à bille, que compte tenu du kilométrage et de l'absence de défaut métallurgique dans la section de l 'axe, le vice caché est exclu.

Considérant que l'Expert judiciaire D. n'aurait pas accompli la mission qui lui a été impartie par l'ordonnance du 6 mai .2011, M. Roberto C. a, par acte d'huissier en date du 26 juin 2012, fait assigner la SA Volkswagen, au fond, devant le Tribunal de Grande Instance de Soissons et a sollicité la nomination d'un nouvel expert judiciaire, avec notamment une mission de :

-procéder à l'ouverture de l'ensemble boîte de vitesse/différentiel pour essayer de remonter à l'origine de la défaillance,

-rechercher l'origine des désordres et leur date d'apparition,

-dire s'ils relèvent d'un défaut d'entretien d'un entretien non conforme aux prescriptions du constructeur, d'une intervention non-conforme, ou d'un vice qui affecterait le véhicule, d'une usure du roulement de la boîte de vitesse relevant de l'usage et du kilométrage réalisé, ou de toute autre cause.

Par jugement du 4 avril 2013 aujourd'hui définitif, le Tribunal de Grande Instance de Soissons, saisi au fond sur le fondement des articles 144, 145 et 808 du Code de procédure civile, a rejeté la demande de contre-expertise, formée à titre principal, sans que le Tribunal ne soit saisi d'aucune demande au fond.

Par acte d'huissier en date du 5 juillet 2013, M. Roberto C. a saisi, à nouveau en référé, le Président du Tribunal de Grande Instance de Soissons aux fins de nomination d'un nouvel expert judiciaire, avec notamment une mission de :

-procéder à l'ouverture de l'ensemble boîte de vitesse/différentiel pour essayer de remonter à l'origine de la défaillance,

-rechercher l'origine des désordres et leur date d'apparition,

-dire s'ils relèvent d'un défaut d'entretien d'un entretien non confirme aux prescriptions du constructeur, d'une intervention non-conforme, ou d'un vice qui affecterait le véhicule, d'une usure du roulement de la boîte de vitesse relevant de l'usage et du kilométrage réalisé, ou de toute autre cause.

Par ordonnance en date du 18 octobre 2013, le Président du Tribunal de Grande Instance de Soissons a débouté M. Roberto C. de sa demande de mise en place d'une nouvelle mesure d'expertise judiciaire, aux motifs notamment que l'expert D. a parfaitement répondu aux exigences de sa mission en constatant que compte tenu du kilométrage et de l'absence de défaut métallurgique dans la section de l'axe, le vice caché est exclu.

Par acte d'huissier du 9 janvier 2015, M. Roberto. C. a, de nouveau, fait assigner la SA Volkswagen devant le Tribunal de Grande Instance de Soissons pour entendre, dans le dernier état de la procédure de première instance :

-dire que le véhicule litigieux est affecté d'un vice caché ;

-dire que la responsabilité de la SA Volkswagen est engagée au titre de la garantie légale des vices cachés ;

-condamner, en conséquence, l a SA Volkswagen à lui payer les sommes suivantes :

. 7732,77 € TTC au titre du coût des réparations du véhicule,

. 12 000 € au titre du trouble de jouissance subi par lui depuis le 7 juillet 2010,

. 25 854 € TTC au titre des frais de parking journalier, sauf à parfaire,pour la période postérieure au 30 novembre 2015 ;

-Condamner la SA Volkswagen à lui payer la somme de 2000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;

-Condamner la SA Volkswagen aux entiers dépens d'instance.

Par jugement contradictoire en date du 17 novembre 2016, le Tribunal de Grande Instance de Soissons a :

- Débouté M. Roberto C. de sa demande de garantie légale des vices cachés et de ses demandes en paiement subséquentes ;

- Condamné M. Roberto C. au paiement des entiers dépens ;

- Ordonné l'exécution provisoire ;

- Condamné M. Roberto C. à verser à la SA Volkswagen une somme de 1000 € le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par déclaration reçue au greffe de la Cour le 26 janvier 2017, M. Roberto C. a interjeté appel de ce jugement.

Par conclusions transmises par la voie électronique le 16 février 2017, M. Roberto C. demande à la Cour de :

-Le dire recevable et bien fondé en son appel ;

En conséquence,

-Infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

Statuant de nouveau :

-Débouter la SA Volkswagen de l'intégralité de ses fins, demandes et conclusions ;

-Dire que le véhicule litigieux , à savoir le véhicule Volkswagen Touran immatriculé 752 EPH 92 est affecté d'un vice caché au sens des articles 1641 et suivants du Code civil ;

-Dire que la responsabilité de la SA Volkswagen est engagée au titre de la garantie légale des vices cachés ;

En conséquence,

-Condamner la SA Volkswagen à lui payer les sommes suivantes :

. 7732,77 € TTC au titre du coût des réparations du véhicule,

. 12 000 € au titre du trouble de jouissance subi lui depuis le 7 juillet 2010, . 25 854 € TTC au titre des frais de parking journalier, sauf à parfaire, pour la période postérieure au 30 novembre 2015 ;

-Condamner la SA Volkswagen à lui payer la somme de 2000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;

-Condamner la SA Volkswagen aux entiers dépens d'instance, y compris les frais d'expertise judiciaire, dont recouvrement au profit de Maître C. membre associé de la SEP C. Poirette Appriou Tetard, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.

Par conclusions transmises par la voie électronique le 25 juin 2018, la SA Volkswagen demande à la Cour de :

- Confirmer le jugement entrepris ;

- Dire que le rapport d'expertise judiciaire réalisé par M. D. exclut l'existence d'un quelconque défaut qui serait inhérent au véhicule et à l'origine de l'avarie ;

- Dire que M. D. a parfaitement satisfait à la mission confiée par l'ordonnance de référé du 6 mai 2011, ainsi que cela a déjà été jugé dans l'ordonnance du 18 octobre 2013 (n°13/00083) ;

- Dire que l'existence d'un prétendu vice qui serait inhérent au véhicule n'est rapportée par aucune analyse contradictoire probante ;

-Débouter M. Roberto C. de l'ensemble de ses demandes formées sur le fondement des articles 1641 et suivants du Code civil ;

-Condamner M. Roberto C. à lui payer la somme de 2 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

-Condamner M. Roberto C. aux entiers dépens dont distraction au profit de la SCP M. P. en application de l'article 699 du Code de procédure civile.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile, il est fait expressément référence aux conclusions des parties, visées ci-dessus, pour l'exposé de leurs prétentions et moyens.

Par ordonnance du 27 juin 2018, le conseiller de la mise en état a prononcé la clôture et renvoyé l'affaire pour plaidoiries à l'audience du 14 septembre 2018.

L'action en justice opposant les parties ayant été introduite avant le 1er octobre 2016, date d'entrée en vigueur de l'ordonnance n° 2016-31 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations, celle-ci n'est pas applicable au présent litige ; il sera donc fait référence aux articles du Code civil selon leur numérotation antérieure à cette entrée en vigueur.

Ceci expose, la cour,

Sur la garantie des vices cachés :

L'article 1641 du Code civil dispose que le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine ou qui diminuent tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus.

En application de cet article, il est considéré :

-que le vice doit être rédhibitoire, inconnu de l'acquéreur lors de la vente, trouvé son origine antérieurement à la vente et être inhérent à la chose vendue ;

-que le juge pour retenir l'existence d'un vice caché ne peut se fonder, à l'exclusion de toute autre pièce sur une expertise réalisée à la demande de l'une des parties par le biais de son assureur, que la partie à laquelle cette expertise est opposée, ait ou non été appelée aux opérations d'expertise.

En l'espèce, il ressort des éléments de la cause :

-que les parties fondent leurs demandes sur deux rapports d'expertise, à savoir celui de M. D., et celui de M. S. du cabinet T. :

Concernant le rapport de M. D. du 9 novembre 2011 :

-que l'expert judiciaire D. après avoir régulièrement convoqué les parties à une réunion a procédé :

. à l'étude des pièces versées aux débats par les parties et l'établissement d'un historique des entretiens et opérations effectués sur le véhicule,

. à l'identification du véhicule,

. à l'examen du véhicule et notamment du carter de l'embrayage et de l'axe de satellite du différentiel,

. à une analyse d'huile,

. à une analyse des points soulevés par la mission confiée par le Tribunal,

-qu'aux termes de constatations, investigations et analyses techniques contradictoires, l'expert

judiciaire, répondant aux chefs de mission confiés par le Tribunal a conclu :

.que l'immobilisation du véhicule litigieux est due à la casse du différentiel,

.que l'absence d'entretien n 'est pas la cause du dysfonctionnement,

.que compte tenu du kilométrage et de l'absence de défaut métallurgique dans la section de l'axe,

le vice caché se trouve exclu,

.qu'il n'est pas exclu que la rupture du différentiel soit liée à une utilisation du véhicule dans des

conditions extrêmes et anormales, l'axe de satellite cassé ne présentant aucune faiblesse apparente et la casse du carter signifiant une forte rotation de l'ensemble mobile ;

-que conformément aux termes de la mission le désignant l'expert judiciaire a ainsi procédé à la recherche de l'origine des désordres et a conclu qu'ils ne relevaient ni d'un vice caché du véhicule, ni d'un défaut d'entretien, mais peut être d'un défaut d'utilisation du véhicule par M. C. ;

-que ce faisant cet expert a parfaitement répondu à sa mission ;

-que M. D. n'avait pas pour mission d'ouvrir la boîte de vitesses mais de déterminer l'origine des désordres invoqués par M. Roberto C. dans son assignation ;

-que de plus, l'expert judiciaire n'a pas procédé à l'ouverture de la boîte de vitesses, au motif que le véhicule se trouvait dans un atelier non équipé de l'outillage spécifique nécessaire ;

-qu' en outre, les annexes n°3 et 4 au rapport d'expertise judiciaire démontrent que la société Volkswagen a invité M. Roberto C. a déposer le véhicule dans un atelier du réseau Volkswagen ;

-que l'Expert judiciaire relève que M. C. n'a pas souhaité déplacer son véhicule dans un garage du réseau Volkswagen pour des questions de coûts ;

-qu'en tout état de cause, l'ouverture de la boîte de vitesses du véhicule n'était pas nécessaire à l'accomplissement de la mission confiée par le Tribunal et à la détermination de l'origine des désordres invoqués par M. Roberto C., l'expert judiciaire D. précisant dans son rapport que l'ouverture de la boîte de vitesses n'aurait certainement pas apporté d'information supplémentaire ;

-que lors des opérations d'expertise judiciaire, M. Roberto C. n'a sollicité aucune extension de mission. ni mesure d'investigation technique complémentaire ;

-qu'il ne peut donc être considéré au vu de son rapport que l'expert judiciaire D. aurait failli à sa mission, n'aurait pas véritablement rechercher l'origine des désordres et aurait

exclu de manière erronée l'existence d'un vice caché.

Concernant le rapport de M. S. du Cabinet T. du 19 mai 2014 :

-que ces opérations d'expertise ont été menées à la demande de l'assureur de M. Roberto C. en présence de Maître P., huissier de Justice, et après convocation de la SA Volkswagen,

-que ces opérations s'analysent en une expertise non judiciaire réalisée à la demande de l'une des parties par le biais de son assureur, sur laquelle on ne peut se fonder, à l'exclusion de toute autre pièce ;

-qu'il résulte de ce rapport :

.qu'il a été procédé à l'ouverture de la boîte de vitesses,

.que l'arbre de sélection a été retiré, le capot arrière a été déposé, une fourchette de sélection a été déposée puis le bloc a été ouvert,

.qu'il a été constaté un peu de limaille dans le carter différentiel,

que la pignonnerie de l'ensemble de la boîte de vitesses est en bon état, ce qui confirme qu'il n'y a pas eu de manque d'huile au sein de celle-ci,

.que le carter de boîte de vitesses est bien cassé de l'intérieur vers l'extérieur ce qui exclu tout choc extérieur sur la boîte de vitesses,

.que l'axe de maintien des satellites est cassé,

.que sur le corps du différentiel il a été constaté que la goupille " mécanindus " est légèrement sortie,

-que cette goupille est cassée,

-que la cage de maintien des satellites et planétaires est en bon état (absence de traces de surchauffe) ;

-que l'expert S. indique que la panne du véhicule s'explique de la manière suivante :

.la goupille Mécanindus casse,

.l'axe de maintien des satellites qui n'est plus maintenu par la goupille tombe partiellement,

.lorsque M. Roberto C. veut redémarrer après l'arrêt au feu rouge, l'axe tombe et se coince sur le carter de boîte de vitesses,

.celui-ci casse en cisaillement entraînant le bris du carter de la boîte de vitesses et le blocage du véhicule instantanément au milieu du carrefour ;

-que selon M. S. l'origine de la rupture de la goupille est un phénomène vibratoire qui " à la longue " sectionne la goupille, le corps du différentiel n'étant pas percé de part en part à ce niveau, une seule surface de section est mise en œuvre un perçage plus long à ce niveau aurait permis de doubler la surface de cisaillement) ;

- que le rapport de M. S. ne contient aucune constatation de l'existence du phénomène vibratoire dont il fait état lequel constitue donc une simple hypothèse émise par l'expert ;

-que ce rapport ne contient pas non plus de précisions sur la date à laquelle ce phénomène vibratoire serait apparu et notamment sur la question de savoir s'il est antérieur à la vente ;

-qu'en outre, aucune pièce ne vient corroborer l'hypothèse émise par M. S. ;

-que le fait que le démontage de la boîte de vitesse par M. S. ait été effectué en présence d'un huissier n'apporte rien au débat et ne permet pas de corroborer l'hypothèse du phénomène vibratoire évoqué par cet expert.

Il en résulte que le rapport de M. S. ne peut donc suffire à contrer le rapport d'expertise judiciaire D. qui exclut tout vice caché. Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a estimé qu'il n'est pas démontré que le véhicule litigieux était atteint d'un vice caché antérieur à la vente au sens de l'article1641 susvisé et en ce qu'il a, en conséquence, débouté M. Roberto C. de sa demande de garantie des vices cachés et de ses demandes subséquentes en paiement.

Sur les dépens et les frais irrépétibles :

M. Roberto C. qui succombe en ses demandes doit être condamné aux dépens d'appel et le jugement doit être confirmé en ce qu'il l'a condamné aux dépens de première instance.

L'équité commandant de faire application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile en faveur de la SA Volkswagen, il convient de lui allouer de ce chef la somme de 1800 € pour la procédure d'appel et de confirmer le jugement en ce qu'il lui a accordé à ce titre la somme de 1000 €.

Par ces motifs LA COUR statuant publiquement par arrêt contradictoire et en dernier ressort : Confirme le jugement rendu entre les parties le17 novembre 2016 par le Tribunal de Grande Instance de Soissons en toutes ses dispositions ; Y ajoutant : Condamne M. Roberto C. à payer à la SA Volkswagen Group France la somme de 1800 € par application en appel des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ; Déboute les parties de leurs plus amples demandes ; Condamne M. Roberto C. aux dépens d'appel dont distraction au profit de la SCP M. P. en application de l'article 699 du Code de procédure civile.