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Décisions

Cass. com., 28 novembre 2018, n° 17-24.052

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

PARTIES

Demandeur :

Compagnie financière de Californie (SARL)

Défendeur :

International sport fashion (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Darbois

Rapporteur :

M. Sémériva

Avocat général :

M. Debacq

Avocats :

SCP Gadiou, Chevallier, SCP Bernard Hémery, Carole Thomas-Raquin, Martin Le Guerer

Paris, pôle 5 ch. 1, du 27 juin 2017

27 juin 2017

LA COUR : - Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Compagnie financière de Californie (la société CFC), propriétaire de la marque figurative française n° 99791559 ainsi que de la marque figurative de l'Union européenne n° 1 380 104, a assigné la société International sport fashion (la société ISF) en contrefaçon, pour avoir mis dans le commerce des produits identiques ou similaires à ceux désignés dans l'enregistrement de ces marques, sous une marque semi-figurative combinant le terme "Eagle Square" et un dessin figurant la silhouette d'une tête de rapace, vue de profil, en ombre chinoise, encadrée par un cercle noir et épais, imitant, à son sens, le signe constitutif de ses marques ; qu'elle a en outre agi contre cette société en concurrence déloyale ;

Sur le second moyen : - Attendu que la société CFC fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes fondées sur la concurrence déloyale alors, selon le moyen : 1°) qu'une situation de concurrence directe ou effective entre deux sociétés n'est pas une condition de l'action en concurrence déloyale qui exige seulement l'existence de faits fautifs générateurs d'un préjudice ; qu'en se fondant, pour la débouter de son action en concurrence déloyale, sur l'absence de justification d'une situation de concurrence entre elle et la société ISF, la cour d'appel a violé les articles 1382 et 1383 du code civil, devenus 1240 et 1241 du même code ; 2°) que la cour d'appel a constaté que, titulaire de marques enregistrées pour désigner des produits couverts par les classes 3, 9, 16, 18 et 25, elle exploite celles-ci par l'intermédiaire de licenciés et que la société ISF exploite une marque pour désigner des produits couverts par les classes 18, 24 et 25 ; qu'en s'abstenant de tirer, en toute hypothèse, les conséquences légales de ses constatations d'où il résultait que la commercialisation par la société ISF de produits couverts par sa marque concurrençait la vente de produits couverts par les marques que la société CFC exploitait par l'intermédiaire de ses licenciés et que ces deux sociétés étaient en situation de concurrence, la cour d'appel a violé les articles 1382 et 1383 du code civil, devenus 1240 et 1241 du même code ; 3°) qu'il s'infère nécessairement d'actes constitutifs de concurrence déloyale l'existence d'un trouble commercial générant un préjudice, fût-il seulement moral; qu'en affirmant qu'elle ne justifierait pas d'un quelconque préjudice, la cour d'appel a violé les articles 1382 et 1383 du code civil, devenus 1240 et 1241 du même code ; 4°) qu'il résulte de ses conclusions d'appel et de la liste des pièces y annexée qu'elle versait aux débats une pièce 18.4, contrat de commercialisation avec TF1 Entreprises établissant qu'elle percevait une redevance sur les ventes réalisées ; qu'en affirmant pourtant qu'elle ne justifierait par aucun document versé aux débats un préjudice tiré d'une baisse de ses redevances ayant pour origine la commercialisation par la société ISF de ses produits sous la marque dont elle est titulaire, la cour d'appel a dénaturé les documents susvisés, en violation de l'article 4 du code de procédure civile ; 5°) qu'en se bornant à affirmer que la commercialisation d'articles de sportswear en molleton sous un logo représentant une tête d'aigle de profil n'était pas source de confusion sur l'origine des produits faute de similitude suffisante entre les signes, sans rechercher par une appréciation globale, ainsi qu'elle y était invitée, si le risque de confusion ne résultait pas de la commercialisation sous sa marque par la société ISF de vêtements de type sportswear en molleton sur lesquels elle avait apposé, afin de créer un effet de gammes, un logo présentant des similitudes avec celui de la société CFC, connue pour ses produits en molleton, et en commercialisant notamment un modèle présentant d'importantes ressemblances avec le modèle emblématique de cette dernière, le modèle "Diego", la cour d'appel, qui a par ailleurs constaté que "l'identité pour certains et la similarité pour d'autres des produits sacs, vêtements et chaussure de la marque Eagle Square (déposée par la société ISF) avec ceux de la marque antérieure (déposée par la société CFC) n'est pas contestée et résulte au demeurant d'un constat d'huissier dressé le 1er juillet 2013", a privé sa décision de base légale au regard des articles 1382 et 1383 du code civil, devenus 1240 et 1241 du même code ; 6°) qu'en exigeant qu'elle démontre que le modèle "jogpants" serait commercialisé actuellement, quand elle dénonçait des faits de concurrence déloyale antérieurs à 2014, la cour d'appel n'a pas justifié légalement sa décision au regard des articles 1382 et 1383 du code civil, devenus 1240 et 1241 du même code ; 7°) que la cour d'appel a constaté, d'une part, "l'identité pour certains et la similarité pour d'autres des produits sacs, vêtements et chaussure de la marque Eagle Square (déposée par la société ISF) avec ceux de la marque antérieure (déposée par la société CFC)" et, d'autre part, que la société CFC ne démontrerait pas suffisamment que la société ISF aurait reproduit les caractéristiques du modèle "jogpants" dans ses propres modèles ; qu'elle s'est ainsi contredite, en violation de l'article 455 du code de procédure civile ; 8°) que dans ses conclusions d'appel, elle faisait valoir, avec offre de preuve, que le modèle "jogpants" Eagle Square reproduisait les caractéristiques essentielles de son "jogpants" (forme du jogging : rétrécissement au niveau des chevilles, matière : molleton, positionnement de la poche arrière : fesse droite, forme, imitation du logo : tête d'aigle de profil, etc.) ; qu'en se bornant à affirmer qu'elle ne démontrerait pas suffisamment que la société ISF aurait reproduit les caractéristiques du modèle "jogpants" dans ses propres modèles, sans répondre à ce chef des conclusions, ni s'expliquer sur ces caractéristiques, la cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile ;

Mais attendu, en premier lieu, que c'est par une appréciation souveraine des éléments soumis à son examen que la cour d'appel, qui n'était pas tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, a retenu qu'il n'était pas suffisamment démontré que la société ISF aurait reproduit, dans ses propres modèles, les caractéristiques de celui commercialisé par la société CFC ;

Et attendu, en second lieu, que la similitude des produits ou services, au regard d'une action en contrefaçon de marque, n'implique pas que les produits incriminés reprennent les caractéristiques de ceux exploités sous la marque fondant cette action, de sorte que la cour d'appel ne s'est pas contredite en relevant la première circonstance et en écartant, s'agissant de l'appréciation des actes de concurrence déloyale, la seconde ; d'où il suit que le moyen, inopérant en ses six premières branches, qui critiquent des motifs surabondants, n'est pas fondé pour le surplus ;

Mais sur le premier moyen, pris en sa première branche : - Vu les articles L. 711-4 et L. 713-3 du Code de la propriété intellectuelle ; - Attendu que pour rejeter l'action en contrefaçon, l'arrêt retient que si un faible degré de similitude entre les signes peut être compensé par un degré de similitude élevé entre les produits ou les services désignés, et inversement, encore faut-il qu'il puisse exister un risque de confusion entre les signes ;

Qu'en statuant ainsi, après avoir relevé l'identité et la similitude des produits désignés par les marques en présence, mais en subordonnant les effets de cette circonstance à l'existence d'un risque de confusion, alors que l'existence de ce risque doit être appréciée au regard de l'ensemble des facteurs pertinents de la cause, parmi lesquels figure précisément l'identité ou la similarité entre les produits ou services respectivement désignés, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

Par ces motifs, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs : casse et annule, mais seulement en ce qu'il rejette l'action de la société Compagnie financière de Californie en contrefaçon de la marque française n° 99791559 et de la marque de l'Union européenne n° 1 380 104, et en ce qu'il statue sur les dépens et l'application de l'article 700 du Code de procédure civile, l'arrêt rendu le 27 juin 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée.