CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 28 novembre 2018, n° 16-15057
PARIS
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Dourdan Automobiles (SARL)
Défendeur :
Automobiles Peugeot (SA), Nova Automobiles (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Luc
Conseillers :
Mmes Mouthon Vidilles, Comte
Avocats :
Mes Rousseau, Brecheteau, Munnier, Bellichach, Marx, Rota
FAITS ET PROCÉDURE
La société Automobiles Peugeot, filiale du Groupe PSA, est titulaire du droit de commercialiser en France les véhicules neufs de marque Peugeot, ainsi que les pièces de rechange, équipements et accessoires et services afférents aux dits véhicules.
La société Nova Automobiles est un concessionnaire Peugeot localisé à Rambouillet (78120).
Elle intervient également comme distributeur officiel Peugeot des pièces de rechanges et réparateur agréé Peugeot.
La société garage Famel, aux droits de laquelle vient la société Dourdan, est spécialisée dans le secteur d'activité du commerce de voitures et de véhicules automobiles légers. Elle était liée à la société Automobiles Peugeot par un contrat de réparateur agréé entré en vigueur le 1er juin 2011 et d'une durée indéterminée. Ce contrat stipulait, en son article IX, une clause d'agrément en cas de changement de contrôle de la société réparateur agréé.
La société garage Famel était également agent revendeur automobiles et pièces détachées du concessionnaire de la marque pour le secteur, la société Nova Automobiles située à Rambouillet.
Les sociétés Nova Automobiles et garage Famel étaient liées par deux contrats l'un de fourniture de pièces de rechange réparateur agréé et agent à durée indéterminée et l'autre d'apporteur d'affaires.
La société Derouet Investissements a informé la société Automobiles Peugeot au mois de novembre 2013 de son projet d'achat des parts de la société garage Famel, formulant ainsi une demande d'agrément auprès d'elle. En réponse, la société Automobiles Peugeot a sollicité tous les éléments des business plans.
La société Derouet Investissements a levé le 16 janvier 2014 la condition suspensive liée à l'agrément attendu de la société Automobiles Peugeot, alors même qu'elle n'avait pas connaissance de la décision de la société Automobiles Peugeot concernant sa demande d'agrément.
Par courriel du 28 janvier 2014, puis, par lettre recommandée avec accusé de réception du 29 janvier 2014, la société Automobiles Peugeot a informé la société Derouet Investissements de ce que l'agrément de réparateur agréé lui était refusé.
La société Derouet Investissements a acquis le 30 janvier 2014 les titres de la société garage Famel et a changé de dénomination sociale de la société garage Famel pour la société Dourdan Automobiles.
Par courrier du 27 février 2014, la société Automobiles Peugeot a résilié le contrat de réparateur agréé Peugeot conclu avec la société garage Famel, devenue la société Dourdan Automobiles, à effet au 4 mars 2014.
Par ordonnance sur requête rendue par le président du tribunal de commerce de Versailles le 6 mars 2014, confirmée en référé le 21 mai suivant, suite à la procédure en rétractation formée par la société Nova, il a été procédé au sein de la société Nova Automobiles à la saisie de fichiers informatiques dans le cadre de mesures in futurum.
Par actes de 29 et 31 octobre 2014, la société Dourdan Automobiles a assigné les sociétés Automobiles Peugeot et Nova Automobiles devant le tribunal de commerce de Paris, au visa des articles 1382 ancien du Code civil, L. 442-6, I, 5° et L 420-1 du Code commerce ainsi que le règlement d'exemption à l'article 101 du TFUE n° 461/2010 du 27 mai 2010.
Par jugement du 27 juin 2016, le tribunal de commerce de Paris a, sous le régime de l'exécution provisoire :
- dit mal fondée la fin de non-recevoir opposée par la société Nova Automobiles,
- débouté la société Dourdan Automobiles de ses demandes de condamnation in solidum des défenderesses pour rupture brutale de relations commerciales établies ainsi que comportement déloyal à son égard, en ce y compris sa demande au titre du préjudice moral,
- condamné la société Dourdan Automobiles à payer à la société Nova Automobiles la somme de 15 000 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture brutale des relations commerciales établies, assortie des intérêts au taux légal à compter de la date du présent jugement,
- condamné la société Dourdan Automobiles à payer à la société Automobiles Peugeot la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
- condamné la société Dourdan Automobiles à payer à la société Nova Automobiles la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
- débouté les parties de leurs autres demandes, fins et prétentions, non contradictoires avec le présent jugement,
- condamné la société Dourdan Automobiles aux dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 105,84 euros dont 17,42 euros de TVA.
La société Dourdan Automobiles a relevé appel de ce jugement par déclaration remise au greffe le 27 juin 2016.
La procédure devant la cour a été clôturée le 2 octobre 2018.
Vu les conclusions du 28 août 2018 par lesquelles la société Dourdan Automobiles, appelante, invite la cour, au visa du règlement européen n° 461/2010 du 27 mai 2010 d'exemption par catégories applicable au secteur, des articles L. 442-6, I, 5° du Code de commerce et 1382 et 1134 anciens du Code civil, à :
- infirmer en toutes ses dispositions le jugement du tribunal de commerce de Paris du 27 juin 2016, par conséquent :
I. sur le contrat de réparateur agréé Peugeot
- dans tous les cas, dire que l'article IX du contrat de réparateur agréé Peugeot est improprement appelé " clause d'intuitu personae ",
- dire en second lieu que la clause litigieuse contient une procédure d'agrément qui n'est pas transparente et en conséquence dire cette clause intégralement non écrite,
- à titre subsidiaire, dire que la clause d'agrément figurant dans le contrat de réparateur agréé Peugeot portant sur des critères imprécis, non définis, subjectifs et non uniformes n'est pas conforme à la réglementation applicable en matière automobile d'exemption par catégorie et dire inapplicable cette partie de la clause,
- à titre infiniment subsidiaire, dire que la société Automobiles Peugeot a fait une application de mauvaise foi de la clause d'agrément figurant au contrat de réparateur en vue d'exclure artificiellement un acteur du marché,
II. sur la responsabilité des sociétés Automobiles Peugeot et Nova Automobiles, et la rupture brutale des relations commerciales établies
- dire que le refus de la société Automobiles Peugeot de l'agréer n'est pas fondé et engage sa responsabilité,
- dire que la société Nova Automobiles a adopté un comportement déloyal à son égard en influant sur la décision de Automobiles Peugeot,
- dire que les fautes des sociétés Automobiles Peugeot et Nova Automobiles ont entraîné la rupture brutale des relations commerciales établies depuis plus de 36 ans avec elle anciennement garage Famel,
- débouter les sociétés Nova Automobiles et Automobiles Peugeot de toutes leurs demandes, fins et conclusions formulées à titre principal comme à titre reconventionnel,
III sur la réparation des préjudices subis par Dourdan Automobiles
A/ du fait de la rupture du contrat de réparateur agréé :
à titre principal :
- condamner les sociétés Nova Automobiles et Automobiles Peugeot à lui payer in solidum la somme totale de 1 198 936,15 euros (ou 1 120 130,15 euros si la cour retenait plutôt la valeur du fonds de commerce de 815 559 euros) à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la perte de marge brute et du changement d'enseigne, à titre subsidiaire et dans le cas où seule la responsabilité de Peugeot serait retenue :
- condamner la société Automobiles Peugeot à lui payer la somme totale de 1 198 936,15 euros (ou 1 120 130,15 euros si la cour retenait plutôt la valeur du fonds de commerce de 815 559 euros) à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi,
B/ du fait des actes de concurrence déloyale commis par la société Nova Automobiles :
- condamner la société Nova Automobiles à lui payer la somme de 30 000 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice moral subi du fait des actes de concurrence déloyale commis postérieurement à la cession,
C/ sur les demandes de publication :
- ordonner la publication de la décision à intervenir dans trois journaux locaux au choix du demandeur, aux frais des sociétés Nova Automobiles et Automobiles Peugeot,
- ordonner l'affichage de la décision à intervenir sur la porte d'entrée de la concession Nova Automobiles de Rambouillet pendant une durée d'un mois,
- dire que l'affichage devra être mis en place dans un délai de 30 jours à compter de l'arrêt à intervenir et que passé ce délai, il sera appliqué une astreinte de 1 000 euros par jour de retard,
- se réserver la liquidation de l'astreinte, IV sur les frais irrépétibles et les dépens,
- condamner les sociétés Nova Automobiles et Automobiles Peugeot à lui payer in solidum ou l'une à défaut de l'autre la somme de 25 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
- condamner les sociétés Nova Automobiles et Automobiles Peugeot aux entiers dépens de première instance et d'appel, en ce compris les frais correspondants aux mesures d'instruction in futurum ;
Vu les conclusions du 1er octobre 2018 par lesquelles la société Automobiles Peugeot, intimée, demande à la cour de :
- confirmer le jugement du tribunal de commerce de Paris du 27 juin 2016,
- débouter la société Dourdan Automobiles de toutes ses demandes, fins et conclusions, y ajoutant,
- condamner la société Dourdan Automobiles au paiement en cause d'appel de la somme de 15 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens ;
Vu les conclusions du 24 septembre 2018 par lesquelles la société Nova Automobiles, intimée,
demande à la cour, au visa des articles 1134, 1315, 1382 et 1383 anciens du Code civil, des articles 6, 9, 31, 122 à 124, 564 et s., 699 et 700 du Code de procédure civile et L. 442-6, I, 5° du Code de commerce, de :
sur les demandes de la société Dourdan Automobiles dirigées contre la société Nova Automobiles :
à titre principal
- infirmer le jugement du 27 juin 2016 en ce qu'il a estimé mal-fondée la fin de non-recevoir soulevée par la société Nova Automobiles à l'encontre des demandes de la société Dourdan Automobiles fondées sur la concurrence déloyale, statuant à nouveau :
- constater que la société Dourdan Automobiles formule à son encontre des demandes fondées sur le droit de la concurrence déloyale pour des actes commis alors qu'elles étaient encore liées contractuellement,
- constater que les soi-disant pratiques de dénigrement visées par la société Dourdan Automobiles concernaient exclusivement la personne de M. Derouet, à une époque où ce dernier n'était pas encore le gérant de cette société,
- constater que les demandes formulées par la société Dourdan Automobiles à son encontre sur le fondement de l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce constituent des prétentions nouvelles au sens de l'article 564 du Code de procédure civile, en conséquence :
- dire irrecevables les demandes de la société Dourdan Automobiles dirigées à son encontre sur le fondement du droit de la concurrence déloyale,
- dire irrecevables les demandes de la société Dourdan Automobiles dirigées à son encontre sur le fondement de l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce, à titre subsidiaire
- constater que la société Dourdan Automobiles ne démontre aucune faute qui aurait été commise par elle à son égard, que ce soit sur le fondement du droit de la concurrence déloyale ou sur le fondement de l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce,
- constater que la société Dourdan Automobiles ne démontre ni l'existence ni le quantum des préjudices qu'elle allègue,
- constater que la société Dourdan Automobiles ne démontre pas le lien de causalité entre les prétendues fautes qui auraient été commises par elle et les préjudices qu'elle allègue, en conséquence :
- confirmer le jugement du 27 juin 2016 en ce qu'il a débouté la société Dourdan Automobiles de l'ensemble de ses demandes dirigées à son encontre sur le fondement du droit de la concurrence déloyale,
- dire non fondées les demandes indemnitaires formulées par la société Dourdan Automobiles à son encontre sur le fondement de l'article L 442-6, I, 5° du Code de commerce, sur ses demandes dirigées contre la société Dourdan Automobiles :
- confirmer le jugement du 27 juin 2016 en ce qu'il a considéré que la société Dourdan Automobiles a rompu brutalement les relations commerciales établies avec elle et ce en violation de l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce,
- confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a condamné Dourdan Automobiles au paiement de la somme de 10 000 euros pour la procédure de première instance, au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
- infirmer le jugement du 27 juin 2016 en ce qu'il n'a pas fait droit à l'intégralité des dommages et intérêts sollicités par elle au titre de la rupture brutale de relation commerciale, en conséquence :
- condamner la société Dourdan Automobiles à lui régler la somme de 973 686,15 euros en réparation des préjudices qu'elle a subis du fait de la rupture brutale de leurs relations commerciales établies, outre les intérêts dus par application des articles 1153 et 1154 anciens du Code civil courant à compter de la décision à intervenir,
- condamner la société Dourdan Automobiles au paiement de la somme de 10 000 euros pour la procédure de première instance, au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, en tout état de cause
- rejeter toutes prétentions adverses.
- dans l'hypothèse où la responsabilité de la société Nova Automobiles serait retenue, dire que celle-ci sera relevée indemne et garantie de toute condamnation pouvant intervenir à son encontre par la société Automobiles Peugeot,
- condamner la société Dourdan Automobiles à payer à la société Nova Automobiles la somme de 25 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile, au titre de la procédure d'appel, ainsi qu'aux entiers dépens, dont le montant pourra être recouvré par Maître Jacques Bellicach, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile ;
Sur ce, LA COUR,
La cour se réfère, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens échangés et des prétentions des parties, à la décision déférée et aux dernières conclusions échangées en appel. En application de l'article 954 alinéa 2 du Code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions.
Sur la fin de non-recevoir invoquée par la société Automobiles Peugeot
La société Automobiles Peugeot soulève, sur le fondement de l'article 564 du Code de procédure civile, l'irrecevabilité des demandes nouvelles de la société Dourdan Automobiles sur lesquelles le tribunal de commerce n'a jamais eu à statuer. En effet, selon elle, si, en première instance, la société Dourdan Automobiles a agi sur le fondement de la rupture brutale des relations commerciales, elle n'avait fait aucune demande sur celui de la nullité ou de " l'inapplicabilité " de l'article IX " Intuitus personae " du contrat de réparateur agréé.
La société Dourdan Automobiles ne répond pas sur ce point.
L'article 564 du Code de procédure civile dispose que " à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait " et l'article 565 du même Code " les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge même si leur fondement juridique est différent ".
Il est de principe que l'action en invalidation d'une clause contractuelle, qui a pour objet de mettre à néant ladite clause, ne tend pas aux mêmes fins que l'action en responsabilité, qui laisse subsister le contrat.
Dès lors, il apparaît que cette demande est nouvelle. La demande en invalidation de l'article IX du contrat de réparateur agréé Peugeot appelé " clause d'intuitu personae " est irrecevable.
Sur l'irrecevabilité des demandes de la société Dourdan Automobiles fondées sur l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce à l'égard de la société Nova
La société Nova Automobiles soulève l'irrecevabilité des demandes de la société Dourdan Automobiles dirigée à son encontre sur le fondement de l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce, car elles constituent une prétention nouvelle au sens de l'article 564 du Code de procédure civile, la société Dourdan Automobiles ne sollicitant pas sa condamnation en première instance en application de l'article L. 442-6, I, 5° dudit code.
La société Dourdan Automobiles répond que la société Nova doit être déboutée de cette demande car la rupture brutale de la relation commerciale établie est la conséquence de son attitude fautive.
La société Dourdan Automobiles, devant les premiers juges, a entendu engager la responsabilité de la société Nova Automobiles. Même si en appel elle a modifié le fondement de ses demandes, celles-ci tendent aux mêmes fins qu'en première instance.
Les demandes de la société Dourdan Automobiles à l'encontre de la société Nova Automobiles est recevable.
Sur la recevabilité des demandes de la société Dourdan Automobiles fondées sur la concurrence déloyale
En se fondant sur l'article 31 du Code de procédure civile, la société Nova Automobiles conclut à l'irrecevabilité des demandes de la société Dourdan Automobiles tendant à sa condamnation pour des pratiques de dénigrement qui auraient été commises à l'égard de M. Derouet, et ce avant même qu'il ne devienne gérant de la société Dourdan Automobiles. Elle soutient que pendant la période préalable à l'acquisition des titres de la société garage Famel, M. Derouet est intervenu soit en son nom personnel, soit en qualité de dirigeant de la société holding Derouet investissement, et que, donc, il était tiers à la société garage Famel, devenue Dourdan Automobiles. Elle explique que M. Derouet et la société Dourdan Automobiles étant des personnes juridiques distinctes à l'époque des actes de dénigrement qui lui sont reprochés, cette dernière n'est pas recevable à agir pour le compte de M. Derouet.
Elle relève également en se fondant sur les articles 122, 123 et 124 du Code de procédure civile et la règle du non-cumul des responsabilités délictuelle et contractuelle, l'irrecevabilité des demandes de la société Dourdan Automobiles sur le fondement de la concurrence déloyale concernant la période pendant laquelle elle était encore liée contractuellement à la société Nova Automobiles. Elle soutient que l'ensemble de ces actes de concurrence déloyale sont en réalité liés à l'exécution des contrats conclus entre les parties.
La société Dourdan Automobiles répond que l'intérêt à agir n'est pas réservé à celui qui subit directement le comportement de l'auteur des faits - encore que celui-ci soit aussi recevable à agir le cas échéant - mais bien celui qui subit le préjudice de ce fait dommageable. De plus, elle vise la jurisprudence selon laquelle le non-respect d'un contrat par une partie peut porter préjudice à un tiers au contrat, et il est possible pour un tiers au dénigrement de se prévaloir du préjudice que cette faute lui occasionne. Elle excipe que le dénigrement contre la personne physique de M. Derouet est une faute et le préjudice en découlant est subi principalement par les sociétés dont M. Derouet était, ou allait devenir, dirigeant, en particulier par la société Dourdan Automobiles. Elle indique que c'est elle qui subit les effets des dénigrements proférés par la société Nova Automobiles, car ces pratiques avaient pour but que la société Automobiles Peugeot refuse l'agrément de la société Dourdan Automobiles. Elle fait valoir qu'elle a un intérêt à agir en justice pour faire sanctionner les pratiques de dénigrement de la société Nova.
La société Dourdan Automobiles fait grief à la société Nova Automobiles au titre des faits de concurrence déloyale d'avoir débauché le principal commercial du garage, qui a démissionné le 5 février 2014, fait de la publicité mensongère et commis des manœuvres commerciales déloyales pour déstabiliser le garage repris, au mois de février 2014 et imposé de nouvelles et inutiles contraintes financières au garagiste pour le mettre sous pression économique, par divers courriers au mois de février 2014.
Les actes reprochés ont été commis au mois de février 2014, alors que M. Derouet était le gérant de la société Dourdan Automobiles. Le grief du défaut d'intérêt à agir n'est donc pas fondé.
Par ailleurs, il ressort des éléments du dossier que la société Nova Automobiles fixe la rupture des relations commerciales entre les parties, sans être contredite, au début du mois de février 2014, cette dernière ayant adressé à la première un courrier le 6 février 2014 dans lequel elle lui indiquait que les commandes avaient cessé dès le 1er février 2014 et qu'une réunion s'est tenue le 4 février pour évoquer la fin des relations commerciales.
Les éléments reprochés sont donc postérieurs à la fin des relations commerciales entre les parties.
En outre, s'agissant des actes de dénigrement reprochés pendant la période antérieure à la vente, la société Dourdan Automobiles explique que ces actes lui ont causé un préjudice puisqu'ils ont conduit au refus de son agrément par la société Automobiles Peugeot, de sorte qu'elle fait état d'un préjudice propre.
Dès lors, les demandes formées au titre de la concurrence déloyale par la société Dourdan Automobiles à l'encontre de la société Nova Automobiles sont recevables, les griefs invoqués par la société Nova Automobiles étant vains. Le jugement doit être confirmé sur ce point, pour avoir dit mal fondée la fin de non-recevoir.
Sur la rupture brutale des relations commerciales établies entre la société Dourdan Automobiles et la société Automobiles Peugeot
La société Dourdan Automobiles fait valoir que le refus d'agrément des époux Derouet comme successeurs de M. Famel a conduit à la rupture brutale de plusieurs contrats. Elle relève qu'elle s'est vue privée sans aucun préavis de son agrément de réparateur Peugeot, de sa qualité d'agent et de son contrat de fourniture de pièces détachées. Elle explique que les époux Derouet, qui ne pouvaient pas attendre la réponse de la société Peugeot au regard de l'avancement du dossier (financement accordé, signature prévue le 30 janvier 2014) et qui n'avaient aucune raison objective de penser que l'agrément serait refusé, n'ont pas commis de faute en renonçant à cette condition suspensive.
Elle soutient que la société Automobiles Peugeot a appliqué de mauvaise foi la clause d'agrément du contrat de réparateur agréé. Elle excipe que la société Nova Automobiles a commis des fautes à son égard pour avoir incité la société Automobiles Peugeot à ne pas l'agréer.
La société Automobiles Peugeot réplique que la société Dourdan Automobiles est l'auteur de la rupture des relations commerciales pour avoir pris l'initiative de lever la condition suspensive dès le 16 janvier 2014, et pour avoir signé l'acte de cession des titres le 30 janvier 2014, soit deux jours après avoir été informée de son refus d'agrément. Elle explique qu'en tout état de cause, son refus d'agrément n'est pas abusif.
La société Nova Automobiles conteste avoir commis des actes de dénigrement et explique que la société Dourdan Automobiles est seule responsable de la rupture de ses relations commerciales avec la société Automobiles Peugeot.
A titre liminaire, il convient de relever que la société Dourdan Automobiles fonde ses demandes sur la brutalité de la rupture des relations commerciales établies. Ce n'est donc qu'à l'aune des dispositions de l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce que les demandes de la société Dourdan Automobiles seront examinées par la cour.
Aux termes de l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce :
" Engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers (...) de rompre unilatéralement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels.
Les dispositions qui précèdent ne font pas obstacle à la faculté de résiliation sans préavis, en cas d'inexécution par l'autre partie de ses obligations ou en cas de force majeure ".
Il ressort des éléments du dossier que :
- l'article IX du contrat de réparateur agréé signé entre la société Automobiles Peugeot et la société garage Famel intitulé " intuitu personae " dispose :
" 1°- Le Concédant conclut le Contrat en considération, d'une part, de la personne du dirigeant signataire du Contrat, et de la personne ou du groupe de personnes qui détient, directement ou indirectement, la majorité des titres du capital de la société Réparateur Agréée, et/ou la majorité des droits de vote à ses assemblées, et, d'autre part, des moyens financiers, humains et matériels dont le Réparateur Agréé dispose ou s'est engagé à disposer pour exécuter le Contrat, et qui répondent aux critères de sélection listés en annexe 1.
En conséquence, le Concédant pourra résilier le Contrat de plein droit au titre du présent article, dans le cas où les principaux dirigeants du Réparateur Agréé ne répondraient plus aux critères de sélection susvisés.
Le Réparateur Agréé s'interdit notamment :
- de se substituer un tiers, en tout ou partie, par quelque moyen et sous quelque forme que ce soit, dans l'exécution de ses obligations au titre du Contrat,
- de céder ou transférer, sous quelque forme et par quelque moyen que ce soit, à titre gratuit ou onéreux, en tout ou en partie, le bénéfice du Contrat à un tiers quel qu'il soit,
- de transférer la propriété ou la jouissance du fonds de commerce, ou de l'un de ses éléments, sous quelque forme ou par quelque moyen que ce soit,
- à ce qu'intervienne, par quelque moyen que ce soit, un changement du contrôle direct ou indirect de la société Réparateur Agréé,
- à ce qu'intervienne un changement dans la personne de l'un des dirigeants, de la gérance, du Président des organes de direction ou Directeur général de la société Réparateur Agréé, sans l'accord préalable écrit du Concédant.
2°- Dans le cas où le Réparateur Agréé envisagerait de réaliser une ou plusieurs opérations visées dans le paragraphe précédent, il en informera préalablement par écrit le Concédant, par lettre recommandée avec accusé de réception, au minimum un mois à l'avance ; celui-ci s'engage à faire part au Réparateur Agréé par écrit de son accord ou de son désaccord dans les meilleurs délais à compter de la réception de la notification du projet et de tous documents et explications demandées.
Dans le cas où l'opération serait réalisée sans l'accord du Concédant, celui-ci pourra résilier le Contrat de plein droit sans mise en demeure et sans indemnité. ",
- la société Derouet Investissements a levé le 16 janvier 2014 la condition suspensive liée à l'agrément attendu de la société Automobiles Peugeot,
- la société Derouet Investissements était informée le 28 janvier 2014 par la société Automobiles Peugeot du refus d'agrément de réparateur agréé,
- la société Derouet Investissements a acquis le 30 janvier 2014 les titres de la société garage Famel.
Il ressort de la clause susvisée que les relations commerciales entre la société Automobiles Peugeot et le réparateur agréé dépendent nécessairement de l'agrément préalable de celui-ci puis, le cas échéant, de son repreneur.
Dès lors, la vente des titres de la société garage Famel remet en question la poursuite de ses relations commerciales avec la société Automobiles Peugeot, celle-ci étant conditionnée à l'agrément du nouvel acquéreur par la société Automobiles Peugeot. Dans ces conditions, la société garage Famel, devenue ensuite la société Dourdan Automobiles, ne pouvait anticiper la poursuite des relations commerciales avec la société Automobiles Peugeot.
En outre, le futur acquéreur des titres de la société garage Famel, la société Derouet Investissements, a levé le 16 janvier 2014 la condition suspensive liée à l'obtention de l'agrément par la société Automobiles Peugeot, devenue ensuite la société Dourdan Automobiles, dans le cadre des opérations préalables d'acquisition desdits titres, sans attendre la réponse de la société Automobiles Peugeot, qui est intervenue le 28 janvier 2014 et qui s'est avérée négative.
Ainsi, l'acquéreur des titres de la société garage Famel n'a pas entendu, sans équivoque, reprendre les engagements antérieurs par la levée de la condition suspensive antérieurement à la réponse de la société Automobiles Peugeot, démontrant ainsi que l'issue favorable de la procédure d'agrément n'était pas condionnée à la poursuite de l'activité de la société garage Famel, devenue ensuite la société Dourdan Automobiles.
Enfin, les circonstances du refus d'agrément par la société Automobiles Peugeot et en raison du comportement de la société Nova Automobiles, sont dans ces conditions, et au regard du fondement de la demande, sans conséquence.
Il y a donc lieu de rejeter les demandes de la société Dourdan Automobiles à l'encontre des sociétés Automobiles Peugeot et Nova Automobiles sur le fondement de la rupture brutale des relations commerciales établies et sur la co-responsabilité de la société Nova Automobiles au titre de la rupture.
Le jugement doit être confirmé sur ce point.
Sur les actes de concurrence déloyale de la société Nova Automobiles à l'égard de la société Dourdan Automobiles
La société Dourdan Automobiles soutient que la société Nova Automobiles a commis des faits de concurrence déloyale à son égard, sans rapport avec tout contrat. Elle invoque un fait de débauchage de son principal commercial et meilleur vendeur de véhicules neufs du secteur, des faits de publicité mensongère et de manœuvres commerciales déloyales pour avoir fait apposer des panneaux publicitaires mensongers au profit de sa concession de Rambouillet à proximité directe du garage anciennement Famel, devenu Dourdan Automobiles et dans toute la ville de Dourdan, présentant la concession de Rambouillet comme " nouvelle ", alors qu'elle est installée depuis de nombreuses années. Elle reproche enfin une pression financière pour lui avoir réclamé, dès le 5 février 2014, le paiement de plusieurs sommes.
La société Nova Automobiles conteste avoir commis des actes de concurrence déloyale à l'égard de la société Dourdan Automobiles. Elle soutient qu'elle pouvait informer les clients Peugeot situés à proximité du garage exploité par la société Dourdan Automobiles du fait que cette dernière ne représentait plus la marque " Peugeot ". Elle explique qu'elles n'étaient pas dans un rapport concurrentiel, ne se situant pas dans la même zone de chalandise. Elle indique qu'elle n'a pas démarché l'ancien salarié de la société Dourdan Automobiles, qui n'était pas lié, par ailleurs, par une clause de non-concurrence post-contractuelle. Elle fait enfin valoir que la société Dourdan Automobiles a été elle-même à l'initiative de la rupture des relations commerciales entre les parties.
Il ressort des éléments du dossier que le salarié qui a démissionné le 5 février 2014 de la société Dourdan Automobiles pour ensuite être embauché par la société Nova Automobiles n'était lié par aucune clause de non-concurrence post-contractuelle et il n'est par ailleurs pas établi que la société Nova Automobiles ait pris contact avec lui afin de le débaucher. Ce grief ne peut donc être retenu à l'encontre de la société Nova Automobiles.
S'agissant du détournement de clientèle, il n'est pas démontré que les fichiers de la société garage Famel auraient été exploités, les pièces communiquées établissant au contraire que ces fichiers n'ont pas été repris pour réaliser un démarchage des clients de Peugeot, démarchage qui au demeurant n'est pas fautif de la part de la société Nova Automobiles dès le mois de février 2014 (pièce Nova n° 8 et pièce Dourdan n° 45).
En outre, les attestations d'anciens salariés de la société garage Famel (pièces Nova n° 3, 10, 11) ainsi que le courrier de la société Nova Automobiles du 5 février 2014 non contesté par la société Dourdan Automobiles sur ce point dans son courrier en réponse du 13 février 2014 démontrent que, dès le 1er février, des véhicules Renault étaient commercialisés dans le garage exploité par la société Dourdan Automobiles.
Ainsi, les publicités à proximité de la société Nova Automobiles début février 2014 pour annoncer qu'elle est le nouveau concessionnaire Peugeot ne peuvent être considérées comme fautives, au regard des circonstances, le nouveau concessionnaire Peugeot sur ce secteur étant effectivement la société Nova Automobiles située à Rambouillet, la société Dourdan Automobiles n'ayant pas reçu l'agrément et commençant déjà à proposer à la vente des véhicules Renault.
Enfin, s'agissant des pressions financières, il ne peut être reproché à la société Nova Automobiles de demander à la société Dourdan Automobiles le paiement de factures, dont le principe comme le quantum ne sont pas contestés.
Il y a donc lieu de débouter la société Dourdan Automobiles de ses demandes de ce chef et de confirmer le jugement sur ce point.
Sur la rupture des relations commerciales établies entre la société Dourdan Automobiles et la société Nova Automobiles
La société Nova Automobiles fait valoir qu'elle entretenait des relations commerciales établies avec la société Dourdan Automobiles depuis plus de 36 années et que cette dernière avait organisé, avant l'acquisition des titres de la société garage Famel, son passage sous enseigne Renault.
La société Dourdan Automobiles soutient que la rupture des contrats avec la société Nova Automobiles n'est que la conséquence du refus abusif de la société Automobiles Peugeot de maintenir l'agrément de réparateur à la société garage Famel qui n'a, quant à elle, pas commis la moindre faute et n'a pas souhaité cette rupture. Elle relève que la rupture du contrat de réparateur agréé a conduit de facto inéluctablement à la rupture des contrats subséquents de fourniture de pièces détachées et d'agent.
La société Dourdan Automobiles, n'ayant pas obtenu l'agrément de réparateur agréé par la société Automobiles Peugeot, ne pouvait donc poursuivre l'exécution des contrats la liant à la société Nova Automobiles, à savoir celui de fourniture de pièces de rechange réparateur agréé et agent Peugeot et celui d'apporteur d'affaires Peugeot, étant relevé que l'agrément avait été refusé antérieurement à l'acquisition des titres de la société garage Famel.
Le refus d'agrément de réparateur agréé Peugeot ne peut être imputé à la société Dourdan Automobiles, cette décision ayant été prise par la société Automobiles Peugeot sur des considérations comptables. Ainsi, la levée de la condition suspensive liée à l'agrément attendu de la société Automobiles Peugeot par la société Dourdan Automobiles est sans incidence sur le refus d'agrément par la société Automobiles Peugeot. Par ailleurs, les éléments du dossier ne démontrent pas que la société Dourdan Automobiles avait anticipé le changement d'enseigne, les attestations d'anciens salariés précités démontrant que cette dernière s'est seulement adaptée au refus d'agrément dont elle a eu connaissance le 28 janvier 2014.
Au regard de ces éléments, il ne peut être fait grief à la société Dourdan Automobiles de ne pas avoir poursuivi l'exécution des contrats la liant à la société Nova Automobiles, à savoir celui de fourniture de pièces de rechange réparateur agréé et agent Peugeot à durée indéterminée et celui d'apporteur d'affaires Peugeot, n'ayant pas repris les engagements de la société garage Famel comme il a été relevé ci-dessus.
La société Nova Automobiles doit donc être déboutée de sa demande de ce chef.
Le jugement doit donc être infirmé en ce qu'il a condamné la société Dourdan Automobiles à payer à la société Nova Automobiles la somme de 15 000 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture brutale des relations commerciales établies, assortie des intérêts au taux légal à compter de la date du présent jugement.
Sur les dépens et l'application de l'article 700 du Code de procédure civile
Le sens du présent arrêt conduit à confirmer le jugement sur les dépens et l'application qui y a été faite des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.
La société Dourdan Automobiles doit être condamnée aux dépens d'appel, qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile, ainsi qu'à payer à la société Automobiles Peugeot la somme supplémentaire de 10 000 euros par application de l'article 700 du Code de procédure civile en cause d'appel.
Le sens du présent arrêt conduit à rejeter la demande par application de l'article 700 du Code de procédure civile formulée par la société Nova Automobiles et la société Dourdan Automobiles.
Par ces motifs : LA COUR, Rejette la fin de non-recevoir de la société Automobiles Peugeot ; Confirme le jugement sauf en ce qu'il a condamné la société Dourdan Automobiles à payer à la société Nova Automobiles la somme de 15 000 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture brutale des relations commerciales établies, assortie des intérêts au taux légal à compter de la date du présent jugement ; L'infirmant sur ce point ; Statuant à nouveau ; Déboute la société Nova Automobiles de sa demande de dommages et intérêts pour rupture brutale des relations commerciales établies ; Y ajoutant ; Condamne la société Dourdan Automobiles aux dépens d'appel, qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile, ainsi qu'à payer à la société Automobiles Peugeot la somme supplémentaire de 10 000 euros par application de l'article 700 du Code de procédure civile en cause d'appel ; Rejette toute autre demande.