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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 5 décembre 2018, n° 17-00684

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

EMS Habitat (SARL)

Défendeur :

ANR Les Techniciens du Bâtiment (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Luc

Conseillers :

Mmes Mouthon Vidilles, Comte

T. com. Paris, du 16 nov. 2016

16 novembre 2016

FAITS ET PROCÉDURE

Suivant contrat de collaboration du 2 août 2008, la société EMS, qui commercialise et pose des portes et des fenêtres sous l'enseigne Tryba, a sous-traité à la société ANR, qui exerce une activité de menuiserie spécialisée dans la pose d'huisseries, des travaux de pose de fenêtres et de portes.

En septembre 2012, les conditions financières de la collaboration ont évolué et une rémunération forfaitaire mensuelle de 9 500 euros HT s'est substituée à la prestation journalière rémunérée jusqu'alors, 500 euros HT.

A compter de juillet 2014, des divergences sont apparues entre les parties à propos de diverses déductions auxquelles la société EMS entendait faire procéder sur les factures de juin, juillet et septembre 2014, de la qualification Qualibat dont la société ANR était dépourvue, et de plaintes de la société EMS sur une dégradation de la qualité de la pose.

Par courriel du 9 septembre 2014, la société EMS a adressé à la société ANR une nouvelle grille de tarification des prestations de pose applicable à effet au 1er septembre 2014, qui se traduisait par une baisse de rémunération.

En octobre 2014, la société EMS a sollicité des déductions sur le montant de la facture de septembre 2014 adressée par la société ANR qui les a contestées, a relevé la réduction, presque au néant, du volume d'activité d'une manière brutale et demandé le retour d'une attestation dûment remplie qui lui était nécessaire pour obtenir la qualification Qualibat, par courriel du 8 novembre 2014.

Le même jour, la société ANR a adressé sa facture d'octobre 2014 d'un montant de 1 951,66 euros qui est demeurée impayée. Après l'envoi d'une mise en demeure, la société EMS a réglé partiellement la facture le 2 décembre 2014 à hauteur de 1 000 euros.

Soutenant que la société EMS lui avait imposé des modifications contractuelles avant de rompre totalement les relations commerciales établies sans préavis, alors même qu'elle-même n'avait commis aucune faute, la société ANR a, par exploit du 18 juin 2015, assigné en indemnisation la société EMS devant le tribunal de commerce d'Evry, lequel s'est déclaré incompétent au profit du tribunal de commerce de Paris, par jugement du 15 décembre 2015.

Par jugement du 16 novembre 2016, le tribunal de commerce de Paris a, sous le régime de l'exécution provisoire :

- condamné la société EMS Habitat à verser à la société ANR la somme de 951,66 euros avec intérêts au taux légal à compter de 18 juin 2015,

- dit que société EMS Habitat a tenté d'obtenir des avantages financiers manifestement excessifs au sens de l'article L. 442-6, I, 4° du Code de commerce,

- dit que la société ANR n'a pas commis d'inexécution fautive faute justifiant une rupture sans préavis des relations commerciales,

- dit que la société EMS Habitat a rompu brutalement des relations commerciales établies au sens l'article L. 442-6, I, 5° de Code de commerce,

- fixé à 6 mois la durée du préavis dont la société ANR aurait dû bénéficier en réparation de l'ensemble du préjudice subi,

- condamné la société EMS Habitat à verser à la société ANR la somme de 43 200 euros à titre d'indemnité de préavis,

- condamné la société EMS Habitat à verser à la société ANR la somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,

- débouté les parties des demandes plus amples et contraires,

- condamné la société EMS Habitat aux dépens.

La société EMS Habitat a interjeté appel de ce jugement.

Par exploit du 31 janvier 2017, la société ANR a fait délivrer à la société EMS Habitat un commandement aux fins de payer et de saisie-vente de la somme de 47 367,14 euros, au titre des condamnations mises à la charge de la société EMS Habitat par le jugement du tribunal de commerce de Paris du 16 novembre 2016.

Par courrier du 8 février 2017, l'huissier de justice mandaté par la société ANR a informé la société EMS Habitat qu'il entendait procéder à la saisie vente de ses biens immobiliers à défaut de règlement de ladite somme.

La société EMS Habitat a procédé à deux règlements partiels, par chèques de 1 400 euros chacun.

Par exploit du 22 mars 2017, la société EMS Habitat a sollicité en référé la suspension de l'exécution provisoire du jugement entrepris et par ordonnance du 29 juin 2017, l'arrêt de l'exécution provisoire a été ordonné à la suite d'un accord intervenu entre les parties sur l'aménagement de l'exécution provisoire.

La procédure devant la cour a été clôturée le 2 octobre 2018.

SUR CE, LA COUR,

Vu la déclaration d'appel et les dernières conclusions déposées et notifiées le 28 septembre 2018 par lesquelles la société EMS Habitat, appelante, invite la cour à :

- infirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris,

en conséquence,

- dire que la société EMS Habitat n'a pas tenté d'obtenir des avantages financiers manifestement excessifs au sens de l'article L. 442-6, I, 4° du Code de commerce,

- dire que la société ANR a commis une inexécution fautive,

- dire que la rupture des relations commerciales entre la société EMS Habitat et la société ANR ne relève pas des dispositions de l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce,

à titre principal,

- débouter la société EMS Habitat de l'intégralité de ses demandes,

à titre infiniment subsidiaire,

- donner acte à la société EMS Habitat de ce qu'elle a réglé à la société ANR la somme de 951,66 euros avec intérêts au taux légal à compter du 18 juin 2015, au titre de la facture du mois d'octobre 2014,

- fixer à deux mois la durée du préavis applicable à la relation commerciale, en réparation de l'intégralité du préjudice subi,

- condamner la société EMS Habitat à régler à la société ANR la somme de 7 200 euros à titre d'indemnité de préavis,

en tout état de cause,

- condamner la société ANR aux entiers dépens de la procédure,

- condamner la société ANR à régler à la société EMS Habitat la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- débouter la société ANR de sa demande reconventionnelle sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Vu les dernières conclusions déposées et notifiées le 11 mai 2017 par lesquelles la société ANR, intimée, demande à la cour, au visa des articles L. 442-6 du Code de commerce, 700 et 515 du Code de procédure civile, de :

- débouter EMS Habitat de ses demandes,

- confirmer le jugement du tribunal de commerce de Paris du 16 novembre 2016 en toutes ses dispositions,

en conséquence :

- condamner la société EMS à verser à la société ANR la somme de 951,66 euros avec intérêts au taux légal à compter du 18 juin 2015,

- dire que la société EMS a tenté d'obtenir des avantages financiers manifestement excessifs au sens de l'article L. 442-6, I, 4° du Code de commerce,

- dire que la société ANR n'a pas commis d'exécution fautive justifiant une rupture sans préavis des relations commerciales,

- dire que la société EMS a rompu brutalement les relations commerciales établies au sens de l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce,

- fixer à 6 mois la durée du préavis dont la société ANR aurait dû bénéficier en réparation de l'ensemble du préjudice subi,

- condamner la société EMS à verser à la société ANR au titre du préavis la somme de 43 200 euros,

- confirmer la décision du tribunal en ce qu'elle a condamné EMS à payer à ANR sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile la somme de 2 500 euros,

- y ajoutant, au titre des frais irrépétibles engages par ANR devant la cour d'appel, celle de 5 000 euros,

- condamner EMS aux entiers dépens de l'instance et de ses suites ;

SUR CE, LA COUR,

Sur le paiement du solde de la facture du mois d'octobre 2014

Les premiers juges ont condamné la société EMS Habitat à payer le solde de la facture à hauteur de 951,66 euros au motif qu'elle prétendait, sans en rapporter la preuve, que la retenue serait une juste application du contrat qui permet de retenir un paiement au cas où la pose n'aurait pas été réalisée dans les règles de l'art.

Sollicitant l'infirmation du jugement, la société EMS Habitat soutient que les manquements de la société ANR ont entraîné la perte de contrats et l'ont obligée à intervenir dans le cadre du " Service après-vente ". Elle invoque l'article VII du contrat de collaboration selon lequel " le donneur d'ordre se réserve le droit de retenir le paiement d'une facture si la pose n'est pas terminée ou non conforme avec les règles de l'art ". A titre infiniment subsidiaire, si la cour confirmait le premier jugement sur ce point, dans la mesure où elle a procédé à deux règlements de 1 400 euros chacun en février et mars 2017, au titre de l'exécution provisoire ordonnée, la société EMS Habitat demande qu'il lui soit donné acte qu'elle ne s'oppose pas à ce qu'une partie de ces règlements soit affectée au règlement du solde de la facture du mois d'octobre 2014 ainsi qu'au règlement des intérêts au taux légal.

La société ANR, qui demande la confirmation du jugement, fait valoir que la somme de 951,66 euros est due au titre du solde de la facture du mois d'octobre 2014 d'un montant de 1 951,66 euros après déduction d'un règlement partiel du 2 décembre 2014, à hauteur de 1 000 euros. Elle considère qu'il ressort des dispositions contractuelles que la société EMS Habitat ne peut en aucun cas procéder à une retenue sur une facture sans avoir préalablement procédé à une mise en demeure. Elle affirme que les deux pièces n° 19 et 22 produites en appel par la société EMS Habitat pour tenter de justifier la retenue ne sont pas probantes.

La société EMS Habitat ne conteste pas avoir réglé partiellement la facture du mois d'octobre 2014 d'un montant de 1 951,66 euros à hauteur de 1 000 euros par virement du 2 décembre 2014 et explique cette retenue par des manquements de la société ANR à ses obligations contractuelles. Or, elle ne justifie aucunement des manquements qu'elle invoque. En effet, elle se prévaut de deux fiches d'intervention de son service après-vente du 5 septembre 2014 (pièce n° 19) et du 7 octobre 2014 (pièce n° 21) qui, selon elle, justifieraient de la défaillance de la société ANR dans le cadre de la pose de volets. Or, la première fiche ne comporte aucune valeur probante, la case - Intervention de chantier -, si elle mentionne bien l'intervention préalable de la société ANR, ne comporte aucun renseignement quant aux travaux exécutés par celle-ci de sorte qu'il ne peut en être déduit que leur mauvaise qualité a nécessité l'intervention du service après-vente de la société EMS. La deuxième fiche fait état de l'intervention préalable d'un technicien EMS de sorte qu'elle ne concerne pas la société ANR. Le jugement entrepris sera donc confirmé de ce chef.

Sur la demande d'indemnisation pour rupture brutale des relations commerciales établies

La société ANR entend rechercher la responsabilité de la société EMS sur le fondement de l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce qui dispose qu'engage sa responsabilité et s'oblige à réparer le préjudice causé, celui qui rompt brutalement une relation commerciale établie, sans préavis tenant compte de la durée de la relation commerciale.

Cet article prévoit in fine que ces dispositions ne font pas obstacle à la faculté de résiliation sans préavis, en cas d'inexécution par l'autre partie de ses obligations contractuelles. Ce dernier alinéa ne précise ni la nature ni le degré de l'inexécution contractuelle autorisant la dispense de préavis. Toutefois, dès lors qu'il instaure une dérogation à l'exigence d'un préavis prévu au premier alinéa, son application nécessite que l'inexécution des obligations contractuelles qu'il vise, présente un caractère de gravité suffisant pour justifier une rupture immédiate eu égard à l'ancienneté des relations des relations commerciales.

En l'espèce, les parties s'accordent seulement à reconnaître avoir entretenu des relations commerciales établies pendant 6 ans, soit du 2 août 2008 au 7 novembre 2014, date de la dernière commande passée par la société EMS.

Sur la rupture brutale

Pour solliciter l'infirmation du jugement qui a considéré qu'elle était responsable d'une rupture brutale, la société EMS soutient, en substance, que la rupture consécutive à la défaillance de la société ANR a conduit à un désintérêt mutuel des parties de voir se poursuivre la relation de sorte qu'elle est imputable à la société ANR et n'est pas brutale. Elle ajoute que l'application de l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce est exclue en cas de torts réciproques ainsi que dans l'hypothèse d'une baisse d'activité manifeste.

Mais c'est par de justes motifs, que la cour adopte, aucun élément de nature à les remettre en cause n'étant produit en appel, que les premiers juges ont considéré que la société EMS était bien l'auteur de la rupture des relations commerciales établies. En effet, ils ont constaté que la relation d'affaires avait définitivement cessé à compter du 7 novembre 2014, date à partir de laquelle plus aucune commande n'avait été passée par la société EMS laquelle, bien que prétendant ne pas avoir voulu rompre les relations commerciales, ne justifiait pas avoir confié des missions à la société ANR que celle-ci aurait refusé d'exécuter. L'absence totale de passation de commandes, à compter du 7 novembre 2014, sans avoir été précédée d'un préavis, n'est pas plus contestée en appel par l'intimée qui se contente d'affirmer, sans en justifier, que la société ANR aurait " tout simplement décidé de ne plus se présenter sur les chantiers ". Par suite, la société EMS est bien l'auteur de la rupture par cessation définitive de commandes et ce, alors même que par courriel du 9 septembre 2014, elle avait adressé à la société ANR ses nouveaux tarifs de pose applicables à compter du 1er septembre 2014 de sorte que le moyen tiré de la dégradation de sa situation économique ne lui permettait plus de la poursuivre aux conditions précédemment négociées, qu'elle invoque pour se soustraire à sa responsabilité, sera rejeté.

La société EMS ajoute que si les relations économiques ont cessé, c'est du fait d'une situation de blocage imputable à la société ANR qui, de manière irresponsable, aurait multiplié les incidents et aurait finalement cessé de se présenter, sans mesurer les conséquences de ses agissements alors qu'elle a été à plusieurs reprises alertée des difficultés économiques que la société EMS rencontrait et qui lui imposaient de renforcer la satisfaction de la clientèle en évitant les incidents sur les chantiers et la perte de marchés.

Mais, c'est également à raison que les premiers juges ont considéré que la société EMS était défaillante à produire le moindre document de nature à étayer les fautes invoquées par la société ANR pour justifier une résiliation immédiate. La cour constate que la société EMS ne justifie pas plus en appel d'un manquement grave de la société ANR à ses obligations contractuelles justifiant la rupture de leurs relations commerciales sans préavis.

En effet, il a été vu ci-dessus que les deux fiches d'intervention de son service après-vente dont la société EMS se prévaut, n'ont aucune valeur probante.

La société EMS excipe également de quatre courriels qu'elle a adressés les 7 mai 2011 (pièce n° 4), 8 juillet 2011 (pièce n° 5), 9 août 2014 (pièce n° 7) et 28 octobre 2014 (pièce n° 9), et de deux factures du 15 décembre 2008 (pièce n° 3) et du 30 septembre 2014 (pièce n° 8) desquelles il ressort qu'elle a été contrainte d'accorder des remises à ses clients.

Or, ces pièces n'attestent que de l'existence de non-conformités et/ou malfaçons mineures, ponctuelles et pour lesquelles la société EMS Habitat n'a pas jugé nécessaire d'adresser une mise en demeure à la société ANR.

S'agissant de la non-qualification Qualibat de la société ANR, outre que la nécessité de cette qualification ne figure pas au contrat, il apparaît que la société EMS, qui aurait exigé cette qualification pour le 1er juillet 2014 (cf pièce n° 7 courriel du 9 août 2014), a refusé de remettre à la société ANR l'attestation nécessaire à l'obtention de cette qualification.

Enfin, la société EMS ne justifie pas des pertes de marchés qu'elle invoque.

La société EMS Habitat échoue donc à rapporter la preuve de l'existence de manquements graves justifiant la rupture des relations commerciales sans préavis.

Le préavis suffisant

Il ressort de l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce que la brutalité de la rupture résulte de l'absence de préavis écrit ou d'un préavis suffisant. Le délai de préavis suffisant, qui s'apprécie au moment de la notification de la rupture, doit s'entendre du temps nécessaire à l'entreprise délaissée pour se réorganiser, c'est-à-dire pour préparer le redéploiement de son activité, trouver un autre partenaire ou une solution de remplacement. Les principaux critères à prendre en compte sont l'ancienneté des relations, le degré de dépendance économique, le volume d'affaires réalisé, la progression du chiffre d'affaires, les investissements effectués, les relations d'exclusivité et la spécificité des produits et services en cause.

La société ANR sollicite la confirmation du jugement qui a retenu un préavis suffisant de 6 mois. La société EMS demande de réduire la durée du préavis à 1 mois.

Il n'est pas discuté qu'au moment de la rupture, s'il n'existait aucune relation contractuelle d'exclusivité de sorte que la société ANR était théoriquement libre de fournir ses prestations à tous partenaires de son choix, concomitamment aux commandes de la société EMS, toutefois les exigences, relevées par les premiers juges, de la société EMS qui demandait à la société ANR de se présenter auprès de ses clients comme son représentant exclusif (présence obligatoire du logo Tryba sur le véhicule professionnel) ont conduit à une exclusivité de fait de nature à empêcher toute possibilité de diversification de la clientèle pendant la durée de la relation commerciale.

Dans ces conditions, eu égard à l'ancienneté des relations commerciales de 2 ans et 8 mois, à la nature de l'activité et à ses contraintes, au volume d'affaires, à la part prépondérante du client EMS dans le chiffre d'affaires de la société ANR et compte tenu d'une exclusivité imposée dans les faits par la société EMS, c'est à juste titre que les premiers juges ont évalué le délai de préavis suffisant pour permettre à la société ANR de prendre toutes dispositions utiles pour se réorganiser, à 6 mois.

Le préjudice

A titre infiniment subsidiaire, la société EMS demande de fixer le montant de l'indemnisation du préjudice à la somme de 7 200 euros (9 000 euros x 80 %). Elle soutient que la société ANR n'a absolument pas démontré l'existence d'un préjudice ni même établi qu'à compter du moment où la société EMS Habitat a multiplié les reproches concernant la qualité des prestations fournies, elle aurait effectué des démarches commerciales en vue de conquérir d'autres marchés et que ces dernières n'ont pas abouti.

La société ANR sollicite la confirmation du jugement en ce qu'il a condamné la société EMS à lui payer la somme de 43 200 euros à titre d'indemnité de préavis.

Le préjudice résultant du caractère brutal de la rupture est constitué par la perte de la marge dont la victime pouvait escompter bénéficier pendant la durée supplémentaire du préavis qui aurait dû lui être accordé.

Le préjudice s'évalue, traditionnellement, en comparant la marge qui aurait dû être perçue en l'absence de pratiques délictueuses, pendant le préavis qui aurait dû être octroyé, à la marge effectivement perçue. La référence à retenir est la marge sur coûts variables, définie comme la différence entre le chiffre d'affaires dont la victime a été privée sous déduction des charges qui n'ont pas été supportées du fait de la baisse d'activité résultant de la rupture.

En l'espèce, c'est à juste titre que le tribunal a retenu un chiffre d'affaires mensuel moyen de 9 500 euros HT au cours des 24 mois ayant précédé la rupture, soit un chiffre d'affaires espéré de 54 000 euros HT (9 500 X 6) pendant les 6 mois de préavis qui auraient dû être accordés, et lui a appliqué un taux de marge sur coût variables qu'il a estimé à 80 %. Ces éléments qui ressortent des pièces produites, ne sont pas sérieusement contestés par la société EMS. Le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu'il l'a condamnée à verser la somme de 43 200 euros (54 000 X 80 %) au titre du gain manqué pendant la durée du préavis.

Sur le moyen tiré de la tentative d'obtenir des avantages financiers manifestement excessifs au sens de l'article L. 442-6, I, 4° du Code de commerce

Force est de constater que la cour n'est saisie d'aucune demande d'indemnisation à ce titre de sorte qu'il n'y a pas lieu d'examiner ce moyen qui ne vient au soutien d'aucune demande.

Sur les dépens et l'article 700 du Code de procédure civile

Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a condamné la société EMS Habitat aux dépens et à verser à la société ANR la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

La société EMS Habitat, qui succombe également en appel, en supportera les dépens et devra verser à la société ANR la somme supplémentaire de 5 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, sa propre demande de ce chef étant rejetée.

Par ces motifs : LA COUR, Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ; y ajoutant, Déboute les parties du surplus de leurs demandes ; Condamne la société EMS Habitat aux dépens de l'appel ; Condamne la société EMS Habitat à verser à la société ANR la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.