TUE, 4e ch., 12 décembre 2018, n° T-722/15
TRIBUNAL DE L'UNION EUROPÉENNE
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Interessengemeinschaft privater Milchverarbeiter Bayerns eV, Genossenschaftsverband Bayern eV, Verband der Bayerischen Privaten Milchwirtschaft eV
Défendeur :
Commission européenne
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Kanninen
Juges :
M. Calvo Sotelo Ibáñez Martín, Mme Reine (rapporteur)
Le Tribunal (quatrième chambre),
Antécédents du litige
1 En Allemagne, la qualité du lait est traditionnellement assurée par des tests de qualité indépendants. Ces tests de qualité du lait sont financés, en Bavière (Allemagne), d'une part, par des ressources tirées du prélèvement sur le lait imposé aux acquéreurs de lait et, d'autre part, au moyen du budget général du Freistaat Bayern (Land de Bavière, Allemagne).
Cadre juridique national
2 L'article 22, paragraphe 1, du Gesetz über den Verkehr mit Milch, Milcherzeugnissen und Fetten (loi fédérale allemande sur le lait et les matières grasses) de 1952 (BGBl. 1952 I, p. 811, ci-après la " MFG "), modifié en dernier lieu par l'article 397 du règlement du 31 août 2015 (BGBl. 2015 I, p. 1474), prévoit que les gouvernements des Länder peuvent, en consultation avec l'association de Land concernée, cette association étant créée en application de la MFG et composée d'entreprises du secteur laitier et de consommateurs qui défendent de manière commune leurs intérêts économiques, ou avec les organisations professionnelles concernées, appliquer conjointement aux laiteries, aux centrales de collecte du lait ou aux crémeries des prélèvements afin de soutenir le secteur laitier. L'article 22, paragraphes 2 et 2a, de la MFG dispose que les ressources obtenues en vertu du paragraphe 1 ne peuvent être utilisées que pour le financement de neuf objectifs, parmi lesquels la promotion et la préservation de la qualité du lait dont le financement fait l'objet du présent recours.
3 Conformément à l'article 1er, paragraphe 1, de la Milch Güteverordnung (règlement sur la qualité du lait) du 9 juillet 1980 (BGBl. 1980 I, p. 878, ci-après la " MGV "), modifiée en dernier lieu par le règlement du 17 décembre 2010 (BGBl. 2010 I, p. 2132), les acquéreurs du lait livré ont l'obligation d'analyser celui-ci ou de le faire analyser.
4 L'article 1er de la Milchumlageverordnung (règlement relatif au prélèvement sur le lait) du 17 octobre 2007 (BayGVBl. 2007, p. 727) du ministère de l'Alimentation, de l'Agriculture et de la Sylviculture bavarois, prise sur le fondement de l'article 22, paragraphe 1, de la MFG, prévoit qu'il est appliqué aux exploitants de laiteries un prélèvement pour les quantités de lait cru qui leur sont livrées.
5 Conformément à l'article 23 de la Haushaltsordnung des Freistaates Bayern (règlement financier de l'État libre de Bavière) du 8 décembre 1971 (BayRS 630-1-F, ci-après-le " BayHO "), qui relève de la partie II " Établissement du budget et du plan financier " de ce règlement, les dépenses et les crédits d'engagement pour des prestations envers des services extérieurs à l'administration étatique en vue de la réalisation de certains objectifs ne peuvent être estimés dans le budget que si l'État possède un intérêt prépondérant à cette réalisation qui ne saurait être satisfait en l'absence des subventions correspondantes ou, à tout le moins, pas dans la mesure nécessaire.
6 L'article 44 du BayHO, qui figure dans la partie III intitulée " Mise en œuvre du budget " de ce règlement, dispose que ces subventions ne peuvent être versées que dans les conditions prévues à l'article 23 de ce règlement.
Procédure administrative
7 Par lettres des 28 novembre 2011 et 27 février 2012, la Commission européenne a demandé à la République fédérale d'Allemagne des informations complémentaires concernant le rapport annuel de 2010 sur les aides d'État dans le secteur agricole, transmis par cette dernière conformément à l'article 21, paragraphe 1, du règlement (CE) no 659/1999 du Conseil, du 22 mars 1999, portant modalités d'application de l'article [108 TFUE] (JO 1999, L 83, p. 1). La République fédérale d'Allemagne a répondu aux questions de la Commission par lettres des 16 janvier 2012 et 27 avril 2012. Au regard des réponses de la République fédérale d'Allemagne, il est apparu à la Commission que celle-ci avait accordé une aide d'État à son secteur laitier, au titre de la MFG.
8 Par lettre du 2 octobre 2012, la Commission a informé la République fédérale d'Allemagne que les mesures mises en place par les divers Länder allemands, y compris le Land de Bavière et celui de Bade-Wurtemberg, en application de l'habilitation que leur donne l'article 22 de la MFG, avaient été enregistrées en tant qu'aide non notifiée sous le numéro SA.35484 (2012/NN). Par lettres du 16 novembre 2012 et des 7, 8, 11, 13, 14, 15 et 19 février, 21 mars, 8 avril, 28 mai, 10 et 25 juin et 2 juillet 2013, la République fédérale d'Allemagne a fourni de plus amples informations à la Commission.
9 Par lettre du 17 juillet 2013 [C(2013) 4457 final] (JO 2014, C 7, p. 8), la Commission a communiqué à la République fédérale d'Allemagne sa décision d'ouvrir la procédure visée à l'article 108, paragraphe 2, TFUE (ci-après la " décision d'ouverture "). Cette décision porte sur diverses mesures mises en œuvre dans plusieurs Länder allemands au titre de la MFG afin de soutenir le secteur laitier, y compris les aides visées dans la décision (UE) 2015/2432 de la Commission, du 18 septembre 2015, sur l'aide d'État SA.35484 (2013/C) [ex SA.35484 (2012/NN)] octroyée par l'Allemagne pour les tests de qualité du lait dans le cadre de la loi sur le lait et les matières grasses (JO 2015, L 334, p. 23, ci-après la " décision attaquée "). L'aide visée dans le présent recours était une des mesures examinées dans cette décision. En ce qui concerne cette aide, la Commission, d'une part, a cité, au point 2.5 de la décision d'ouverture, dédié au financement des mesures examinées, l'article 22 de la MFG qui porte sur le prélèvement sur le lait. D'autre part, au considérant 264 de cette décision, la Commission a indiqué que les mesures examinées étaient financées au moyen d'un prélèvement parafiscal, en renvoyant à cette même disposition de la MFG.
10 À l'issue de son analyse, la Commission a constaté la compatibilité de l'aide litigieuse avec le marché intérieur pour la période allant du 28 novembre 2001 au 31 décembre 2006, tout en émettant des doutes quant à sa compatibilité avec le marché intérieur à compter du 1er janvier 2007.
11 Par lettre du 20 septembre 2013, la République fédérale d'Allemagne a formulé ses observations sur la décision d'ouverture de la procédure.
12 La Commission a reçu sept communications d'observations de la part de parties intéressées faisant référence aux mesures concernant les tests de qualité du lait visées par la décision attaquée.
13 Les observations reçues ont été transmises à la République fédérale d'Allemagne par lettres des 27 février, 3 mars et 3 octobre 2014.
14 Par lettre du 3 décembre 2014, la République fédérale d'Allemagne a pris position sur des observations supplémentaires présentées le 8 juillet 2014.
Décision attaquée
15 Le 18 septembre 2015, la Commission a adopté la décision attaquée. Cette décision concerne exclusivement le financement des tests de qualité du lait effectués à partir du 1er janvier 2007 dans le Bade-Wurtemberg (Allemagne) et en Bavière. Le présent recours se limite aux mesures relatives à ce dernier Land.
16 En premier lieu, la Commission a vérifié si les ressources tirées du prélèvement sur le lait constituaient des aides d'État au sens de l'article 107, paragraphe 1, TFUE. La Commission a considéré que la décision finale au sujet de l'affectation des ressources appartenait aux autorités du Land concernées, c'est-à-dire à l'État, tandis que, conformément à l'article 22, paragraphe 3, troisième phrase, de la MFG, l'association de Land ou les organisations professionnelles devaient uniquement être entendues avant l'affectation des ressources. De plus, la MFG définissait, à l'article 22, paragraphe 2, points 1 à 6, à quelles fins les ressources tirées du prélèvement sur le lait pouvaient être utilisées. Par conséquent, la Commission a considéré que les recettes tirées du prélèvement sur le lait devaient être considérées comme étant placées sous contrôle public et que les mesures financées par les ressources tirées du prélèvement sur le lait étaient mises à exécution au moyen de ressources d'État et étaient imputables à l'État. Enfin, elle a transposé ce constat au financement au moyen du budget général du Land de Bavière.
17 En deuxième lieu, la Commission a constaté que les laiteries de Bavière ont bénéficié d'un avantage sélectif à travers le remboursement, au moyen des ressources tirées du prélèvement et du budget général du Land de Bavière, des coûts pour les tests de qualité du lait qui leur incombaient. La Commission a estimé que ces tests de qualité du lait bénéficiaient, en fin de compte, aux laiteries, puisque ces dernières étaient tenues par la loi de procéder à l'analyse du lait qui leur était livré. Les laiteries constituaient des entreprises au sens de l'article 107, paragraphe 1, TFUE et les coûts liés au paiement versé à un organisme d'analyse aux fins des tests de la qualité du lait devaient être considérés comme des frais d'exploitation classiques que les entreprises concernées, c'est-à-dire les laiteries, devaient normalement supporter elles-mêmes. Par ailleurs, selon la Commission, tout avantage éventuel était octroyé seulement à " certaines entreprises " puisqu'il existait, outre le secteur des laiteries, de nombreux autres secteurs économiques en Allemagne qui ne profitaient pas des mesures en cause. L'éventuel avantage octroyé était par conséquent sélectif. De plus, dans des Länder autres que le Bade-Wurtemberg et la Bavière, les laiteries n'étaient pas remboursées des montants des coûts des analyses au moyen des ressources tirées du prélèvement sur le lait. Enfin, au considérant 145 de la décision attaquée, la Commission a tenu compte du fait que la mesure était également financée au moyen du budget général du Land de Bavière. Par conséquent, selon elle, le bénéfice que les laiteries ont tiré de la prise en charge des tests sur la qualité du lait ne correspondait pas nécessairement à ce qu'elles avaient versé au titre du prélèvement sur le lait.
18 En troisième lieu, dans la décision attaquée, il a été considéré que, en ce qui concerne la présence d'une aide existante, le ministère fédéral compétent et les Länder allemands ont adopté les dispositions d'exécution qui constituaient les bases juridiques des mesures examinées dans cette décision. La Commission a estimé que, à part la MFG qui n'instituait pas le régime d'aide concerné, les autorités allemandes n'ont transmis aucune information attestant l'existence d'une base juridique adoptée avant 1958 et qui devait encore être appliquée, avec son contenu initial, durant la période examinée.
19 En quatrième et dernier lieu, la Commission a constaté que les aides destinées aux contrôles de routine du lait ne remplissaient pas les conditions fixées au point 109 des lignes directrices de la Communauté concernant les aides d'État dans le secteur agricole et forestier 2007-2013 (JO 2006, C 319, p. 1), lu en combinaison avec l'article 16, paragraphe 1, du règlement (CE) no 1857/2006 de la Commission, du 15 décembre 2006, concernant l'application des articles [107 et 108 TFUE] aux aides d'État accordées aux petites et moyennes entreprises actives dans la production de produits agricoles et modifiant le règlement (CE) no 70/2001 (JO 2006, L 358, p. 3), auquel le point 109 renvoie.
20 Dans ces conditions, la Commission a décidé, à l'article 1er de la décision attaquée, que l'aide accordée depuis le 1er janvier 2007 en Bavière était illégale et incompatible avec le marché intérieur. Aux articles 2 à 4 de cette décision, la Commission a ordonné la récupération de l'aide et a prescrit les modalités de celle-ci.
Procédure et conclusions des parties
21 Par requêtes déposées au greffe du Tribunal le 4 décembre 2015, les requérants, Interessengemeinschaft privater Milchverarbeiter Bayerns eV, Genossenschaftsverband Bayern eV et Verband der Bayerischen Privaten Milchwirtschaft eV, ont introduit le présent recours.
22 Par acte déposé au greffe du Tribunal, le 19 janvier 2016, la Commission a demandé la jonction des affaires aux fins de la procédure écrite et de la procédure orale.
23 Par acte déposé au greffe du Tribunal, le 5 février 2016, les requérants ont informé le Tribunal qu'ils ne s'opposaient pas à cette demande.
24 Par décision du président de la deuxième chambre du Tribunal du 16 février 2016, les affaires T 722/15 à T 724/15 ont été jointes aux fins de la procédure écrite et de la procédure orale, conformément à l'article 68, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal.
25 La Commission a déposé le mémoire en défense au greffe du Tribunal le 16 mars 2016.
26 Par décision du 14 juin 2016 du président du Tribunal, en raison du renouvellement partiel du Tribunal, la présente affaire a été attribuée à un nouveau juge rapporteur.
27 Les requérants ont déposé la réplique au greffe du Tribunal le 15 juin 2016.
28 La Commission a déposé la duplique au greffe du Tribunal le 12 septembre 2016.
29 La composition des chambres du Tribunal ayant été modifiée, en application de l'article 27, paragraphe 5, du règlement de procédure, le juge rapporteur a été affecté à la quatrième chambre, à laquelle la présente affaire a, par conséquent, été attribuée.
30 Au titre de mesures d'organisation de la procédure, le Tribunal a posé, le 9 janvier 2018, des questions écrites aux parties, lesquelles y ont répondu dans le délai imparti.
31 Le 9 février 2018, au titre de mesures d'organisation de la procédure, le Tribunal a posé de nouvelles questions écrites, pour réponse lors de l'audience.
32 Lors de l'audience du 26 février 2018, les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal.
33 Lors de cette audience, les parties entendues, le président de la quatrième chambre a prononcé la jonction des affaires T 722/15 à T 724/15 aux fins de la décision mettant fin à l'instance.
34 Les requérants concluent à ce qu'il plaise au Tribunal :
- annuler la décision attaquée dans la mesure où :
- l'article 1er de celle-ci constate que l'État allemand a, en violation de l'article 108, paragraphe 3, TFUE, accordé des aides d'État aux entreprises laitières bavaroises concernées pour les contrôles de la qualité du lait effectués dans ce Land et que, depuis le 1er janvier 2007, ces aides d'État sont incompatibles avec le marché intérieur ;
- les articles 2 à 4 de celle-ci ordonnent à l'État allemand de récupérer ces aides, majorées des intérêts, auprès des entreprises bénéficiaires ;
- condamner la Commission aux dépens.
35 La Commission conclut à ce qu'il plaise au Tribunal :
- rejeter le recours comme non fondé ;
- condamner les requérants aux dépens.
En droit
36 À l'appui de leur recours, les requérants soulèvent six moyens :
- le premier moyen est tiré de la violation de l'article 108, paragraphe 2, TFUE lu en combinaison avec l'article 6, paragraphe 1, et l'article 20, paragraphe 1, première phrase, du règlement no 659/1999 en ce que la décision entreprise est fondée sur des éléments de fait et de droit qui ne figuraient pas dans la décision d'ouverture ;
- le deuxième moyen est déduit de la violation de l'article 107, paragraphe 1, TFUE en ce que les recettes des redevances sont qualifiées de ressources d'État ;
- le troisième moyen est tiré, dans une première branche, de l'absence d'avantage au profit des acquéreurs de lait, ainsi que, dans une seconde branche, de la compensation des avantages supposés par des charges financières ;
- le quatrième moyen, invoqué à titre subsidiaire, est pris de la violation de l'article 107, paragraphe 3, TFUE en ce que la Commission a considéré que les ressources litigieuses accordées depuis le 1er janvier 2007 étaient incompatibles avec le marché intérieur ;
- le cinquième moyen, soulevé à titre subsidiaire, est tiré de la violation de l'article 108, paragraphes 1 et 3, TFUE en ce que le financement des contrôles de la qualité du lait a été qualifié d'aide nouvelle devant être notifiée ;
- le sixième moyen, invoqué à titre subsidiaire, est fondé sur la violation du principe de protection de la confiance légitime en ce que la Commission exige que les soi-disant aides d'État soient remboursées.
Sur le premier moyen tiré de la violation de l'article 108, paragraphe 2, TFUE lu en combinaison avec l'article 6, paragraphe 1, et l'article 20, paragraphe 1, première phrase, du règlement no 659/1999 en ce que la décision attaquée est fondée sur des éléments de fait et de droit qui ne figuraient pas dans la décision d'ouverture
Arguments des parties
37 Les requérants soutiennent que la Commission ne peut adopter une décision négative clôturant la procédure formelle d'examen que sur la base des éléments de fait et de droit qui figuraient dans la décision d'ouverture et qui ont donc fait l'objet de cette procédure. La Commission pourrait, d'ailleurs, prendre une décision élargissant l'objet de la procédure formelle d'examen. La décision attaquée serait donc illégale en ce sens qu'elle ordonnerait la récupération non seulement des recettes des redevances prévues par l'article 22 de la MFG, mais aussi celle des ressources provenant du budget général du Land de Bavière, lesquelles n'auraient même pas été mentionnées dans la décision d'ouverture. En outre, dans la décision attaquée, la Commission aurait soutenu que les recettes des redevances étaient fondées sur le règlement relatif au prélèvement sur le lait et sur le BayHO, tandis que la décision d'ouverture ne ferait mention que de l'article 22 de la MFG comme base juridique des redevances. Selon les requérants, la décision d'ouverture de la procédure formelle d'examen ne doit pas être lue à la lumière de la correspondance antérieure entre la Commission et la République fédérale d'Allemagne, comme le soutient la Commission et, en tout état de cause, ils n'ont pas participé à cet échange. En outre, la Commission devrait définir l'objet de la décision d'ouverture de manière claire et explicite.
38 Par ailleurs, les requérants font valoir que ces vices de procédure les ont empêchés de présenter certains éléments lors de la procédure formelle d'examen, ce qui est susceptible d'avoir eu une influence sur la décision finale et entache, par conséquent, la décision attaquée d'illégalité.
39 La Commission répond que la décision d'ouverture avait pour objet l'intégralité de l'aide financière accordée par le Land de Bavière pour les tests de qualité du lait. À cet égard, elle souligne que la décision d'ouverture a évoqué le soutien de financement global accordé en Bavière à de multiples reprises, comprenant celui au moyen du budget général du Land de Bavière, et que les requérants étaient donc en mesure de présenter utilement leur point de vue à ce sujet. Dans ce contexte, la Commission soutient que les ressources du budget général du Land de Bavière et les ressources issues du prélèvement sur le lait financent les mêmes mesures et font donc partie intégrante de l'aide visée dans la décision d'ouverture. Elle ajoute que la MGV fixe un nombre minimal d'analyses à effectuer, mais que le Land de Bavière peut, dans le cadre de la MGV, dépasser ce nombre. L'ensemble des analyses formerait ainsi une unité dont le financement étatique ne constituerait qu'une seule et même aide. Selon elle, le fait qu'une partie de ce financement proviendrait des ressources du budget général du Land de Bavière ne constituerait pas un élément pertinent de fait ou de droit au sens de l'article 6, paragraphe 1, du règlement no 659/1999 qui aurait dû être expressément mentionné dans la décision d'ouverture.
40 À titre subsidiaire, la Commission affirme que, même en l'absence de cette violation, la procédure n'aurait pas abouti à un résultat différent dans la mesure où son raisonnement porte sur la totalité du financement étatique, lequel consiste en une aide nouvelle. Par conséquent, en tout état de cause, la décision attaquée ne serait pas illégale.
Appréciation du Tribunal
41 Il convient de rappeler que, en vertu de l'article 108, paragraphe 2, TFUE, la Commission a le devoir de mettre en demeure les intéressés de présenter leurs observations lors de la phase d'examen formel [voir, en ce sens, arrêts du 22 février 2006, Le Levant 001 e.a./Commission, T 34/02, EU:T:2006:59, point 78 ; du 31 mai 2006, Kuwait Petroleum (Nederland)/Commission, T 354/99, EU:T:2006:137, point 83 et jurisprudence citée, et du 15 décembre 2009, EDF/Commission, T 156/04, EU:T:2009:505, point 106]. Cette règle a le caractère d'une formalité substantielle (arrêt du 11 décembre 2008, Commission/Freistaat Sachsen, C 334/07, EU:C:2008:709, point 55). En ce qui concerne ce devoir, selon une jurisprudence constante, la publication d'un avis au Journal officiel constitue un moyen adéquat en vue de faire connaître à tous les intéressés l'ouverture d'une procédure [arrêts du 14 novembre 1984, Intermills/Commission, 323/82, EU:C:1984:345, point 17, et du 31 mai 2006, Kuwait Petroleum (Nederland)/Commission, T 354/99, EU:T:2006:137, point 81]. Cette communication vise exclusivement à obtenir, de la part des intéressés, toutes informations destinées à éclairer la Commission dans son action future (arrêts du 12 juillet 1973, Commission/Allemagne, 70/72, EU:C:1973:87, point 19 ; du 22 octobre 1996, Skibsværftsforeningen e.a./Commission, T 266/94, EU:T:1996:153, point 256, et du 20 septembre 2011, Regione autonoma della Sardegna e.a./Commission, T 394/08, T 408/08, T 453/08 et T 454/08, EU:T:2011:493, point 73).
42 L'article 1er, sous h), du règlement no 659/1999 définit la " partie intéressée " comme " tout État membre et toute personne, entreprise ou association d'entreprises dont les intérêts pourraient être affectés par l'octroi d'une aide, en particulier le bénéficiaire de celle-ci, les entreprises concurrentes et les associations professionnelles ".
43 Les intéressés, loin de pouvoir se prévaloir des droits de la défense reconnus aux personnes à l'encontre desquelles une procédure est ouverte, disposent du seul droit d'être associés à la procédure administrative dans une mesure adéquate tenant compte des circonstances du cas d'espèce [voir, en ce sens, arrêts du 31 mai 2006, Kuwait Petroleum (Nederland)/Commission, T 354/99, EU:T:2006:137, point 80 et jurisprudence citée, et du 15 décembre 2009, EDF/Commission, T 156/04, EU:T:2009:505, point 107].
44 En application de l'article 6, paragraphe 1, du règlement no 659/1999, la décision d'ouverture récapitule les éléments pertinents de fait et de droit, inclut une évaluation préliminaire de la Commission et expose les raisons qui incitent à douter de la compatibilité de la mesure avec le marché intérieur. La procédure formelle d'examen permet, quant à elle, d'approfondir et d'éclaircir les questions soulevées dans la décision d'ouverture (arrêt du 4 mars 2009, Italie/Commission, T 424/05, non publié, EU:T:2009:49, point 69). En revanche, il est nécessaire que la Commission, sans être tenue de présenter une analyse aboutie à l'égard de l'aide en cause, définisse suffisamment le cadre de son examen afin de ne pas vider de son sens le droit des intéressés de présenter leurs observations (voir, en ce sens, arrêts du 1er juillet 2009, ISD Polska e.a./Commission, T 273/06 et T 297/06, EU:T:2009:233, point 126 et jurisprudence citée, et du 15 décembre 2009, EDF/Commission, T 156/04, EU:T:2009:505, point 108). À cette fin, il suffit que les parties intéressées connaissent le raisonnement qui a amené la Commission à considérer provisoirement que la mesure en cause pouvait constituer une aide nouvelle incompatible avec le marché intérieur (arrêts du 11 mai 2005, Saxonia Edelmetalle et ZEMAG/Commission, T 111/01 et T 133/01, EU:T:2005:166, point 50, et du 15 décembre 2009, EDF/Commission, T 156/04, EU:T:2009:505, point 110).
45 Il résulte de l'article 7 du règlement no 659/1999 que, à l'issue de cette procédure, l'analyse de la Commission peut avoir évolué, puisqu'elle peut décider finalement que la mesure ne constitue pas une aide ou que les doutes sur son incompatibilité ont été levés. Il s'ensuit que la décision finale peut présenter certaines divergences avec la décision d'ouverture, sans que celles-ci vicient pour autant la décision finale (arrêts du 4 mars 2009, Italie/Commission, T 424/05, non publié, EU:T:2009:49, point 69, et du 16 décembre 2010, Pays-Bas et NOS/Commission, T 231/06 et T 237/06, EU:T:2010:525, point 50).
46 C'est à la lumière de ces principes qu'il convient d'examiner le premier moyen soulevé dans le cadre du présent recours.
47 En l'espèce, afin d'analyser l'existence d'une violation du droit des requérants d'être associés à la procédure administrative, il y a lieu d'examiner la décision attaquée à la lumière de la décision d'ouverture afin de déterminer si le financement par les ressources du budget général du Land de Bavière était déjà visé par cette dernière.
48 En premier lieu, comme cela est indiqué au point 9 ci-dessus, le point 2.5 de la décision d'ouverture porte sur le cadre du financement des aides qui font l'objet de la procédure formelle d'examen. Dans ce point, il est renvoyé à l'article 22 de la MFG. Cette disposition intitulée " Prélèvements " se rapporte aux prélèvements sur le lait, ce qui est par ailleurs indiqué au considérant 8 de cette décision. Par conséquent, cette disposition a été identifiée, dans la décision d'ouverture, comme le fondement de la perception du prélèvement sur le lait. En revanche, cette disposition ne porte aucunement sur les ressources tirées du budget général du Land de Bavière.
49 En outre, le BayHO, en particulier ses articles 23 et 44, cités aux points 5 et 6 ci-dessus, que la Commission a considéré, dans la décision attaquée, comme étant la base juridique de l'aide, n'a pas été mentionné dans la décision d'ouverture.
50 En deuxième lieu, le point 3.1 de la décision d'ouverture, ayant pour objet un commentaire général sur l'évaluation effectuée par la Commission, et en particulier le point 3.3.1 intitulé " Aide accordée par un État ou au moyen de ressources d'État " porte également sur le prélèvement sur le lait, conformément à la MFG. Notamment, dans les considérants 130 et 132, il est exposé que, en vertu de cette loi, le prélèvement est collecté auprès des opérateurs privés afin de soutenir les sous-mesures variables examinées. Au considérant 133, la Commission a tiré la conclusion que " les mesures financées par les revenus du prélèvement ont été accordées au moyen de ressources d'État et lui sont imputables ".
51 En troisième lieu, comme cela est indiqué au point 9 ci-dessus, le considérant 264 de la décision d'ouverture indique également que la mesure en cause est financée au moyen du prélèvement sur le lait.
52 Dans ce contexte, force est de constater que, au stade de la décision d'ouverture, la Commission n'avait pas fait référence au budget général du Land de Bavière comme source de financement de l'aide.
53 À cet égard, la Commission n'a pas allégué que ce financement a été explicitement mentionné dans cette décision.
54 Dès lors, les intéressés pouvaient légitimement présumer que l'examen de la Commission dans la décision d'ouverture portait exclusivement sur les ressources provenant du prélèvement sur le lait.
55 Cette constatation n'est pas démentie par les arguments de la Commission.
56 En premier lieu, la Commission ne saurait se prévaloir de la lettre de la République fédérale d'Allemagne du 16 janvier 2012, qui indique que la mesure était financée également au moyen du budget général du Land de Bavière, afin de démontrer que ce moyen de financement a été compris dans la décision d'ouverture. En effet, cette correspondance ne saurait exonérer la Commission de ses obligations procédurales en ce qui concerne la procédure formelle d'examen. En réalité, les échanges préalables à la procédure formelle d'examen ne dispensent pas la Commission de préciser, dans la décision d'ouverture, les griefs qu'elle a retenus et ne déterminent aucunement le fondement sur lequel la Commission avait l'intention d'ouvrir la procédure à défaut de précision dans la décision d'ouverture. Les requérants ne sauraient être tenus de déduire quels sont les éléments retenus par la Commission dans la décision d'ouverture en l'absence de précisions dans celle-ci. Conformément à la jurisprudence citée au point 44 ci-dessus, la décision d'ouverture doit récapituler les éléments pertinents de fait et de droit, inclure une évaluation préliminaire de la Commission et exposer les raisons qui l'incitent à douter de la compatibilité de la mesure avec le marché intérieur. Force est de constater que la simple référence aux échanges antérieurs, à défaut d'une référence claire dans la décision d'ouverture, ne satisfait pas à ces critères.
57 Ainsi, en l'espèce, la question n'est pas de savoir si les parties intéressées connaissaient le fait que le financement de l'aide était composé de plusieurs sources, mais si elles étaient en mesure de déduire de la décision d'ouverture que l'examen de la Commission portait également sur le financement au moyen du budget général du Land de Bavière. Or, comme cela est indiqué au point 54 ci-dessus, tel n'était pas le cas en l'espèce.
58 En deuxième lieu, il ne saurait être admis, comme le soutient la Commission, qu'il n'était pas nécessaire que la décision d'ouverture mentionne le financement au moyen de ressources provenant du budget général du Land de Bavière. À cet égard, il y a lieu de constater que, conformément à l'article 6, paragraphe 1, du règlement no 659/1999, " la décision d'ouvrir la procédure formelle d'examen récapitule les éléments pertinents de fait et de droit ".
59 Conformément à la jurisprudence citée au point 44 ci-dessus, même si la Commission n'est pas tenue de présenter une analyse aboutie à l'égard de l'aide en cause, il est nécessaire qu'elle définisse suffisamment le cadre de son examen afin de ne pas vider de son sens le droit des intéressés de présenter leurs observations.
60 En troisième lieu, la Commission n'est pas non plus fondée à soutenir que la provenance des ressources d'État est dénuée de pertinence dès lors qu'elles seraient destinées, en tout état de cause, à financer la même mesure d'aide.
61 D'une part, accepter un tel argument viderait de sa substance l'obligation à la charge de la Commission d'identifier les " éléments pertinents de fait et de droit " au sens de l'article 6, paragraphe 1, du règlement no 659/1999.
62 Dans ce contexte, force est de relever que l'article 107, paragraphe 1, TFUE utilise le terme " ressources d'État " dans un sens très large, puisqu'il prévoit l'incompatibilité avec le marché intérieur des aides accordées au moyen de ces ressources " sous quelque forme que ce soit ". Par conséquent, ces ressources peuvent revêtir des formes diverses et partant, la Commission est tenue de les identifier et de les analyser avec soin, étant ajouté que les ressources étatiques sont un des éléments constitutifs de la qualification d'aide. À cet égard, l'expression " soutien financier " employée par la Commission dans la décision d'ouverture, à supposer même qu'elle puisse être interprétée comme visant les deux sources de financement, doit être considérée comme étant insuffisamment précise.
63 Certes, conformément à la jurisprudence citée au point 45 ci-dessus, la décision finale peut présenter certaines divergences avec la décision d'ouverture, notamment à la suite des arguments présentés par les parties en réponse de la décision d'ouverture, sans que ces divergences vicient pour autant la décision finale (voir, en ce sens, arrêt du 16 décembre 2010, Pays-Bas et NOS/Commission, T 231/06 et T 237/06, EU:T:2010:525, points 48 et 49). Toutefois, une telle divergence n'est pas justifiée en l'espèce. Comme le reconnaît la Commission, celle-ci a été informée par l'État membre du financement au moyen des ressources du budget général du Land de Bavière déjà bien avant l'adoption de la décision d'ouverture. Partant, lors de l'adoption de la décision d'ouverture, la Commission disposait déjà des informations lui permettant d'identifier le budget général du Land de Bavière en tant que source de financement de l'aide litigieuse. En outre, la Commission n'allègue pas que la référence au budget général du Land de Bavière dans la décision attaquée résulte de la prise en compte d'éléments fournis en réponse à la décision d'ouverture.
64 D'autre part, comme cela est indiqué au point 17 ci-dessus, la Commission a invoqué, au considérant 145 de la décision attaquée, le financement de l'aide par des ressources du budget général du Land de Bavière afin d'appuyer son raisonnement. En outre, aux considérants 170 et 173 de la décision attaquée, la Commission a explicitement précisé que, à la différence de celle octroyée dans le Bade-Wurtemberg, l'aide en Bavière avait été accordée non seulement au moyen du financement du prélèvement sur le lait, mais aussi au moyen du budget général de ce dernier. Dès lors, la Commission a ainsi reconnu que le financement au moyen des ressources du budget général du Land de Bavière n'était pas un élément dénué de pertinence dans son analyse.
65 À la lumière de ce qui précède, force est de constater que la décision attaquée a été prise sans donner la possibilité aux parties intéressées de prendre position sur le financement provenant des ressources du budget général du Land de Bavière.
66 Par conséquent, il y a lieu de conclure que la décision attaquée a été adoptée en violation du droit des requérants d'être associés à la procédure administrative et, partant, de l'article 108, paragraphe 2, TFUE et de l'article 6, paragraphe 1, du règlement no 659/1999.
67 Dans ce contexte, il y a lieu de relever que l'obligation à la charge de la Commission de mettre les intéressés, au stade de la décision d'ouverture, en mesure de présenter leurs observations revêt le caractère d'une formalité substantielle (arrêt du 11 décembre 2008, Commission/Freistaat Sachsen, C 334/07, EU:C:2008:709, point 55), dont la violation entraîne des conséquences, telles que l'annulation de l'acte vicié, indépendamment de la question de savoir si cette violation a causé un préjudice à celui qui l'invoque ou si la procédure administrative aurait pu aboutir à un résultat différent (voir, en ce sens, arrêt du 8 septembre 2016, Goldfish e.a./Commission, T 54/14, EU:T:2016:455, point 47).
68 Il s'ensuit que la violation, par la Commission, du droit des requérants d'être associés à la procédure administrative suffit à accueillir le présent moyen.
69 À titre surabondant, il ne saurait être exclu que, en l'absence de l'irrégularité constatée, c'est-à-dire si les requérants avaient eu effectivement la possibilité dans le cadre de la procédure formelle d'examen de présenter leurs observations sur le financement au moyen du budget général du Land de Bavière, la procédure aurait pu aboutir à un résultat différent (voir, en ce sens, arrêt du 22 février 2006, Le Levant 001 e.a./Commission, T 34/02, EU:T:2006:59, point 95).
70 Tout d'abord, les requérants font valoir que les analyses financées par le budget général du Land de Bavière ne relèvent pas des tests obligatoires financés par le prélèvement sur le lait. La Commission soutient que cet argument est erroné et que le financement par le budget général du Land de Bavière a servi au financement des mêmes objectifs que ceux visés par le financement au moyen du prélèvement sur le lait. Il ressort clairement de ce débat entre les parties que la destination du financement au moyen du budget général du Land de Bavière revêt une certaine importance en ce qui concerne au moins l'analyse de la pertinence de ce financement au regard de l'aide litigieuse.
71 Ensuite, la Commission, en reprochant aux requérants le caractère nouveau de l'argument selon lequel le financement des tests de la qualité du lait au moyen des ressources du budget général du Land de Bavière repose sur une base juridique différente de celle relative au financement au moyen du prélèvement sur le lait, confirme l'incidence concrète de l'absence de mention, dans la décision d'ouverture, du financement à partir des ressources budgétaires du Land de Bavière.
72 Enfin, il ressort des points 16 à 19 ci-dessus que la décision attaquée ne présente pas d'analyse distincte au regard de chacun des deux modes de financement. En effet, dans cette décision, la Commission soit a mené une analyse sans référence au mode de financement concerné, soit a transposé son raisonnement sur le financement au moyen du prélèvement sur le lait à celui au moyen du budget général du Land de Bavière. Dès lors, il n'est pas exclu que des arguments relatifs au financement au moyen du budget général du Land de Bavière, tels que ceux exposés aux points 70 et 71 ci-dessus, s'ils avaient été présentés au cours de la procédure formelle d'examen, auraient pu conduire à un résultat différent.
73 Par conséquent, il y a lieu d'accueillir le premier moyen.
74 Cela étant, il convient d'examiner dans quelle mesure la décision attaquée doit être annulée compte tenu du fait que le premier moyen porte sur la violation du droit des requérants d'être associés à la procédure administrative en ce qui concerne plus particulièrement le financement de l'aide au moyen du budget général du Land de Bavière.
75 Il convient de relever que, conformément à la jurisprudence constante, l'annulation partielle d'un acte de l'Union européenne n'est possible que pour autant que les éléments dont l'annulation est demandée soient séparables du reste de l'acte. Il n'est pas satisfait à cette exigence de séparabilité lorsque l'annulation partielle d'un acte aurait pour effet de modifier la substance de celui-ci (arrêt du 3 avril 2014, Commission/Pays-Bas et ING Groep, C 224/12 P, EU:C:2014:213, point 57, et ordonnance du 11 décembre 2014, Carbunión/Conseil, C 99/14 P, non publiée, EU:C:2014:2446, point 26).
76 À cet égard, la Cour a jugé que la question de savoir si le montant initial d'une aide devait être actualisé par application d'un taux d'intérêt simple ou par un taux d'intérêt composé était séparable du montant initial de l'aide et n'influait pas sur la constatation du fait que celle-ci était incompatible avec le marché intérieur. De plus, la Cour a observé que le dispositif de la décision en cause distinguait lui-même, à l'article 1er de celle-ci, entre le montant initial de l'aide en question et le montant actualisé (arrêt du 11 décembre 2008, Commission/Département du Loiret, C 295/07 P, EU:C:2008:707, points 107 et 108).
77 En revanche, le Tribunal a considéré que les critères qui conditionnaient l'autorisation temporaire de verser une aide n'étaient pas détachables du reste de l'acte attaqué (voir, en ce sens, ordonnance du 10 décembre 2013, Carbunión/Conseil, T 176/11, non publiée, EU:T:2013:686, points 33 à 36).
78 En outre, la Cour a considéré qu'une modification des conditions de remboursement d'un apport en capital représentant un avantage supplémentaire n'était pas détachable de l'acte contesté étant donné que cet élément faisait partie intégrante de l'appréciation de la Commission lorsqu'elle s'était prononcée sur la compatibilité de l'aide (voir, en ce sens, arrêt du 3 avril 2014, Commission/Pays-Bas et ING Groep, C 224/12 P, EU:C:2014:213, points 59 à 63).
79 Il en découle qu'une annulation partielle ne se présume pas et qu'elle n'est possible qu'à la condition qu'il soit certain que cette annulation n'aura pas pour effet de modifier la substance de l'acte attaqué.
80 En l'espèce, force est de constater que, comme cela est indiqué au point 72 ci-dessus, la décision attaquée ne contient pas d'analyse distincte en fonction des modes de financement, d'autant plus que la Commission soutient, comme cela est indiqué au point 60 ci-dessus, que, même si l'aide en cause est alimentée par deux sources de financement, il s'agit d'une seule et unique mesure. Cette constatation est confirmée par le fait que, à la différence des faits en cause dans l'affaire ayant donné lieu à l'arrêt cité au point 76 ci-dessus, l'article 1er de la décision attaquée, qui constate l'incompatibilité de l'aide litigieuse avec le marché intérieur, ne spécifie pas le moyen précis par lequel cette dernière est financée. En outre, dans les articles 2 à 4 de la décision attaquée, relatifs à la récupération de l'aide, aucune distinction n'est établie entre les deux types de financement.
81 Par conséquent, en l'espèce, compte tenu du contenu et de la structure de la décision attaquée, il est impossible de détacher, à la lecture de celle-ci, les considérations relatives au financement au moyen du budget général du Land de Bavière du reste de cette décision. Partant, la condition posée au point 79 ci-dessus n'étant pas remplie, l'annulation partielle de la décision attaquée, limitée au financement par le budget général du Land de Bavière, ne peut pas être prononcée.
82 De surcroît, il y a lieu de rappeler que, dans le cadre du contrôle que les juridictions de l'Union exercent sur les appréciations économiques complexes faites par la Commission dans le domaine des aides d'État, il n'appartient pas au juge de l'Union de substituer son appréciation économique à celle de la Commission (arrêt du 20 septembre 2017, Commission/Frucona Koice, C 300/16 P, EU:C:2017:706, point 63 ; voir également, en ce sens, arrêt du 9 mars 2017, Ellinikos Chrysos/Commission, C 100/16 P, EU:C:2017:194, point 20).
83 Partant, en l'espèce, il n'appartient pas au Tribunal de reconstituer le raisonnement de la Commission afin de déceler l'incidence du financement au moyen du budget général du Land de Bavière sur l'examen de l'aide litigieuse dans la décision attaquée.
84 Au vu de ce qui précède, il y a lieu d'accueillir le recours sur le fondement du premier moyen.
85 Il s'ensuit qu'il y a lieu d'annuler l'article 1er de la décision attaquée dans la mesure où il concerne l'aide accordée en Bavière.
86 Il en va de même en ce qui concerne les articles 2 à 4 de cette décision, dont l'annulation est également demandée par le requérant, dans la mesure où la récupération de l'aide qui y est prévue est une conséquence directe de l'article 1er. Cela découle également du libellé de l'article 14, paragraphe 1, du règlement no 659/1999, qui prévoit que, en cas de " décision négative concernant une aide illégale, la Commission décide que l'État membre concerné prend toutes les mesures nécessaires pour récupérer l'aide auprès de son bénéficiaire ".
87 Par conséquent, les articles 1er à 4 de la décision attaquée doivent être annulés dans la mesure où ils concernent l'aide accordée en Bavière, sans qu'il soit nécessaire de se prononcer sur les autres moyens invoqués par les requérants.
Sur les dépens
88 Aux termes de l'article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. La Commission ayant succombé, il y a lieu de la condamner à supporter ses propres dépens ainsi que ceux exposés par les requérants, conformément aux conclusions de ces derniers.
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL (quatrième chambre)
déclare et arrête :
1) Les articles 1er à 4 de la décision (UE) 2015/2432 de la Commission, du 18 septembre 2015, sur l'aide d'État SA.35484 (2013/C) [ex SA.35484 (2012/NN)] octroyée par la République fédérale d'Allemagne pour les tests de qualité du lait dans le cadre de la loi sur le lait et les matières grasses sont annulés dans la mesure où il y est décidé que l'octroi par la République fédérale d'Allemagne d'une aide d'État est incompatible avec le marché intérieur en ce qui concerne les tests de qualité du lait effectués en Bavière et ordonné de procéder à la récupération de cette aide.
2) La Commission européenne supportera, outre ses propres dépens, ceux exposés par Interessengemeinschaft privater Milchverarbeiter Bayerns eV, par Genossenschaftsverband Bayern eV et par Verband der Bayerischen Privaten Milchwirtschaft eV.
Kanninen Calvo-Sotelo Ibáñez-Martín Reine
Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 12 décembre 2018.
Signatures