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Décisions

CA Paris, Pôle 2 ch. 2, 20 décembre 2018, n° 17-00144

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Bayerische Motoren Werke (BMW)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Poinseaux

Conseillers :

Mmes Lefevre, Bou

Avocat :

Seleurl Boissiere P.

TGI Créteil, du 16 nov. 2016

16 novembre 2016

Le 25 mars 2012, M. Franck L. a vendu à Mme Emilie L. épouse Y., un véhicule automobile de marque BMW, modèle 120 D, immatriculé AF-301-MF, présentant un kilométrage de 41 154 km, moyennant le prix de 18 500 euros.

Faisant valoir qu'une panne est survenue quatre jours après l'achat, que le devis de réparation s'élève à 7 870,69 euros et se prévalant d'expertises amiables réalisées, les 7 et 12 juin 2012 par les cabinets Bitterois et Aude auto expertise, mandatés par les assureurs de protection juridique de l'acquéreur et du vendeur, Mme L. a, par acte extra-judiciaire en date du 22 octobre 2012, fait assigner M. L. en référé expertise. Les opérations d'expertise confiées à M. S. désigné par une ordonnance du juge des référés du tribunal de grande instance de Créteil en date du 6 décembre 2012, ont été rendues communes à la société de droit allemand Bayerische Motoren Werke (ci-après BMW), assignée en intervention forcée par M. L., le 5 juillet 2013. L'expert a déposé son rapport le 11 février 2014.

L'instance au fond a été introduite devant le tribunal de grande instance de Créteil par une assignation en date du 26 mars 2014 délivrée, à la requête de Mme L., à M. L. qui, le 11 juillet 2014, a fait assigner en intervention forcée la société BMW. Ces procédures ont été jointes.

Par jugement en date du 16 novembre 2016, le tribunal a, sous le bénéfice de l'exécution provisoire :

- déclaré irrecevables l'action directe intentée par Mme L. à l'encontre de la société BMW ainsi que l'action en résolution de la vente initiale du 22 mai 2007 intentée par M. L. à l'encontre de cette société ;

- déclaré recevable l'appel en garantie de la société BMW par M. L. ;

- prononcé la résolution pour vices cachés de la vente du véhicule immatriculé AF-301-MF intervenue le 25 mars 2012 et condamné M. L. à payer à Mme L. la somme de 18 500 euros avec intérêts au taux légal à compter du 26 mars 2014 et aux dépens de l'instance principale, le conseil de celle-ci étant autorisé à recouvrer directement ceux dont il a fait l'avance ;

- condamné M. L. à payer à Mme L. la somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné la société BMW à garantir M. L. de toutes les condamnations prononcées à son encontre, en ce compris les frais irrépétibles et les dépens intégrant tous éventuels

frais d'expertise et en conséquence,

- condamné la société BMW à payer à M. L. la somme de 18 500 euros avec intérêts au taux légal à compter du 26 mars 2014 ;

- dit qu'il appartiendra à la société BMW, à ses frais et à ses risques et périls, de reprendre

possession du véhicule BMW sus-mentionné, stationné au 7 Lot Al Mouli à Saint-Nazaire d'Aude (11120), dans le délai d'un mois à compter de la restitution du prix de vente à Mme Emilie L., soit directement par la société BMW comme suggéré infra, soit par M. L. ce dont il devra lui être préalablement justifié avant toute reprise du véhicule, dans ce dernier cas ;

- condamné la société BMW à payer à M. L. la somme de 1 500 euros avec intérêts au taux légal à compter du 26 mars 2014 au titre de la garantie couvrant l'indemnité allouée à Mme L. sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et indiqué que, si bon semble aux parties, il serait sans doute opportun que la société BMW verse directement les sommes de 18 500 euros et 1 500 euros au titre de la restitution du prix et de l'article 700, dont elle est débitrice finale, entre les mains de Mme L., à charge pour elle d'en justifier à M. L. ;

- condamné la société BMW aux dépens de l'instance dans le litige qui l'oppose à M. L., en ce compris les frais d'expertise ;

- condamné la société BMW à payer à M. L. une indemnité de procédure de 1 500 euros, cette somme devant lui revenir et se distinguant de la garantie de même montant couvrant l'indemnité allouée à Mme L. ;

- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

La société BMW a relevé appel, le 27 décembre 2016 et aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique, le 1er août 2018, elle demande à la cour, au visa de l'article L. 110-4 du code de commerce, de la loi du 17 juin 2008, des articles 1641 et suivants et 1382 du code civil de réformer le jugement entrepris, et statuant à nouveau, sous divers considérer reprenant ses moyens, de déclarer irrecevables l'action de M. L. et celle Mme L. dirigées à son encontre et de les débouter de leurs demandes.

A titre subsidiaire, elle demande à la cour de les débouter de leurs demandes au constat que l'action en garantie légale des vices cachés a été engagée par Mme L. plus de 2 ans après qu'elle ait eu connaissance du prétendu vice, dont la preuve n'est par rapportée, l'expert judiciaire ne s'étant pas prononcé sur la cause de la panne.

A titre infiniment subsidiaire, dans l'hypothèse d'une résolution de la vente, elle sollicite de la cour, prenant en compte la dépréciation du véhicule (évaluée à 10 000 euros), ordonnant sa compensation avec la restitution du prix et, constatant que les demandes de dommages et intérêts ne sont pas justifiées et que les intimés sont assistés par leur assureur protection juridique respectif, qu'elle les déboute de leurs demandes.

Encore plus subsidiairement, au constat que M. L. ne peut pas solliciter la résolution de la vente initiale à laquelle il n'est pas partie, qu'il ne peut solliciter une somme supérieure à celle réclamée par l'acquéreur final, sauf à concourir à un enrichissement sans cause et qu'il a pu utiliser le véhicule sans connaître le moindre souci de fonctionnement, elle prie la cour de débouter M. L. de sa demande de résolution de la première vente de sa demande en paiement de la somme de 26 500 euros et de ses autres demandes et Mme L. de ses demandes ;

En tout état de cause, elle réclame la condamnation de tout succombant en paiement d'une indemnité de procédure de 4 000 euros et aux dépens.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique, le 24 mars 2017, Mme L. demande à la cour, au visa des articles 1641 et suivants du code civil, de débouter la société BMW et M. L. de toutes leurs demandes dirigées à son encontre et de confirmer le jugement entrepris dans ses dispositions la concernant.

Subsidiairement, si la cour mettait hors de cause la société BMW, elle réclame la condamnation de M. L. à lui payer la somme complémentaire de 611,75 euros au titre du préjudice matériel et celle de 3 600 euros en réparation du préjudice résultant de la privation de jouissance du véhicule.

Et y ajoutant, elle demande à la cour de dire que les dépens incluront ceux de la procédure de référé et les honoraires payés à l'expert judiciaire et de condamner solidairement M. L. et la société BMW, ou l'un à défaut de l'autre, à venir reprendre à leurs frais le véhicule se trouvant actuellement 7 lot Al Mouli à Saint Nazaire d'Aude, et ce dans le mois de la signification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 150 euros par jour de retard passé ledit délai ainsi que de condamner les mêmes ou l'un à défaut de l'autre, au paiement d'une indemnité de procédure, en cause d'appel, de 4 000 euros et aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique, le 24 mars 2017, M. L. soutient, au visa des articles 1641 et suivants du code civil, la confirmation du jugement déféré et le débouté des demandes de la société BMW et, par conséquent, il demande à la cour de juger la société BMW responsable des vices cachés affectant le véhicule immatriculé AF 301 MF, de prononcer la résolution de la vente initiale conclue entre les sociétés BMW AG et BMW Munich et de condamner la société appelante à restituer le prix qu'il a réglé le 28 octobre 2009, soit la somme de 26 500 euros, contre restitution du véhicule, de dire que le véhicule sera repris directement et à ses frais par la société BMW, de débouter Mme L. des demandes à son encontre, de dire que la société BMW lui doit sa garantie et de la condamner à lui rembourser les frais engagés pour procéder à la résolution de la vente dont notamment les frais de duplicata de carte grise. En dernier lieu, il sollicite la condamnation de la société BMW au paiement de la somme de 3 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens comprenant les frais d'expertise.

La clôture est intervenue le 7 novembre 2018.

Sur ce, la cour,

Considérant au préalable que Mme L. soutient la confirmation du jugement déféré dans ses dispositions la concernant et que M. L. n'a pas régularisé d'appel incident à l'encontre des condamnations prononcées à son encontre au profit de Mme L. ; que la cour doit, en conséquence, confirmer le jugement déféré tant en ce qu'il déclare irrecevable l'action engagée par Mme L. à l'encontre de la société BMW et qu'en ce qu'il prononce la résolution de la vente du 25 mars 2012 et ordonne à M. L. de restituer le prix ;

Considérant que la société BMW rappelle qu'elle est le constructeur et qu'elle a vendu le véhicule, acquis ensuite par M. L., à l'un de ces concessionnaires, le 22 mai 2007, soit plus de cinq années avant sa revente à Mme L. ; qu'elle fait valoir que l'expert judiciaire a, avant même sa mise en cause, procédé au démontage du moteur et a retenu que l'incident a été causé par un défaut de serrage d'une vis de tête de bielle, chose imputable au constructeur, ce qu'elle conteste ; qu'elle insiste sur ce démontage avant son intervention forcée, sur l'absence de mesure conservatoire, les pièces démontées ayant été conservées pêle-mêle dans un carton remis au conjoint de Mme L., ainsi que sur l'impossibilité de retracer l'historique complet des entretiens et interventions effectués sur le véhicule ;

Qu'elle retient que, selon la jurisprudence la plus récente de la Cour de cassation, l'action en garantie des vices cachés est enfermée dans le délai de prescription de droit commun dont le point de départ se situe à la date de la première vente du véhicule, qu'elle en déduit que toute action à son encontre est prescrite, comme acquise au 20 juin 2013 avant qu'elle soit attraite dans la cause, eu égard à une assignation délivrée le 5 juillet 2013 ;

Que M. L. dit exercer une action récursoire en garantie des vices cachés, et que son action, dont le point de départ est la découverte du vice, pouvait être exercée dans le délai butoir de vingt ans à compter du jour de la naissance du droit, prévu à l'article 2232 du code civil ; que Mme L. soutient également la recevabilité de cette action ;

Considérant que M. L. recherche la garantie des vices cachés due par la société BMW au titre de la vente conclue le 22 mai 2007 entre cette société et son concessionnaire ; que cette vente entre commerçant est soumise aux dispositions de L'article L. 110-4 du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi du 17 juin 2008, qui prévoit que les obligations nées à l'occasion de leur commerce entre commerçants ou entre commerçants et non commerçants se prescrivent par dix ans si elles ne sont pas soumises à des prescriptions spéciales plus courtes, la loi précitée ayant réduit le délai de dix ans à cinq ans ;

Que selon l'article 26 II de ladite loi, les dispositions réduisant la durée de la prescription s'appliquent aux prescriptions en cours à compter du jour de l'entrée en vigueur de la loi nouvelle sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure ;

Qu'il est de principe que le délai de l'action en garantie des vices cachés prévu à l'article 1648 du code civil alinéa premier du code civil, qui a pour point de départ la découverte du vice, ne peut courir qu'à l'intérieur du délai de prescription éteignant l'obligation résultant de l'article L. 110-4 susvisé ;

Que le point de départ de ce dernier délai est le jour de la vente, s'agissant du jour de la naissance de l'obligation de la garantie légale pesant sur le vendeur ;

Qu'en l'espèce, le véhicule acquis par Mme L., le 25 mai 2012 a fait l'objet d'une première vente, le 22 mai 2007 et conformément aux textes précités, l'action en garantie pouvant être exercée contre le vendeur initial est prescrite depuis le 19 juin 2013, soit avant l'assignation délivrée à la société BMW à la requête de M. L., le 5 juillet 2013 ;

Que cette prescription de l'obligation de garantie est opposable aux sous-acquéreurs, l'action récursoire contre le vendeur initial ne pouvant leur offrir plus de droits que ceux détenus par le premier acquéreur ;

Qu'en conséquence, l'action récursoire en garantie des vices cachés exercée contre la société BMW est prescrite depuis le 19 juin 2013, la décision déférée devant être infirmée en ce qu'elle l'a déclarée recevable, a condamné la société BMW à garantir M. L. et sur la restitution du véhicule entre les mains du constructeur ; que la cour fixera les modalités de cette restitution entre les mains de M. L. dans les termes du dispositif ci-dessous ;

Considérant que le rejet des demandes de M. L. à l'encontre de la société BMW exclut que celle-ci supporte les dépens de première instance (incluant les frais d'expertise) et les frais irrépétibles de l'appel en garantie, que la décision déférée sera réformée sur la charge des dépens, ceux-ci, qui comprendront les dépens du référé et les frais d'expertise, devant être supportés intégralement par M. L. ; qu'elle sera infirmée en ce qu'elle condamne M. L. au paiement d'une indemnité de procédure au profit de la société BMW ;

Considérant enfin que Mme L. réclame la condamnation de M. L. au paiement de la somme de 611,75 euros au titre du préjudice matériel et de celle de 3 600 euros au titre de la privation de jouissance du véhicule ;

Que, faute de démontrer la connaissance par son vendeur du vice de la chose vendue (en l'espèce du desserrage d'une vis de tête de bielle à l'origine des désordres), condition posée par l'article 1645 (ancien) du code civil pour que l'acquéreur puisse prétendre à des dommages et intérêts ou au remboursement de frais autres que ceux occasionnés par la vente, Mme L. sera déboutée de ce chef de demande ; que la décision déférée sera confirmée sur ce point ;

Considérant que M. L., partie perdante, sera condamné aux dépens de première instance relatifs tant à l'instance principale qu'à son appel en garantie et aux dépens d'appel ; qu'il devra rembourser les frais irrépétibles des autres parties dans la limite de 2 000 euros à chacune ;

Par ces motifs LA COUR, statuant en dernier ressort, contradictoirement et publiquement par mise à disposition de la décision au greffe, Infirme le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Créteil, le 16 novembre 2006 en ce qu'il a - déclaré recevable l'appel en garantie de la société Bayerische Motoren Werke par M. L. ; - condamné la société Bayerische Motoren Werke à garantir M. L. de toutes les condamnations prononcées à son encontre, en ce compris les frais irrépétibles et les dépens intégrant tous éventuels frais d'expertise et en conséquence, a condamné la société Bayerische Motoren Werke à payer à M. L. la somme de 18 500 euros avec intérêts au taux légal à compter du 26 mars 2014 ; - dit qu'il appartiendra à la société Bayerische Motoren Werke, à ses frais et à ses risques et périls, de reprendre possession du véhicule BMW sus-mentionné, stationné au 07 Lot Al Mouli à Saint-Nazaire d'Aude (11120), dans le délai d'un mois à compter de la restitution du prix de vente à Mme Emilie L., soit directement par la société BMW comme suggéré infra, soit par M. L. ce dont il devra lui être préalablement justifié avant toute reprise du véhicule, dans ce dernier cas ; - condamné la société Bayerische Motoren Werke à payer à M. L. la somme de 1 500 euros avec intérêts au taux légal à compter du 26 mars 2014 au titre de la garantie couvrant l'indemnité allouée à Mme L. sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et indiqué que, si bon semble aux parties il serait sans doute opportun que la société BMW verse directement les sommes de 18 500 euros et 1 500 euros au titre de la restitution du prix et de l'article 700, dont elle est débitrice finale, entre les mains de Mme L., à charge pour elle d'en justifier à M. L. ; - condamné la société BMW à payer à M. L. une indemnité de procédure de 1 500 euros, cette somme devant lui revenir et se distinguant de la garantie de même montant couvrant l'indemnité allouée à Mme L. ; le réforme sur la charge des dépens de première instance et le confirme pour le surplus ; Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant : Déclare irrecevable, comme prescrite, l'action récursoire en garantie des vices cachés exercée par M. L. à l'encontre de la société Bayerische Motoren Werke ; Dit qu'il appartiendra à M. L., à ses frais et à ses risques et périls, de reprendre possession du véhicule BMW sus-mentionné, stationné au 7 Lot Al Mouli à Saint-Nazaire d'Aude (11120), dans le délai de trente jours à compter de la signification du présent jugement et passé ce délai sous astreinte de 20 euros par jour de retard pendant 90 jours et dit que passé ce délai, il sera à nouveau statué par la juridiction compétente saisie par la partie la plus diligente ; Condamne M. L. à payer à Mme L. et à la société Bayerische Motoren Werke la somme de 2 000 euros à chacune en application de l'article 700 du code de procédure civile ; Condamne M. L. aux entiers dépens de première instance (en ce compris les dépens de la procédure de référé et les frais d'expertise) et aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.