CA Colmar, 1re ch. civ. A, 16 janvier 2019, n° 16-05859
COLMAR
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Schneider Food (SAS)
Défendeur :
Au Bon Gout du Terroir (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Panetta
Conseillers :
Decottignies, Harrivelle
Avocats :
Mes Crovisier, Reynaud, Litou Wolff, Delahaie Roth
Faits procédure prétentions des parties :
La SARL Au Bon Goût du Terroir (ABGT) est distributeur de produits alimentaires principalement laitiers et d'éléments servant à l'élaboration de tartes flambées fabriquées par le GAEC ADAM, auprès de particuliers et de professionnels.
La SAS Schneider Baltic (devenue SAS Schneider Food) commercialise des produits alimentaires d'origine alsacienne auprès de professionnels sous les marques Schneider Traiteur Baltic et Dr H.
Par assignation en date du 21 mars 2014, la SARL ABGT a saisi la chambre commerciale du Tribunal de Grande Instance de Strasbourg aux fins de voir condamner la SAS SchneiderBaltic à lui payer diverses sommes au titre de factures impayées ou partiellement impayées.
Par un jugement en date du 18 novembre 2016, le Tribunal de Grande Instance de Strasbourg a condamné la SAS Schneider Baltic à payer à la SARL ABGT la somme de 2 577,93 euros augmentée des intérêts au taux de trois fois le taux légal à compter du 28 février 2014, la somme de 12 094,01 euros augmentée des intérêts au taux de trois fois le taux légal à compter du 31 octobre 2013, la somme de 80 euros au titre de l'indemnité de recouvrement, a condamné la SAS Schneider aux dépens, ainsi qu'au paiement de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile. La SAS Schneider a été déboutée de sa demande de dommages intérêts au titre de manœuvres déloyales et d'agissements parasitaires.
Le jugement est assorti de l'exécution provisoire.
Par déclaration faite au greffe en date du 15 décembre 2016, la SAS Schneider Food a interjeté appel de la décision.
La SARL Au Bon Goût du Terroir s'est constituée intimée le 6 janvier 2017.
Par une ordonnance de référé en date du 31 mai 2017, le magistrat délégataire de la Première Présidente de la Cour d'appel de Colmar a ordonné le sursis à exécution du jugement.
Par des dernières conclusions en date du 6 septembre 2018, la société Schneider Food demande à la Cour d'infirmer le jugement, de débouter la société ABGT de toutes ses prétentions, de la condamner à lui payer la somme de 170 066 euros à titre de dommages intérêts pour le préjudice occasionné par les manœuvres déloyales et les agissements parasitaires, la somme de 30 000 euros à titre de dommages intérêts pour le préjudice moral, la somme de 30 000 euros de dommages intérêts au titre du manquement à l'obligation générale de bonne foi, subsidiairement, ordonner une expertise comptable et financière destinée à arrêter le préjudice éprouvé par elle, la condamner aux dépens et à lui payer les sommes de 3 000 et 8 000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel et de première instance.
Au soutien de ses prétentions, la société Schneider Food affirme que le solde des différentes factures réclamé par l'intimée correspond à l'augmentation potestative et unilatérale des prix par la société ABGT. Elle soutient que dans le cadre d'une relation commerciale de longue date, une telle augmentation ne peut être réalisée par la seule volonté de l'une des parties, et elle affirme n'y avoir jamais consenti. Elle indique que les conditions générales de vente de l'intimée ne lui ont jamais été communiquées. Elle affirme n'avoir jamais commandé la quantité de marchandise correspondant à la facture de 12 092,01 euros.
Elle soutient que la société ABGT a commis des actes de concurrence déloyale et parasitaires en ce qu'elle a manqué aux exigences de sécurité et en participant au dénigrement auprès de ses clients. Elle indique qu'un jugement du 30 mai 2017 rendu par le Conseil de Prud'hommes de Haguenau reconnaît la violation de l'obligation de loyauté de M. W., ancien directeur commercial de l'appelante, ainsi que sa complicité avec l'intimée. Elle affirme que les agissements de concurrence déloyale lui ont causé un préjudice car ont été à l'origine de son déréférencement par des enseignes clientes de longue date. Elle soutient que la créance nouvelle dont se prévaut l'intimée est irrecevable.
Par des dernières conclusions en date du 10 septembre 2018, la société ABGT demande à la Cour de confirmer le jugement entrepris, de débouter la société Schneider Food de ses demandes, de la condamner sur appel incident à lui payer au titre de l'indemnité forfaitaire de recouvrement relative à la créance de 2 577,93 euros la somme de 2 520 euros, la somme de 40 000 euros à titre de dommages intérêts pour procédés dilatoires, résistance abusive et actes de concurrence déloyale , la condamner aux dépens et au paiement de la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
À l'appui de ses allégations, la société ABGT affirme que ses conditions générales de vente sont opposables à l'appelante au regard de leur relation d'affaires ancienne, et qu'elles précisaient que les commandes étaient facturées au tarif en vigueur au jour de la commande. Elle indique que le prix du lait a augmenté et que la société Schneider a consenti à la hausse sur certaines factures. Elle affirme que la facture du 30 septembre 2013 correspond à une commande que l'appelante a refusé de réceptionner. Elle indique ne pas avoir commis d'acte de concurrence déloyale et soutient qu'aucun engagement d'exclusivité ne la liait à la société Schneider Food. Elle affirme que la décision du Conseil de Prud'hommes ne lui est pas opposable et elle précise que la demande de dommages intérêts pour agissement déloyaux a été rejetée par le Conseil. Elle indique qu'aucune preuve de la transmission des informations détenues par M. W. n'est apportée par l'appelante. Elle soutient l'absence de lien de causalité entre les prétendues fautes et les dommages invoqués. Elle fait état d'actes de dénigrement à son encontre.
La Cour se référera à ces dernières écritures pour plus ample exposés des faits de la procédure et des prétentions de la partie.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 28 septembre 2018.
L'affaire a été appelée à l'audience du 24 octobre 2018, à laquelle les parties ont développé leur argumentation et déposé les pièces à l'appui de leurs allégations.
Motifs :
I/ Sur la demande de mise à l'écart de pièces :
La société Schneider Food (la société Schneider) sollicite que soient écartées des débats les pièces adverses n°52 à 60, 62, 64, 68 et 75. Elle avance que ces pièces seraient incomplètes et inexploitables, reposant sur des postulats mensongers ou des images dont elle conteste l'origine.
Toutefois, la société Schneider n'explique pas sur quel fondement ces pièces seraient irrecevables et ne démontre pas leur caractère déloyal, se limitant à de simples assertions non spécifiques. En conséquence, sa demande ne peut prospérer. Il est rappelé qu'une partie peut produire toute pièce loyale à l'appui de ses demandes, et qu'il appartient à la juridiction saisie d'en apprécier souverainement la valeur probatoire.
II/ Sur la demande principale en paiement des factures litigieuses :
La société Au bon goût du terroir demande à titre principal le paiement de deux sommes relatives à des factures qu'elle a adressées à la société Schneider au cours de l'année 2012.
1/ Le solde des factures n°1081545 à 1091489 :
L'intimée explique que la première somme, d'un montant de 2 577,93 euros, résulte d'une augmentation de prix de ses produits, qui a été portée sur chacune des factures qu'a réglées la société Schneider pour ses commandes passées jusqu'au 30 septembre 2012.
La société appelante réplique qu'elle n'a jamais accepté cette augmentation de prix, qu'elle qualifie de brutale et unilatérale. Elle indique que les Conditions Générales de Vente produites par son adversaire ne lui sont pas opposables, car elle n'en a jamais eu connaissance. Elle souligne qu'il n'est pas démontré qu'elle avait accepté ces conditions générales de vente, ni qu'il y ait eu un quelconque accord sur le prix.
Pour sa part, la société Au bon goût du terroir considère que ses conditions générales de vente sont bel et bien opposables à la société Schneider. Elle en déduit que la clause comprise dans ces dernières, concernant la fixation du prix par le producteur, est applicable. Elle considère que, compte tenu de l'ancienneté de la relation d'affaires entre les parties, la société Schneider avait nécessairement connaissance des conditions générales de vente. Cependant, l'ancienneté de la relation d'affaires est sans emport s'il n'est pas démontré, comme en l'espèce, que les conditions générales de vente avaient été portées à l'attention du cocontractant au cours de ces relations. Surtout, les conditions générales de vente dont entend se prévaloir la société Au bon goût du terroir sont celles de la société F.A., et sont relatives aux produits laitiers commercialisés par cette dernière. Ainsi que le fait remarquer la société Au bon goût du terroir elle même, la société F.A. n'est pas dans le litige, non plus qu'elle n'a eu de relations commerciales avec la société Schneider, ses conditions générales de vente sont donc inopposables à cette dernière.
Par ailleurs, la société Au bon goût du terroir explique que l'augmentation de prix dont elle se prévaut résulte d'une hausse technique du prix du lait, ordonnée par le gouvernement, et appliquée par l'ensemble des acteurs de la filière économique concernée. Cette affirmation est démontrée par un communiqué de presse du Ministère de l'Agriculture, daté du 26 avril 2013 et produit sous la cote n°41. Elle ajoute que s'y additionne un surcoût induit par la commande de nouveaux emballages, suite à la rupture des relations commerciales entre les parties.
De plus, elle souligne pertinemment que la société Schneider a réglé les factures précédentes, après qu'elle se soit expliquée sur cette hausse, par lettre du 12 juin 2013 (pièce n°18 partie intimée).
Ainsi, notamment, la société Schneider a réglé, sans en contester le prix qui pourtant mentionnait la hausse technique, la facture du 20 août 2013 (pièce n°49 partie intimée). Il s'en déduit que la société Schneider avait accepté le prix comprenant la hausse décidée par sa cocontractante. Elle doit dès lors être condamnée à payer le solde dû sur chacune des 63 factures produites par l'intimée. Le jugement sera confirmé en ce sens.
À titre d'appel incident, la société Au bon goût du terroir demande que lui soit allouée la somme de 2 520 euros au titre de la pénalité forfaitaire de 40 euros due pour le retard de paiement de chacune des 63 factures. Le premier juge avait écarté cette prétention au motif qu'il n'était pas justifié des factures. À hauteur de Cour, la société Au bon goût du terroir les verse aux débats. En vertu de l'article L. 446-1 du Code de commerce, cette indemnité est de droit en cas d'absence de règlement intégral de toute facture à son échéance. En conséquence, il sera fait droit à cette prétention, le jugement étant réformé de ce chef.
2/ Les factures émises le 30 septembre 2013 :
La société intimée conclut également à la confirmation du jugement en ce qu'il lui a alloué la somme de 12 092,01 euros, sur le fondement de deux factures émises le 30 septembre 2013.
Pour contester devoir ce montant, la société Schneider souligne qu'elle a refusé d'accepter la livraison des produits qui ont fait l'objet de la facturation. Elle ajoute que les factures sont dénuées de cause, n'ayant jamais été présentées lors de la 'tentative de livraison' du 30 septembre 2013.
La société Au bon goût du terroir ne nie pas que la livraison n'a pas eu lieu. Elle confirme qu'elle avait l'intention de l'effectuer mais que, devant l'opposition de sa cocontractante, constatée par un huissier, elle a dû renoncer à la livraison, selon elle prévue selon un accord entre les parties.
En effet, elle se prévaut des échanges intervenus entre les parties pour régler la fin de leurs relations commerciales, qui prévoyaient, ceci n'est pas contesté, la livraison d'un total de 150 000 pots.
L'interprétation des parties diverge sur la date de fin des relations convenue entre elles. Il ressort des correspondances versées par les deux parties que la société Schneider avait, dans un premier temps, fixé unilatéralement la rupture à la date du 30 septembre 2013 (courrier du 31 décembre 2012). La société Au bon goût du terroir avait accepté ce principe, en demandant alors à sa cocontractante quelle quantité de produit elle souhaitait se voir livrer entre le 1er mars 2013 et le 30 septembre 2013 (courrier du 14 janvier 2013). La société appelante répondait qu'elle désirait commander une quantité de 150 000 pots, à compter du 1er mars 2013 (courrier du 28 février 2013). À cela, la société intimée répliquait qu'elle prenait acte d'un engagement de commande de 150 000 pots, pour la période comprise entre le 1er mars et le 30 septembre 2013 (courrier du 11 avril 2013).
Il apparaît que, la date du 30 septembre 2013 approchant, il restait sur la quantité de 150 000 pots un solde important, en inadéquation aux quantités commandées quotidiennement par la société Schneider. La société Au bon goût du terroir a alors, par courrier du 18 septembre 2013, interrogé sa cocontractante sur la manière de procéder à la livraison du solde, précisant qu'à défaut elle en livrerait l'intégralité lors de la dernière expédition prévue le 30 septembre 2013. Suite à une réponse manifestement négative de la société Schneider, dans un courrier du 20 septembre 2013 (non produit), la société intimée réitérait son intention de livrer le solde des pots à la date convenue, selon elle, de fin des relations commerciales (courrier du 24 septembre).
La société Schneider soutient qu'elle n'avait pas à accepter cette livraison, le terme des relations contractuelles ayant, elle l'admet, été initialement fixé au 30 septembre 2013, mais ensuite modifié à la date d'écoulement du stock de 150 000 pots. Néanmoins, elle ne peut produire aucune preuve de l'accord des parties sur ce point. Elle ne montre ainsi pas avoir contesté le courrier du 11 avril 2013, par lequel la société intimée prenait acte d'un engagement de commande de 150 000 pots pour la période comprise entre le 1er mars et le 30 septembre 2013. L'appelante n'avance aucun courrier qui aurait stipulé clairement que la date du 30 septembre 2013 était annulée et remplacée par la date de l'écoulement du stock.
Son argumentation, quant à la possibilité que ces marchandises aient été ou non conditionnées ce jour du 30 septembre 2013, puis disponibles pour une autre livraison le lendemain, sont sans emport. Ses allégations relatives à de supposées manœuvres de désorganisation ne sont étayées par aucun élément.
Il résulte de cette analyse que la société ABGT pouvait, à bon droit, considérer que la quantité de 150 000 pots était livrable jusqu'au 30 septembre 2013, date convenue entre les parties pour l'arrêt des relations commerciales, et non dénoncée par la société Schneider. Elle était en conséquence fondée à livrer et facturer le solde des produits au 30 septembre 2013. La circonstance que la société Schneider ait refusé la livraison du solde ne fait pas obstacle à ce que les factures du 30 septembre 2013, relatives à une commande ferme qu'elle avait passée, soient dues. Le jugement sera donc confirmé sur ce point.
III/ Sur les demandes de dommages et intérêts formées par la société Schneider :
1/ Sur la concurrence déloyale et les actes de parasitisme :
La société Schneider prétend que son adversaire aurait commis à son encontre des actes de concurrence déloyale et de parasitisme. Elle soutient que, en lançant la commercialisation d'une gamme concurrente de garnitures pour tartes flambées, la société Au bon goût du terroir a entendu profiter des efforts et investissements consentis par la société Schneider pour créer ce marché.
L'appelante revendique tout d'abord l'antériorité de sa présence sur ce segment de marché. Cette assertion n'est cependant pas démontrée. Elle considère que le fait, pour la société Au bon goût du terroir, d'avoir commercialisé des produits similaires, au conditionnement identique, constitue une imitation destinée à créer la confusion dans l'esprit des consommateurs et à s'approprier le marché développé par elle même. Cependant, il sera rappelé que la commercialisation d'une copie servile ne constitue pas, en soi, un acte de concurrence déloyale . Doivent être démontrées des manœuvres déloyales ou une intention de créer la confusion dans l'esprit de la clientèle d'attention moyenne.
Pour démontrer les manœuvres dont elle aurait été victime, la société Schneider se prévaut principalement du débauchage de M. W., qui avait été précédemment son directeur commercial, et qui a rejoint la société Au bon goût du terroir en mai 2012. La société Schneider considère que ce débauchage est fautif et visait tant à la désorganiser qu'à détourner sa clientèle. Elle produit des éléments permettant d'attester que M. W., avant son départ volontaire de la société Schneider, avait transféré sur sa messagerie personnelle des courriels professionnels contenant des informations confidentielles, portant notamment sur sa clientèle, sur ses produits et sur les prix qu'elle pratiquait. Elle soutient que ce débauchage et ce détournement de données confidentielles étaient prémédités, et que la société concurrente a bu bénéficier de ces éléments pour se livrer à une concurrence déloyale .
La société Schneider avait assigné M. W. en résolution de la transaction conclue entre eux lors du départ de ce dernier, notamment en raison de son manquement à son obligation de loyauté. Par suite, elle se prévaut d'un jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Haguenau, le 30 mai 2017, lequel aurait, selon elle, reconnu l'existence d'une clause de non concurrence liant M. W., et constaté que ce dernier, par ses agissements, avait gravement manqué à son obligation de loyauté. L'appelante se prévaut de l'autorité de chose jugée de cette décision pour considérer comme établi le comportement fautif de M. W..
Néanmoins, il convient de rappeler que la Cour n'est pas tenue par les motifs d'une autre décision rendue par une juridiction judiciaire civile, auxquels ne s'attache aucune autorité de chose jugée. De plus, il y est question du comportement de M. W., qui n'est pas partie au litige. La juridiction prud'homale n'a en outre aucune compétence pour apprécier d'éventuels agissements de concurrence déloyale d'une société. Il ne pourra donc être tenu aucun compte des motifs du jugement prud'homal à ce titre.
À supposer établi le fait que M. W. ait, en violation de son obligation de loyauté, détourné des informations à caractère confidentiel, il importe d'établir que la société Au bon goût du terroir a participé à ce détournement, ou profité de ces informations confidentielles.
Or, cette dernière affirme à juste titre qu'aucune manœuvre délibérée de débauchage n'est démontrée par la société Schneider. Il n'est pas contesté que M. W. a quitté la société Schneider par rupture conventionnelle, le 30 janvier 2012. À ce sujet, il est relevé que cette rupture avait libéré l'intéressé de la clause de non concurrence qui l'avait précédemment lié. Pour sa part, la société Au bon goût du terroir justifie avoir publié une offre d'emploi publique, puis avoir recruté M. W. par l'entremise de l'organisme Pôle emploi. Aucun élément du dossier ne permet d'attester l'existence de contacts entre M. W. et la société Au bon goût du terroir, préalables à ce message de Pôle emploi, daté du 26 mars 2013. Il n'est dès lors pas établi que l'intimée se serait livrée à des manœuvres pour prendre l'initiative d'approcher M. W. et le débaucher fautivement.
S'agissant du détournement d'informations confidentielles, la société Schneider souligne la concomitance entre l'embauche de M. W. et le lancement de la commercialisation de la gamme pour tartes flambées du groupe société Au bon goût du terroir / F. Adam / Frères A.. Elle insiste sur l'avantage que les informations détournées par M. W. a pu apporter à son nouveau concurrent, notamment concernant les clients et les produits. Elle indique avoir par suite perdu plusieurs marchés, notamment ceux liés aux enseignes Lidl et Norma.
En réponse, la société Au bon goût du terroir indique qu'elle n'a jamais eu connaissance des informations confidentielles censément détournées par M. W.. Elle ajoute, en commentant pièce par pièce ces éléments, qu'ils ne lui auraient été d'aucune utilité commerciale.
Il convient de constater que la société Schneider ne démontre avec précision aucune utilisation des données censément détournées par la société Au bon goût du terroir. Aucune recette propre à la société Schneider ne figure parmi les courriels concernés. Quant aux conditionnements, la société Au bon goût du terroir démontre qu'ils sont classiques sur ce marché, de plus, ils sont aisément observables sans avoir recours à des informations confidentielles, étant rappelé que la copie servile n'est pas, en principe, interdite. Quant aux informations relatives à la clientèle, il n'est pas contesté que la société F.A. commercialise elle même ses produits en GSM depuis de nombreuses années, il n'est donc pas établi qu'elle ait pu profiter des informations censément détournées. Quant aux informations sur les prix, ne figure dans l'ensemble des courriels prétendument détournés qu'une seule offre de prix, celle faite par la société Schneider à la société Norma. Or, la société Schneider indique elle même que cette dernière société a renoncé, en avril 2012, a reconduire son opération commerciale consacrée aux tartes flambées. Il ne peut donc en être déduit que la société Au bon goût du terroir aurait utilisé des informations confidentielles pour capter ce client, qui n'a donc effectué aucune commande à aucun producteur.
Il ressort de l'analyse des éléments du dossier qu'une transmission fautive d'informations confidentielles, par M. W. à la société Au bon goût du terroir, n'est étayée par aucune preuve. Un emploi fautif de ces éléments n'est pas davantage attesté.
La concomitance entre l'embauche de M. W. et le lancement de la gamme de produits concurrente par la société Au bon goût du terroir n'est pas, en l'absence d'autres éléments de preuve, suffisante pour démontrer un comportement de concurrence déloyale .
Les conséquences qu'auraient, selon l'appelante, produit les actes de concurrence déloyale , apparaissent insuffisamment démontrées. La société Schneider se limite à de pures allégations pour soutenir qu'elle aurait entièrement perdu le marché Lidl, et partiellement le marché d'autres enseignes de grande distribution. Concernant la société Lidl, n'est produit qu'une pièce établie par la société Schneider elle même, en la forme d'une lettre adressée à la direction de ce distributeur. Même en admettant la réalité de cette perte de marché, rien ne démontre que cet événement n'ait pas été la conséquence du jeu normal de la concurrence. Pour le reste, la société Schneider se contente de souligner, par la production d'un article de presse, le succès commercial de la société adverse, ce qui ne saurait suffire à attester d'un détournement fautif de la clientèle.
Par ailleurs, la société Schneider forme une demande, distincte de celle portant sur la concurrence déloyale , fondée sur des actes de parasitisme. Elle estime que la société Au bon goût du terroir a cherché à se placer dans son sillage, profitant indûment de la notoriété acquise ou de ses investissements. Elle indique que ceci peut être apprécié à partir d'un ensemble d'éléments appréhendés dans leur globalité, ainsi que par un faisceau de présomptions.
Néanmoins, ainsi que le souligne à raison l'intimée, la société Schneider ne produit aucun moyen à l'appui de cette demande et n'indique pas les faits qui seraient susceptibles de constituer un faisceau de présomptions. S'agissant des éléments déjà évoqués au titre de la concurrence déloyale , ils ont été écartés et leur analyse en tant qu'ensemble global ou faisceau d'éléments n'est pas susceptible de démontrer des agissements parasitaires. Il est en outre relevé qu'outre les conditionnements des produits, qui ne relèvent d'aucune originalité particulière, aucune imitation dans l'apparence des produits n'est observable, la société AGBT commercialisant des produits clairement identifiés par des marques à l'image forte et nettement distinctive, Frères A. ou Ferme A.. Il ne peut dès lors être retenu que la société Au bon goût du terroir aurait cherché à se placer dans le sillage de la société Schneider.
Au surplus, il est précisé que la diminution des ventes de la société Schneider et le ralentissement de la progression de son chiffre d'affaires, si elles peuvent résulter du jeu normal de la concurrence, ne sont pas de nature à démontrer une concurrence déloyale du fait de la société Au bon goût du terroir, étant au surplus relevé que d'autres opérateurs étaient actifs sur ce marché.
Il résulte de l'ensemble de cette analyse qu'aucun comportement fautif n'est caractérisé à la charge de la société Au bon goût du terroir, tant sur le plan de la concurrence déloyale que du parasitisme.
Le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté la société Schneider de ces demandes.
2/ Sur le préjudice d'image :
La société Schneider argue par ailleurs qu'elle aurait subi un préjudice d'image du fait de la dégradation de la qualité des produits que lui vendait la société Au bon goût du terroir et qu'elle commercialisait ensuite.
Toutefois, l'appelante ne produit à l'appui de cette prétention que deux tableaux (pièce n°19), réalisés par elle même et sans aucune indication de source. Ces éléments, dans l'hypothèse où ils seraient admis, ne permettent de démontrer aucune faute de la société Au bon goût du terroir, étant relevé que les réclamations apparaissent peu nombreuses, et même en repli sur l'année 2012, au cours de laquelle les relations entre les parties se sont tendues.
S'agissant des analyses relatives à la présence de bactérie E. Coli, une seule, datée du 26 juillet 2012, apparaît n'avoir pas été totalement satisfaisante. La société Schneider ne communique aucun élément sur les suites de cet événement et n'explique pas en quoi ceci lui aurait porté un préjudice d'image. Aucune preuve d'une réclamation fondée sur ce motif n'est produite, de même qu'aucune connaissance du problème par le public n'est avérée. Par ailleurs, ainsi que le fait justement remarquer la société Au bon goût du terroir, le problème détecté n'apparaît pas avoir été déterminant, puisqu'aucun rappel de produit dangereux pour la santé publique n'a été ordonné.
En l'absence de démonstration d'une faute et d'un préjudice, le rejet de cette demande sera confirmé.
3/ Sur la mauvaise foi alléguée de la société Au bon goût du terroir :
L'appelante sollicite encore une somme de 30 000 euros, sur le fondement du dommage que lui aurait causé la mauvaise foi de l'intimée, qui justifie selon elle une demande distincte des précédentes. Elle indique que son ancienne cocontractante a eu un comportement fautif, tant durant la période contractuelle, qu'au moment de la rupture du 30 septembre 2013.
Elle se prévaut ainsi de la collusion entre M. W. et la société ABGT pour le détournement d'informations confidentielles. Ce moyen a déjà été examiné et écarté précédemment.
Elle allègue ensuite que la société Au bon goût du terroir se serait livrée à un abus de dépendance, profitant de sa situation d'approvisionnement délicate pour ensuite augmenter ses prix. Néanmoins, il a déjà été établi, et il n'est du reste pas contesté, que la société Schneider avait elle même décidé de l'arrêt des relations contractuelles et déterminé ses besoins en approvisionnement sur la période restant à courir, elle ne peut donc alléguer des manœuvres adverses qui auraient eu pour effet de mettre en difficulté son schéma d'approvisionnement. Quant à l'augmentation du prix, elle a, elle aussi, déjà été étudiée, aucun comportement fautif de la société Au bon goût du terroir n'ayant été retenu.
Il en va de même pour les événements survenus lors de la rupture du 30 septembre 2013, pour lesquels la Cour a retenu que la société Au bon goût du terroir, se conformant à l'accord des parties sur la fin des relations commerciales, n'avait pas commis de faute.
Au surplus, la société Schneider ne justifie nullement des préjudices économiques et d'image qu'elle prétend avoir subi à ce titre.
Le rejet de cette demande sera en conséquence confirmé.
IV/ Sur la demande de dommages et intérêts formée par la société Au bon goût du terroir :
Pour solliciter la condamnation de l'appelante à lui verser une somme de 40 000 euros à titre de dommages et intérêts, la société Au bon goût du terroir soutient qu'elle a subi un préjudice, du fait de diverses fautes commises par son ancienne cocontractante.
La société Schneider soutient en réplique que la plupart de ces demandes sont nouvelles en appel et donc irrecevables. Elle leur dénie, au fond, tout bien fondé.
L'intimée répond que ces demandes se fondent sur des éléments nouveaux apparus postérieurement au jugement entrepris, qu'elles visent aux même fins que celles soumises aux premiers juges, et qu'elles sont en conséquence recevables.
La discussion des parties sur la nouveauté des demandes à ce titre est sans objet, dès lors que les éléments nouveaux, dont se prévaut la société Au bon goût du terroir, s'analysent comme de nouveaux moyens invoqués à l'appui de son unique demande de dommages et intérêts, dont il n'est pas contesté qu'elle était déjà formée en première instance. La prohibition des nouvelles demandes prévue par l'article 564 du Code de procédure civile n'a donc pas vocation à s'appliquer, étant rappelé que l'article 563 dudit code permet aux parties de produire de nouveaux moyens, y compris comportant des fondements différents, à l'appui de la même demande.
S'agissant du comportement procédural, il n'est démontré aucun dol ou volonté de nuire de la part de la société Schneider, la défense en justice étant par principe un droit. En outre, il est à relever que la société Schneider a consigné la somme à la quelle elle a été condamnée en première instance, et que l'arrêt de l'exécution provisoire a été ordonné.
S'agissant des actes de dénigrement, l'évocation de rumeurs, uniquement attestées par une correspondance entre M. A. et un responsable commercial d'une autre société, ne saurait constituer une preuve suffisante. Les extraits de correspondances envoyées par la société Schneider à la DGCCRF ne peuvent constituer un dénigrement, ce dernier ne pouvant être caractérisé que par une communication auprès de la clientèle de la société censément visée, dans le but de l'en détourner.
S'agissant de la publicité mensongère ou trompeuse, il apparaît qu'un tel comportement, à le supposer avéré, ne serait pas de nature à causer un préjudice à la société Au bon goût du terroir. De plus, seules les autorités compétentes, notamment la DGCCRF, seraient susceptibles se prononcer en la matière. Les publicités litigieuses, qui ne visent en aucun cas la société Au bon goût du terroir, ne peuvent constituer des actes de dénigrement.
S'agissant de la vente à perte, le seul élément produit consiste en deux photographies dépourvues de tout contexte. Il n'est pas même établi que la société Schneider aurait été à l'origine de l'opération commerciale concernée. Ce moyen, insuffisamment étayé, ne peut être admis.
S'agissant des actes de parasitisme, la société Au bon goût du terroir ne produit qu'un tableau établi par elle même, qui montrerait la proximité entre les produits de la société Schneider et ceux d'autres sociétés. Ces éléments, non objectifs et non circonstanciés, sont insuffisants à démontrer des actes de parasitisme. Les allégations portant sur la commercialisation de fours ne sont, elles, étayées par aucune pièce.
S'agissant des 'liens équivoques' qu'entretiendraient M. W. et la société Schneider, la seule circonstance que le premier ait disposé des coordonnées téléphoniques d'employés de la seconde ne permet en aucun cas de déduire une collusion entre eux. Quant au courriel adressé par M. W. à une adresse " [email protected] ", qui appartiendrait à un M. C., il n'est d'aucune incidence, étant en outre relevé qu'aucun lien entre M. C. et la société Schneider, à l'époque du fait, n'est démontré.
Après examen de ces différents moyens, il convient de constater qu'aucune faute qu'aurait commise la société Schneider n'est suffisamment caractérisée.
Au surplus, il est à souligner que la société Au bon goût du terroir se limite à de simples assertions pour solliciter une somme globale de 40 000 euros, en indemnisation des différents agissements qu'elle reproche à la société Schneider, ceci sans expliciter ni démontrer à quels préjudices correspondrait cette somme. Il est rappelé que le principe d'indemnisation intégrale d'un préjudice empêche que celui ci soit évalué forfaitairement. Dès lors, il convient de retenir que la société Au bon goût du terroir n'apporte la preuve d'aucun préjudice susceptible d'être indemnisé.
Le jugement sera dès lors confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de dommages et intérêts présentée par la société Au bon goût du terroir.
V/ Sur la demande d'expertise judiciaire :
La société Schneider demande à la Cour d'ordonner une expertise judiciaire susceptible d'établir l'étendue de son préjudice, subi du fait des actes allégués de concurrence déloyale et parasitaire commis par la société Au bon goût du terroir.
Pour conclure à l'irrecevabilité de cette demande, l'appelante soutient qu'elle est nouvelle en cause d'appel.
Il convient en effet de constater que cette demande n'a été introduite qu'à hauteur de Cour, ne figurant pas dans les conclusions de la société Schneider en première instance, et n'étant pas évoquée par le jugement entrepris. La société Schneider se limitait à demander au premier juge de lui donner acte qu'elle ne s'opposait pas à la tenue d'une expertise judiciaire. Or la demande de donner acte n'est pas une demande juridictionnelle.
En conséquence, cette demande sera déclarée irrecevable.
VI/ Sur les demandes accessoires :
La société Schneider, succombante, sera condamnée aux dépens.
L'équité ne commande pas l'application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile tant au profit de la partie appelante que de la partie intimée.
Par ces motifs LA COUR, Confirme le jugement rendu le 18 novembre 2016, par le tribunal de grande instance de Strasbourg, sauf en ce qu'il a débouté la société Au bon goût du terroir de sa demande portant sur la somme de 2 520 euros, au titre des indemnités forfaitaires de recouvrement de factures, y ajoutant, Déboute la société Schneider Food de sa demande visant à voir écartées des débats les pièces n° 52 à 60, 62, 64, 68 et 75 produites par la société Au bon goût du terroir, Condamne la société Schneider Food à verser à la société Au bon goût du terroir, la somme de 2 520 euros au titre des indemnités forfaitaires de recouvrement de factures, Déclare irrecevable, comme étant nouvelle en cause d'appel, la demande d'expertise judiciaire formée par la société Schneider Food, Condamne la société Schneider Food aux dépens, Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, tant au profit de la partie appelante que de la partie intimée.