Cass. com., 16 janvier 2019, n° 17-21.477
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
PARTIES
Demandeur :
Edilfibro SpA (Sté)
Défendeur :
Arbre construction (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Mouillard
Rapporteur :
Mme Kass-Danno
Avocat général :
Mme Henry
Avocats :
SCP Célice, Soltner, Texidor, Périer, SCP Gatineau, Fattaccini, SCP Meier-Bourdeau, Lécuyer
LA COUR : - Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, le 17 mars 2003, la société Vallade Delage a confié la réalisation de travaux de charpente à la société Boulesteix, devenue la société Arbre construction ; que cette dernière s'est approvisionnée en plaques de couverture auprès de la société Wolseley France bois matériaux, devenue la société Bois et matériaux, laquelle s'est elle-même fournie auprès de la société de droit italien Edilfibro, fabricante ; que les plaques ont été livrées le 31 décembre 2003 ; que les 22, 24 et 29 juillet 2015, la société Vallade Delage, se plaignant d'infiltrations, a assigné en résolution de la vente, sur le fondement de la garantie des vices cachés, les sociétés Arbre construction, Bois et matériaux et Edilfibro ; que par un jugement du 24 février 2016, le tribunal, après avoir écarté les demandes dirigées contre les sociétés Bois et matériaux et Edilfibro, a condamné la société Arbre construction à payer diverses sommes à la société Vallade Delage ; que, de ce dernier chef, le jugement est devenu irrévocable par suite du désistement d'appel de la société Arbre construction, l'arrêt attaqué ne se prononçant que sur les demandes en garantie formées par cette dernière société contre les sociétés Bois et matériaux et Edilfibro ;
Sur le second moyen du pourvoi principal : - Attendu que la société Edilfibro fait grief à l'arrêt de déclarer recevable l'action directe de la société Arbre construction alors, selon le moyen, que la Convention de Vienne du 11 avril 1980 sur la vente internationale de marchandises s'applique aux contrats de vente de marchandises entre les parties ayant leur établissement dans deux Etats contractants différents ; qu'elle régit exclusivement la formation du contrat de vente et les droits et obligations qu'un tel contrat fait naître entre le vendeur et l'acheteur ; qu'il s'ensuit que lorsque la relation contractuelle entre un fabricant et un négociant de matériaux relève de cette convention, l'entrepreneur condamné à indemniser le maître de l'ouvrage ne peut exercer d'action directe à l'encontre du fabricant ; qu'en décidant que la société Arbre construction (ex société Boulesteix) pouvait agir directement contre la société Edilfibro au motif que si la Convention de Vienne du 4 avril 1980 régit exclusivement la formation du contrat de vente entre le vendeur (la société Edilfibro) et l'acheteur, cette convention n'exclut pas l'application du droit français et l'action directe d'un sous-acquéreur à l'encontre du vendeur, la cour d'appel a violé les articles 1 et 4 de la Convention de Vienne du 11 avril 1980 sur la vente internationale de marchandises ;
Mais attendu qu'il résulte de l'article 7 de la Convention de Vienne du 11 avril 1980 sur les contrats de vente internationale de marchandises que les questions concernant les matières régies par la Convention et qui ne sont pas expressément tranchées par elle sont réglées selon les principes généraux dont elle s'inspire ou, à défaut de ces principes, conformément à la loi applicable en vertu des règles du droit international privé ; qu'ayant énoncé que la Convention de Vienne régit exclusivement la formation du contrat de vente entre le vendeur et l'acheteur, la cour d'appel en a exactement déduit que la loi française, dont l'application n'a pas été contestée, qui régit l'action directe d'un sous-acquéreur contre le vendeur devait s'appliquer, de sorte que la société Arbre construction était recevable à agir directement contre la société Edilfibro ; que le moyen n'est pas fondé ;
Mais, sur le premier moyen du pourvoi principal, qui est recevable, et sur le moyen unique du pourvoi incident, réunis : - Vu les articles 1648 du Code civil et L. 110-4 du Code de commerce ; - Attendu que pour déclarer non prescrites les demandes formées par la société Arbre construction contre les sociétés Bois et matériaux et Edilfibro, l'arrêt retient que le recours de la société Arbre construction contre la société Bois et matériaux, vendeur des plaques, est fondé sur les dispositions des articles 1641 et suivants du Code civil, de sorte qu'il n'y a pas lieu d'appliquer les dispositions de l'article L. 110-4 du Code de commerce ; qu'il retient encore qu'en application de l'article 1648 du Code civil, l'action résultant des vices rédhibitoires doit être intentée par l'acquéreur dans un délai de deux ans à compter de la découverte du vice, lequel a été révélé par le rapport d'expertise déposé le 1er juin 2015, de sorte que l'action engagée par le maître de l'ouvrage en juillet 2015 n'est pas prescrite et que la demande de la société Arbre construction est recevable ; qu'il en déduit que cette dernière doit être garantie par la société Bois et matériaux ainsi que la société Edilfibro qui a fourni les plaques défectueuses ;
Qu'en statuant ainsi, alors que l'action en garantie des vices cachés, même si elle doit être exercée dans les deux ans de la découverte du vice, est aussi enfermée dans le délai de prescription prévu par l'article L. 110-4 du Code de commerce, qui court à compter de la vente initiale, ce dont il résultait que, les plaques de couverture ayant été vendues et livrées en 2003, l'action engagée par la société Vallade Delage le 29 juillet 2013, était prescrite, ce qui, peu important que la société Arbre construction se soit désistée de son appel sur ce point, interdisait de déclarer recevables ses demandes en garantie dirigées contre les sociétés Bois et matériaux et Edilfibro, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Par ces motifs : Casse et annule, sauf en ce que, confirmant le jugement, il rejette la demande de mise hors de cause de la société Bois et matériaux pour défaut de traçabilité du produit litigieux à son égard, l'arrêt rendu le 21 février 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Limoges ; remet, sur les autres points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Poitiers.