CA Douai, 3e ch., 10 janvier 2019, n° 17-03617
DOUAI
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Enedis (SA) (ès qual.)
Défendeur :
Macif , Garantie Mutuelle des Fonctionnaires (GMF Assurances) (SA), Caisse Primaire d'Assurance Maladie du Hainaut
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Château
Conseillers :
M. Pety, Mme Lamotte
Avocats :
Mes Buffetaud, Chroscik, Meignie, Playoust, Da Re
Exposé du litige, de la procédure et des prétentions des parties:
M. K. et Mme P. ont pris à bail le 7 avril 2012 un immeuble d'habitation, propriété de M. B., bien sis .... Les locataires ont assuré le bien loué auprès de la MACIF, le propriétaire ayant assuré son bien auprès de la GMF.
Un incendie a ravagé l'immeuble le 5 mars 2013, vers une heure. Les locataires se sont blessés en sautant du premier étage. Le cabinet d'expertises Degroise a été mandaté par la MACIF dès le 11 mars 2013 et a conclu à un sinistre d'origine électrique et accidentelle imputable à ERDF (désormais Enedis).
M. K. et Mme P. ont sollicité devant le juge des référés au tribunal de grande instance de Valenciennes la désignation d'un expert, ce qu'ils ont obtenu par ordonnance du 16 avril 2013 en la personne de M. Moureau. Ce dernier s'est fait assister d'un sapiteur électricien, M. B.. L'expert judiciaire a établi son rapport définitif le 11 décembre 2013. Il retient que l'origine du feu est localisée sur une des deux bornes en amont du sectionneur fusibles (matériel sous concession ERDF) sur lequel était raccordé le câble d'alimentation du réseau électrique ERDF de façade. Ce sectionneur fusibles est installé en amont du compteur et du disjoncteur sur le panneau en bois qui regroupe l'ensemble des matériels ERDF. M. Moureau retient donc la cause accidentelle du sinistre. Il signale une alimentation électrique du logement qui n'a fait l'objet d'aucun contrôle récent d'ERDF, l'emploi cumulé par les occupants sur de longues durées de récepteurs totalisant une intensité proche de la limite des 30 Ampères du disjoncteur ERDF, ce qui a sans aucun doute amplifié le mauvais contact existant au niveau d'une de deux bornes de raccordement du sectionneur fusibles sur lequel était branché le câble d'alimentation ERDF. Le point d'origine du feu est localisé sur la partie de l'installation sous concession ERDF. Le bailleur a mis à la disposition des locataires une installation électrique composée d'éléments hétéroclites successivement additionnés d'une part et d'autre part marquée par l'obsolescence sinon la vétusté. Cette installation était inapte à être sollicitée avec les appareils ménagers modernes du quotidien d'un couple.
Par actes d'huissier du 27 mai 2015, M. K., Mme P. et leur assureur, la MACIF, ont fait assigner M. B. devant le tribunal de grande instance de Valenciennes ainsi que la SA ERDF et la CPAM du Hainaut. La GMF est pour sa part intervenue volontairement à l'instance. Les demandeurs sollicitaient la mise en jeu de la responsabilité d'ERDF et du propriétaire de l'immeuble sur le fondement de l'article 1382 (depuis 1240) du Code civil ainsi que l'indemnisation de leurs préjudices, la MACIF exerçant son recours subrogatoire pour avoir indemnisé ses assurés à concurrence de 22 154,60 euros pour la réparation de leur préjudice matériel.
La société ERDF admettait sa responsabilité dans l'incendie en tant que fournisseur de produits défectueux. Elle demandait toutefois au tribunal de prononcer un partage de responsabilité par tiers entre elle, les locataires (qui ont mis en service des appareils dont le bilan total de l'intensité consommée excédait la limite contractuelle de 30 A) et le bailleur (qui a négligé d'entretenir l'installation électrique privative).
M. B. demandait pour sa part au tribunal de grande instance de débouter les locataires de leurs demandes, de déclarer ERDF responsable des préjudices causés par l'incendie à son immeuble conformément à l'ancien article 1386-1 du Code civil, de déclarer les deux locataires responsables des préjudices causés par l'incendie à l'immeuble sur le fondement de l'article 1733 du même Code, subsidiairement de répartir les responsabilités entre ERDF, les locataires et lui même dans les proportions de 45, 45 et 10 %. La GMF concluait dans les mêmes termes que son assuré sauf à solliciter d'ERDF et des locataires tenus in solidum le paiement de la somme de 127 536,20 euros correspondant à l'indemnité versée au propriétaire en réparation des préjudices causés par le sinistre. La CPAM du Hainaut réclamait à ERDF et à M. B., tenus in solidum, le remboursement de ses débours provisoires exposés pour la prise en charge de M. K. et de Mme P., outre l'indemnité forfaitaire de gestion.
Par jugement du 11 mai 2017, le tribunal de grande instance de Valenciennes a:
- déclaré ERDF entièrement responsable des préjudices causés à MM. K. et B. ainsi qu'à Mme P. par l'incendie du 5 mars 2013,
- condamné ERDF à payer à M. K. et à Mme P. une indemnité de 103 euros en réparation de leur préjudice matériel, à M. K. la somme de 3 000 euros en réparation de son préjudice moral et à Mme P. une somme de même montant,
- condamné ERDF à verser à titre provisionnel à M. K. et à Mme P. la somme de 500 euros chacun à valoir sur la réparation de leur préjudice corporel,
- condamné ERDF à payer à la MACIF la somme de 22 154,60 euros et à M. B. la somme de 10 274 euros en réparation de son préjudice matériel,
- condamné ERDF à payer à la GMF la somme de 127 536 20 euros,
- débouté M. K., Mme P., la CPAM du Hainaut et la MACIF de leurs actions en responsabilité contre M. B.,
- débouté M. B. et la GMF de leurs actions en responsabilité contre M. K. et Mme P.,
- débouté la CPAM du Hainaut de ses demandes provisionnelles au titre de ses débours provisoires,
- débouté M. B. et la GMF de leurs demandes d'indemnité de procédure,
- avant dire droit sur les préjudices corporels de M. K. et de Mme P., ordonné deux expertises médicales confiées du docteur L.,
- sursis à statuer sur la demande d'indemnité forfaitaire de gestion de l'organisme social intervenant et sur les demandes d'indemnité de procédure de M. K., de Mme P., d'ERDF et de la Macif,
- renvoyé le dossier devant le juge de la mise en état.
La société Enedis, anciennement ERDF, a interjeté appel de ce jugement. Elle demande par voie de réformation à la cour d'entériner le rapport d'expertise de M. Moureau en ce qu'il conclut à un partage de responsabilité de l'incendie. Elle demande ainsi à la juridiction du second degré de prononcer un partage de responsabilité par tiers entre elle, M. B. (propriétaire de l'immeuble) et les deux locataires, chaque partie conservant ses frais irrépétibles.
Enedis considère que le rapport d'expertise de M. Moureau est parfaitement clair en ce qu'il retient de manière cumulative plusieurs causes au sinistre:
1. L'alimentation électrique du logement n'a fait l'objet d'aucun contrôle récent d'ERDF,
2. L'emploi cumulé sur de longues périodes de récepteurs totalisant une intensité proche de la limite de 30 A du disjoncteur ERDF a sans aucun doute amplifié le mauvais contact existant au niveau
d'une des deux bornes de raccordement du sectionneur fusibles sur lequel était branché le câble d'alimentation ERDF,
3. Le bailleur a mis à la disposition du preneur une installation électrique composée, d'une part, d'équipements hétéroclites successivement additionnés et, d'autre part, marquée par l'obsolescence sinon la vétusté,
4. Enfin, cette installation était caractérisée à tout le moins par une réelle inadaptation à être installée avec les appareils ménagers modernes ou quotidiens d'un couple.
Enedis admet donc sa part de responsabilité dans l'incendie mais elle refuse d'être déclarée seule responsable du sinistre. Sur le fondement juridique, elle rappelle que, dès lors que l'origine électrique de l'incendie est acquise, ce qui n'est pas contesté, seul le régime de la responsabilité des produits défectueux (article 1245-7 nouveau du Code civil) est applicable. Enedis vise également l'article 1245-12 du même Code qui précise que 'la responsabilité du producteur peut être réduite ou supprimée, compte tenu de toutes les circonstances, lorsque le dommage est causé conjointement par un défaut du produit et par la faute de la victime ou d'une personne dont la victime est responsable'. L'abonnement souscrit par les locataires prescrivait 6kW, soit 30 Ampères en courant monophasé. L'utilisation de lampes de culture pendant une partie de la journée et de la nuit devait les amener à souscrire une puissance contractuelle supérieure. Cela a conduit à un échauffement des bornes en aval et en amont du disjoncteur. Les disjonctions répétées de celui ci montrent que l'intensité de 30 A était souvent dépassée. Le tribunal de grande instance de Valenciennes ne pouvait donc pas mettre hors de cause les deux locataires. Aucune exonération de responsabilité ne peut leur profiter au visa de l'article 1733 du Code civil, ce qui n'intéresse que le rapport bailleur locataire.
Enfin, M. B. est également responsable du sinistre selon Enedis en ce qu'il a négligé d'entreprendre des travaux de rénovation de l'installation électrique manifestement obsolète et non conforme à la norme NF C15-100 applicable aux locaux à usage d'habitation.
Les locataires, M. K. et Mme P., ainsi que la MACIF concluent à titre principal à la confirmation du jugement déféré sauf en ce qu'il a sursis à statuer sur les dépens et les demandes d'indemnités de procédure. A titre subsidiaire, ils demandent à la cour de déclarer Enedis et M. B. entièrement responsables du sinistre et de les condamner solidairement ou in solidum avec la GMF à les indemniser de leurs préjudices.
L'expert judiciaire a établi que l'installation électrique de leur logement était défectueuse et n'avait été l 'objet d'aucun contrôle récent d'ERDF. L'incendie a pris naissance au niveau du sectionneur fusibles sous concession ERDF, situé en amont du compteur et du disjoncteur privatif du logement. La responsabilité d'ERDF est clairement engagée sur le fondement des articles 1384 alinéa 2 et 1382 du Code civil. En toute hypothèse, le caractère défectueux des bornes oxydées et desserrées est aussi établi. L'usage anormal de l'installation au moment du sinistre n'est par contre aucunement démontré, rien n'établissant alors des disjonctions voire même une consommation électrique d'une intensité supérieure à 30 A. Les lampes à décharge sont en vente libre et leur puissance est de 600 W. C'est bien ce qu'a retenu le premier juge et qui doit être confirmé.
Les locataires et leur assureur entendent subsidiairement reprocher à leur bailleur, en cas de partage de responsabilité, la vétusté de l'installation électrique de leur logement loué et le défaut d'entretien qui lui est imputable, ce qui est assimilable à un vice de construction. L'installation litigieuse était composée d'éléments hétéroclites successivement additionnés, sans oublier l'obsolescence sinon la vétusté de l'ensemble. M. B. était parfaitement informé des dysfonctionnements de l'installation électrique et il s'est contenté de fournir l'adresse d'un technicien pour s'en remettre aux locataires. La remise en état de cette installation ne pouvait bien évidemment relever d'une simple intervention ponctuelle d'un électricien. Le propriétaire de l'immeuble a donc engagé sa responsabilité aux côtés d'Enedis.
M. B. et son assureur, GMF Assurances, demandent à titre principal à la cour de confirmer la décision entreprise sauf sur les dépens et l'indemnité de procédure. A titre subsidiaire, ils sollicitent que la société Enedis et les deux locataires soient déclarés responsables du sinistre, ces parties devant être déboutées de toutes leurs demandes contre le propriétaire et son assureur et condamnés in solidum à leur payer une indemnité de 10 274 euros en réparation du préjudice matériel de M. B. et 127 536,20 euros à GMF Assurances, subrogée dans les droits de M. B.. A titre infiniment subsidiaire, ils demandent à la cour de limiter à 10 % la responsabilité du propriétaire.
A tire principal, l'expert judiciaire a mis en évidence le fait que l'incendie avait pris naissance au niveau d'une des deux bornes du sectionneur fusibles détenu par ERDF désormais Enedis (oxydation des bornes et mauvais serrage de celles ci, causes de l'échauffement). L'expert, qui précise que l'alimentation électrique n'a fait l'objet d'aucun contrôle d'ERDF, ajoute que l'emploi cumulé sur de longues durées de récepteurs par les occupants a totalisé une intensité proche de la limite de 30 A du disjoncteur ERDF, ce qui a sans doute amplifié le mauvais contact existant au niveau d'une des deux bornes de raccordement du sectionneur fusibles sur lequel était branché le câble d'alimentation ERDF. C'est dire que M. Moureau n'incrimine pas l'installation électrique du logement comme à l'origine du sinistre. Le départ de l'incendie ne se situe pas dans la partie privative mais bien sur un équipement appartenant à Enedis. La responsabilité de ce dernier est donc établie tant sur le fondement de l'article 1384 alinéa 2 du Code civil qu'au visa de l'article 1386-1. La force majeure n'est pas démontrée de sorte que cette partie ne peut pas échapper à sa responsabilité. En outre Enedis, professionnel en matière électrique, n'a pas cru nécessaire d'informer le propriétaire de l'immeuble sur l'état de son installation privative. Enedis ne peut faire grief à M. B. de ne l'avoir pas alertée sur les dysfonctionnements électriques invoqués par les locataires, cette information de leur part n'étant pas justifiée du reste. Le propriétaire précise qu'il ignorait que des lampes de très haute intensité étaient utilisées dans l'immeuble pour la culture du cannabis.
Si la cour devait retenir le principe d'un partage de responsabilité, M. B. énonce que cela ne pourrait concerner que la société Enedis et les deux locataires, ces derniers ayant, par leur consommation électrique parfaitement inadaptée, contribué au sinistre en amplifiant le mauvais contact d'une des deux bornes de raccordement du sectionneur fusibles sous concession Enedis. En effet, l'intensité absorbée pouvait certains jours avoisiner les 34 Ampères alors que seulement 30 A pouvaient être distribués. Cette consommation électrique des locataires n'était donc pas conforme. Au sens de l'article 1733 du Code civil, les locataires sont présumés responsables du sinistre à moins de démontrer l'existence d'un vice de construction. Il n'est pas établi en l'occurrence que l'installation électrique, même ancienne, soit à l'origine de l'incendie. Preuve en est que la surchauffe à l'origine du sinistre est survenue non pas dans la partie privative mais sur un matériel d'ERDF. La responsabilité du propriétaire n'est donc aucunement engagée.
M. B. maintient sa demande d'indemnisation de son préjudice matériel correspondant pour 6 554 euros aux travaux de reprise de son immeuble et à la somme de 3 720 euros pour la perte locative pendant 18 mois non indemnisée totalement par son assureur, GMF Assurances.
GMF Assurances, subrogée dans les droits de son assuré, entend recouvrer contre les responsables du sinistre la somme de 127 536,20 euros (120 096,20 euros de travaux de remise en état de l'immeuble, 7 440 euros de pertes locatives et 1182,65 euros de pertes indirectes). Le jugement dont appel sera en cela confirmé. M. B. et son assureur forment une demande d'indemnisation de leurs frais irrépétibles à concurrence de 10 000 euros.
La CPAM du Hainaut demande à la cour de:
- Statuer ce que de droit sur la demande de partage de responsabilité formée par la société Enedis,
- Confirmer la décision entreprise pour le surplus,
- Renvoyer l'affaire devant le tribunal de grande instance de Valenciennes pour procéder à la liquidation des préjudices corporels de M. K. et de Mme P.,
- Déclarer irrecevable la demande de sursis à statuer formée par la société Enedis,
- Condamner la partie qui succombe à lui verser la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
L'organisme social a versé à ses assurés des prestations d'assurance sociale dont les comptes provisoires s'élèvent à 1 642,40 euros pour Mme P. et à 1183,73 euros pour M. K.. Subrogée dans les droits de ces victimes, la CPAM se trouve bien fondée à demander aux tiers responsables le remboursement de toutes les prestations et indemnités servies aux assurés sociaux conformément à l'article L. 376-1 du Code de la sécurité sociale.
L'instruction du dossier a été clôturée par ordonnance du 9 octobre 2018.
Motifs de la décision :
- Sur les responsabilités encourues :
Attendu que la lecture du rapport d'expertise établi le 24 octobre 2013 par M. Moureau enseigne que ce dernier conclut ses diligences dans les termes suivants :
de ses constatations établies contradictoirement, l'expert retient qu'à partir d'une alimentation électrique qui n'a fait l'objet d'aucun contrôle récent d'ERDF, l'installation électrique privative de la maison mise en location par le bailleur se présente comme un ensemble d'équipements hétéroclites successivement additionnés. Il convient sur ce point de se reporter aux travaux de M. B. [sapiteur] qui sont annexés au rapport ;
l'origine du feu a été localisée sur une des deux bornes amont du sectionneur fusibles (matériel sous concession ERDF) sur lequel était raccordé le câble d'alimentation issu du réseau électrique ERDF de façade. Ce sectionneur fusibles est installé en amont du compteur et du disjoncteur sur le panneau en bois qui regroupe l 'ensemble des matériels ERDF : sectionneur fusibles, compteur électromécanique et disjoncteur différentiel de branchement. Il convient sur ce point de se reporter aux travaux de M. B. ;
la cause électrique accidentelle est retenue. Ce feu est la résultante des facteurs suivants : l'alimentation électrique du logement n'a fait l'objet d'aucun contrôle récent d'ERDF. Du fait des occupants, l'emploi cumulé sur de longues durées de récepteurs totalisant une intensité proche de la limite de 30 A du disjoncteur ERDF a sans aucun doute amplifié le mauvais contact existant au niveau d'une des deux bornes de raccordement du sectionneur fusibles sur lequel était branché le câble d'alimentation ERDF ;
le point d'origine du feu est localisé sur la partie de l'installation sous concession ERDF. Il convient sur ce point de se reporter aux travaux de M. B. ;
Attendu, sur la responsabilité de la société Enedis (anciennement ERDF), qu'il est acquis au vu des constatations de l'expert judiciaire que le point de départ de l'incendie qui a gravement endommagé le 5 mars 2013 l'immeuble de M. B., donné en location du M. K. et à Mme P., se trouve dans un équipement sous concession ERDF, à savoir le sectionneur fusibles dont une des deux bornes de raccordement était défectueuse, plus précisément desserrée et corrodée, ce qui a provoqué le départ du feu, cette dégradation s'étant accentuée par la fragilité du contact liée à la nature même de l'âme en aluminium du câble ERDF, très sensible à la corrosion et aux effets de pile entre métaux différents ;
Qu'il résulte de ces constatations et conclusions tant du sapiteur que de l'expert judiciaire que le siège unique du départ de l'incendie correspond à un équipement d'ERDF situé avant même le compteur et donc l'installation électrique privative, la qualité du fluide produit par ERDF qu'est l'électricité n'étant en soi pas remise en cause de sorte que c'est à bon droit que le premier juge a retenu la responsabilité du producteur et fournisseur d'électricité sur le fondement de l'article 1384 alinéa 1 ancien du Code civil (désormais 1242), cette responsabilité du fait des choses correspondant bien à la description des installations impliquées dans la survenance du feu, la responsabilité du fait des produits défectueux ne s'appliquant pas en l'espèce dès lors que le sectionneur fusibles incriminé était sous concession ERDF au moment du sinistre et qu'il ne s'agissait pas par définition d'" un produit mis en circulation " au sens de l'article 1386-5 ancien du Code civil, le fournisseur d'énergie ne s'en étant pas dessaisi ;
Attendu que si la société Enedis (anciennement ERDF) entend voir prononcer un partage de responsabilité avec le propriétaire des lieux et les deux locataires, il doit être relevé dans le rapport du sapiteur électricien, M. B., que si ce dernier a pu constater, hormis la question du desserrage d'une des bornes du sectionneur fusibles, la vétusté de l'installation électrique dans l'immeuble incendié, il prend toutefois le soin de préciser que les travaux d'expertise n'ont mis en évidence aucun autre rapport entre la vétusté et la dangerosité de l'installation intérieure et le départ de feu, le technicien mentionnant en outre qu'il n'existe, selon lui, aucun lien direct de cause à effet entre les disjonctions répétées du disjoncteur de branchement ERDF et le départ de feu, ce disjoncteur ayant rempli son office en se déclenchant lors des surcharges liées à une consommation de puissance électrique excessive ;
Qu'il s'ensuit que si l'installation électrique privative était assurément vétuste, ni l'expert ni le sapiteur n'en tirent une quelconque conséquence péjorative quant au départ de l'incendie si bien que c'est également à raison que le tribunal de grande instance de Valenciennes a écarté toute responsabilité du propriétaire des lieux, M. B., la société Enedis ne démontrant de la part de ce dernier aucune faute en lien avec la survenance du sinistre ;
Qu'à l'égard des locataires, la société Enedis ne démontre pas davantage un comportement fautif en lien avec le sinistre, M. B. exposant que si l'intensité d'utilisation et sa durée de fonctionnement, plus importantes depuis l'installation de lampes à décharge de culture, avaient dû progressivement dégrader le mauvais contact entre le sectionneur fusibles et le câble ERDF jusqu'à provoquer le sinistre, une installation de branchement en bon état aurait accepté sans aucun dommage cette charge supplémentaire liée aux lampes, le facteur à l'origine du feu étant donc le mauvais contact mis en exergue et non l'intensité d'utilisation, même plus importante que d'ordinaire avec l'utilisation de ces lampes ;
Qu'une fois encore, c'est à bon droit que le premier juge a écarté toute responsabilité des locataires, M. K. et Mme P., dans la survenance du sinistre, la quantité de puissance électrique et l'intensité du courant requise au moment du sinistre ou peu avant n'étant absolument pas chiffrées en l'état de sorte qu'il s'avère impossible d'établir qu'elles dépassaient les normes du contrat de fourniture électrique, ce que n'a pas manqué de relever le premier juge ;
Qu'ainsi, la société Enedis (anciennement ERDF) est entièrement responsable du sinistre et de ses conséquences dommageables tant à l'égard du propriétaire de l'immeuble que des locataires qui y demeuraient, aucun partage de responsabilité n'étant justifié si bien que le jugement déféré sera confirmé de ce chef mais aussi en ce qu'il a débouté les locataires de leurs demandes dirigées contre le propriétaire des lieux et M. B. de ses prétentions dirigées contre les locataires, tant ces derniers que le propriétaire de l'immeuble concluant devant la cour à la confirmation du jugement de ces chefs, leurs prétentions relatives à la responsabilité n'étant formulées qu'à titre subsidiaire en cas de remise en cause de l'entière responsabilité d'ERDF, désormais Enedis, perspective qui n'est pas retenue par la cour ;
- Sur l'indemnisation des conséquences du sinistre :
Attendu que la société Enedis, qui a entendu quereller le jugement du tribunal de grande instance de Valenciennes du 11 mai 2017, uniquement sur la question du partage de responsabilité par tiers non retenu par le premier juge ne conteste pas par définition le chiffrage des postes indemnisés ou provisionnés, ces questions indemnitaires n'étant pas mentionnées dans le dispositif de ses écritures en cause d'appel ;
Que tant les victimes du sinistre que sont les locataires, M. K. et Mme P., et le propriétaire de l'immeuble incendié en la personne de M. B., que leurs assureurs respectifs n'ont davantage entendu discuter de ces points de sorte que la décision dont appel sera également confirmée en toutes ses dispositions liquidant le préjudice de ces parties ou fixant à leur profit des provisions dans l'attente de l'exécution de mesures d'instruction dont le principe et les missions seront aussi confirmées ;
- Sur les débours de l'organisme social :
Attendu que la CPAM du Hainaut ne remettant pas en cause la disposition du jugement dont appel par laquelle le premier juge l'a déboutée de sa demande de provision à valoir sur ses débours provisoires ni même le sursis à statuer sur sa demande d'indemnité forfaitaire de gestion, le débat sur le partage de responsabilité lui important peu puisqu'elle demandait à la cour de statuer ce que de droit sur cette question, il convient de confirmer aussi de ces chefs la décision entreprise ;
- Sur les dépens et les frais irrépétibles exposés en première instance :
Attendu que la décision entreprise sera aussi confirmée en ce qu'elle a condamné la société ERDF, désormais SA Enedis, aux dépens exposés par M. B. et la société GMF, le sursis à statuer étant prononcé sur le sort des autres dépens ;
Que l'équité commande de fixer en faveur de M. B. et de son assureur une indemnité de 2 500 euros au titre de leurs frais non répétibles exposés en première instance, la décision dont appel étant en cela infirmée ;
Que la confirmation du jugement doit être prononcée pour ce qui a trait au sursis à statuer sur les autres demandes indemnitaires articulées sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- Sur les dépens d'appel et les frais irrépétibles exposés durant l'instance devant la cour d'appel :
Attendu que l'équité commande de mettre à la charge de la SA Enedis, partie perdante qui réglera les entiers dépens d'appel, les indemnités de procédure suivantes au profit de :
M. K., Mme P. et la Macif : 2 500 euros,
M. B. et la GMF : 2 500 euros,
La CPAM du Hainaut : 1 000 euros ;
Par ces motifs, La cour, statuant publiquement et contradictoirement, Vu le rapport d'expertise du 24 octobre 2013 établi par M. Moureau, - Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions sauf celle relative à l'indemnisation des frais irrépétibles de M. B. et de la SA GMF, cette disposition étant infirmée ; Prononçant à nouveau de ce seul chef, - Condamne la SA Enedis (anciennement ERDF) à verser en première instance à M. B. et à la SA GMF une indemnité de procédure de 2 500 euros ; Y ajoutant, - Condamne la SA Enedis (anciennement ERDF) aux entiers dépens d'appel ainsi qu'à verser en cause d'appel les indemnités de procédure suivantes : à M. K., Mme P. et la MACIF : 2 500 euros, à M. B. et la SA GMF : 2 500 euros, à la CPAM du Hainaut : 1 000 euros ; - Dit que l'instance aux fins de liquidation des préjudices corporels de M. K. et de Mme P. se poursuivra devant le tribunal de grande instance de Valenciennes.