Livv
Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 16 janvier 2019, n° 16-13898

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Sabie Import-Export (EURL), Burotica Internacional Global Import-Export SLU (Sté)

Défendeur :

Riso france (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Luc

Conseillers :

Mmes Mouthon Vidilles, Comte

Avocats :

Mes Boccon Gibod, Guerini, Etevenard, Richard

T. com. Lyon, du 24 mai 2016

24 mai 2016

Faits et procédure

La société Sabie Import-Export, ci-après Sabie, de droit algérien, et la société Burotica Informatica General Export SL, ci-après Big Export, société de droit andorran, commercialisent des produits d'impression. La société Riso France, ci-après Riso, fait partie du groupe japonais Riso qui conçoit des solutions d'impression, notamment des technologies d'impression numérique, des duplicopieurs et des imprimantes.

La société Sabie a été distributeur de la société Riso France en Algérie de 1998 à 2000, puis à compter de 2008 par l'intermédiaire de Big Export.

Par courrier du 5 septembre 2013, la société Riso a informé la société Sabie de sa décision de confier l'importation de ses produits à une seule entreprise, la société algérienne BDT.

Le 9 septembre 2013, la société Sabie a demandé à la société Riso de revenir sur sa décision de rompre leur relation commerciale, et a sollicité un délai pour se désengager vis-à-vis de sa clientèle.

Par la suite, la société Riso n'a accepté que les commandes de consommables et de pièces de la société Sabie et l'a renvoyée auprès de la société BDT pour ses commandes de machines.

Par courrier du 18 novembre 2013 adressé à la société Riso, la société Sabie a pris acte de la rupture unilatérale de leurs relations commerciales.

Par acte du 27 juillet 2014, les sociétés Sabie et Big Export ont assigné devant le tribunal de commerce de Lyon la société Riso France pour rupture brutale de leurs relations commerciales établies.

Par jugement du 24 mai 2016, le tribunal de commerce de Lyon a :

- dit irrecevables les demandes principales de la société Sabie et de la société Big Export,

- condamné solidairement la société Sabie et la société Big Export au paiement de la somme de 5 000 euros à la société Riso France au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- rejeté comme non fondées tous autres demandes, moyens, fins et conclusions contraires des parties,

- condamné solidairement la société Sabie et la société Big Export aux dépens de l'instance.

Les sociétés Sabie et Big Export ont relevé appel de ce jugement par déclaration remise au greffe le 16 juin 2015.

La procédure devant la cour a été clôturée le 30 octobre 2018.

Vu les conclusions du 1er octobre 2018 par lesquelles les sociétés Sabie et Big Export, appelantes, invitent la cour, au visa de l'article L. 442-6-I-5° du Code de commerce, à :

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré irrecevables leurs demandes et les a condamnées au paiement d'une somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

en conséquence :

- débouter la société Riso France de sa fin de non-recevoir fondée sur l'article 122 du Code de procédure civile,

- dire que la loi française est applicable au présent litige et que l'action des sociétés appelantes est parfaitement recevable,

statuant à nouveau :

- constater que la société Riso France a procédé à la rupture brutale de leurs relations commerciales établies qui étaient relatives à la distribution exclusive de ses produits en Algérie,

- dire que la société Riso France aurait dû les faire bénéficier d'un préavis de 12 mois,

- dire que cette rupture brutale des relations commerciales établies leur cause un préjudice dont elles sont bien fondées à solliciter réparation, en conséquence, condamner la société Riso France à leur payer les sommes de

* 466 400 euros en réparation de la perte de marge commerciale subie sur une durée de préavis qu'il convient de fixer à 24 mois,

* 50 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du manque à gagner concernant la perte d'un marché avec la DGSN,

* 15 000 euros en réparation de l'atteinte à leur image du fait de la rupture brutale intervenue,

* 8 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- débouter la société Riso France de sa demande formulée au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamner la société Riso France aux entiers dépens, ceux d'appel distraits au profit de la Selarl Lexavoué Paris-Versailles ;

Vu les conclusions du 27 janvier 2017 par lesquelles la société Riso France, intimée ayant formé appel incident, demande à la cour, au visa des articles 3 du Code civil, L. 442-6, I, 5° du Code de commerce, 122 et 700 du Code de procédure civile, de :

I. A titre principal

- constater que la relation commerciale porte sur la distribution de produits en Algérie,

- constater que le fait générateur du dommage subi par les sociétés Sabie et Big Export s'est déroulé en France tandis que le dommage est survenu en Algérie,

- constater que les sociétés Sabie et Big Export et elles n'ont pas conclu de contrat et n'ont pas prévu de droit applicable à leur relation commerciale,

- constater que seul le marché algérien est affecté par la rupture de la relation commerciale,

- dire que la France n'est pas liée étroitement avec le fait dommageable,

- dire que le droit français n'est pas applicable au cas de l'espèce,

- dire que l'article L. 442-6 du Code de commerce ne trouve pas à s'appliquer,

- constater que toutes les demandes des appelantes sont fondées sur l'article L. 442-6 du Code de commerce,

- dire que faute d'applicabilité de l'article L. 442-6 du Code de commerce, l'action des appelantes se trouve dépourvue de tout intérêt, en conséquence, confirmer le jugement du tribunal de commerce de Lyon en toutes ses dispositions.

II. A titre subsidiaire, en cas d'application du droit français

- constater qu'elle a modifié son circuit de commercialisation sans modification des conditions tarifaires accordées à la société Sabie,

- dire qu'elle n'a pas rompu la relation commerciale qui la lie aux sociétés Sabie et Big Export, et encore moins de manière brutale,

en conséquence,

- débouter les sociétés Sabie et Big Export de l'intégralité de leurs demandes,

III. A titre infiniment subsidiaire, en cas d'application du droit français et de reconnaissance d'une rupture brutale des relations commerciales établies,

- dire que les produits Riso ne sont en aucun cas distribués sous marque distributeur par la société Sabie mais au contraire sous marque Riso,

- dire que la relation commerciale établie ne s'étend que sur la période 2008/2013,

- dire que le préavis ne saurait dépasser la durée de 3 mois,

- dire que la marge brute ne doit être prise que sur les machines et non les consommables et autres pièces détachées pour lesquels aucune modification du circuit de commercialisation n'a été opérée,

- constater que les machines représentent 75 % du chiffre d'affaires réalisé par elle avec les sociétés Sabie et Big Export,

- constater que la marge brute moyenne sur les machines réalisée sur les trois exercices complets précédant la prétendue rupture par les sociétés Sabie et Big Export s'élève à 84 119 euros,

en conséquence,

- limiter le préjudice des sociétés Sabie et Big Export à 21 029 euros de dommages et intérêts,

- débouter les sociétés Sabie et Big Export de leur demande d'indemnisation suite à la perte du marché de la DGSN,

- débouter les sociétés Sabie et Big Export de leur demande d'indemnisation au titre de l'atteinte à l'image,

en tout état de cause :

- condamner in solidum les sociétés Sabie et Big Export à lui payer la somme de 7 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile pour les frais exposés durant la procédure d'appel,

- condamner in solidum les sociétés Sabie et Big Export aux entiers dépens de l'instance dont distraction au profit de Me Etevenard en application de l'article 699 du Code de procédure civile ;

SUR CE, LA COUR,

La cour se réfère, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens échangés et des prétentions des parties, à la décision déférée et aux dernières conclusions échangées en appel.

En application de l'article 954 alinéa 2 du Code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions.

Sur la recevabilité de la demande pour défaut d'intérêt à agir

La société Riso soulève, sur le fondement de l'article 122 du Code procédure civile, l'irrecevabilité des demandes des sociétés Sabie et Big Export au motif que le droit français et l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce ne sont pas applicables.

Elle explique que l'obligation d'appliquer l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce en tant que loi de police trouve sa limite lorsque le contrat rompu porte exclusivement sur la distribution de produits sur un territoire étranger, faute de lien étroit entre l'obligation en cause et le territoire français, et qu'en l'espèce les relations commerciales, dont la rupture est reprochée par la société Sabie, portent exclusivement sur la distribution de produits en Algérie. Elle indique qu'en cas de délit complexe, il y a lieu de rechercher le pays présentant les liens les plus étroits avec le fait dommageable et qu'ici le fait générateur, à savoir la rupture, s'est produit en France tandis que le dommage s'est réalisé en Algérie, pays où' la société Sabie a son siège social, que la livraison était fixée à Alger en Algérie, pays où sont distribués ses produits et dans lequel est implantée la société Sabie, qui est le pays présentant les liens les plus étroits avec le fait dommageable. Elle relève que l'objectif du législateur français et européen lorsqu'il a introduit l'article L. 442-6 I 5° dans le Code de commerce et l'article 6 au règlement Rome II est d'éradiquer du marché français certaines pratiques restrictives de concurrence telles que la rupture brutale des relations commerciales établies, de sorte que cet article ne s'applique pas lorsque le marché français n'est pas affecté. Elle précise que le marché affecté ou susceptible de l'être est le marché algérien et non le marché français, car c'est sur ce territoire étranger que les machines vont être vendues, livrées, distribuées et utilisées.

Elle excipe que l'article 4 du Règlement Rome II qui stipule que la loi applicable à une obligation non contractuelle résultant d'un acte restreignant la concurrence est celle du pays dans lequel le marché est affecté ou est susceptible de l'être, ne peut trouver application en l'espèce puisqu'il ne s'applique qu'entre Etats membres de l'Union européenne, alors que le présent litige concerne une société française et une société algérienne, que si aucun contrat n'a été signé, cependant, sa volonté a toujours été de soumettre tous les litiges existants avec ses clients au droit français, que les marchandises étaient livrées à Marseille et ensuite acheminées en Algérie par le transitaire habituel de la société Sabie à savoir la Générale de Transit dont le siège est à Marseille.

Les sociétés Sabie et Big Export répondent que le fondement juridique de la demande formulée par la société Riso France au visa de l'article 122 du Code de procédure civile est erroné. Elles indiquent qu'il s'agit de déterminer si le présent litige est soumis ou non à la loi française et quel est le tribunal compétent pour connaître d'une telle action, et non d'un défaut de qualité ou d'intérêt. Elles soulignent que la société Riso France reconnaît l'existence d'un contrat de distributeur officiel Riso pour l'importation et la distribution de la marque Riso sur le territoire de l'Algérie, même si celui-ci est verbal, par l'attestation établie le 16 mai 2012 par M. X, directeur des ventes de la société Riso France. Elles expliquent que la nature délictuelle de l'action fondée sur l'article L. 442-6, I, 5° du Code commerce implique que la loi applicable est la loi du lieu de réalisation du dommage, et plus précisément la loi du pays présentant les liens les plus étroits avec le fait dommageable, alors que la société Riso France a son siège social en France et que le fait générateur du dommage se situe en France puisque les courriers de rupture émanent du siège social de la société Riso France, situé à Lyon.

Elles font valoir que la volonté des parties était de soumettre les relations commerciales à la loi française :

- les conditions générales de vente figurant au verso des factures de Riso France stipulent une clause attributive de compétence au profit du tribunal de commerce de Lyon, afin de soutenir que celle-ci est opposable aux parties et non stipulée au seul profit de la société Riso France,

- un projet de contrat de distribution qui devait être régularisé entre les parties et qui n'a jamais été signé, stipulait que " la loi française sera seule compétente pour suppléer la volonté contractuelle non exprimée, et ce quel que soit le lieu d'exécution du contrat ",

- un contrat de distribution que la société Riso avait régularisé en 2007 avec la société SBGI dont le siège est à Alger et dont l'activité se déroulait exclusivement en Algérie stipulait que " le présent contrat ainsi que tous les litiges pouvant survenir et relatifs à son existence, son interprétation ou son exécution seront soumis à la loi française et réglés conformément au droit français ".

Aux termes de l'article 122 du Code de procédure civile, " Constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée ".

Les griefs invoqués par la société Rico pour soutenir que les demandes des appelantes sont irrecevables pour défaut d'intérêt à agir sont des motifs impropres, en ce que la détermination de la loi applicable et du bien-fondé à agir au regard du droit qui est invoqué n'est pas une fin de non-recevoir mais une question de fond.

Le jugement doit donc être infirmé pour avoir déclaré les demandes des sociétés Sabie et Big Export irrecevables aux motifs que la loi algérienne était applicable et que le droit algérien ne prohibe pas la brutalité d'une rupture de relations commerciales établies.

Statuant à nouveau, il y a lieu de déclarer les demandes des sociétés Sabie et Big Export recevables.

Sur la loi applicable

Le litige oppose, d'une part deux sociétés qui ne sont pas domiciliée sur le territoire d'un État de l'Union européenne, et d'autre part une société domiciliée sur le territoire français.

Sur la nature du lien entre les parties

En l'espèce, il ressort des relations entre les parties que :

- la société Riso France a entretenu des relations commerciales tant avec la société Sabie qu'avec la société Big Export, des factures ayant été émises par elle à l'égard de l'une comme de l'autre concernant la distribution de ses produits sur le territoire algérien (pièces 14 et 17 appelantes),

- la société Riso France a reconnu par courrier du 23 mai 2013 adressé à la société Sabie la qualité de distributeur officiel Riso sur le territoire de l'Algérie (pièce 22 appelantes).

Il n'est pas contesté que la distribution des produits Riso en Algérie était assurée par les sociétés Sabie et Big Export dans une même relation commerciale (conclusions Riso page 3 et pièce 19 Riso).

Dès lors, l'action en réparation du préjudice subi du fait de la rupture brutale alléguée des liens commerciaux, sur le fondement de l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce, se rattache à la sphère contractuelle, s'agissant de déterminer les conditions de l'arrêt des échanges commerciaux entre elles.

Sur la détermination de la loi applicable

Il résulte de l'article 3 du Code civil qu'il incombe au juge français, saisi d'une demande d'application d'un droit étranger, de rechercher la loi compétente, selon la règle de conflit, puis de déterminer son contenu, au besoin avec l'aide des parties, et de l'appliquer.

Il ressort des éléments du dossier que si la société Sabie a commercialisé les produits de la société Riso France en Algérie de 1998 à 2000, puis à compter de 2008 par l'intermédiaire de Big Export, le rapport contractuel entre les parties relatif à ce litige a débuté en 2008, l'interruption de 8 années entre les deux périodes de relations ne pouvant faire remonter les liens entre les parties à 1998. La relation commerciale entre les parties faisant l'objet du présent litige étant née en 2008, les dispositions de la Convention de Rome précitée s'appliquent.

La Convention de Rome du 19 juin 1980 a un caractère universel, tel que le dispose son article 2 : pour l'application de celle-ci, aucune distinction ne doit être faite par les tribunaux des États contractants notamment selon que les parties au contrat ou en litige ont ou non la nationalité d'un État contractant, y ont ou non leur domicile, ou selon la localisation du contrat ou de l'un de ses éléments, la loi désignée par le règlement s'appliquant même si cette loi n'est pas celle d'un Etat membre.

En application de l'article 3 de la Convention de Rome précitée, la loi applicable aux obligations contractuelles est celle choisie par les parties. Selon l'article 4 de la même convention, dans la mesure où la loi applicable n'a pas été choisie conformément aux dispositions de l'article 3, le contrat est régi par la loi du pays avec lequel il présente les liens les plus étroits. Il est présumé que le contrat présente les liens les plus étroits avec le pays où la partie qui doit fournir la prestation caractéristique a, au moment de la conclusion du contrat, sa résidence habituelle.

Il est constant en l'espèce que les parties n'ont pas explicitement déterminé la loi applicable au litige pouvant les opposer, aucun contrat-cadre n'ayant été signé entre elles. Par ailleurs, il ne peut être déduit de la clause attributive de compétence au tribunal de commerce de Lyon, tout comme du projet de convention qui n'a pas été signé entre les parties, la volonté expresse des parties de soumettre le litige les opposant à la loi française.

Par ailleurs, aucun contrat-cadre relatif à la distribution des produits Riso n'ayant été signé entre les parties, les sociétés Sabie et Big Export commandaient régulièrement des produits Riso auprès de la société Riso France, qui les leur a fournis. Il ne peut donc être déduit l'existence de prestations commerciales d'une autre nature entre les parties que la simple vente des produits Riso. Ce n'est donc qu'à la lumière de ces seules prestations que le rapport contractuel entre les parties doit être analysé, même si elles emploient le terme de " distributeur " pour qualifier le rôle de la société Sabie.

L'analyse des rapports contractuels entre les parties démontre que le mode de livraisons de la plupart des produits Riso à destination de l'Algérie est " free carrier " (pièces 26, 27, 28 et 29 Riso) depuis 2011, ce qui implique que le vendeur livre les marchandises aux mains du premier transporteur, soit au départ (marchandise chargée), soit en un lieu quelconque du pays d'expédition (marchandise non déchargée).

Les seules factures de la société La Générale de Transit entre 2005 et 2009 ne peuvent établir que les marchandises étaient transportées de Marseille à Alger dans le cadre de la relation commerciale dont il est question.

Mais, si l'adresse de livraison sur les factures est celle de la société Big Export à Andorre (pièces 26, 27, 28 et 29 Riso), les pièces produites concernant la commande du mois de décembre 2012, qui permettent de déterminer les modalités de transport des produits Riso entre la France et l'Algérie (pièces 36 et 37 appelantes) pour lesquelles il n'est pas soutenu qu'elles ne sont pas représentatives des modes de livraison des produits, démontrent que le transporteur est contacté par la société Riso, que les produits sont transportés des entrepôts Riso au port de Marseille, pour être envoyés par containers jusqu'au port d'Alger, et que les tarifs sont communiqués à l'acheteur par le transporteur.

Dès lors, la fourniture des produits Riso aux appelantes, prestation caractéristique de la relation commerciale entre les parties, se fait sur le territoire français par la société Riso, dont la résidence habituelle est en France.

Ainsi, même si les produits Riso sont commercialisés en Algérie, il apparaît qu'au regard des principes repris ci-dessus, les relations commerciales entretenues par les parties ont un lien le plus étroit avec la France.

En conséquence, la loi française est applicable au présent litige.

Sur la rupture brutale des relations commerciales établies

Les sociétés Sabie et Big Export soutiennent que la rupture des relations commerciales établies résulte d'un courrier du 5 septembre 2013 par lequel la société Riso a expressément indiqué à la société Sabie qu'elle faisait désormais appel à un autre distributeur de ses produits sur le territoire algérien. Elles font valoir qu'elles ont été mises devant le fait accompli car c'est par l'intermédiaire de leurs clients qu'elles ont appris que la société Riso France faisait appel depuis plusieurs mois à d'autres sociétés alors qu'aucune de leurs protestations n'a été prise en compte et qu'elles n'ont pas bénéficié d'un préavis. Elles expliquent que compte tenu de la durée globale des relations commerciales de 13 ans, un préavis de 12 mois aurait dû leur être accordé.

La société Riso répond qu'elle n'a pas rompu les relations commerciales qui la lient aux appelantes, expliquant elle a simplement amélioré son organisation commerciale, et qu'elle a informé la société Sabie de cette évolution dans ses courriers des 22 novembre 2013 et 10 janvier 2014, dans lesquels elle lui a précisé que cette modification dans l'organisation commerciale n'aurait aucune incidence tarifaire et ne concernait que les machines et non les consommables et les pièces détachées. Elle en déduit qu'en l'absence de changement dans les conditions tarifaires et de vente de la société Sabie, cette dernière ne subissait aucun préjudice à la suite de la désignation d'un importateur en Algérie, intégré dans le circuit de commercialisation. Elle conteste que la société Sabie ait été un distributeur exclusif de ces produits en Algérie, celle-ci ayant seulement été un distributeur officiel des produits Riso, et ce depuis l'origine de ses relations commerciales avec la société Riso France, deux autres distributeurs, les sociétés SBGI et Saba, ayant commercialisé également des produits Riso sur le marché algérien entre 2008 et 2013, soit avant l'arrivée du nouveau distributeur BDT. La société Riso réplique enfin que la durée du préavis ne saurait excéder 3 mois car la société Sabie n'a pas été évincée et elle avait la possibilité d'atténuer son préjudice en continuant de commander des produits Riso directement auprès d'elle pour les consommables et pièces détachées et auprès de la société BDT pour les équipements, et ce aux mêmes tarifs que précédemment.

Aux termes de l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce :

" Engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers (...) de rompre unilatéralement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels.

Les dispositions qui précèdent ne font pas obstacle à la faculté de résiliation sans préavis, en cas d'inexécution par l'autre partie de ses obligations ou en cas de force majeure ".

Il a déjà été relevé ci-dessus que le point de départ de la durée de la relation commerciale établie à prendre en compte dans le cadre de cette instance est l'année 2008, l'interruption de 8 années dans les rapports commerciaux entre les parties ne pouvant conférer un caractère établi à cette relation depuis 1998 et aux deux premières années de relations.

Les parties s'opposent aussi la question de savoir qui est l'auteur de la rupture. L'instruction du dossier a permis de déterminer que :

- la société Sabie était distributeur de produits Riso en Algérie à compter de l'année 2008, sans en être le distributeur exclusif, la société Riso France démontrant avoir commercialisé des copieurs et des consommables entre 2007 et 2011 à la société SBGI et en 2012 et 2013 à la société SABA (pièces 24 et 25 Riso),

- par courrier du 5 septembre 2013 la société Riso a fait savoir à la société Sabie que " pour des raisons stratégiques, nous avons décidé après plusieurs réunions internes, de donner l'importation de l'ensemble des produits Riso à une seule entreprise, la société BDT " qu'elle " aura toujours la possibilité de commercialiser la gamme de duplicopieurs Riso ainsi que les encres, les masters et les pièces détachées " mais en les achetant auprès de la société BDT qui devait lui proposer les tarifs les plus attractifs,

- par courriers des 9, 25 septembre et 18 novembre 2013, la société Sabie a contesté la décision de la société Riso en indiquant qu'il s'agissait d'une rupture brutale de leur relations commerciales,

- par courrier du 22 novembre 2013 réitéré le 10 janvier 2014, la société Riso conteste avoir rompu les relations commerciales avec les sociétés Sabie et Big Export, expliquant qu'elles pourront toujours commercialiser ses produits sur le marché algérien aux tarifs qui lui avaient été consentis auparavant et qu'elles pourront toujours s'approvisionner directement auprès d'elle s'agissant des consommables et des pièces détachées.

Ainsi, les sociétés Sabie et Big Export ne démontrent pas qu'elles étaient distributeur exclusif de la société Riso sur le territoire algérien, d'autres sociétés ayant été par ailleurs régulièrement fournies en matériels Riso à destination de l'Algérie, depuis 2008. Elle ne peut donc soutenir que la réorganisation par la société Riso de la distribution de ses produits en Algérie par la mise en place de la société BDT comme distributeur officiel de la société Riso en Algérie caractérise à elle seule une rupture brutale des relations commerciales établies, alors qu'elles ne prouvent pas par ailleurs que les conditions d'exécution de leurs relations (plus large que simplement financier) ont évolué, qu'elle peut toujours commercialiser les produits Riso en Algérie et se fournir en pièces détachées et consommables directement auprès de la société Riso.

En l'espèce, les sociétés Sabie et Big Export ne justifient pas que l'exercice de leur activité commerciale a évolué du fait de la décision de la société Riso, celles-ci ne démontrant pas de refus par la société BDT de leur fournir les produits Riso aux prix antérieurs, ni par la société Riso de la fournir en pièces détachées ou les consommables.

Dans ces conditions, à défaut de justifier qu'en l'espèce la réorganisation décidée par la société Riso modifiait l'exercice de son activité, les sociétés Sabie et Big Export ne démontrent pas que la société Riso a rompu les relations commerciales établies avec elles par le courrier du 5 septembre 2013.

La société Riso France n'est donc pas l'auteur de la rupture des relations commerciales avec les sociétés Sabie et Big Export.

Il y a donc lieu de rejeter les demandes formées par les sociétés Sabie et Big Export à l'encontre de la société Riso France, toutes formées sur le fondement de la rupture brutale des relations commerciales établies.

Sur les dépens et l'application de l'article 700 du Code de procédure civile

Le sens du présent arrêt conduit à confirmer le jugement sur les dépens et l'application qui y a été faite des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

Les sociétés Sabie et Big Export doivent être condamnées in solidum aux dépens d'appel, ainsi qu'à payer à la société Riso France la somme supplémentaire de 7 000 euros par application de l'article 700 du Code de procédure civile en cause d'appel.

Le sens du présent arrêt conduit à rejeter la demande par application de l'article 700 du Code de procédure civile formulée par les sociétés Sabie et Big Export.

Par ces motifs, LA COUR, infirme le jugement, sauf en ce qu'il a - condamné solidairement la société Sabie et la société Big Export au paiement de la somme de 5 000 euros à la société Riso France au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, - condamné solidairement la société Sabie et la société Big Export aux dépens de l'instance ; Statuant à nouveau, rejette la fin de non-recevoir tirée du défaut d'intérêt à agir ; dit que la loi française est applicable à la solution du litige ; déboute les sociétés Sabie et Big Export de l'ensemble de leurs demandes ; Y ajoutant ; condamne in solidum les sociétés Sabie et Big Export X aux dépens d'appel, ainsi qu'à payer à la société Riso France la somme supplémentaire de 7 000 euros par application de l'article 700 du Code de procédure civile en cause d'appel ; rejette toute autre demande.