Livv
Décisions

CA Paris, Pôle 2 ch. 5, 15 janvier 2019, n° 17-16530

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Gorrias (ès qual.)

Défendeur :

Generali Iard (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Présidents :

M. Guiguesson, Conseillers : Mm. Byk, Senel

Avocats :

Mes Gorrias, Leloup Thomas Grappotte Benetreau, Passemard, Meynard, Devin

T. com. Paris du 7 juill. 2017

7 juillet 2017

La société William Saurin, filiale de la holding Financière Turenne L., a fait l'objet début 2013 d'une tromperie par un fournisseur qui lui a vendu de la viande de cheval frauduleusement étiquetée comme viande de boeuf.

A la suite de cette découverte début 2013, ces produits litigieux non conformes ont été retirés de leurs rayons par 29 clients distributeurs de William S., qui lui ont demandé ensuite le remboursement des frais de retrait et de destruction. William S. leur a versé au total à ce titre 908 020,30 euros.

Le 26 février 2013, William S. a déclaré le sinistre auprès de son assureur Générali et a demandé l'application du contrat " Responsabilité Civile " souscrit par la Financière Turenne L. pour le compte de ses filiales. Générali ayant répondu que le contrat ne s'appliquait pas en l'occurrence, la Financière Turenne L. et William S. ont assigné la société Générali IARD par acte du 3 mai 2013 devant le tribunal de commerce de Paris.

Par jugement du 7 juillet 2017, ledit tribunal a déclaré recevable la demande de remboursement présentée par la société William Saurin, a débouté les sociétés Financière Turenne L. et William S. de leur demande de remboursement, a dit n'y avoir lieu à faire application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, et a condamné in solidum les sociétés Financière Turenne L. et William S. aux dépens.

Par déclaration du 21 août 2017, la SAS William Saurin, ses administrateurs la SCP Abitbol et Rousselet et la SCP Thevenot ' Perdereau ' Maniere ' El Baze, ses mandataires judiciaires la SCP BTSG et la Selafa MJA, et la SAS Financière Turenne L., ses administrateurs la SCP Abitbol et Rousselet et la SCP Thevenot ' Perdereau ' Maniere ' El Baze et ses mandataires judiciaires la SCP BTSG et la Selafa MJA ont interjeté appel et, aux termes de leurs dernières conclusions notifiées le 27 septembre 2018, elles sollicitent l'infirmation du jugement.

Elles demandent à la cour, statuant à nouveau, de dire et juger que le sinistre subi par William S. en 2013 est bien couvert par la police, et en conséquence de condamner la société Générali au paiement de la somme de 908 020,30 euros au bénéfice des sociétés BTSG et MJA ès qualités, outre intérêts au taux légal, de la condamner au paiement de la somme de 50 000 euros à chacune des sociétés BTSG et MJA ès qualités et enfin de la condamner aux entiers dépens d'instance et d'appel.

Par appel incident et aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 20 septembre 2018, la société Générali IARD sollicite la confirmation du jugement en ce qu'il a débouté les appelantes de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions et jugé que l'exclusion n°7 devait recevoir application.

En toute hypothèse, elle demande à la cour de débouter les appelantes de toutes leurs demandes, fins et conclusions au motif qu'il n'existe pas de préjudice, les sommes réclamées étant consécutives à un remboursement de frais engagés par des tiers sur demande expresse de William S.. Elle lui demande également de constater que le contrat comporte la clause d'exclusion n°38 mentionnant " les frais engagés par l'assuré ou par toute personne agissant sur son ordre, pour le retrait des produits ", de déclarer cette clause applicable et de débouter purement et simplement les appelantes de toutes leurs demandes, fins et conclusions. Elle lui demande également de constater que le contrat comporte la clause d'exclusion n°7 qui mentionne " les dommages immatériels non consécutifs résultant d'un défaut de conformité aux engagements contractuels, de performance ou de résultat qui ne seraient pas la conséquence d'un vice caché des produits livrés ", de juger que cette clause doit trouver application, qu'il s'agit d'une non conformité qui n'est pas la conséquence d'un vice caché et que la garantie n'est donc pas acquise, et de débouter les appelantes.

Encore plus subsidiairement, pour le cas où il serait jugé qu'à la clause figurant au contrat doit être substituée une autre qui serait la suivante : " seuls sont exclus du champ d'application du présent contrat : (') 7. Les dommages immatériels non consécutifs résultant d'un défaut de conformité aux engagements contractuels, de performance ou de résultat qui ne seraient pas la conséquence d'un vice caché des produits livrés ou d'un événement accidentel ", elle lui demande de juger que les événements (erreur d'étiquetage et tromperie ) ne peuvent être qualifiés d' " événements accidentels ", de dire en conséquence que la garantie ne peut être acquise et de débouter les appelantes de toutes leurs demandes, fins et conclusions. Elle lui demande également de condamner les appelantes aux dépens et à lui verser la somme de 20 000 euros par application de l'article 700 du Code de procédure civile.

La clôture a été ordonnée le 8 octobre 2018.

Motifs

Considérant que la SCP BTSG prise en la personne de maître Gorrias ès qualités de liquidateur judiciaire des sociétés William Saurin et Financière Turenne L. et la Selafa MJA prise en la personne de maître Leloup Thomas es qualité de liquidateur judiciaire des sociétés William Saurin et Financière Turenne L. soutiennent ce que suit :

- que dans le cadre de ses activités et de celles de ses filiales, la société Holding Financière Turenne L. a souscrit une police Responsabilité Civile avec GÉNÉRALI à effet au 1er janvier 2009 et reconduite en 2010 et 2011 ;

- que les parties ont engagé fin 2012, des discussions sur la modification de la clause portant sur l'exclusion N°7 qui n'ont pas abouti à un projet de police avalisé par les parties;

- que William S. a subi les conséquences de la crise de la viande de cheval qui au début de l'année 2013 a touché plusieurs entreprises de l'industrie agro alimentaire, que c'est dans ces circonstances qu'il a été découvert la présence de viande de cheval dans des raviolis de marque Panzani et dans plusieurs plats préparés par William S. en février et mars 2013 ;

- que cette situation de produits non conformes a été la cause d'importants préjudices, puisque selon le détail versé au débats William S. a dû s'acquitter d'une somme de 908 020, 30 euros au titre de frais de retraits et de divers préjudices subis par ses clients, qu'il a été dans ces conditions, régularisé une déclaration de sinistre auprès de Générali qui a opposé un refus de garantie, en se fondant sur plusieurs clauses d'exclusion de la police RC ;

Qu'il est expliqué par les parties appelantes, qu'elles démontrent que contrairement à ce qui est soutenu par Générali, que le sinistre subi par William S. entre bien dans l'objet de la garantie RC prévue à la police, ce qui a été confirmé par le tribunal de commerce, que la clause d'exclusion N° 38 qui écarte la prise en charge des dommages résultant d'un retrait de produits est inapplicable, comme cela est démontré, que la clause d'exclusion N° 7 qui prévoit les conditions de prise en charge des dommages immatériels non consécutifs résultant d'un défaut de conformité ne fait pas obstacle à une prise en charge du sinistre et que la clause d'exclusion N° 10, que Générali avait renoncé à invoquer est manifestement inapplicable ;

Qu'il est précisé et démontré que William S. en livrant des produits non conformes, a été à l'origine d'une faute contractuelle qui a donné lieu à des réclamations de tiers lésés, ce qui a été également à l'origine de plusieurs dommages immatériels causés aux clients de William S., dommages qui ne se limitent pas à des frais de retrait, que le lien de causalité entre la faute commise et les préjudices est manifeste et caractérisé, que ces éléments ainsi exposés justifient que les garanties d'assurance sont acquises ;

Que s'agissant des exclusions, celle prévue en N°7, ne peut pas recevoir application, car elle doit être envisagée dans sa version modifiée, ce qui conduit à retenir la réalité en l'espèce d'un événement accidentel, cela d'autant que la version antérieure à 2012 était nulle dans la mesure ou elle prévoyait des conditions qui vidaient littéralement de sa substance la garantie en litige, que pour le surplus, elle rapporte la preuve que la présence de viande de cheval a constitué un événement soudain, qu'en toute hypothèse, cette présence a constitué un vice caché ;

Considérant que la société Générali IARD soutient les moyens suivants, qu'il est expliqué que sa garantie n'est pas mobilisable en raison de l'inexistence d'une dette de responsabilité et de préjudice subi par un tiers, que les frais et coûts invoqués comme dommages supportés par des tiers, correspondent en réalité à des destructions de produits non conformes contenant de la viande de cheval, destruction organisée par William S., qu'il est rapporté la preuve que c'est William S. qui a mis en œuvre une opération de destruction, ce qui exclut une dette de responsabilité, une réclamation d'un tiers lésé qui aurait subi un préjudice, que les supposés préjudices ne sont que des refacturations, la dette alléguée n'étant qu'une dette contractuelle ;

Que si la juridiction retenait une mobilisation de la garantie, il convient d'appliquer l'exclusion prévue au N° 38 du chapitre VI, en ce que l'opération de retrait en litige a été engagée par William S. en exécution de laquelle ses clients ont mis en œuvre (forcés) le retrait des produits concernés, qu'ainsi les clients ont opéré sous les ordres de l'assuré, et qu'il est incontestable que les frais de retraits ont été engagés par l'assuré lui même ;

Que s'agissant de l'exclusion prévue au N°7, il est clair que cette disposition contractuelle exclut les dommages immatériels non consécutifs résultant d'une non conformité qui n'est pas un vice caché, qui ne résulte pas d'un vice caché ;

Que seuls les dommages immatériels non consécutifs résultant d'un vice caché ou d'une événement accidentel sont couverts par la clause invoquée, sachant qu'il n'y a pas lieu de retenir la version corrigée de ladite clause qui aurait rajouté l'hypothèse de l'évement accidentel, dont la réalité en l'espèce en tout état de cause, n'est absolument pas démontrée;

Que William S. soutient désormais en cause d'appel, un nouveau moyen tiré du vice caché, quand les appelantes y avaient renoncé devant les premiers juges, qu'il s'agit d'un moyen nouveau en contradiction avec ceux soutenus en première instance, qu'il y a donc irrecevabilité de ce chef, sachant qu'en tout état de cause et en toute hypothèse, que l'inexistence d'un vice caché est démontrée ;

Sur ce

- Sur la Garantie Responsabilité Civile :

Considérant que le chapitre III de la police applicable prévoit que se trouvent garanties :

- les conséquences pécuniaires de la responsabilité civile pouvant incomber à l'assuré du fait des activités décrites au chapitre II ci avant, en raison des dommages corporels, matériels et immatériels causés aux tiers y compris aux clients, ceci dans la limite des sommes fixées au chapitre VII et sous réserve des exclusions énumérées au chapitre VI;

Considérant qu'il est acquis que sur la période à considérer, ce qui n'est l'objet d'aucun débat, la société William Saurin a livré à certains de ses clients, des produits contenant de la viande de cheval, alors que ceux ci étaient étiquetés et commercialisés comme contenant de la viande de boeuf, que ces produits ont dû être retirés de la vente, ce qui a été à l'origine de conséquences financières, William S. ayant dû indemniser ses clients qui ont été dans l'obligation de retirer lesdits produits, qu'en effet William S. a livré des produits non conformes aux commandes de ceux ci ;

Considérant que la cour considère que la livraison et la commercialisation des produits non conformes par William S. a constitué une faute génératrice de responsabilité contractuelle, pour inexécution de l'obligation de délivrance, en ce que contrairement à ce qui est soutenu par GÉNÉRALI IARD :

- des réclamations ont bien été adressées à William S. et celles ci n'ont pas constitué de simples refacturations de clients pour les produits concernés, ceux ci ayant été retirés de la vente, retournés et principalement détruits, car la forme et le contenu des documents concernés correspondent à de véritables réclamations, comme celle de Discount Center qui entend dans son écrit procéder à :

- la régularisation de la totalité du litige : retraits produits étiquetage non conforme-,

- comme également le protocole transactionnel établi entre William S. et la société Hero Espana dans lequel il est mentionné que Hero Espana a été :

- forcée de prendre certaines décisions concernant le produit 'ravioli tomate1/2", ce qui a entrainé des coûts imprévus et des dommages pour Hero Espana, les parties par leur accord du 12 février 2014 ayant entendu mettre un terme à leur différent,

- comme également en rapporte la preuve, la lettre recommandée adressée par les Mousquetaires Intermarché le 20 mars 2013 à William S. qui rappelle ce que suit:

- 'Néanmoins ce retrait accompagné de l'arrêt de livraisons de vos produits et de l'annulation d'opérations promotionnelles n'est pas sans conséquence pour notre société. En effet d'une part cette décision remet en cause l'équilibre trouvé entre nos deux sociétés à l'issue de la négociation commerciale pour l'année 2013. D'autre part, elle entraîne une importante perte de chiffre d'affaires et de marge sur les produits du suivi et de la promo tant pour notre société pour laquelle vous n'avez pas de solutions de substitution que pour nos points de vente qui se retrouvent avec des rayons inoccupés. De plus cette action nous cause un réel préjudice en raison de la potentielle non conformité de vos produits, de l'incidence négative sur l'image de notre enseigne et des coûts supplémentaires que nous avons dû engager. Vous comprendrez que dans ces conditions nous vous demandons de bien vouloir réparer les préjudices que nous estimons à ce jour s'élever à ...' ;

Considérant que les éléments ci dessus rappelés établissent que des clients ont bien formulé à l'encontre de William S. des réclamations causées par la non conformité des produits commercialisés, qu'ainsi se trouvent caractérisées des réclamations faites à l'assuré par des tiers qui ne font pas état uniquement d'une refacturation des produits livrés et retirés, mais de véritables préjudices distincts du coût même desdits produits, comme le courrier d'INTERMARCH'' en atteste ;

Que l'ensemble des pièces versées par William S. sous la cote N°10, établit que ses clients font état de multiples dépenses soit : frais de contrôle, d'identification des produits, de retrait, de stockage, de transport et de destruction, de perte d'image et de chiffres d'affaires, que les montants en litige sont mentionnés puisque lesdites sommes donnent lieu en grande majorité, à des factures qui sont chiffrées ;

Qu'il est juste de noter également, comme le soutient William S., que les factures de frais éditées ne correspondent pas systhématiquement au seul coût des produits retirés, puisque Royal Bourbon Industries sollicite dans sa facture, le montant de prise en charge de son prestataire pour la destruction des produits, comme dans les factures des établissements Leclerc du 16 décembre 2013, qui visent le coût de cette destruction, ou encore les frais engagés pour la collecte, le transport et la destruction des produits non conformes (facture du 31 mai 2013) ;

Que le même constat s'impose pour l'ensemble des factures émises par la société Schiever Distribution qui portent sur les 'frais annexes engagés' ;

Considérant que s'il ne peut pas être éludé le fait que William S. a demandé à ses clients de procéder au retrait des produits impactés par la viande de cheval, comme l'attestent ses communiqués des 27 février 2013 et 11 mars 2013, il ne peut pas être affirmé que William S. a mis en œuvre une opération de destruction, qui exclurait toute réclamation de tiers lésés, car il s'agirait d'une prestation commandée, d'une avance de frais engagés sur la demande de William S., et cela en ce que:

- les produits concernés ne pouvaient plus être vendus, puisque l'étiquetage ne correspondait pas au contenu réel et en tout état de cause indépendamment des directives de William S., ses clients devaient les retirer de la vente, ainsi les frais à engager et les retraits à opérer ont résulté directement et automatiquement comme cela est soutenu par William S., de la non conformité des produits vendus qui devaient faire l'objet d'un retrait, sans avoir à obtenir ou à attendre les directives ou le processus à respecter du fournisseur ;

Qu'en conséquence, il ne peut pas être retenu comme cela est soulevé, qu'il n'y aurait eu qu'une prestation commandée par William S. excluant tout préjudice, que des frais nécessaires avancés pour William S. à rembourser, puisque comme cela a été précédemment rappelé les clients de cette société ont adressé des réclamations pour obtenir le paiement des frais engagés par eux, dont la cause est la non conformité du produit commercialisé et non pas les directives de William S. ;

Que cette non conformité a engendré l'ensemble des coût déjà rappelés, sujets à indemnisation de la part de William S. responsable civilement de celle révélée, William S. ayant juste admis sa responsabilité pour indemniser les coûts suppportés qui constituent un préjudice subi par ses clients, résultant des pertes commerciales sur les ventes et des frais de retraits, l'ensemble de celles ci étant la conséquence directe de la livraison de produits non conformes, origine des dommages subis ;

Que ces éléments sont suffisants sans qu'il soit utile d'envisager plus amplement les modalités d'application de la clause pénale invoquée par la société Lidl, prévue au titre LIVRAISON du document liant William S. à Lidl, puisque cette disposition est une pénalité mise en œuvre en cas d'inexécution contractuelle, de non exécution du contrat, ce qui ne se confond pas avec les dommages intérêts qui peuvent par ailleurs être obtenus de ce fait, le tout caractérisé par les carences dans l'obligation de délivrance de produits conformes dont William S. a été l'auteur ;

Considérant en définitive, qu'il résulte de tout ce qui précède que les clients de William S. ont bien adressé des réclamations ayant subi un préjudice du fait de la livraison par cette dernière de produits non conformes, ce qui conduit à admettre la mise en jeu de la responsabilité civile de William S. à l'égard de ceux ci, que dans ces conditions pour William S., le sinistre en litige entre dans l'objet de la garantie précitée ;

Considérant qu'il convient la garantie étant dûe, d'envisager les clauses d'exclusion alléguées ;

- Sur la clause d'exclusion N° 38 :

Considérant que pour écarter sa garantie, Générali IARD invoque la clause d'exclusion 38 selon laquelle sont exclus les frais engagés par l'assuré ou par toute personne agissant sur son ordre pour le retrait des produits ;

Que l'assureur explique que l'opération de retrait a été engagée à l'initiative de l'assuré, que ses clients ont opéré sous ses ordres, que William S. a engagé les frais et en tous cas s'était engagé à les rembourser, même si ceux ci ont été avancés, que les clients ont bien agi sous les ordres de William S., que les deux communiqués déjà cités le démontrent, sachant que Générali IARD se référe de plus aux mentions apposées sur plusieurs documents adressés par ses clients à William S., visant la destruction des produits, soit les suivantes :

- 'A la demande et pour le compte de la société William Saurin'- (note de débit Leclerc),

- courrier Scamark du 16 avril 2014 qui précise : 'Nous faisons suite à votre sollicitation relayant la demande de votre assureur de communication d'attestation justifiant de la destruction en accord avec votre société.............retirées de la vente le 11 mars 2013 suite à la demande expresse de votre société' ;

Considérant cependant que la cour ne suivra pas ce raisonnement, car si William S. a effectivement informé ses clients de la présence de viande de cheval dans les produits en litige, il s'avère au regard de la nature des relations contractuelles établies entre le fournisseur et ses clients, que William S. ne pouvait pas donner d'ordre à ceux ci ;

Que dans ses communiqués des 27 février 2013 et 11 mars 2013, William S. a fait état du principe de précaution et a demandé à ses clients le retrait, qu'il ne s'agissait là que d'une recommandation certes insistante mais qui ne constitue pas un avertissement, une menace ou une mise en garde, une décision précise devant être exécutée sans possibilité de discussion ;

Que William S. ne disposait d'aucun moyen pour contraindre ses clients à effectuer les retraits demandés, ce qui exclut que cette partie ait pu donner des ordres à la société H. quand bien même le protocole d'accord signé entre ces deux parties a mentionné que H. Espana avait été forcée de prendre certaines décisions concernant le produit 'Ravioli', car si H. Espana avait dû s'exécuter sans possibilité de discussion, aucun protocole transactionnel n'aurait été signé, ce document faisant état de concessions réciproques des signataires ce qui exclut un rapport d'autorité ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les opérations de retrait n'ont pas été conduites sur ordre de William S., qui de plus ne disposait pas du pouvoir de contrôler et ou de diriger la mise en œuvre pratique des retraits recommandés, que ses clients y ont procédé, car en tout état de cause, les produits concernés, comme le précise William S., ne pouvaient plus être commercialisés ;

- Sur la clause d'exclusion N° 7 :

Considérant que Générali IARD invoque la clause d'exclusion 10 pour obtenir que les frais en litige soient qualifiés de dommages immatériels non consécutifs, que cependant la société William Saurin retient cette qualification, que dans ces conditions l'analyse de la clause 10 est dénuée d'intérêt ;

Considérant que la clause d'exclusion contestée est libellée comme suit, que sont exclus:

- les dommages immatériels non consécutifs résultant d'un défaut de conformité aux engagements contractuels de performance ou de résultats qui ne seraient pas la conséquence d'un vice caché des produits livrés ;

Considérant s'agissant de cette clause, que William S. explique que celle ci a été modifiée afin d'introduire la notion d'évènement accidentel, que fin 2012, il a été demandé à Générali IARD par Gras Savoye , courtier, pour William S. que ladite clause soit désormais rédigée comme suit :

- les dommages immatériels non consécutifs résultant d'un défaut de conformité aux engagements contractuels de performance ou de résultats qui ne seraient pas la conséquence d'un vice caché des produits livrés, ou d'un évènement accidentel ;

Qu'il est soutenu par William S. que l'objectif était de permettre la couverture des dommages immatériels non consécutifs résultant d'un défaut de conformité lié à un évènement accidentel, et que les changements demandés ont été acceptés sous réserve d'une définition de l'évènement accidentel, ce qui a été adopté et que cette modification est entrée en vigueur ;

Considérant s'agissant de cette version de 2013, que William S. dans ses écritures explique qu'il s'agit de celle à retenir, ce qui permettrait selon cette société, d'écarter la nullité de ladite clause, car la version antérieure est nulle, ce qui conduit la cour a examiner en premier lieu ce moyen tiré de la modification invoquée, William S. expliquant que c'est la raison pour laquelle Générali avait accepté de modifier la clause en 2012 à la demande du courtier Gras Savoye ;

Considérant qu'il résulte des documents versés aux débats à ce titre, que le courtier lors de la renégociation de la police à la fin de l'année 2012, a proposé que l'exclusion 7 page 11 soit modifiée comme exposé ci dessus ;

que dans son mail du 19 décembre 2012, il a soumis à l'assureur une version avec la mention ajoutée :

- ou d'un évènement accidentel- ;

Que le 20 décembre 2012, le représentant de Générali IARD répondait par mail au courtier :

- page 11 Exclusion 7 sur les DINC : Accord sous réserve de la définition de 'l'événement accidentel',

- c'est à dire résultant d'un évènement soudain imprévu et extérieur à la victime et/ ou à la chose endommagée ;

Que le 28 décembre 2012, toujours par mail le courtier donnait son accord sur cette version;

Qu'il résulte de ce qui précède que Générali a explicitement donné son accord à la version demandée par Gras Savoye pour William S. pour que l'exclusion prévue au N° 7 soit modifiée comme sollicitée, que les changements sollicités par Gras Savoye ont été acceptés par Générali sous réserve de l'ajout de la définition de l'événement accidentel conforme à la jurisprudence, ce qui a été approuvé par le courtier;

Que le fait que le nouveau projet de police soumis à l'accord de William S. ne comporte pas la modification réclamée et convenue est inopérant, en ce qu'il n'est pas contesté par les parties que la police s'est poursuivie avec la paiement des primes, mais avec le défaut de signature de William S. sur le projet non modifié, ce qui permet de retenir que le contrat applicable en 2013 correspond à la version de la police 2012 à laquelle il convient d'ajouter comme le soutient William S., les modifications négociées et acceptées lors du renouvellement de 2013, en ce que celles ci portent sur l'ajout apporté à la clause Chapitre VI EXCLUSIONS. 7, cela d'autant que par un mail du 6 mars 2013, le directeur commercial de IARD Gras Savoye rappelait que le mail du 28 décembre 2012 marquait l'accord sur différents points échangés notamment sur l'exclusion N°7 ;

Considérant dès lors que la version retenue étant celle modifiée, William S. explique que le sinistre en litige ayant eu un caractère soudain, accidentel, Générali IARD doit sa garantie, s'agissant de dommages immatériels non consécutifs résultant d'un défaut de conformité aux engagements contractuels de performances ou de résultat qui ne seraient pas la conséquence d'un évènement accidentel, ce qui signifie qu'il convient de démontrer que les dommages en litige résultent d'un évènement accidentel ;

Considérant qu'un évènement accidentel est un évènement aléatoire et fortuit, qui présente les caractères de :

- soudain, d'imprévu et d'extérieur à la victime du sinistre et/ou de la chose endommagée-;

Que William S. expose que la présence de viande de cheval dans les produits en cause a constitué un évènement soudain, que cette découverte dans sa chaine de production a été inattendue et imprévue, que la caractère de soudain est manifeste pour les victimes, la présence de viande de cheval pour ces dernières étant également imprévue et inattendue;

Considérant que la cour ne retiendra pas ces arguments soulevés par William S., en ce que la présence de viande de cheval dans les produits commercialisés, aux lieu et place de viande de boeuf n'a pas constitué un évènement accidentel, mais qu'il s'agit du résultat de la tromperie d'un fournisseur, soit d'une duperie, d'une fraude, qui ne constitue pas un évènement soudain et imprévu, car William S. devait contrôler en amont, ses chaines de production, les conditions d'approvisionnement de ses produits, commercialisés par ses services et cela avant même de les diffuser sur le marché ;

Que la tromperie sur le produit livré ne constitue pas un fait inattendu et imprévu avant production pour un industriel comme William S., tenu à la vérification de la chaine de ses propres fournisseurs, qu'il ne peut donc pas être fait état d'un fait imprévisible et non volontaire ;

Qu'à partir du moment où les produits étaient étiquetés et présentés comme des produits contenant de la viande de boeuf, William S. garantissant ses chaines de production ne peut pas soutenir que la présence de viande de cheval a été soudain, inattendu ou imprévu au stade de la commercialisation et même postérieurement à celui de la livraison de ses clients ;

Considérant que la cour ne retiendra pas que la présence de viande de cheval aux lieu et place de viande de boeuf dans les produits commercialisés par William S., cause du sinistre, constitue un évènement accidentel ;

Considérant que William S. explique qu'en toute hypothèse, les dommages subis par les clients seraient la conséquence d'un vice caché des produits livrés, puisque ceux ci étaient non conformes aux stipulations contractuelles et étaient affectés d'un vice caché, que les produits litigieux étaient de ce fait devenus impropres à leur utilisation, car une denrée alimentaire ne peut pas être vendue puis consommée si l'étiquetage est de nature à tromper le consommateur sur les qualités essentielles de cette denrée, cela d'autant que le scandal de la viande de cheval a été avant tout un scandal sanitaire ;

Qu'il y a donc eu des produits non conformes impropres à la vente et à la consommation;

Considérant que Générali IARD expose que les appelantes soutiennent que la non conformité du produit serait également constitutive d'un vice caché, mais qu'il s'agit là d'un argument nouveau en appel, quand nul ne peut se prévaloir en appel d'un moyen auquel il a été expressément renoncé devant les premiers juges, qu'il y a donc un nouveau moyen en contradiction avec celui soutenu en première instance, que la conséquence en est l'irrecevabilité des demandes fondées sur l'existence d'un vice caché ;

Considérant que selon l'article 563 du Code de procédure civile, les parties pour justifier en appel leurs prétentions qu'elles avaient soumises au premier juge, peuvent invoquer des moyens nouveaux ;

Qu'en l'espèce, il ne peut pas être retenu que William S. avait expressément renoncé à se prévaloir du vice caché aménagé à la clause contestée, en ce que devant les premiers juges William S. ne s'est pas prévalu de cet argument, que cette partie avait fait état uniquement de la nullité de la clause d'exclusion 7 ;

Qu'en appel, William S. pour obtenir la garantie réclamée, peut soutenir :

- soit que les notions de non conformité et de vice caché sont exclusives l'une de l'autre et que dans ces conditions la clause d'exclusion N°7 est nulle dès lors qu'elle impose une condition impossible à remplir, moyen qui avait déjà été soulevé en première instance et qui peut être réitéré en appel,

- soit que les notions de non conformité et de vice caché sont compatibles et possiblement cumulatives et que dans cette hypothèse seulement la cour tirera toutes les conséquences en jugeant que les dommages subis par les clients sont bien la conséquence d'un vice caché des produits livrés,

- que ce moyen n'ayant pas été soulevé en première instance et ayant pour objet d'obtenir la garantie sollicitée, celui ci peut être soulevé devant la Cour et il n'y a pas irrecevabilité à développer des moyens rattachés au vice caché ;

Considérant cependant, que la cour ne rentrera pas dans le débat des notions de non conformité ou de vice caché à appliquer comme cumulatives ou exclusives, en ce que William S. s'est

prévalue de la clause critiquée modifiée, regardée comme valable, que dés lors que la version modifiée a été retenue, ce qui est le cas, William S. ne conteste pas l'application de ladite clause à la condition qu'elle soit rédigée comme suit :

- les dommages immatériels non consécutifs résultant d'un défaut de conformité aux engagements contractuels de performance ou de résultats qui ne seraient pas la conséquence d'un vice caché des produits livrés, ou d'un évènement accidentel; ce qui est la version appliquée à la présente instance ;

Que dans ces conditions, la cour peut examiner le moyen tiré du vice caché, et apprécier si les dommages immatériels non consécutifs invoqués résultent d'un défaut de conformité conséquence d'un vice caché ;

Considérant que le vice caché est le défaut d'une chose tel qu'il le rend impropre à l'usage auquel elle est destinée, qu'en l'espèce, il s'agirait de démontrer pour William S., que la viande de cheval constitue à elle seule une défectuosité telle qu'elle ne puisse pas être incoporée dans ses produits alimentaires, rendant ainsi impropre à la vente et la consommation de ses produits en contenant et qui ont été commercialisés ;

Considérant qu'en l'espèce, tel n'est pas le cas puisque la viande de cheval utilisée est conforme à sa destination en ce qu'elle est comestible, qu'elle peut être consommée sans risque et mélangée à de la viande de boeuf, que la problématique de son usage se limite à une non conformité, soit à un défaut de conformité à la commande effectuée qui ne prévoyait pas son usage avec un étiquetage de facto mensonger ;

Que la viande de cheval n'est pas impropre à la vente et à la consommation, mais que son usage pour les produits en litige n'était pas conforme aux commandes effectuées par les clients qui visaient le seul usage d'une viande de boeuf, et à l'étiquetage appliqué ;

Que si la non conformité de l'étiquetage a compromis la commercialisation, trompant le consommateur sur la composition des produits litgieux, celle ci ne compromettait pas leur consommation et la possibilité de les vendre sous une autre présentation ;

Considérant concernant le risque sanitaire allégué, que William S. ne verse aux débats aucun document probant de nature à établir que les fabrications litigieuses qui ont échappé au contrôle de ses chaines de production, ont été réalisées avec de la viande de cheval contaminée ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la cour ne retiendra pas la réalité d'un vice caché, la non conformité constatée ne résultant pas d'une telle cause ;

Considérant en définitive que la clause d'exclusion 7 telle que modifiée est alléguée par William S. doit recevoir application, ce qui conduit à confirmer le jugement entrepris, les appelantes étant déboutées de toutes leurs demandes ;

- Sur les autres demandes :

Considérant que l'équité commande d'accorder à Générali IARD la somme de 5000 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, de rejeter la demande présentée à ce titre par la SCP BTSG et la Selafa MJA qui devront supporter les dépens de l'instance, sans qu'il soit utile de rappeler les dispositions du décret du 8 mars 2001 modifiant le décret du 12 décembre 1996 ;

Par ces motifs La Cour statuant publiquement, par arrêt contradictoire, rendu en dernier ressort et par mise à disposition au greffe, - Confirme le jugement entrepris et y ajoutant : - Déclare recevable le moyen soulevé par la SCP BTSG prise en la personne de maître Gorrias ès qualités de liquidateur judiciaire des sociétés William Saurin et de Financière Turenne L. et la Selafa MJA prise en la personne de maître Leloup Thomas ès qualités de liquidateur judiciaire des sociétés William Saurin et Financière Turenne L. portant sur le vice caché des produits livrés; - Déboute la SCP BTSG prise en la personne de maître GORRIAS ès qualités de liquidateur judiciaire des sociétés William Saurin et Financière Turenne L. et la Selafa MJA prise en la personne de maître Leloup Thomas ès qualités de liquidateur juidiciaire des sociétés William Saurin et Financière Turenne L. de toutes leurs demandes ; - Condamne la SCP BTSG prise en la personne de maître GORRIAS ès qualités de liquidateur judiciaire des sociétés William Saurin et Financière Turenne L. et la Selafa MJA prise en la personne de maître Leloup Thomas ès qualités de liquidateur juidiciaire des sociétés William Saurin et Financière Turenne L. à payer à la société Générali IARD la somme de 5000 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ; - Déboute la SCP BTSG prise en la personne de maître Gorrias ès qualités de liquidateur judiciaire des sociétés William Saurin et Financière Turenne L. et la Selafa MJA prise en la personne de maître Leloup Thomas ès qualités de liquidateur juidiciaire des sociétés William Saurin et Financière Turenne L. de leur demande présentée à ce titre et les condamne aux dépens qui seront recouvrés en application des dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.