CA Montpellier, ch. 1 b, 16 janvier 2019, n° 16-02412
MONTPELLIER
Arrêt
PARTIES
Défendeur :
Languedoc chimie (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Torregrosa
Conseillers :
Mme Rodier, M. Combes
Avocats :
Mes Pepratx-Negre, Perier-Debeire, Romieux, Mouly
Faits et procédure,
Le 15 janvier 2013 à la suite d'une présentation du produit et d'une proposition commerciale faite par un représentant de cette société, Patrick et Sylvie S. ont acquis de la SARL LANGUEDOC CHIMIE 60 bidons de 5 litres d'un enduit destiné à l'étanchéité de leur piscine dénommé SABM PRO moyennant le prix de 1 715 .
Aux motifs que des fissures allant s'aggravant sont apparues à la suite de l'application du produit les 3 et 4 mai 2013 et que l'expertise amiable et contradictoire ensuite organisée par l'expert de leur assureur n'a pas permis de parvenir à une solution amiable du litige, Patrick et Sylvie S. ont fait citer le vendeur devant le tribunal de grande instance de Narbonne, lequel par jugement du 28 janvier 2016 les a déboutés de leurs demandes et condamnés à payer à la SARL LANGUEDOC CHIMIE la somme de 1 000 au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Patrick et Sylvie S. ont relevé appel de cette décision dans des formes et des délais qui n'apparaissent pas critiquables.
Par conclusions dernières en date du 4 octobre 2018, ils indiquent avoir reçu la fiche technique du produit la veille de l'application et soutiennent que le représentant de leur adversaire était présent lors de la pose, préconisant et contrôlant dosages et nombre de couches à appliquer.
Ils demandent de prononcer la résolution de la vente au visa de l'article 1184 du code civil en reprochant au vendeur un manquement à son devoir de conseil et d'information, d'abord en conseillant un produit qui n'est pas un isolant mais un adjuvant, ensuite en leur proposant un enduit destiné à des professionnels et nécessitant l'usage d'une machine spécifique, le tout étant encore à l'origine de l'erreur dont ils ont été victimes et justifiant l'annulation de la vente.
Estimant leur préjudice au résultat de l'addition du remboursement du produit, du coût de la réfection et des produits supplémentaires nécessaires et de la perte de revenus locatifs durant les années 2013 à 2016, ils concluent à l'infirmation de la décision déférée et sollicitent la condamnation de leurs adversaires à leur payer la somme de 48 792.95 outre celle de 3 000 au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par conclusions dernières en date du 29 juillet 2016, la SARL LANGUEDOC CHIMIE indique que le produit en question est un hydrofuge de masse de résine acrylique, c'est-à- dire un additif utilisé dans une solution de gâchage, parfaitement adapté aux travaux d'étanchement, vendu aux professionnels comme aux non professionnels, et que les désordres constatés ne sont que la conséquence d'un défaut de mise en œuvre.
Elle soutient avoir rempli son devoir de conseil en remettant une fiche technique comportant les préconisations du vendeur qui figurent en outre sur le bidon contenant le produit et souligne que la visite de son représentant sur le chantier n'a été faite que dans un cadre commercial.
Contestant que soit faite la démonstration d'une erreur et ajoutant qu'aucun des chefs de préjudice revendiqués n'est établi, elle conclut à la confirmation de la décision déférée et à la condamnation de ses adversaires à lui payer une indemnité complémentaire de 3 800 au titre de ses frais irrépétibles.
MOTIFS
Attendu qu'il ressort des rapports établis par les experts de chacune des parties, à l'issue de la réunion du 29 juillet 2013, que les désordres constatés affectent le fond du bassin sous la forme d'un faïençage généralisé et les parois traversées de fissurations de l'enduit en tous sens, avec un début de décollement ; que leurs conclusions se rejoignent pour estimer qu'aucun défaut de qualité du produit ne peut en l'occurrence être retenu et que ces désordres sont dus à un défaut de mise en œuvre découlant d'un dosage ne correspondant pas aux préconisations du fabricant, l'expert du cabinet Texa missionné par l'assureur de la SARL LANGUEDOC CHIMIE soulignant que ces dosages, tels que réalisés par Patrick S., ne correspondent pas aux préconisations du fabricant pourtant inscrites sur le bidon et sur le site internet de son adversaire, tandis que l'expert du cabinet IXI missionné par son assureur relève qu'il manque une des étapes du processus d'application et que non seulement les proportions mais encore les épaisseurs ne sont pas conformes ;
Attendu que le vendeur professionnel est tenu d'une double obligation de renseignement et de conseil quant aux caractéristiques et aux conditions d'utilisation correcte du produit qu'il commercialise, lui imposant, afin que la vente soit conclue en connaissance de cause, de s'informer sur les besoins de l'acquéreur et de le renseigner ensuite sur les contraintes techniques de la chose vendue ; et qu'il lui incombe de prouver qu'il a exécuté cette obligation ;
Que nul ne soutient que le produit en cause n'était pas adapté à l'usage auquel le destinaient les époux S. qui après avoir construit eux même leur piscine 'aidés par un maçon à la retraite', ainsi qu'ils l'avouent eux-mêmes sans toutefois préciser l'intensité de cette participation, se trouvaient confrontés à la nécessité de rendre l'ouvrage étanche à l'eau, fonction même de l'enduit litigieux, expressément mentionnée sur la notice qu'ils produisent eux-mêmes et qu'aucun des experts ne remet en cause ;
Que ladite notice contient le mode d'emploi du produit dont l'expert du vendeur ajoute sans être contredit qu'il figure en outre sur le bidon le contenant, comme ce processus de mise en œuvre se trouve repris sur le document ne comportant certes aucun entête mais que Patrick S. soutient lui avoir été remis par le vendeur , précisant clairement les quatre étapes à respecter et que l'expert de son assureur valide en les reprenant, sans soutenir qu'elles nécessiteraient des compétences ou une technicité particulières alors que ces opérations n'imposent que des mélanges du produit, qui avec de l'eau, qui avec du sable et du ciment, le respect de temps de séchage et l'usage d'une brosse et d'une bétonneuse nécessairement utilisées lors de la réalisation de la piscine par le maître d'ouvrage et/ou son maçon retraité ; qu'aucun des deux experts n'indique notamment que l'application était réservée à un professionnel du bâtiment, ce que ne saurait utilement combattre l'avis non davantage documenté donné par l'entrepreneur ayant assisté les époux S. lors de l'expertise, serait-il péremptoire, et dont le devis est produit au soutien du chiffrage des travaux de reprise et de la demande de condamnation qu'ils forment actuellement ;
Qu'il s'ensuit du tout que le vendeur, dont l'obligation se limitait à cela, a conseillé un produit tout à fait adapté aux besoins de l'acquéreur auquel il a fourni un mode d'emploi suffisamment précis et explicite pour en tirer l'effet recherché pour peu que ses conditions d'application soient respectées ;
Et que la présence de l'employée commerciale sur le site ne peut exonérer l'acquéreur des conséquences de ce non-respect alors que les attestations qu'il produit, délivrées par Mimoun B., maçon, Guy L., maçon à la retraite, Ludocic MESNET, plombier et René Pierre S., retraité, cités au nombre des personnes venues l'aider ne mentionnent sa présence que le premier des deux jours de travail à 8 h 30 et donc au démarrage du chantier, de telle sorte qu'elle n'a pu matériellement vérifier, ainsi que pourtant soutenu et à supposer qu'elle en ait eu les compétences, ni les dosages des diverses phases d'application, ni les épaisseurs requises alors que l'expert du cabinet IXI a notamment mis en évidence une désolidarisation entre deux des couches d'enduit, la seconde étant appliquée après le respect du temps de séchage nécessaire de la première ;
Qu'enfin s'il n'y a point de consentement valable lorsque celui-ci n'a été donné que par erreur, laquelle n'est toutefois une cause de nullité de la convention que lorsqu'elle tombe sur la substance même de la chose qui en est l 'objet, l 'ensemble des informations apportées par le vendeur et reprises ci-dessus excluent que Patrick et Sylvie S. aient pu se méprendre sur la pertinence des caractéristiques du produit vendu au regard du but poursuivi comme sur ses modalités de mise en œuvre ;
Qu'il s'ensuit le rejet de leurs demandes et la confirmation de la décision déférée ;
Et que succombant, ils doivent les dépens sans qu'il apparaisse toutefois justifié en équité de prononcer à leur encontre la condamnation prévue par l'article 700 du code de procédure civile.