CA Paris, Pôle 5 ch. 15, 23 janvier 2019, n° 18-26546
PARIS
Ordonnance de sursis à exécution
PARTIES
Demandeur :
Andreas Stihl (SAS), Stihl Holding AG & Co KG (Sté)
Défendeur :
Autorité de la concurrence, Ministre chargé de l'Economie
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Fusaro
Avocats :
Mes Boccon Gibod, Dimitrov
Par requête déposée au greffe de la Cour d'appel de Paris le 21 novembre 2018, les sociétés Andreas Stihl SAS et Stihl Holding AG & Co. KG (ci-après collectivement dénommées Stihl) ont sollicité le sursis à exécution de la décision n° 18-D-23 de l'Autorité de la concurrence (ci-après ADLC) en date du 24 octobre 2018 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la distribution de matériels de motoculture.
Lesdites sociétés ont préalablement formé un recours en annulation et en réformation de cette décision devant la Cour d'appel de Paris.
Il ressort des éléments du dossier que, par décision notifiée le 12 novembre 2018, l'ADLC a retenu un grief à l'encontre de Stihl sur le fondement des articles 101 TFUE et L. 420-1 du Code de commerce, caractérisé par une restriction de facto des ventes à distance sur internet depuis les sites internet de ses distributeurs agréés dans le cadre d'un réseau de distribution sélective.
Au titre du grief retenu, la restriction de facto des ventes en ligne réside dans l'obligation faite aux distributeurs d'assurer, pour des raisons de sécurité, une " mise en main " des machines dangereuses de la marque (exemple : tronçonneuses), laquelle postule un contact direct et personnel avec l'acheteur après l'achat sur internet, soit au magasin du distributeur, soit par une livraison assurée par le revendeur à une adresse indiquée par l'acheteur.
Dans sa décision, l'ADLC a prononcé une sanction pécuniaire de 7 millions (article 3) et a prononcé quatre injonctions à l'encontre de Stihl, dont la principale porte sur la modification de ses contrats de distribution sélective afin de supprimer l'obligation de " mise en main ", telle que décrite supra, pour les ventes en ligne (article 4), et les trois autres sur la communication aux membres du réseau de distribution sélective de Stihl ainsi qu'au public, via la presse économique et spécialisée, du contenu de la décision et des modifications apportées à ses contrats (articles 5, 6 et 7).
La requête sur le sursis à exécution de la décision de l'ADLC sus-mentionnée porte sur les quatre injonctions, au motif que ces injonctions sont susceptibles d'entraîner des conséquences manifestement excessives en cas d'annulation ou de réformation ultérieure de la décision par la Cour d'appel de Paris.
L'affaire a été audiencée pour être plaidée le 12 décembre 2018 et mise en délibéré pour être rendue le 23 janvier 2019.
Par assignation en référé délivrée le 22 novembre 2018, Stihl fait valoir :
La présente affaire concerne le commerce électronique, qui est un domaine marqué par une forte incertitude juridique en droit de la concurrence, comme la Cour d'appel de Paris l'avait souligné dans une précédente affaire concernant la distribution de produits cosmétiques sur internet et qu'au cas d'espèce, cette incertitude est patente au vu des positions contraires à la position de l'ADLC, adoptées par trois autorités de concurrence européennes sur le dispositif contractuel en question (les autorités allemande, suédoise et suisse).
1 - Sur les conséquences manifestement excessives pour la sécurité des utilisateurs de produits dangereux
- Sur la suppression d'un mécanisme certain de prévention des risques au profit des utilisateurs
Il est fait observer que les produits en cause, notamment les tronçonneuses, sont des produits dangereux présentant des risques réels et avérés d'accidents, y compris de décès, pour leurs utilisateurs, ainsi que l'Autorité elle-même le reconnaît dans sa décision.
A titre illustratif, une réponse ministérielle publiée le 23 décembre 2014 a recensé, pour la seule année 2012, 4 445 accidents graves non mortels et 49 accidents mortels, tous secteurs agricoles confondus, en lien avec l'utilisation de ces machines.
Ainsi, compte tenu de cette technicité et de cette dangerosité, Stihl a toujours exigé de son réseau de distributeurs agréés de fournir aux clients, quels qu'ils soient, une " mise en main " sécurisée de la machine en question de nature à prévenir les risques d'accidents.
Cette " mise en main " s'articule autour de trois mesures principales : (i) des conseils personnalisés garantissant à l'acheteur un produit en adéquation avec sa taille et sa constitution physique, ainsi qu'avec l'utilisation à laquelle il le destine ; (ii) une mise en service sécurisée de la machine comprenant le montage et la vérification de l'intégralité de ses fonctions de sécurité ; (iii) une mise en garde personnalisée permettant à l'acheteur d'acquérir concrètement toutes les connaissances nécessaires pour réduire efficacement les risques liés à l'utilisation de la machine, en ce compris les informations sur les équipements de protection individuelle recommandés et obligatoires.
Il est indiqué que ces mesures sont prévues aux articles 2.2.1 et 2.2.3 du contrat de distribution sélective de Stihl et transposées pour les ventes en ligne à l'article 2.1 de l'annexe 11 du contrat dédié à internet.
Stihl fait valoir que l'exigence d'un contact direct et personnel, que l'injonction prévue à l'article 4 de la décision a pour objet de supprimer, est une mesure certaine de prévention des risques d'accidents car elle fournit la garantie que l'acheteur en ligne entendra et assimilera les consignes de sécurité relatives au produit dangereux.
Il est argué que la mise en œuvre de l'injonction conduirait à laisser l'acheteur livré à lui-même et donc à lui faire courir un risque accru d'accidents et de décès.
Dès lors, cette injonction est de nature à porter une atteinte grave et irréversible aux intérêts de leurs utilisateurs, caractérisant par là même une conséquence manifestement excessive justifiant qu'en soit ordonné le sursis à l'exécution.
- Sur les risques juridiques pour Stihl et ses distributeurs
Il est soutenu que l'Autorité de la concurrence n'a pas compétence pour statuer en matière de protection des acheteurs de produits dangereux. Ce sont les juridictions judiciaires qui sont compétentes dans ce domaine et elles ont leur propre jurisprudence qui diverge radicalement des interprétations retenues par l'ADLC.
En effet, il existe une jurisprudence bien établie en matière d'information à fournir, par le fabricant et le revendeur de produits dangereux, à leurs acheteurs, dont il ressort que la simple remise d'une notice ne suffit pas et qu'au contraire, le fabricant et le revendeur doivent pouvoir démontrer avoir porté à la connaissance de leurs acheteurs, de manière réelle, effective et personnalisée, toutes les informations nécessaires pour leur permettre de se prémunir contre les risques liés à l'utilisation d'un produit dangereux, indépendamment de la date de leur réalisation.
Dans ces conditions, la mise en place de l'injonction serait de nature à placer Stihl et ses revendeurs dans l'incapacité d'assurer une mise en garde réelle, effective et personnalisée et ainsi, à leur faire courir des risques irréversibles dans l'attente de l'arrêt de la Cour d'appel de Paris, situation qui est manifestement excessive.
2 - Sur les conséquences manifestement excessives pour le réseau de distribution sélective de Stihl
- Sur l'effet extraterritorial de l'injonction de la modification contractuelle
Il est mis en exergue que trois autres autorités de concurrence européennes, à savoir les autorités de concurrence allemande (le Bundeskartellamt), suisse (la Comco) et suédoise (le Konkurrensvert), n'ont pas considéré les dispositions du contrat de distribution sélective de Stihl comme une restriction anticoncurrentielle " par objet ".
En effet, les dispositions visées par l'injonction prévue à l'article 4 de la décision ont été élaborées à l'issue de nombreux échanges avec les services du Bunderskartellamt, à partir de l'année 2013, et ensuite validées par la Comco et le Konkurrensvert, qui n'y ont vu aucun indice de restriction illicite à la concurrence.
Il est souligné que l'obligation de " mise en main ", dont la modification est enjointe par l'ADLC, n'est pas propre à la France, mais est déployée partout au sein de l'UE et même au-delà.
Dans ces conditions, la mise en œuvre de l'injonction en France aurait pour conséquence de créer, au sein du réseau de distribution sélective de Stihl, deux niveaux de services différents selon la nationalité du distributeur à l'origine de la vente.
Par conséquent, elle est de nature à instaurer une véritable distorsion de concurrence au sein du réseau entre, d'une part, les distributeurs français qui seraient donc exemptés de procéder à la " mise en main " directe et personnelle pour les produits vendus sur internet et d'autre part, l'ensemble des autres distributeurs qui eux y resteront tenus.
Il est argué qu'une telle situation serait de nature à déstabiliser tout le réseau de distribution de Stihl en ce qu'elle pourrait donner lieu à des contestations des distributeurs situés hors de France quant au niveau de services plus élevés qu'ils doivent assurer au sein du marché unique.
Ainsi la mise en œuvre immédiate de l'injonction placerait Stihl dans une situation où, pour prévenir un tel risque de déstabilisation du réseau et dans le souci de préserver la cohérence et l'uniformité de son réseau, elle serait contrainte de modifier ses contrats de distribution sélective, non seulement en France mais également bien au-delà, au sein de l'UE, voire au niveau mondial.
Ce seul constat suffit à retenir l'existence d'une conséquence manifestement excessive s'agissant d'une décision dont les effets devraient en principe se produire uniquement en France et qui, en l'espèce, aurait inévitablement un effet extraterritorial.
- Sur la modification substantielle et irrémédiable de tout le réseau de Stihl
Il est indiqué que depuis sa création en 1926, Stihl a construit sa réputation et son succès sur les services que doivent assurer ses distributeurs agréés au profit des clients, notamment du fait de la technicité et de la dangerosité de certains de ses produits. Ces services sont au coeur de l'identité de Stihl et reposent pour l'essentiel sur la " mise en main " directe et personnelle qui est au centre du dossier.
Il est souligné que ces services caractérisent tout le réseau de distribution sélective de Stihl, qui couvre plus de 160 juridictions et est composé de plus de 45 000 revendeurs sélectionnés, dont 1200 en France et environ 8 500 au sein de l'UE.
Dans ces circonstances, la modification des contrats de distribution sélective de Stihl, telle qu'enjointe par l'ADLC, aurait nécessairement pour effet de modifier de manière substantielle la consistance et la nature de son réseau, dès lors qu'elle touche au contenu des services qui caractérisent l'essence même du réseau que Stihl a mis en place depuis son origine et qu'elle entraînera, pour les ventes sur internet, une baisse généralisée des services caractérisant le réseau en portant ainsi une atteinte grave et irréversible à l'identité et à la marque Stihl, aggravée en l'espèce par les injonctions de publication ordonnées aux articles 6 et 7 de la décision.
Il est soutenu qu'une fois l'injonction mise en œuvre un retour à la situation antérieure serait impossible en pratique.
- Sur les coûts conséquents et irrécouvrables pour Stihl et ses distributeurs
Au cas présent, Stihl devra engager des coûts administratifs conséquents pour la mise en œuvre des modifications contractuelles enjointes par l'Autorité auprès de ses 1 200 distributeurs agréés en France, et potentiellement ses 7 300 autres distributeurs au sein de l'UE, voire au-delà.
De surcroît, en cas d'annulation ou de réformation ultérieure de la décision, ces coûts seraient également augmentés du fait de la nécessité d'informer ces mêmes distributeurs des règles à respecter après l'arrêt de la Cour d'appel de Paris.
Stihl estime que l'injonction engendrera des coûts administratifs à hauteur de 181 000 en France et de 249 300 en Allemagne pour un montant total, rien qu'à l'échelle européenne, de l'ordre d'1.1 million (coût moyen par distributeur résultant des estimations pour la France et l'Allemagne, à savoir 134,5 , multiplié par nombre de revendeurs agréés au sein de l'UE, à savoir 8 500 environ).
La mise en œuvre de l'injonction, conjuguée à la nécessité de maintenir l'obligation faite aux distributeurs de procéder au montage et à la mise en route préalable de la machine avant son expédition, supposerait de mettre en place une logistique très lourde afin de permettre aux distributeurs agréés d'expédier des machines préalablement montées et vérifiées dans des conditions optimales.
Il est fait observer qu'une telle évolution de la logistique soulève des questions de faisabilité lourdes et coûteuses puisqu'afin d'obtenir la garantie que la machine montée ne puisse pas de dérégler lors du transport, Stihl serait contrainte de réaliser des investissements conséquents pour étudier et développer une logistique et un conditionnement spécialement conçu pour le transport de ces machines montées, dont les coûts estimés se situent entre 400 000 et 450 000 .
Il est argué que ces coûts conséquents et irrécouvrables pour Stihl constituent là aussi une conséquence manifestement excessive en cas d'annulation ou de réformation ultérieure de la décision.
3 - L'absence d'urgence justifiant la mise en œuvre immédiate des injonctions
Il est fait valoir qu'aucune circonstance particulière ne justifie en l'espèce l'exécution immédiate des injonctions prononcées à l'encontre de Stihl, compte tenu de la gravité très relative de la pratique ainsi que du dommage tout aussi limité causé à l'économie.
S'agissant du caractère relatif de cette gravité, il s'explique par le fait que Stihl n'interdit pas la vente sur internet. Ainsi que l'ADLC l'a reconnu dans sa décision, 20 % à 30 % des distributeurs actuels de Stihl exploitent actuellement des sites marchands.
Concernant le dommage à l'économie, c'est l'Autorité même qui indique qu'" en toute hypothèse, le marché n'a été affecté que de façon limitée compte tenu du niveau modeste, à ce jour, des ventes en ligne propre à ce secteur ". En effet, internet a un poids très résiduel sur le marché de la motoculture, de l'ordre de 1 à 2 % du chiffre d'affaires du secteur seulement, les produits se prêtant difficilement à la vente ne ligne en raison de l'importance de leur poids et de leur volume.
Par conclusions en réponse notifiées le 10 décembre 2018, Stihl fait valoir :
1 - Sur le principe du contrôle juridictionnel des décisions de l'Autorité de la concurrence
La requérante ne conteste pas le caractère exécutable des décisions de l'ADLC mais met en exergue que c'est précisément pour encadrer ce pouvoir non-suspensif de l'Autorité que le législateur a prévu, outre la possibilité de former un appel au fond, un recours en suspension devant Madame le Premier président pour protéger les entreprises en cas de conséquences manifestement excessives provoquées par la mise en œuvre e immédiate d'une décision de l'Autorité, étant précisé que dans le cadre de cet examen, Madame le Premier Président peut incontestablement tenir compte de la nature des pratiques en cause, de l'insécurité juridique qui les entoure et plus particulièrement de l'absence d'atteinte grave à l'ordre public économique.
2 - Sur la prétendue incompréhension de l'injonction de l'Autorité de la concurrence en matière en sécurité
- Sur l'exigence d'une mise en garde au-delà de la notice d'instruction
Il est argué que l'Autorité se contredit puisqu'à plusieurs endroits dans ses observations, elle souligne que le seul objet de l'injonction est de supprimer toute " mise en main " auprès de l'acheteur, tandis que dans sa décision, elle reconnaît clairement que le dispositif de " mise en main " prévu par Stihl présentait un avantage certain en termes de sécurité des utilisateurs de machines dangereuses dans la mesure où il fournit " l'assurance que l'acheteur entendra les consignes de sécurité ".
Il est soutenu que la suppression de l'exigence d'une mise en main par un contact direct et physique avec l'acheteur serait de nature à faire courir des risques aux utilisateurs des produits, ainsi qu'à Stihl et à ses distributeurs.
- Sur les contradictions de l'Autorité de la concurrence
Il est fait valoir que dans sa décision, l'Autorité ne distinguait pas selon que l'obligation de " mise en main " et de livraison personnalisée étaient assurées par le distributeur ayant vendu le produit ou par une autre personne, alors que dans ses conclusions, elle soutient qu'elle " n'a jamais posé comme principe que la remise d'une notice était suffisante " et que " une obligation de mise en main impliquant un contact direct et personnel serait même parfaitement envisageable dès lors qu'elle permettrait un retrait des produits ailleurs qu'auprès du magasin du distributeur sur le site duquel il a été acquis, ou la livraison au domicile de l'acheteur par une autre personne que ce distributeur ou un de ses employés ".
Au vu de ces contradictions, il en résulte une confusion quant à l'exacte portée de l'injonction de l'Autorité avec un risque manifeste d'annulation par la Cour d'appel, qui doit conduire à ordonner la suspension de son exécution.
3 - Sur le déni de la portée extra-territoriale des modifications contractuelles enjointes par la décision
Il est mis en exergue la contradiction entre ce que l'Autorité soutient dans ses conclusions, à savoir que les modifications enjointes seraient cantonnées au seul marché géographique défini dans la décision, c'est-à-dire le marché français, et ce qu'elle a affirmé dans sa décision, où elle a retenu l'application du droit de l'UE aux motifs précisément que " au cas particulier, l'existence d'un courant d'échanges [au sein de l'UE] portant sur les produits en cause est avérée " (§ 120) et " les pratiques en cause sont, par leur même nature, susceptibles d'affecter le commerce entre les États membres " (§ 121).
Il est argué que dans les deux cas, les conséquences sont manifestement excessives.
En effet, dans l'hypothèse où il n'y aurait pas de concurrence entre les distributeurs au sein de l'UE, la décision encourrait à l'évidence l'annulation pour avoir statué en droit de l'Union sans fondement valable (article 101 TFUE) et dans l'hypothèse où il y aurait bien une concurrence entre les distributeurs au sein de l'UE, la décision entraînerait nécessairement des conséquences extra-territoriales alors même que l'injonction est supposée viser les seuls contrats conclus en France.
Dans une situation de concurrence entre les distributeurs au sein de l'UE, il serait en effet inenvisageable d'introduire au sein du réseau de distribution européen de Stihl, des dispositifs contractuels à géométrie variable selon les États membres.
Il est donc établi que l'injonction imposerait la révision de tous les contrats de distribution sélective de Stihl pour avoir des critères uniformes au sein de l'UE, ce qui constitue en soi une conséquence manifestement excessive.
4 - Sur la négation d'un désaccord entre autorités nationales de concurrence sur le dispositif contractuel de l'injonction
Il est soutenu que l'ADLC est mal fondée à s'étonner de la production du courrier du Bundeskartellamt du 20 novembre 2018 alors même que ses services ont été parfaitement informés au cours de la procédure de la nature et du contenu de ces échanges par les services du Bundeskartellamt eux-mêmes.
Par ailleurs, il est manifeste, même si l'Autorité omet de le dire, que les autorités de concurrence allemande, suisse et suédoise ont agi dans le cadre du Règlement n° 1/2003, dont l'article 5 prévoit qu'une autorité nationale de concurrence peut décider, au regard du droit européen, " sur la base des informations dont elles disposent (...) qu'il n'y a pas lieu pour elle d'intervenir ".
En l'espèce, au vu des courriers des différentes autorités de concurrence produits par Stihl, il est incontestable que ces autorités n'ont pas considéré les clauses relatives à l'obligation de " mise en main " par un contact direct et personnel comme étant contraires à leur droit national de concurrence, mais surtout au droit de la concurrence européen.
Dans ces conditions, il existe donc un risque manifeste d'annulation de la décision par la Cour d'appel de Paris, compte tenu de ces divergences d'application du droit de la concurrence de l'UE.
5 - Sur la modification substantielle et irrémédiable du réseau de distribution sélective de Stihl au sein de l'UE
- Sur la nouvelle logistique en cas d'expédition des machines après montage par le distributeur
Il est fait valoir que ce dont il est question en l'espèce, en cas de mise en œuvre de l'injonction, c'est de concevoir et de mettre en place un nouveau conditionnement en plus des emballages d'origine et une nouvelle logistique permettant aux distributeurs, après montage et vérification de la machine, de la faire expédier par un transporteur tiers.
- Sur une nouvelle organisation basée sur l'intervention de tiers pour la livraison des produits dangereux
Il est argué que la dissociation de la vente des produits et des services nécessiterait d'organiser des relations contractuelles tripartites entre le vendeur, un prestataire de services et l'acheteur dans les 28 États membres et que cela aboutirait à une réorganisation profonde de tout le réseau de Stihl et du modèle économique existant qui lie indissociablement la vente du produit à la fourniture des services qui s'y rattachent.
En conclusion, il est demandé de :
- constater les conséquences manifestement excessives pour les sociétés Andreas Stihl SAS et Stihl Holding AG & Co. KG, l'ensemble de son réseau de distributeurs au sein de l'Union européenne et les utilisateurs finaux de ses produits dangereux, causées par l'exécution de l'injonction prévue à l'article 4 de la décision n° 18-D-23 de l'Autorité de la concurrence, en cas d'annulation ou de réformation ultérieure de cette décision par la Cour d'appel de Paris ;
- constater l'indissociabilité de l'injonction prévue à l'article 4 de la décision n° 18-D-23 de l'Autorité de la concurrence et des trois autres injonctions prévues aux articles 5, 6 et 7 de la décision ;
En conséquence,
- ordonner le sursis à l'exécution de l'injonction à l'article 4 de la décision, et partant de celles prévues aux articles 5, 6 et 7 qui lui sont indissociables, jusqu'à ce que la Cour d'appel de Paris ait statué sur le bien-fondé du recours formé par Stihl à l'encontre de la décision n° 18-D-23 ;
En tout état de cause,
- dire et juger que les dépens de la présente instance suivront le sort de ceux de l'instance au fond.
Par écritures déposées le 10 décembre 2018 au greffe de la Cour d'appel de Paris, l'ADLC fait valoir:
I - Sur le principe de l'effet non-suspensif du recours et la notion d'urgence
L'ADLC soutient que l'exécution immédiate de ses décisions, y compris des injonctions prononcées, est de droit et ne dépend d'aucune condition particulière d'urgence, ni d'aucun motif d'intérêt général qui serait lié, notamment, à la gravité de l'infraction ou au dommage à l'économie.
Il en résulte que la gravité relative d'une pratique sanctionnée et le dommage limité causé à l'économie sont sans incidence sur la nécessité et l'exécution immédiate des décisions de l'Autorité et des injonctions prononcées au regard de la sauvegarde de l'intérêt général et de la préservation de l'ordre public économique. Aucune urgence n'en conditionne le caractère immédiatement exécutoire.
Il est indiqué que la décision se borne à ordonner qu'il " soit mis fin aux pratiques " par la suppression des clauses anticoncurrentielles des contrats de distribution sélective et pour ce faire, les injonctions prononcées énoncent les obligations incombant à Stihl dans la rédaction de ses contrats pour, désormais, autoriser la vente en ligne par les revendeurs de ses produits sans " mise en main " préalable auprès de l'acheteur.
Il est argué que ces injonctions qui apparaissent comme strictement nécessaires pour faire cesser l'atteinte à la concurrence qui résultent des clauses des contrats de distribution sélectives toujours en vigueur à la date de la décision attaquée s'inscrivent dans la pratique décisionnelle courante de l'ADLC lorsque les pratiques sanctionnées résultent de l'application de clauses contractuelles anticoncurrentielles.
II - Sur les conséquences manifestement excessives pour la sécurité des utilisateurs de produits dangereux invoquées par les sociétés requérantes
a) Les arguments avancés par les sociétés requérantes relèvent de l'appréciation au fond
Il est soutenu que les arguments qui portent sur la nécessité et la proportionnalité des modalités de livraison choisies par Stihl, lesquelles interdisent de facto la vente sur internet en violation des règles de la concurrence, relèvent de l'examen du juge du fond et dès lors, ils ne peuvent être utilement avancés dans le cadre d'une demande de sursis à l'exécution d'une décision de l'Autorité.
Il est conclu que les sociétés requérantes sont irrecevables à soutenir, à l'appui de leur demande de sursis à exécution, que l'obligation de mise en main, dont l'Autorité a enjoint la suppression, serait impérative et " exigée par les juridictions compétentes ", étant précisé que cette affirmation, au demeurant inexacte, relève d'une contestation au fond de la décision, laquelle échappe au contrôle du magistrat délégué, en l'absence d'une violation flagrante des règles de droit.
b) Subsidiairement, les arguments avancés par les sociétés requérantes ne sont pas fondés L'ADLC fait valoir que les " conséquences manifestement excessives ", invoquées par les sociétés requérantes à l'appui de leurs requêtes, sont rattachées, non pas à l'injonction prononcée par l'ADLC, mais à l'interprétation erronée faite par les sociétés requérantes de cette injonction. Ainsi l'affirmation des requérantes selon laquelle " l'injonction prévue à l'article 4 de la décision a pour objet de supprimer l'exigence d'un contact direct et personnel pour les machines qui sont achetées sur internet " est inexacte.
- L'Autorité n'interdit nullement à Stihl de prendre toute mesure de sécurité autre que la remise d'une simple notice d'utilisation
Il résulte du libellé de ces injonctions que la décision contestée enjoint à Stilh de permettre " aux distributeurs agrées membres de son réseau de distribution sélective (...) de procéder à la vente en ligne de tous les produits Stihl et Viking, sans exiger de ceux-ci une " mise en main " auprès de l'acheteur, qui impliquerait un retrait du produit au magasin du distributeur, auprès duquel il a été acquis, ou la livraison par ce distributeur en personne ou l'un de ses employés au domicile de l'acheteur ".
Dès lors, l'injonction n'interdit aucunement à Stilh d'organiser les modalités de livraison permettant d'assurer la sécurité des utilisateurs et n'a nullement " pour objet de supprimer l'exigence d'un contact direct et personnel pour les machines qui sont achetées sur internet ". Ainsi une obligation de " mise en main " impliquant un contact direct et personnel serait parfaitement envisageable, dès lors qu'elle permettrait un retrait du produit ailleurs qu'auprès du magasin du distributeur sur le site duquel il a été acquis, ou la livraison au domicile de l'acheteur par une autre personne que ce distributeur ou l'un de ces employés.
Il en va de même de tout autre moyen d'informer effectivement l'utilisateur qui pourrait être mis en place, dès lors que l'acheteur a la possibilité d'acheter en ligne sur le site de son choix puis d'obtenir la livraison dans le point de vente agréé le plus proche de chez lui.
Il est soutenu que, de fait, des moyens alternatifs existent déjà et que des concurrents de Stihl ont précisément opté pour des modalités de livraison également soucieuses de prévenir les risques d'accident et impliquant pour certains une " mise en main ", sans pour autant que celles-ci aient pour effet d'interdire de facto la vente sur internet.
En conclusion, d'autres modalités de livraison peuvent assurer la sécurité des utilisateurs sans nécessairement restreindre la concurrence et l'Autorité, dans sa décision, n'interdit nullement à Stihl d'adapter l'organisation de son réseau à ce double impératif, en recourant à d'autres méthodes, à l'image de ses concurrents.
- L'Autorité ne soutient nullement que la seule remise de la notice d'utilisation serait suffisante
Il est argué que la décision indique que " afin d'établir le caractère restrictif de concurrence de l'interdiction de vendre en ligne des produits Stihl et Viking, il convient de vérifier si, comme le requiert la jurisprudence (...), cette prohibition poursuit de manière proportionnée les objectifs légitimes de préservation de la qualité des produits et sécurisation de leur bon usage " et une telle appréciation doit être conduite " en prenant compte un faisceau d'éléments ayant pour point commun de confronter, sous l'angle des règles de concurrence, l'obligation de " mise en main " édictée par Stihl avec les caractéristiques légales comme factuelles, des produits et secteurs concernés ".
Dès lors, pour apprécier cette proportionnalité, l'ADLC a examiné le contenu de la réglementation spécifique aux produits concernés et simplement constaté qu'aucune disposition ne subordonnait la commercialisation de ces produits à une " mise en main " telle que celle prévue par Stihl et, en particulier, que la remise d'une notice d'utilisation était suffisante, s'agissant de l'information délivrée aux acheteurs, au regard de la réglementation européenne.
Ainsi, la directive machines transposée en droit interne autorise la commercialisation des machines dès lors qu'elles sont conçues et certifiées selon les règles de sécurité qu'elle prévoit d'une part, et qu'elles sont accompagnées d'instructions précises et détaillées sur les précautions d'utilisation et les risques encourus en cas de non respect de ces instructions, d'autre part.
En second lieu, la réglementation applicable à ces produits ne constitue que l'un des éléments d'appréciation de la proportionnalité de l'obligation de " mise en main ", complétée par l'analyse de l'ADLC des choix des concurrents de Stihl, laquelle révèle qu'ils n'ont pas opté pour cette même organisation, puis par celle de la rigueur avec laquelle Stihl appliquait cette obligation de " mise en main " au sein de son réseau, qui met en évidence une mise en œuvre ehétérogène, sans justification.
Il en résulte que c'est par cette analyse que l'ADLC a pu affirmer que l'imposition de cette obligation n'était pas proportionnée aux objectifs poursuivis.
a) En ce qui concerne la suppression d'un mécanisme de prévention des risques au profit des utilisateurs
1 - la réglementation européenne et nationale applicable prévient à suffisance les risques d'accidents
La fabrication et la commercialisation des produits du secteur de la motoculture est régie par une réglementation spécifique, soit la directive machines du 17 mai 2006 transposée en droit national par le décret n° 2008-1156 du 7 novembre 2008 relatif aux équipements de travail et aux équipements.
L'ADLC fait observer que si ce texte prévoit la communication d'une notice d'utilisation écrite dans la langue de l'Etat d'achat - notice qui, pour les produits dits dangereux visés en l'espèce, doit comporter des informations spécifiques - elle n'exige nullement, en revanche, la transmission d'informations orales par contact direct entre le distributeur et l'utilisateur final, ni la réalisation d'une démonstration devant cet utilisateur.
Du point de vue des instances européennes, de telles exigences ne sont donc pas considérées comme nécessaires pour garantir une bonne utilisation du produit et la sécurité du consommateur. Il en est de même au niveau national.
Ainsi Stihl n'est nullement dans l'obligation juridique d'imposer, pour leur application effective, une " mise en main " physique et l'interdiction de vente sur internet qui en découle pour atteindre l'objectif recherché.
2 - les modalités de livraison prévues par les concurrents de Stihl ne font pas, de facto, obstacle aux ventes sur internet
Il est soutenu qu'aucun fournisseur concurrent n'impose d'obligation de mise en main emportant des restrictions de concurrence telles que résultant de l'organisation de Stihl. Ainsi Husqvarna et Honda n'ont pas interdit les ventes sur internet sur les sites de leurs distributeurs agréés mais adapté leur politique commerciale afin de permettre la vente sur internet, tout en s'assurant, par la mise en place de dispositifs spécifiques, que le consommateur ait accès à toutes les informations nécessaires pour garantir sa sécurité. Par comparaison, l'interdiction de vente en ligne imposée par Stihl à ses distributeurs va donc bien au delà de ce qui est apparu nécessaire à ses concurrents pour préserver la sécurité du consommateur.
3 - les grandes surfaces de bricolage (GBS) ne sont pas assujetties à l'obligation de mise en main lors des ventes de produits Stihl
L'obligation de mise en main de Stihl n'est pas uniformément appliquée dans le réseau Stihl, la grande distribution en étant exempte.
Il est argué qu'aucune obligation de mise en main ne figure dans les conventions versées au dossier signées annuellement entre Stihl et les GSB.
Dans ce contexte, il paraît exclu que cette " mise en main " soit indispensable à la réalisation de l'objectif de sécurité, au point que sa suppression emporterait des conséquences manifestement excessives justifiant le sursis à exécution de la décision de l'Autorité, alors qu'elle n'est imposée qu'à une partie des distributeurs de Stihl.
4 - les clients professionnels sont également concernés par l'obligation de " mise en main "
Il est fait observer que l'obligation de " mise en main " lors d'un contact direct et l'interdiction de vendre sur internet sont également imposées par Stilh lorsque le client est un professionnel compte tenu de l'impossibilité, selon Stihl, de distinguer les particuliers des professionnels en l'absence de registre officiel recensant les membres des professions utilisant des produits de monoculture, étant précisé que cette distinction ne semble pas poser de problème particulier à ses concurrents.
5 - les sociétés requérantes ne démontrent aucunement l'existence d'un lien direct entre " mise en main " et nombre ou gravité des accidents.
Rien n'indique que les utilisateurs qui n'ont pas eu de contact direct avec le revendeur seraient plus sujets à des accidents que ceux qui ont eu un tel contact préalable. Ainsi la nécessité de la mise en main n'est pas directement établie.
b) En ce qui concerne les risques juridiques pour Stilh et ses distributeurs
1 - la jurisprudence citée par les sociétés requérantes n'impose pas de " mise en main " Les arrêts produits par les sociétés requérantes n'imposent nullement la " mise en main " des produits dans les conditions prévues par Stihl, mais se bornent à relever l'insuffisance, pour les besoins de l'espèce, de la remise d'une notice.
2 - la doctrine ne considère pas qu'une mise en main est imposée par la jurisprudence
L'ADLC relève que dans sa consultation, versée aux débats au soutien de la thèse des sociétés requérantes, le professeur Leveneur considère que la remise d'une mise en garde écrite et contresignée par l'acheteur pourrait suffire.
Dès lors, l'affirmation selon laquelle l'organisation de la mise en main prévue par Stihl serait exigée par les impératifs de sécurité et par le droit français n'est pas établie, pas plus que les conséquences manifestement excessives qui résulteraient de sa suppression et par conséquence la demande tendant à la suspension de cette injonction sur ce fondement doit être écartée.
III - Sur les conséquences manifestement excessives de l'injonction sur l'organisation du réseau de distribution de Stihl
a) Sur les conséquences alléguées de l'injonction sur le réseau de distribution de Stihl au niveau national
Il est soutenu qu'en l'espèce, la plupart des distributeurs de Stilh disposent de sites internet et 20 à 30 % d'entre eux les utilisent pour la vente en ligne.
Dans ces conditions la mise en œuvre de l'injonction n'entraînera pas de modification substantielle du réseau ou de la politique commerciale de Stihl, l'injonction visant simplement à supprimer l'obstacle à la vente en ligne que constitue l'obligation de " mise en main " pour certains produits.
Ainsi les sociétés requérantes ne peuvent prétendre que l'injonction a pour effet de modifier de manière substantielle la consistance et la nature de leur réseau, ni la qualité du niveau de service et d'assistance au consommateur, Stihl pouvant recommander aux acheteurs en ligne de se rendre chez le distributeur le plus proche pour bénéficier des conseils et d'une assistance personnalisés.
Par ailleurs, il est argué que d'autres moyens d'information et d'assistance peuvent être aisément mis en place. Stihl dispose d'ailleurs de son propre site qui propose des informations adaptées-fiches conseils et vidéos de démonstration d'utilisation des produits de toute la gamme Stihl et qui pourrait être enrichi.
Enfin l'injonction n'a pas pour effet de modifier " de façon substantielle la consistance et la nature du réseau " si bien qu'une annulation ou réformation de la décision conduirait simplement à rétablir dans les contrats l'unique clause litigieuse, sans qu'il en résulte d'instabilité et de confusion dans les relations entre Sthil et les distributeurs.
Dès lors, les conséquences manifestement excessives qui pourraient résulter de la suppression de l'obligation de mise en main directe sur son réseau national n'étant pas réunies, il est demandé à ce que ce moyen soit écarté.
b) Sur les conséquences alléguées de l'injonction sur le réseau de distribution de Stihl au niveau européen
1 - la décision n'impose nullement la révision des contrats de distribution conclus avec ses distributeurs hors de France
L'injonction portant sur la suppression de l'obligation de " mise en main " prononcée par la décision s'applique sur le marché géographique français défini par la décision et ne concerne que les contrats signés entre Stihl et ses distributeurs français et est dépourvue " d'effets extra-territoriaux " qui pourraient contraindre Stihl à la mettre en œuvre dans d'autres États membres pour garantir la stabilité et la cohérence de son réseau de distribution.
2 - les appréciations formulées sur la prétendue licéité du système de distribution de Stihl par les autres autorités nationales de concurrence sont sans incidence sur l'exécution des injonctions
Il apparaît que les sociétés requérantes ne peuvent se prévaloir d'aucune décision adoptée par d'autres autorités européennes de concurrence (allemande, helvétique et suédoise) validant, au terme d'une instruction approfondie, son système de distribution au regard des règles de concurrence. Ainsi les appréciations portées par ces autres autorités sur le réseau de distribution Stihl ne sauraient être opposées à la décision.
3 - Sur les coûts conséquents et irrécupérables pour Stihl et ses distributeurs
L'ADLC indique que les coûts administratifs totaux de l'opération n'excéderont pas 181 000 , somme qui ne peut être considérée comme conséquente pour une entreprise, qui, comme la société Andreas Stihl SAS, a réalisé un chiffre d'affaires de 247 millions d'euros en 2016 et qui, de surcroît, appartient à un groupe dont le chiffre d'affaires annuel a dépassé 3 milliards d'euros cette même année.
S'agissant de l'adaptation logistique liée à l'expédition des machines au client final, soit 450 000 , l'ADLC fait valoir qu'il s'agit d'un investissement et que son montant semble peu élevé en comparaison des coûts supportés par les distributeurs du fait de l'obligation de " mise en main " pour les achats sur internet.
En conséquence, l'injonction prononcée par l'Autorité ne fait ainsi pas obstacle au maintien ou à l'adoption de mesures destinées à assurer la sécurité des utilisateurs de produits dangereux qui ne sont pas constitutives de pratiques anticoncurrentielles.
Par ailleurs, les sociétés requérantes ne démontrent pas que l'exécution immédiate de l'injonction de l'Autorité emporterait les " conséquences manifestement excessives " qu'elles invoquent.
Enfin, la suspension de l'exécution de l'injonction prononcée par l'Autorité pour demander aux sociétés mises en cause " de cesser de mettre en œuvre e", dès le prononcé de la décision, les pratiques anticoncurrentielles constatées ne pourrait qu'entraîner une atteinte grave à l'ordre public économique.
En conclusion, les requêtes des sociétés requérantes qui visent à obtenir le sursis à l'exécution des injonctions prévues aux articles 4 à 7 de la décision ne sont pas fondées et l'application immédiate de la décision est strictement nécessaire pour qu'il soit mis fin aux infractions constatées.
Il est donc demandé de rejeter la demande de sursis à exécution, ainsi que par voie de conséquence celle présentée sur les dépens.
Par observations déposées au greffe de la Cour d'appel de Paris en date du 7 décembre 2018, le ministre de l'Économie fait valoir :
I - Sur l'office de la Première présidente de la Cour d'appel de Paris dans les procédures de sursis à statuer
Il est cité une jurisprudence de la Cour d'appel de Paris selon laquelle il n'appartient pas au magistrat, saisi d'une demande de sursis à exécution d'une décision de l'Autorité de la concurrence, de " contrôler la légalité de la décision objet du recours, il lui revient en revanche de s'assurer, lorsqu'une irrégularité grave de procédure est invoquée, que la décision n'est pas sérieusement menacée d'annulation de ce chef, de sorte que son exécution dans ces conditions serait de nature à engendrer les conséquences manifestement excessives visées à l'article L. 464-8 du Code de commerce " et il est argué que c'est à la lumière de ces considérations qu'il convient d'examiner l'assignation formée par la requérante.
II - Sur la compétence de l'Autorité de la concurrence
Il est rappelé que l'affaire en cause est relative à un accord de volontés entre Stihl et ses distributeurs sur l'interdiction de vendre les produits Stihl et Viking sur internet et non à un litige qui relève du droit de la protection des consommateurs. Or, il ne fait aucun doute que l'Autorité de la concurrence est compétente pour traiter des ententes verticales, comme celle dont il est question au cas présent, qui relèvent des dispositions des articles L. 420-1 du Code de commerce et 101 du TFUE.
Il est soutenu que l'obligation de mise en main des machines, imposée et contrôlée par Stihl, équivaut à une interdiction de facto de la vente sur internet, à laquelle les distributeurs se sont conformés, démontrant ainsi leur parfaite compréhension et leur acquiescement à la politique commerciale de leur fournisseur.
Concernant l'accroissement des risques encourus par les utilisateurs des produits dangereux de Stihl, la véritable question sous-jacente est celle de la nécessité, réellement démontrée, d'un service avant l'achat d'un tel produit.
En tout état de cause, une telle appréciation en l'espèce suppose que la violation alléguée apparaisse manifeste, c'est-à-dire qu'elle résulte à l'évidence de la décision contestée et des pièces produites, toute autre considération relevant de l'examen au fond.
Il est argué que l'examen prima facie de la décision n° 18-D-23 dans le cadre de cette procédure spécifique devant le Premier président de la Cour d'appel ne révèle pas que celle-ci soit sérieusement menacée d'annulation de ce chef. Cette obligation de mise en main ne semble pas en effet être imposée par les concurrents de Stihl à leurs propres distributeurs.
III - Sur les injonctions de modifier les contrats de distribution
Il est soutenu qu'il n'est pas démontré que les modifications à apporter aux contrats sont aussi substantielles et irrémédiables que la requérante le prétend, ni même qu'elles sont susceptibles d'entraîner des conséquences manifestement excessives.
En effet, la situation des requérantes, à qui a seulement été imposé de ne pas exiger de ses distributeurs une " mise en main " des produits qu'elles vendent sur internet, n'est pas totalement identique à celle qui prévalait dans le dossier Pierre Fabre, où il s'agissait de créer de A à Z les conditions de vente en ligne.
De même, les requérantes n'ont pas démontré de manière " concrète et chiffrée ", ainsi qu'il l'exige la jurisprudence, les conséquences manifestement excessives qu'entraînerait l'exécution des injonctions. En effet, les coûts engendrés par la modification des contrats, à supposer même que les coûts avancés par les requérantes soient justifiés, ne sont pas de nature à engendrer des conséquences manifestement excessives.
Enfin, Stihl ne rapporte aucune preuve des risques irréversibles que cette injonction ferait courir.
IV - Sur les injonctions de publication
Il est soutenu que les obligations de publications ne présentent pas de difficultés de mise en œuvre ni ne génèrent de conséquences manifestement excessives en soi.
Par ailleurs, Stihl a la possibilité de faire figurer dans le communiqué de presse qu'elle conteste la décision n° 18-D-23 par les voies légales qui lui sont offertes.
En conclusion, le ministre de l'Économie considère qu'il n'y a pas lieu de prononcer de sursis à statuer concernant les injonctions énoncées aux articles 4, 5, 6 et 7 de la décision n° 18-D-23 et demande de juger que les dépens de la présente instance suivront le sort de ceux de l'instance au fond.
Par avis déposé au greffe de la Cour d'appel de Paris le 11 décembre 2018, le Ministère public soutient :
1 - Sur les conséquences manifestement excessives relatives à l'utilisation des produits
Il est fait observer que dans le cadre de la présente requête, les parties requérantes ne contestent pas la compétence de l'Autorité et que, s'agissant de l'irrecevabilité du moyen, elles invoquent un risque irréversible pour les utilisateurs, ainsi que pour Stihl et ses distributeurs, à la suite de l'exécution immédiate de l'injonction de modification des contrats.
Dès lors, les arguments présentés ne relèvent pas uniquement de l'appréciation au fond, en ce qu'ils insèrent la suppression de l'obligation de mise en main dans la limitation de la capacité de Stihl à mettre en garde les utilisateurs.
Sur le fond, il est précisé que le risque pour l'entreprise sanctionnée de voir sa responsabilité engagée à l'occasion de contentieux d'ordre civil ou pénal a déjà été pris en compte par la jurisprudence relative au sursis à exécution, de même que l'atteinte à sa réputation qui pourrait résulter d'une moindre qualité du service rendu et il est soutenu que ce soit l'un que l'autre doivent être pris en compte au cas d'espèce dans l'appréciation des conséquences manifestement excessives.
Le Ministère public à l'appui de son argumentation plusieurs décisions de la Cour d'appel de Paris à savoir les ordonnances du Premier président en date 11 août 1987, Conseil national des pharmaciens c. Expanscience et Pierre Fabre et du 11 septembre 1987, OCP Répartition et autres.
Par ailleurs, il est rappellé le principe du caractère irrécouvrable du préjudice financier dont la Cour de justice de l'Union européenne a fait application à maintes reprises aux fins d'octroi du sursis à exécution des décisions de la Commission européenne notamment la décision du Président de la CJCE, IMS en date du 26 octobre 2001.
Il est demandé d'accueillir ce moyen.
2 - Sur les conséquences manifestement excessives relatives au réseau de distribution
Il est soutenu que l'analyse développée par l'Autorité dans ses écritures ne peut être approuvée dans la mesure où, notamment, le coût de la mise en place de mesures alternatives n'est pas établi et ne pourra, en tout état de cause, faire l'objet d'une compensation en cas d'annulation ou de réformation de la décision.
Par ailleurs, la comparaison avec le coût moins élevé dans le domaine de la grande distribution n'est pas opérante dans la mesure où aucun service n'est associé à ce type de vente.
Il est fait valoir que l'analyse des disparités du réseau sur le territoire européen doit être combinée à celle des coûts administratifs et logistiques représentant des montants chiffrés, conséquents et irrécouvrables et qu'une modification des contrats, même cantonnée au seul territoire national, et de surcroît dans le délai de trois prescrit par la décision, façonnerait de manière irréversible le réseau de distribution.
En effet, dans l'hypothèse d'une modification des contrats à l'échelle du territoire de l'Union européenne, ces coûts seraient accrus et ne pourraient en tout état de cause être recouvrés en cas d'annulation ou de réformation de la décision litigieuse. Il est cité plusieurs jurisprudences à l'appui de cet argumentation.
Enfin, il est fait observer que la Cour de cassation a estimé qu'en subordonnant la reconnaissance de l'existence de conséquences manifestement excessives à la constatation du caractère irréversible de la situation invoquée, le délégué du Premier président avait ajouté à la loi des conditions qu'elle ne comportait pas.
En conséquence, il est demandé d'ordonner le sursis à exécution de l'article 4 de la décision contestée jusqu'à la décision de la Cour d'appel sur le fond.
3 - Sur le caractère urgent de la mise en œuvre immédiate de ces injonctions
Il est fait valoir que l'absence d'urgence ne relève pas de critères permettant l'octroi du sursis, même si des ordonnances rendues dans des affaires similaires (notamment l'ordonnance précitée rendue dans l'affaire Pierre Fabre) ont pu prendre en compte cet élément en vue d'apprécier le caractère manifestement excessif des conséquences en cause.
Il en est conclu que l'absence d'urgence d'une telle mise en œuvre immédiate ne peut que conforter l'octroi du sursis à exécution de l'article 4 de la décision.
4 - Sur les autres injonctions des articles 5 à 7 de la décision
Le Ministère public soutient que si le caractère indissociable de l'injonction figurant à l'article 4 de la décision contestée peut effectivement être retenu pour l'injonction de communiquer à l'ensemble des distributeurs la modification des contrats, prévue à l'article 5, il n'en va pas de même pour les injonctions prévues aux articles 6 et 7 concernant la publication de la Décision dans les journaux mentionnés ainsi que sur leurs sites internet respectifs, lesquels sont dissociables des articles 4 et 5 de la décision.
En effet, comme l'Autorité le prévoit expressément dans sa décision, les requérantes peuvent ajouter que ces injonctions ont fait l'objet d'un recours et le risque de conséquences manifestement excessives est donc, sur ce point, écarté. Dans ces circonstances, le choix pourrait être d'ordonner le retrait du dernier paragraphe visant les injonctions de modifications des contrats et de communication de celle-ci ou d'ajouter que ces injonctions ont fait l'objet d'un recours.
En tout état de cause, les sociétés requérantes ne démontrent pas en quoi les injonctions de la publication figurant aux articles 6 et 7 seraient indissociables de celle prononcée à l'article 4 de la décision, ni dans quelle mesure elles engendreraient des conséquences manifestement excessives.
En conclusion, le Ministère public invite à ordonner le sursis à exécution des articles 4 et 5 de la décision n° 18-D-23 du 24 octobre 2018 de l'Autorité de la concurrence et à rejeter la demande de sursis à exécution des injonctions de publications figurant aux articles 6 et 7 en raison de leur caractère dissociable des articles 4 et 5.
Sur ce
Considérant qu'aux termes de l'article L. 464-8 du Code de commerce " les décisions de l'Autorité de la concurrence mentionnées aux articles L. 462-8, L. 464-2, L. 464-3, L. 464-5, L. 464-6, L. 464-6-1 et L. 752-27 sont notifiées aux parties en cause et au ministre chargé de l'Economie, qui peuvent, dans le délai d'un mois, introduire un recours en annulation ou en réformation devant la Cour d'appel de Paris.
Le recours n'est pas suspensif. Toutefois, le premier président de la Cour d'appel de Paris peut ordonner qu'il soit sursis à l'exécution de la décision si celle-ci est susceptible d'entraîner des conséquences manifestement excessives ou s'il est intervenu, postérieurement à sa notification, des faits nouveaux d'une exceptionnelle gravité ";
Considérant que, s'étant saisie d'office des pratiques anti-concurrentielles dans le secteur de la distribution de matériels de motoculture faisant état de restrictions à la revente des produits de la société Andreas Stihl SAS sur les sites internet de ses distributeurs spécialisés et sur les plateformes tierces, l'Autorité de la concurrence a, par décision n° 18-D-23 du 24 octobre 2018, considéré que le recours à la distribution sélective était licite, mais a retenu la responsabilité de la société Andreas Stihl SAS et de sa société mère au titre du grief concernant la mise en œuvre d'une entente visant la restriction des ventes à distance depuis les sites internet des distributeurs agréés dans le cadre du réseau de distribution sélective de la société Stihl, estimant que les pratiques en cause avaient entraîné une interdiction de facto de la vente des produits Stihl et Viking à partir des sites internet des distributeurs agréés entre le 2 mars 2006 et le 4 septembre 2017. Elle indiquait que cette restriction de facto résultait de l'obligation faite aux distributeurs d'assurer, après l'achat sur internet, une " mise en main " des machines présentant un certain degré de dangerosité ;
Considérant qu'en conséquence, l'Autorité de la concurrence a sanctionné les sociétés Andreas Stihl SAS et Stihl Holding AG&Co KG d'une amende de 7 000 000 et leur a enjoint de modifier les contrats de distribution, de communiquer cette modification aux distributeurs agréés et de publier sa décision dans la presse spécialisée et sur les sites internet de celle-ci, ainsi qu'il suit :
" Article 4 : Il est enjoint à la société Andreas Stihl SAS de procéder, dans un délai de trois mois à compter de la notification de la présente décision, à la modification de ses contrats de distribution sélective existants, afin de stipuler, en termes clairs, que les distributeurs agréés membres de son réseau de distribution sélective ont la possibilité de procéder à la vente en ligne de tous les produits Stihl et Viking, sans exiger de ceux-ci une " mise en main " auprès de l'acheteur, qui impliquerait un retrait du produit au magasin du distributeur, auprès duquel il a été acquis, ou la livraison par ce distributeur en personne ou l'un de ses employés au domicile de l'acheteur. La société Andreas Stihl SAS adressera, sous pli recommandé, au bureau de la procédure de l'Autorité de la concurrence, un exemplaire de ces contrats ou de cette circulaire dans un délai de quatre mois à compter de la notification de la présente décision.
Article 5 : Il est enjoint à la société Andreas Stihl SAS de transmettre à l'ensemble de ses points de vente, dans un délai de trois mois à compter de la notification de la présente décision, une lettre recommandée avec accusé de réception leur annonçant les modifications apportées à leurs contrats de distribution sélective, décrites à l'article 4, en y joignant le résumé de la décision figurant au paragraphe 325 de la décision. La société Andreas Stihl SAS adressera, sous pli recommandé, au bureau de la procédure de l'Autorité de la concurrence, un exemplaire de cette lettre dans un délai de quatre mois à compter de la notification de la présente décision.
Article 6 : Les personnes morales visées à l'article 1er feront publier à leurs frais le texte figurant au paragraphe 325 de la présente décision dans les journaux " Les Echos ", " Matériel et Paysage " et " Rustica " en respectant la mise en forme suivante. Cette publication interviendra dans un encadré en caractères noirs sur fond blanc de hauteur au moins égale à trois millimètres sous le titre suivant, en caractère gras de même taille : " Décision de l'Autorité de la concurrence n° 18-D-23 du 24 octobre 2018 relative à des pratiques mises en œuvre edans le secteur de la distribution de matériel de motoculture. Elle pourra être suivie de la mention selon laquelle la décision a fait l'objet de recours devant la cour d'appel de Paris si de tels recours sont exercés. Les personnes morales concernées adresseront, sous pli recommandé, au bureau de la procédure, copie de cette publication, dès sa parution et au plus tard le 24 décembre 2018.
Article 7 : Les personnes morales visées à l'article 1er feront publier à leurs frais le texte figurant au paragraphe 325 de la présente décision, au sein d'une page accessible au public à partir d'une annonce en première page des sites Internet des journaux " Les Echos ", " Matériels et Paysage " et " Rustica ". L'annonce de première page indiquera " Par décision du 24 octobre 2018 l'Autorité de la concurrence a sanctionné la société Stihl et le Groupe auquel elle appartient pour avoir mis en œuvre des pratiques anticoncurrentielles dans le secteur de la distribution de matériel de motoculture " en caractère gras et dans une police d'écriture de taille 14. Cette annonce devra demeurer visible durant huit jours consécutifs. La publication à laquelle renverra l'annonce de première page interviendra dans un encadré sous-titré " Décision de l'Autorité de la concurrence n° 18-D-23 du 24 octobre 2018 relative à des pratiques mises en œuvre edans le secteur de la distribution de matériel de motoculture " en caractère gras et dans une police d'écriture de taille 14 et ce pour une durée de huit jours consécutifs. Elle pourra être suivie de la mention selon laquelle la décision a fait l'objet d'un recours devant la cour d'appel de Paris si un tel recours est exercé. La société sanctionnée adressera, sous pli recommandé, au bureau de la procédure, copie de ces publications, dès leur parution et au plus tard le 24 décembre 2018 ";
Considérant qu'il est constant que l'injonction instaurée par l'article 4 de la décision contestée aura pour conséquence de modifier de façon substantielle le système et la nature de la distribution sélective au sein du réseau actuel du groupe Stilh et, corrélativement, d'entraîner des coûts substantiels pour les sociétés requérantes ;
Considérant que ces coûts administratifs sont estimés à 181 000 euros pour la France et que les investissements nécessaires pour développer une nouvelle logistique, le conditionnement spécial pour chaque type de machine et les nouveaux emballages généreraient des coûts compris entre 400 000 et 450 000 euros, auxquels il faudra ajouter les investissements pour l'achat et le stockage des emballages ;
Considérant que ces coûts ne sont pas surévalués par les requérantes, étant précisé que le réseau français de Stihl comprend 1200 distributeurs ;
Considérant qu'il ne peut être exclu que cette modification du réseau de distribution sélective à l'échelon national soit étendue au niveau européen, sauf à instaurer la création de deux niveaux de services différents selon la localisation géographique du distributeur et dès lors, une distorsion de concurrence entre eux ;
Considérant que l'Autorité de la concurrence, qui fait état de pratiques alternatives, à l'instar de celles adoptées par d'autres sociétés concurrentes, à savoir Husqvarna et Honda, ne donne aucune indication quant au coût de celles-ci, qui permettrait d'effectuer une comparaison ; que, par ailleurs, l'extrapolation du coût de la mise en place de solutions alternatives des deux concurrents cités n'est pas pertinente, l'Autorité suggérant que les sociétés concurrentes précitées commercialisent des produits ayant le même degré de dangerosité, alors que la société Honda, à titre illustratif, ne propose pas à la vente des tronçonneuses ;
Considérant, en tout état de cause, que le coût de la mise en place des mesures alternatives ne pourra ni être recouvré, ni faire l'objet d'une compensation en cas d'annulation ou de réformation de la décision ;
Considérant, par ailleurs, qu'il y a lieu de ne pas exclure le risque juridique pouvant résulter du contentieux fondé sur la responsabilité des sociétés requérantes ainsi que celui de l'atteinte à la réputation induit par une moindre qualité de la prestation fournie ;
Considérant enfin que l'Autorité de la concurrence ne caractérise pas en quoi la suspension de l'exécution de l'injonction prévue à l'article 4 de sa décision serait susceptible d'entraîner une atteinte grave à l'ordre public économique ;
Considérant que les éléments ci-dessus exposés caractérisent les conséquences manifestement excessives prévues par l'article L. 464-8 du Code de commerce sus-mentionné sans qu'il soit nécessaire de relever une quelconque urgence, dans l'hypothèse de la mise à exécution immédiate de la décision ;
Considérant que les trois autres injonctions des articles 5, 6 et 7 sont indissociables de celle de l'article 4 ;
Considérant, en conséquence, qu'il y a lieu de surseoir à l'exécution des injonctions prévues aux articles 4, 5, 6 et 7 de la décision n° 18-D-23 de l'Autorité de la concurrence en date du 24 octobre 2018, dans l'attente de la décision de la Cour d'appel de Paris sur le bien fondé du recours au fond dont l'examen de l'affaire est fixé le 6 juin 2019.
Par ces motifs : Ordonnons le sursis à exécution des injonctions prononcées contre les sociétés Andreas Stihl SAS et Stihl Holding AG & Co. KG par la décision n° 18-D-23 rendue par l'Autorité de la concurrence en date du 24 octobre 2018, jusqu'à ce que la Cour statue sur le bien-fondé du recours formé par cette société contre la décision ; Disons que les dépens de la présente instance suivront le sort de ceux de l'instance au fond.