CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 16 janvier 2019, n° 16-16159
PARIS
Arrêt
Infirmation partielle
PARTIES
Demandeur :
Club Parfum (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Luc
Conseillers :
Mmes Mouthon Vidilles, Comte
Avocats :
Mes Autier, Buret
Faits et procédure,
La société Club Parfum commercialise exclusivement par vente à domicile par réunion (méthode communément appelée " Tupperware ") des produits de parfumerie et cosmétique.
Le 15 septembre 2003, la société Club Parfum a conclu avec Mme X un contrat d'" agrément distributeur " de ses produits.
Mme X, en sa qualité de vendeur à domicile indépendant, percevait une rémunération tant sur ses propres ventes que sur celles de ses filleuls recrutés par ses soins et celles des distributeurs eux-mêmes recrutés par ses filleuls et ainsi de suite jusqu'au 6e niveau de parrainage, sur la base d'un plan, intitulé " plan de rémunération ", comportant notamment une grille de " points valeurs " servant de base de calcul aux commissions et prévoyant un Bonus volume et des commissions d'Animation, de Manager et de VIP.
En novembre 2015, Mme X a contesté la rémunération versée au titre du mois d'octobre 2015 dont le montant lui paraissait très inférieur (- 3 418,30 euros) à son relevé provisoire et il lui a été indiqué que ses commissions avaient été calculées conformément au nouveau plan de rémunération annoncé officiellement le 4 septembre 2015 à l'ensemble du réseau pour une entrée en vigueur le 1er octobre 2015 et dont elle aurait été informée, en tant que Manager, dès le mois de juin 2015.
Mme X a souligné n'avoir jamais été réceptionnaire d'un nouveau plan de rémunération et n'avoir signé aucun avenant contractuel portant modification du plan précédent qui s'appliquait depuis plus de 12 ans de sorte que faute d'accord mutuel sur le nouveau mode de calcul de sa rétribution, il convenait de calculer son intervention sur la base du plan de rémunération initial qui faisait partie intégrante du contrat d'agrément.
En décembre 2015, la société Club Parfum a cessé de verser toutes commissions à Mme X et par lettre recommandée avec accusé de réception du 13 janvier 2016, Mme X a mis en demeure la société Club Parfum d'avoir à lui régler celles de décembre à hauteur de 7 258,63 euros. Par lettre en réponse du 26 janvier 2016, la société Club Parfum a subordonné le paiement de ces commissions à la production d'un compte-rendu des actions d'animation de son réseau, de factures conformes comportant la date des prestations, leur nature et leur quantité, ainsi que des bons de commande établis au cours des 12 derniers mois et copie de la justification des règlements clients.
Par exploit du 7 janvier 2016, Mme X a assigné la société Club Parfum devant le tribunal de commerce de Marseille en paiement d'un arriéré de commissions dues pour les mois d'octobre et novembre 2015 et d'une indemnité pour rupture brutale des relations commerciales établies au visa des dispositions de l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce. En cours d'instance, Mme X a sollicité en outre le paiement de commissions pour les mois de décembre par exploit du 7 janvier 2016, assigné la société Club Parfum devant le tribunal de commerce de Marseille pour obtenir réparation de ce chef, outre le paiement des arriérés de commissions pour les mois de décembre 2015 et janvier et février 2016.
Par jugement du 23 juin 2016, le tribunal de commerce de Marseille a, sous le régime de l'exécution provisoire :
- dit que le " plan de revenus et de performance " n'est pas opposable à Mme X et qu'il ne peut s'appliquer en l'espèce,
- dit que les commissions dues à Mme X doivent être calculées conformément au plan de rémunération 2013,
- dit que les commandes personnelles de Mme X ayant dépassé le seuil contractuel lui donnent accès sur la période considérée aux commissions prévues au plan de rémunération,
- condamné la société Club Parfum à payer à Mme X, les sommes de
* 4 101,95 euros TTC (quatre mille cent un euros et quatre-vingt-quinze centimes TTC) au titre de l'arriéré des commissions dues pour le mois d'octobre 2015 avec intérêts au taux légal à compter du 7 janvier 2016, date de la citation en justice,
* 7 212,86 euros TTC (sept mille deux cent douze euros et quatre-vingt-six centimes TTC) au titre de l'arriéré des commissions dues pour le mois de novembre 2015 avec intérêts au taux légal à compter du 7 janvier 2016, date de la citation en justice,
* 11 289,61 euros TTC (onze mille deux cent quatre-vingt-neuf euros et soixante et un centimes TTC) au titre des commissions dues pour le mois de décembre 2015 à compter du 12 mai 2016, date de la demande en justice,
* 2 702,53 euros TTC (deux mille sept cent deux euros et cinquante-trois centimes TTC) au titre des commissions dues pour le mois de janvier 2016 avec intérêts au taux légal à compter du 12 mai 2016, date de la demande en justice,
* 4 044,61 euros TTC (quatre mille quarante-quatre euros et soixante et un centimes TTC) au titre des commissions dues pour le mois de février 2016 avec intérêts au taux légal à compter du 12 mai 2016, date de la demande en justice,
- débouté Mme X de sa demande formée au titre de l'indemnité de rupture,
- débouté la société Club Parfum de ses demandes reconventionnelles,
- condamné la société Club Parfum à payer à Mme X la somme de 2 000 euros (deux mille euros) au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,
- fait masse des dépens toutes taxes comprises de la présente instance et les a partagé à raison de moitié à la charge de chacune des parties,
- rejeté pour le surplus toutes autres demandes, fins et conclusions contraires aux dispositions du présent jugement.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 19 juillet 2016, la société Club Parfum a résilié le contrat à effet au 31 décembre 2016.
Vu la déclaration d'appel et les dernières conclusions déposées et notifiées le 17 janvier 2017, par lesquelles la société Club Parfum, appelante, invite la cour à :
- dire la société Club Parfum recevable en son appel,
- constater l'opposabilité à Mme X des conditions générales Club Parfum et de leurs modalités de modification,
en conséquence,
- constater l'opposabilité, à Mme X, du nouveau plan de rémunération de Club Parfum qui lui a été communiqué en juillet 2015, avec effet au 1er octobre 2015,
- en tout état de cause, vu l'article 1134 ancien du Code civil et l'absence de toute contestation de Mme X à tout le moins sur les conditions du plan de rémunération 2013, voir constater l'absence de justification par Mme X de ce qu'elle remplit les conditions contractuelles d'accès aux commissions, tant au titre du plan 2013 qu'au titre du plan 2015,
- en conséquence, infirmer le jugement,
- dire que Mme X ne justifie pas remplir les conditions contractuelles pour prétendre au paiement de commissions,
- à titre subsidiaire, constater que le tribunal ne pouvait se fonder sur un simple document informatif sans valeur juridique,
en conséquence,
- infirmer le jugement entrepris et débouter Mme X de sa demande en paiement au titre de commissions pour les mois d'octobre 2015 à février 2016 et plus généralement, de ses prétentions à obtenir le paiement de commissions sans justifier en remplir les conditions contractuelles,
- constater le bien-fondé de la demande de la société Club Parfum de communication par Mme X des justificatifs du respect des conditions d'accès aux commissions, en tant que de besoin,
- faire injonction à Mme X sous astreinte de 300 euros par jour de retard, de produire aux débats les bons de commande des clientes, signés par elles, au cours des 5 dernières années (2012 à 2016) et des justificatifs de leurs règlements,
- dire que faute pour Mme X de démontrer qu'elle remplit les conditions d'accès aux rémunérations, elle sera considérée comme ayant indûment perçu les commissions de la société Club Parfum,
en conséquence,
- infirmer le jugement entrepris et condamner Mme X à la restitution de ce qui aurait alors été payé par erreur par la société Club Parfum au cours des 5 dernières années d'activité au sein du réseau Club Parfum,
- prendre acte de ce que la société Club Parfum se réserve de chiffrer ultérieurement ses demandes à ce titre en fonction des éléments qui seront ou non versés aux débats par Mme X,
- débouter Mme X en toutes ses demandes incidentes et notamment constater qu'elle ne peut prétendre à commission au titre des mois de mars à octobre 2016, faute de justifier d'une quelconque activité de vente,
- constater qu'elle ne justifie d'aucun préjudice moral ni d'aucune faute à l'égard de la société Club Parfum et constater, au visa de l'article L. 442-6 du Code de commerce, qu'il n'existe aucune brusque rupture,
- condamner Mme X à payer à la société Club Parfum la somme de 10 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel, et autoriser leur recouvrement dans les conditions de l'article 699 du Code procédure civile ;
Vu les dernières conclusions déposées et notifiées le 23 novembre 2016, par lesquelles Mme X, intimée ayant formé appel incident, demande à la cour, au visa des articles L. 442-6, I, 5° du Code de commerce et 1134 et 1382 anciens du Code civil, de :
- déclarer recevable mais infondé l'appel interjeté par la société Club Parfum,
- confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions, sauf en ce que le tribunal de commerce de Marseille a débouté Mme X de sa demande formée au titre de l'indemnité de rupture,
- dire qu'en refusant de payer à Mme X les commissions des mois de décembre 2015 à septembre 2016, la société Club Parfum a commis une inexécution contractuelle constitutive d'une faute,
- dire qu'en ayant imposé de manière unilatérale une modification de la rémunération de la requérante, la société Club Parfum a commis une faute,
- condamner la société Club Parfum à payer à Mme X une somme de 30 000 euros en indemnisation de son préjudice moral,
- dire que la société Club Parfum a abusivement résilié le contrat d'agrément liant les parties sans respecter un préavis d'une durée suffisante,
- condamner la société Club Parfum, au visa des dispositions de l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce, à payer à Mme X une somme de 207 777,97 euros au titre de l'indemnité de rupture, ajoutant au jugement déféré,
- condamner la société Club Parfum à payer à Mme X les commissions échues pour les mois de mars 2016 à octobre 2016 suivant le détail suivant :
* mars 2016 : 4 128,22 euros TTC, * avril 2016 : 4 523,48 euros TTC, * mai 2016 : 6 409,28 euros TTC, * juin 2016 : 4 856,35 euros TTC, * juillet 2016 : 3 449,80 euros TTC, * août 2016 : 2 089,49 euros TTC, * septembre 2016 : 4 177,25 euros TTC,
- dire que ces sommes porteront intérêt au taux légal à compter de leur exigibilité,
- condamner la société Club Parfum à payer et porter à Mme X la somme de 10.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,
- condamner la société Club Parfum aux entiers dépens dont le recouvrement, pour ceux le concernant, sera directement poursuivi par Me Frédéric Buret, Avocat à la cour, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile ;
SUR CE, LA COUR,
Sur la demande en paiement des commissions d'octobre 2015 à septembre 2016
Il ressort de l'instruction du dossier que :
- le contrat d'' agrément distributeur " du 15 septembre 2003 ne comporte aucune disposition relative aux règles de commissionnement et n'est assorti d'aucun document annexe, tel que des conditions générales, auxquelles il ne fait d'ailleurs aucunement référence, (pièce intimée n°1),
- de septembre 2003 à septembre 2015, les commissions de Mme X ont été successivement calculées selon les plans de rémunération de 2003, 2006, 2011 et 2013 (pièces appelante n°2 et 13) et une grille de " points valeur " sans contestation d'aucune sorte,
- selon ces plans de rémunération et notamment le dernier appliqué (2013), les commissions sont attribuées en fonction d'un volume d'achat de produits suivant un " Tableau % Commissions ",
- elles sont de plusieurs types et cumulables : Bonus volume (calculé à partir du total mensuel des points valeur correspondant aux achats du mois), Commission d'Animation (commandes totalisant 175 points valeur minimum par mois), Commission Manager, Commission VIP,
- à compter du 1er octobre 2015, la société Club Parfum a entendu appliquer un nouveau plan de rémunération, dit " Plan de revenus et de performance 2015 ", modifiant le mode de calcul des commissions,
- Mme X a considéré que faute d'en avoir été réceptionnaire et de l'avoir accepté, il ne lui était pas opposable.
La société Club Parfum fait valoir que les conditions du nouveau plan de rémunération ont été régulièrement communiquées à Mme X, en juillet 2015, sans que celle-ci n'émette d'observations, qu'à compter du mois d'octobre 2015, ce nouveau plan était bien applicable en vertu de l'article 6 des conditions générales 2015 du contrat-type, lesquelles sont opposables à Mme X, qui les a signées à plusieurs reprises lorsqu'elle a parrainé des distributrices. Subsidiairement, la société Club Parfum fait valoir qu'à supposer seul applicable le plan de rémunération 2013, Mme X ne remplissait plus les conditions énoncées à ce plan pour accéder aux commissions, en ce qu'elle ne justifiait d'aucune réalisation de ventes et que par fraude aux principes du contrat, elle se bornait à effectuer un minimum d'achat, non pas en vue de la revente, mais dans le seul but de percevoir, par ce biais, des commissions auxquelles elle n'aurait pu avoir accès.
Mme X conteste toutes ces allégations. Elle soutient notamment n'avoir jamais signé les conditions générales Club Parfum 2015, pas plus que n'avoir donné son accord à se voir appliquer les termes d'un nouveau plan de rémunération. Partant, elle conclut que le " plan de revenus et de performance 2015 " lui est inopposable.
Les conditions générales, auxquelles fait référence la société Club Parfum, figurent au dos d'un contrat-type, intitulé " contrat de distribution d'acheteur-revendeur dans le cadre de la vente directe à domicile ", qui n'a toutefois jamais été soumis à la signature de Mme X. Ces dispositions générales prévoient, à l'article 6. Gains du Distributeur, que " Les gains du Distributeur sont constitués d'une part par la marge bénéficiaire qu'il réalise lors de la revente des produits et d'autre part par les commissions et les bonus qu'il peut recevoir en application du Plan de Développement dont il a pris connaissance... Le Plan de Développement Club Parfum peut être modifié pour tenir compte de l'environnement de la distribution et de l'évolution du réseau Club Parfum. Toute modification est portée à la connaissance du Distributeur avec un préavis de deux mois, par tout moyen de communication de Club Parfum et notamment en ligne. En cas de désaccord du Distributeur, celui-ci doit le notifier dans les 30 jours suivants la communication de la notification du plan, à peine d'irrecevabilité de toute réclamation ultérieure ". La société Club Parfum prétend que ces conditions générales sont opposables à Mme X et par suite, qu'en application de l'article 6, le nouveau plan de rémunération, dit " plan de revenus et de performance 2015 ", lui est opposable.
Mais la société Club Parfum ne démontre pas que Mme X ait accepté ces conditions générales qui n'étaient pas annexées au contrat de 2003, qui seul lie les parties, et auxquelles celui-ci ne faisait nullement référence, peu important à cet égard que le contrat-type soit un contrat d'adhésion dès lors qu'il n'a pas été soumis à la signature de Mme X. Si Mme X en a eu connaissance par la signature de nombreux contrats de parrainage qu'elle a signés et auxquels elles étaient annexées, c'est à juste titre que les premiers juges ont considéré que ces conditions générales ne concernaient que les rapports filleul-distributeur / société Club Parfum et n'obligeaient pas la marraine de sorte qu'elles n'étaient pas opposables à Mme X dès lors qu'il n'était pas démontré qu'elle les avait acceptées. La cour ajoute que si la société Club Parfum était libre de faire évoluer son contrat et plus particulièrement ses conditions générales, afin de les adapter aux évolutions législatives et aux préconisations de la Fédération Vente Directe (FVD), elle devait prendre toutes dispositions utiles pour recueillir leur acceptation par Mme X afin de les lui rendre opposables.
Subsidiairement, la société Club Parfum soutient que le plan de rémunération 2015, dit " plan de revenus et de performance ", est opposable à Mme X dès lors que :
- elle a eu connaissance du changement dès le mois de juillet 2015, elle a participé directement à son élaboration, elle en a été personnellement informée lors d'une réunion spécifique et elle l'a promu après des conseillères de sa lignée,
- ce plan est venu se substituer au plan de rémunération antérieur lequel était devenu applicable dans les mêmes conditions,
- Mme X avait précédemment accepté ces modalités d'évolution du plan.
Mais les premiers juges ont, à raison, conclu qu'à l'évidence le " plan revenus et performance " ne pouvait être considéré comme la continuité des plans précédents, en relevant que :
- il résulte de la comparaison des plans de rémunérations dans leurs versions 2011 et 2013 (pièces appelante n° 13 et 2) et du " plan de revenus et de performance " 2015 (pièce appelante n° 10) que ces documents sont de portée différente en ce que les premiers présentent, sur deux pages et de façon identique, les éléments de rémunération des vendeurs Club Parfum de manière précise et illustrée, tandis que le dernier, présenté sur huit pages de façon très commerciale, est beaucoup plus destiné à promouvoir le métier de vendeur Club Parfum qu'à déterminer sa rémunération,
- avant le 1er octobre 2015, la société Club Parfum désignait ce plan sous le nom de " plan marketing " ou " plan de carrière " ( cf pièces appelante n° 4 et 7) et non de " plan de rémunération ",
- ce n'est que dans la lettre du 2 octobre 2015 que la société Club Parfum a évoqué un nouveau " plan d'évolution et de rémunération ".
En outre, il n'est pas démontré que ce plan 2015 ait été présenté à Mme X comme un nouveau plan de rémunération, qu'il ait fait l'objet de concertation et que celle-ci ait donné son accord exprès à sa mise en œuvre de sorte que l'absence de contestation de Mme X entre juillet et octobre 2015 ne peut être considéré comme une acceptation tacite de celui-ci.
Par suite, le plan de rémunération 2013 doit continuer à s'appliquer aux commissions dues à compter du 1er octobre 2015.
La société Club Parfum affirme que les conditions d'obtention des commissions du plan 2013 ne sont pas remplies en ce que Mme X ne justifie pas, malgré ses demandes répétées, des actions effectives d'animation entreprises par elle au cours des périodes concernées et se refuse à établir qu'elle avait réalisé des ventes personnelles auprès de consommatrices à hauteur d'au moins " 175 points valeurs ", comme prévu dans le plan 2013. Elle fait valoir que l'objet essentiel du contrat est de vendre des produits Club Parfum aux consommateurs par vente à domicile afin de développer la notoriété du produit et non pas que le distributeur achète les produits Club Parfum pour son usage personnel.
Le plan de rémunération 2013 mentionne, à l'article 2 b) Commissions d'Animation que : " L'activité principale d'un Distributeur doit être la vente.
Dès un 1er parrainage, chaque Distributeur Conseiller peut prétendre à des commissions d'animation.
Pour une conformité avec certaines directives de la FVD, conjointement avec des nécessités de bon fonctionnement du réseau, les critères d'obtention des Commissions d'Animation sont :
- Chaque Distributeur Conseiller doit passer une ou plusieurs commandes totalisant 175 points valeurs minimum mensuellement car l'activité principale est la vente.
- Les Managers Confirmés... doivent rendre compte auprès de Club Parfum - à la demande de la société - des activités d'animation effectuées dans le mois, et ce afin de garantir que chaque Manager anime et motive les membres de sa descendance. Ce compte-rendu d'activité d'animation mensuel doit inclure :
. Type d'animation effectuée
. Nom des distributeurs contactés. "
Comme l'ont relevé, justement, les premiers juges :
- ce plan ne comporte aucune mention quant au critère d'appréciation de l'activité principale du vendeur et aux sanctions éventuelles dans le cas où il serait établi que la vente ne serait pas l'activité principale du distributeur,
- il apparaît à la lecture du document que le critère d'obtention de la commission est satisfait dès lors que les commandes passées atteignent 175 points valeurs, ce qui est le cas pour la période en cause en première instance, Mme X ayant atteint ou dépassé ce seuil durant les mois d'octobre 2015 à février 2016, la cour ajoutant qu'il en est de même pour la période postérieure de mars à septembre 2016 inclus au vu des justificatifs produits aux débats (pièces intimée n° 29, 32 à 39-1),
- la société Club Parfum demande que Mme X justifie de son activité de vente en produisant les bons de commande de ses propres clients mais aucune stipulation contractuelle ne vient limiter ou interdire une telle pratique et il n'est pas prévu que le distributeur justifie des commandes de ses propres clients,
- d'ailleurs, l'article 2-3 du Code de conduite de la FVD (pièce intimée n° 28) énonce que "... Tout revenu trouve son origine dans l'activité de vente, y compris les achats pour usage personnel des vendeurs (souligné par la cour), ainsi les revenus du vendeur évoluent en fonction du prix de vente des produits et/ou du nombre de ses ventes et/ou des ventes obtenues par le groupe de vendeurs qu'il a recruté, formé et animé ".
Mme X établit avoir adressé des comptes-rendus mensuels d'animation de décembre 2015 à septembre 2016 inclus afin de justifier les prestations facturées, ainsi que les bulletins de commissions, un relevé de commissions et les factures correspondantes (pièces intimée n° 13, 18 à 23 et 29 à 39-1). Contrairement à ce que soutient la société Club Parfum, ces comptes-rendus attestent d'une activité effective d'animation.
Au vu des pièces produites énumérées ci-dessus, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a condamné la société Club Parfum à verser à Mme X les commissions prévues au plan de rémunération 2013, soit le bonus individuel, les commissions d'animation et la commission manager, pour les mois d'octobre 2015 à février 2016 (pièces n° 13, 18 à 23, 30 et 31).
En outre, pour les mêmes motifs et au vu des pièces justificatives produites (bulletins de commissions, factures et compte-rendu mensuels d'animation pièces intimée n° 29, 32 à 39-1), la société Club Parfum sera condamnée à verser à Mme X les somme suivantes :
* 4 128,22 euros TTC au titre des commissions de mars 2016,
* 4 523,48 euros TTC au titre des commissions d'avril 2016,
* 6 409,28 euros TTC au titre des commissions de mai 2016,
* 4 856,35 euros TTC au titre des commissions de juin 2016,
* 3 449,80 euros TTC au titre des commissions de juillet 2016,
* 2 089,49 euros TTC au titre des commissions d'août 2016,
* 4 177,25 euros TTC au titre des commissions de septembre 2016, augmentées des intérêts au taux légal à compter du 26 novembre 2016, date des conclusions valant première mise en demeure.
Sur la demande d'indemnisation du préjudice moral subi du fait d'une faute contractuelle
Mme X soutient qu'en refusant délibérément de lui payer les commissions dues, la société Club Parfum a commis une grave inexécution contractuelle qui justifie sa condamnation à lui verser la somme de 30 000 euros au titre du préjudice moral.
Mais c'est à juste titre que les premiers juges l'ont déboutée de cette demande au motif qu'elle ne justifiait d'aucun préjudice distinct de celui qui a été réparé par l'allocation des intérêts moratoires.
La cour constate qu'elle n'en justifie pas plus en appel, se contentant d'invoquer un préjudice moral sans le caractériser. Par suite, le jugement entrepris sera confirmé de ce chef.
Sur la demande d'indemnisation pour rupture brutale des relations commerciales établies
Mme X soutient qu'en rétorsion aux deux actions judiciaires qu'elle a engagées à bon droit, la société Club Parfum a résilié le contrat pour un motif abusif, en lui accordant un préavis de 5 mois, nonobstant une relation commerciale de plus de 13 ans. Elle considère qu'elle aurait dû bénéficier d'un préavis de 36 mois compte tenu de l'ancienneté des relations commerciales liant les parties et du fait que les produits étaient commercialisés sous marque de distributeur, la société Club Parfum en assurant la fabrication, la vente au détail auprès de son réseau de VDI et demeurant détentrice des marques sous lesquels les produits étaient vendus.
La société Club Parfum réplique qu'elle a notifié la résiliation du contrat le 19 juillet 2016 pour le 31 décembre 2016, accordant ainsi un préavis de 6 mois. Elle considère qu'il n'y a eu strictement aucune brusque rupture et que le préavis concédé était largement suffisant pour permettre à Mme X de se réorganiser, ce qu'elle avait déjà fait elle-même précédemment.
Les parties s'accordent à reconnaître avoir entretenu des relations commerciales établies pendant 13 ans qui ont été rompues par la société Club Parfum par lettre du 19 juillet 2016 à effet au 31 décembre 2016, accordant ainsi un préavis de 5 mois et 12 jours.
Il ressort de l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce que la brutalité de la rupture résulte de l'absence de préavis écrit ou d'un préavis suffisant. Le délai de préavis suffisant, qui s'apprécie au moment de la notification de la rupture, doit s'entendre du temps nécessaire à l'entreprise délaissée pour se réorganiser, c'est-à-dire pour préparer le redéploiement de son activité, trouver un autre partenaire ou une solution de remplacement. Les principaux critères à prendre en compte sont l'ancienneté des relations, le degré de dépendance économique, le volume d'affaires réalisé, la progression du chiffre d'affaires, les investissements effectués, les relations d'exclusivité et la spécificité des produits et services en cause.
Mme X affirme, sans être contredite, avoir développé un réseau de 8 500 distributeurs. La société Club Parfum reconnaît d'ailleurs qu'elle a été l'une de ses distributrices les plus importantes et a animé un nombre très élevé de distributrices et de nombreuses réunions. Il ressort des pièces produites non utilement contestées qu'elle a perçu entre 2013 et 2014 une moyenne annuelle de 69 259,32 euros de commissions.
Dans ces conditions, eu égard à l'ancienneté des relations commerciales de 13 ans, à la nature de l'activité et à ses contraintes, au volume d'affaires, à la part prépondérante du client Club Parfum dans le chiffre d'affaires de Mme X mais en l'absence d'accord d'exclusivité entre les parties et à défaut de la justification d'une dépendance imposée par l'appelante, le délai de préavis suffisant pour permettre à Mme X de prendre toutes dispositions utiles pour se réorganiser, doit être fixé à 6 mois.
Mme X prétend que les produits vendus l'étaient sous marque de distributeur et la société Club Parfum ne fait valoir aucune observation à cet égard. L'article L. 112-6 alinéa 2 du Code de la consommation dispose qu' " Un produit est considéré comme vendu sous marque distributeur lorsque ces caractéristiques ont été définies par l'entreprise ou le groupe d'entreprises qui en assure la vente au détail et est propriétaire de la marque sous laquelle il est vendu ".
Il y a lieu de rappeler que quatre critères cumulatifs doivent être réunis pour qu'un produit soit qualifié de produit "MDD", à savoir :
- les caractéristiques du produit doivent être définies par le distributeur ;
- le produit est destiné à la vente (revente) au détail ;
- le produit doit faire l'objet d'une vente (revente) par le distributeur ;
- le produit doit être vendu (revendu) sous une marque dont le distributeur est propriétaire.
Or, Mme X, distributeur, n'établit ni n'avoir défini les caractéristiques des produits vendus, ni être propriétaire de ou des marques sous lesquelles ils sont vendus, de sorte qu'elle n'est pas fondée à revendiquer le doublement du délai de préavis de 6 mois retenu. Mme X ayant bénéficié d'un préavis effectif de 5 mois et 12 jours, le préavis manquant est de 19 jours.
Il est constant que le préjudice résultant du caractère brutal de la rupture est constitué par la perte de la marge dont la victime pouvait escompter bénéficier pendant la durée du préavis qui aurait dû lui être accordé. En l'espèce, compte tenu de la nature de l'activité, il y a lieu de se référer aux commissions dont Mme X a été privée.
Il ressort du relevé annuel de commissions 2005-2015, non utilement contesté par la société Club Parfum qui ne produit aucune pièce tirée de sa propre comptabilité venant le contredire, qu'il y a lieu de retenir sur les deux dernières années d'exercice plein une moyenne annuelle de commissions à hauteur de 69 259,32 euros.
Ainsi, le gain manqué pendant les 19 jours de préavis manquant s'établit à la somme de 3 605,27 euros (69 259,32 euros / 365 jours x 19 jours) au paiement de laquelle la société Club Parfum sera condamnée.
Sur les demandes reconventionnelles
Compte tenu du sens de la présente décision, les demandes reconventionnelles de la société Club Parfum tendant à ce qu'il soit fait injonction à Mme X, sous astreinte, de produire aux débats les bons de commande des clientes, signés par elles, au cours des 5 dernières années (2012 à 2016) et des justificatifs de leurs règlements, et à la voir condamnée à lui restituer ce qu'elle a payé par erreur au cours des 5 dernières années d'activité au sein du réseau Club Parfum, seront rejetées.
Sur les dépens et l'article 700 du Code de procédure civile
La société Club Parfum qui succombe essentiellement, supportera la charge des dépens de première instance et d'appel. Le jugement entrepris sera donc infirmé en ce qu'il a partagé les dépens de première instance par moitié. En revanche il sera confirmé en ce qu'il a condamné la société Club Parfum à verser à Mme X la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile. La société Club Parfum devra verser la somme supplémentaire de 10 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, sa propre demande formée à ce titre étant rejetée.
Par ces motifs : LA COUR, confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a débouté Mme X de sa demande au titre de l'indemnité de rupture et partagé les dépens de première instance par moitié ; l'infirme sur ces points ; statuant à nouveau, condamne la société Club Parfum à verser à Mme X la somme de 3 605,27 euros à titre d'indemnité pour rupture brutale des relations commerciales établies ; et y ajoutant, condamne la société Club Parfum à verser à Mme X au titre des commissions dues les sommes suivantes : * 4 128,22 euros TTC au titre des commissions de mars 2016, * 4 523,48 euros TTC au titre des commissions d'avril 2016, * 6 409,28 euros TTC au titre des commissions de mai 2016, * 4 856,35 euros TTC au titre des commissions de juin 2016, * 3 449,80 euros TTC au titre des commissions de juillet 2016, * 2 089,49 euros TTC au titre des commissions d'août 2016, * 4 177,25 euros TTC au titre des commissions de septembre 2016 ; dit que ces sommes étant augmentées de intérêts au taux légal compter du 26 novembre 2016 ; déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ; condamne la société Club Parfum aux dépens de première instance et d'appel ; autorise Me Frédéric Buret, avocat, à recouvrer les dépens dans les conditions de l'article 699 du Code de procédure civile ; condamne la société Club Parfum à verser à Mme X la somme supplémentaire de 10 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.