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Décisions

CA Paris, Pôle 4 ch. 9, 17 janvier 2019, n° 17-04302

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Potier, Vignol

Défendeur :

Bally, Nouvelle régie des jonctions des énergies de france (SAS), Bnp paribas personal finance (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. David

Conseillers :

Mmes Lalardrie, Gouarin

Avocats :

Mes De La Porte, Goury-Alis, Potier, Grappotte-Benetreau, Canet

TI Paris, du 22 déc. 2016

22 décembre 2016

Faits, procédure et prétentions des parties,

Le 8 avril 2013, dans le cadre d'un démarchage à domicile, M. et Mme POTIER concluaient avec la société NOUVELLE REGIE DES JONCTIONS DES ENERGIES France un contrat d'achat portant sur un système de production d'électricité d'origine photovoltaïque et un ballon thermodynamique.

Afin de financer cette acquisition, la société BANQUE SOLFEA leur accordait un crédit d'un montant de 22 900 euros, remboursable en 132 mensualités de 267,19 euros au taux annuel effectif global de 5,50 %.

A compter du 10 août 2014, les emprunteurs cessaient d'honorer le paiement des échéances de leur crédit.

Par jugement en date du 12 novembre 2014, la société NOUVELLE REGIE DES JONCTIONS DES ENERGIES France était placée en liquidation judiciaire, et la société MOYRAND-BALLY désignée en qualité de liquidateur judiciaire.

Les 12 et 16 septembre 2014, les époux POTIER assignaient la société BANQUE SOLFEA et Me BLERIOT, en sa qualité d'administrateur judiciaire, et la société MOYRAND-BALLY en qualité de liquidateur judiciaire de la société NOUVELLE REGIE DES JONCTIONS DES ENERGIES

FRANCE, devant le tribunal d'instance du 2ème arrondissement de Paris, afin d'obtenir l'annulation des contrats de vente et de crédit accessoire.

Par jugement réputé contradictoire en date du 22 décembre 2016, le tribunal d'instance du 2ème arrondissement de Paris :

- Rejetait la demande de résolution du contrat de crédit,

- Disait n'y avoir lieu à annulation du contrat de vente et de crédit qui lui était affecté,

- Disait n'y avoir lieu à dispenser les époux POTIER de rembourser à la société BANQUE SOLFEA les sommes prêtées en exécution du contrat de crédit affecté,

- Déboutait les époux POTIER de leurs demandes formées à l'encontre de la société BANQUE SOLFEA et de la société MOYRAND-BALLY,

- Condamnait in solidum les époux POTIER à payer à la société BANQUE SOLFEA la somme de 26 784,32 euros au titre du contrat de crédit affecté,

- Disait n'y avoir lieu à ordonner la mainlevée de l'inscription au FICP.

La juridiction retenait que si l'organisme de crédit n'avait pas vérifié que le bien financé avait été effectivement installé avant de débloquer les fonds, cette faute n'était pas suffisamment grave pour justifier la résolution du contrat de crédit. De plus, il ressortait des éléments versés aux débats que les emprunteurs avaient, de manière non équivoque, manifesté leur volonté de renoncer à se prévaloir des irrégularités formelles et à invoquer la nullité du contrat au titre des vices l'affectant. Le montant de la clause pénale était réduit à la somme de 50 euros car paraissant comme manifestement disproportionné eu égard au préjudice réellement subi par le créancier.

Aux termes d'une cession de créance intervenue le 28 février 2017, la société 'BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE venait aux droits et obligations de la société BANQUE SOLFEA.

Par déclaration en date du 27 février 2017, les époux POTIER ont relevé appel de cette décision.

Dans leurs dernières conclusions signifiées le 29 juin 2018, les appelants demandent à la cour d'infirmer le jugement rendu, invoquant la faute commise par l'organisme de crédit dans le déblocage des fonds qui justifierait la résolution du contrat de crédit affecté. A titre subsidiaire, les époux POTIER sollicitent la condamnation de la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE à lui régler la somme de 28 549,87 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de leur préjudice de perte de chance de ne pas contracter. En tout état de cause, les époux POTIER réclament, outre la somme de 2 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, la condamnation de la société BANQUE SOLFEA à procéder à la mainlevée de leur inscription au FICP, et à leur rembourser les frais de désinstallation et de remise en état de la toiture.

La société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE, dans ses dernières écritures signifiées le 26 juillet 2018, sollicite la confirmation du jugement entrepris, sauf en ce qu'il a condamné les époux POTIER à régler à la société BANQUE SOLFEA la somme de 26 784,32 euros, et réclame la condamnation des emprunteurs à lui verser la somme de 28 549,87 euros au titre de la somme due, ainsi que celle de 2 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

La société MOYRAND-BALLY, à qui les conclusions et la déclaration d'appel ont été signifiées respectivement les 24 mai et 26 avril 2017, n'a pas constitué avocat.

Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions des parties, il est renvoyé aux écritures de celles-ci, conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 4 septembre 2018.

SUR CE,

1- Au soutien de la demande de nullité du contrat principal, les appelants invoquent notamment le non-respect des dispositions d'ordre public du code de la consommation.

Selon l'article L. 121-23 du code de la consommation dans sa version en vigueur au jour de la conclusion du contrat, les opérations visées à l'article L. 121-21 doivent faire l'objet d'un contrat dont un exemplaire doit être remis au client au moment de la conclusion de ce contrat et comporter, à peine de nullité, les mentions suivantes :

1°) noms du fournisseur et du démarcheur ;

2°) adresse du fournisseur ;

3°) adresse du lieu de conclusion du contrat ;

4°) désignation précise de la nature et des caractéristiques des biens offerts ou des services proposés ;

5°) conditions d'exécution du contrat, notamment les modalités et le délai de livraison des biens, ou d'exécution de la prestation de services ;

6°) prix global à payer et modalités de paiement ; en cas de vente à tempérament ou de vente à crédit, les formes exigées par la réglementation sur la vente à crédit, ainsi que le taux nominal de l'intérêt et le taux effectif global de l'intérêt déterminé dans les conditions prévues à l'article L. 313-1 ;

7°) faculté de renonciation prévue à l'article L. 121-25, ainsi que les conditions d'exercice de cette faculté et, de façon apparente, le texte intégral des articles L. 121-23, L. 121-24, L. 121-25 et L. 121-26.

Ainsi que le précisent les appelants, il apparaît effectivement que le bon de commande remis à l'en-tête de GROUPE SOLAIRE DE FRANCE ne mentionne pas les conditions exactes d'exécution du contrat (planning de réalisation du projet, délais de raccordement...), ni des modalités précises de paiement, ni des caractéristiques techniques des biens en cause (marque, modèle, surface, références techniques, poids, caractéristiques en termes de rendement, capacité de production et de performances...).

Ces caractéristiques essentielles des biens offerts auraient dû figurer dans le contrat de vente, de sorte que ces irrégularités constituent des causes de nullité du contrat.

La méconnaissance des dispositions de l'article L. 121-23 du code de la consommation est sanctionnée par une nullité relative.

Il résulte de l'article 1338 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du

10 février 2016 que la confirmation d'un acte nul exige à la fois la connaissance du vice l'affectant et l'intention de le réparer.

Il ne résulte pas des éléments de l'espèce que M. POTIER et Mme VIGNOL, profanes en la matière, aient compris, avant l'exécution du contrat, quels vices l'entachaient et aient eu la volonté de renoncer à se prévaloir des irrégularités formelles du bon de commande.

Les actes de M. et Mme POTIER, invoqués par la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE, ne démontrent pas qu'ils ont agi en toute connaissance de cause et entendu renoncer aux dispositions protectrices du droit de la consommation concernant la vente par démarchage.

Le simple fait pour les époux POTIER-VIGNOL de laisser le contrat s'exécuter, par le biais du GROUPE SOLAIRE, qui avait reçu délégation pour ce faire, n'est pas suffisant pour considérer qu'ils ont l'intention de confirmer le contrat en toute connaissance de cause.

De plus, contrairement à ce qu'a retenu le tribunal, M. POTIER et Mme VIGNOL n'ont pas pu se rendre compte des irrégularités du contrat au motif que celui-ci reproduit les dispositions de l'article L. 121-23 alors que celles-ci sont intégrées sans encart ni séparation dans les conditions générales imprimées en petits caractères.

Par ailleurs, les dispositions de l'article L. 121-23 sont intégrées sous l'article 6 intitulé " RENONCIATION ", ce qui est sans rapport avec la nullité d'un contrat.

De même, il n'est pas démontré que les appelants ont eu connaissance de ces dispositions et ont compris leur portée.

En effet, les conditions générales de vente, situées au verso, n'ont fait l'objet d'aucune approbation et le contrat ne comprend aucune clause mentionnant par exemple que les acquéreurs ont pris parfaitement connaissance des conditions générales de vente et plus particulièrement des articles L.

121-23 et L. 121.26 du code de la consommation et qu'ils ont reconnu être d'accord avec celles-ci.

A cet égard, l'article L. 211-11 du code de la consommation exige que les clauses des contrats proposés par les professionnels aux consommateurs ou aux non-professionnels soient présentées et rédigées de façon claire et compréhensible.

Or tel n'est pas le cas du bon de commande signé par les époux POTIER.

Dans ces conditions, il est impossible d'affirmer que M. POTIER et Mme VIGNOL ont eu connaissance du vice affectant le contrat litigieux et qu'ils ont souhaité le confirmer.

De même, il n'est pas démontré qu'en acceptant l'exécution du contrat par la société prestataire, M. et Mme POTIER aient entendu renoncer à l'application de la législation et confirmer le contrat de vente et de prestation de services du 8 avril 2013.

Par ailleurs, le fait que M. POTIER et Mme VIGNOL aient apposé leur signature sur le certificat de livraison ou aient payé des échéances du crédit affecté ne suffit pas à caractériser leur volonté de réparer les vices affectant le contrat principal, à supposer qu'ils aient pu les connaître, et de renoncer à se prévaloir de la nullité de celui-ci alors qu'une telle renonciation doit être certaine et non équivoque.

Dans ces conditions, sans qu'il y ait lieu d'examiner d'autres moyens, le jugement sera donc infirmé en ce qu'il a retenu que la nullité du contrat principal avait été couverte par la connaissance du vice l'affectant et l'intention de le réparer.

Par voie de conséquence, toutes les autres dispositions du jugement seront infirmées.

2- En application de l'article L. 311-32 du code de la consommation dans sa version alors applicable, l'annulation du contrat principal entraîne de plein droit l'annulation du prêt accessoire.

La nullité entraînant la remise des choses dans l'état antérieur à la conclusion du contrat, la société

BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE venant aux droits de la société BANQUE SOLFEA devra rembourser à M. POTIER et Mme VIGNOL les sommes versées par eux en exécution du contrat de crédit.

L'emprunteur est, quant à lui, en principe, tenu de restituer le capital emprunté au prêteur sauf en cas d'inexécution du contrat principal ou de faute commise par le prêteur dans la remise des fonds, étant rappelé que selon l'article L. 311-31 du code de la consommation dans sa version alors applicable, les obligations de l'article L. 311-32 du code de la consommation l'emprunteur ne prennent effet qu'à compter de la livraison du bien ou de la fourniture de la prestation.

Cette annulation du contrat de prêt a pour conséquence la radiation de toute inscription au FICP.

3- S'agissant d'une opération de crédit affecté pour laquelle elle donne mandat au vendeur de faire signer à l'acheteur l'offre préalable de crédit, la banque se devait, en sa qualité d'établissement professionnel rompu à ce type de financement comme en témoignent la mention dactylographiée "offre de contrat de crédit affecté" figurant sur l'offre de prêt et le formulaire pré-imprimé de certificat de livraison à l'en-tête de la BANQUE SOLFEA, de vérifier la régularité de l'opération financée au regard des dispositions d'ordre public de l'article L. 121-23 du code de la consommation.

Le prêteur ne saurait utilement contester une telle obligation en invoquant qu'il est un tiers au contrat principal, qu'il n'existe pas d'obligation expresse en ce sens et qu'il ne disposait pas du bon de commande. En effet, le contrat principal et le contrat de crédit affecté constituent, en application de l'article L. 311-1 9° dans sa rédaction applicable, une opération commerciale unique et sont, conformément à l'article L. 311-32 du même code dans sa rédaction alors en vigueur, interdépendants si bien que du fait de l'indivisibilité des contrats, le prêteur doit procéder préalablement aux vérifications nécessaires auprès du vendeur et des consommateurs, en réclamant au besoin le bon de commande. Or, en l'espèce, la désignation des biens et services figurant dans le contrat est particulièrement indigente en ce que ne figure même pas la marque des produits, ce qui est le minimum attendu s'agissant d'une installation particulièrement coûteuse. En outre, le bon de commande est muet quant aux délais de livraison et d'installation. Il en résulte que les causes de nullité affectant le contrat principal sont manifestes et que le prêteur aurait dû les détecter. Dès lors, en versant les fonds, sans se mettre en mesure de vérifier la conformité du contrat financé aux dispositions du code de la consommation relatives au démarchage, le prêteur a commis une négligence fautive qui le prive en toute hypothèse de sa créance de restitution.

4- De surcroît, la faute commise par le prêteur qui délivre les fonds au vendeur sans s'assurer que celui-ci a exécuté ses obligations à la même conséquence.

En l'espèce, le certificat de livraison de bien ou de fourniture de services pré-imprimé à l'en-tête de la BANQUE SOLFEA est pour l'essentiel renseigné par le vendeur lui-même qui certifie sous sa responsabilité que la livraison du bien et/ou la fourniture de services au client a/ont été réalisée(s) conformément à la commande de ce dernier et demande au prêteur de lui adresser le règlement du crédit.

Si ce document a également été signé par M. POTIER et Mme VIGNOL sous les phrases pré-imprimées en petits caractères "atteste avoir accepté sans réserve la livraison du bien effectuée", "constate expressément que tous les travaux et prestations de services qui devaient être effectués à ce titre ont été pleinement réalisés" et "demande au prêteur de procéder au déblocage des fonds au profit du vendeur", force est de constater que le cadre réservé au client ne contient aucune précision sur les différents biens fournis et sur les prestations à la charge du vendeur. Il ne laisse en outre aucun espace permettant au client d'émettre des réserves quant à la livraison ou à la réalisation des travaux et prestations dus par le vendeur.

La désignation et le descriptif précis du bien ou de la prestation de service vendus est quant à elle manifestement insuffisante.

Il en résulte que la banque a commis une faute en délivrant les fonds au vu d'un certificat de livraison manifestement incomplet et irrégulier qui ne permettait pas de contrôler l'exécution effective et complète des obligations à la charge du vendeur.

5- En outre, l'intimée ne saurait valablement prétendre que M. POTIER et Mme VIGNOL auraient en toute connaissance de cause signé un certificat de livraison ne reflétant pas la réalité et en déduire que nul ne pouvant se prévaloir de sa propre turpitude, ils ne pourraient invoquer la faute de l'organisme de crédit.

En effet, rien ne démontre que M. POTIER et Mme VIGNOL auraient, ce faisant, délibérément eu la volonté d'attester de la parfaite et complète exécution du contrat principal dans le but de provoquer le versement des fonds au profit du vendeur, tout en sachant que cette attestation était fausse. D'une part, ils n'avaient aucun intérêt à agir ainsi, sauf collusion frauduleuse avec le vendeur qui n'est ni invoquée, ni a fortiori démontrée. D'autre part, comme cela a déjà été relevé, le libellé même de ce certificat est ambigu, incomplet et ne permet pas au client, faute notamment d'espace suffisant pour rappeler l'étendue des obligations à la charge du vendeur, d'apprécier exactement ce qu'il atteste.

La mauvaise foi de M. POTIER et Mme VIGNOL n'est dans ces conditions nullement constituée, alors même que le prêteur, qui a établi l'imprimé du certificat de livraison et du moins l'a validé comme en témoigne son en-tête y figurant, a, en toute connaissance de cause au regard de sa qualité de professionnel du financement de ce type d'opérations, privé ce document de la clarté nécessaire tant pour le client que pour lui-même, au regard de son obligation de s'assurer de l'exécution du contrat principal avant la délivrance des fonds.

6- En tout état de cause, il ne s'agit nullement d'analyser un préjudice de M. POTIER et Mme VIGNOL mais de sanctionner une faute objective du prêteur par la privation de sa créance de restitution du capital emprunté.

En conséquence, il y a lieu de débouter la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE de sa demande de condamnation de M. POTIER et Mme VIGNOL au remboursement du crédit, le jugement étant confirmé de ce chef.

7- La société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE ne saurait cependant être tenue aux frais de désinstallation des panneaux photovoltaïques, celle-ci étant nécessairement à la charge de l'entreprise et par conséquent en l'espèce du liquidateur.

6- La société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE succombant en appel sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel.

Il n'y a toutefois pas lieu de faire application de l'article 700 du code procédure civile.