CA Colmar, 3e ch. civ. A, 21 janvier 2019, n° 17-04079
COLMAR
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Trekking (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Martino
Conseillers :
Mmes Fabreguettes, Arnold
Avocats :
Mes Rebmann, Chevallier Gaschy
Faits, procédure et prétention des parties
Monsieur Jacky O. a, le 23 mars 2016, acquis auprès de la Sarl Trekking une tente de toit Tango Premium comprenant un panneau photovoltaïque d'une puissance de 40 W avec batterie et onduleur, destinée à être installée sur le toit de son véhicule 4 x 4 dans le cadre d'un raid trans Pékin organisé par l'agence Globe Trotteur, au prix de 2068 dont à déduire une somme de 400 au titre d'un partenariat conclu avec le vendeur.
Exposant que lors d'une étape en Ouzbeziskan le 24 juin 2016, les batteries au lithium ont explosé causant un incendie qui a détruit le matériel de campement, Monsieur O. a saisi le juge de proximité de Colmar d'une demande fondée sur les dispositions des articles 1641 et suivants du Code civil et tendant à voir condamner la société Trekking à lui rembourser le prix payé soit la somme de 1668 ainsi que 150 correspondants au matériel de campement détruit dans l'incendie ainsi que 4500 à titre de dommages intérêts.
La société Trekking opposait que le demandeur n'avait pas respecté la notice d'utilisation du matériel, qu'il avait abandonné ce matériel de sorte qu'il n'était pas possible de l'expertiser non plus que d'apprécier le préjudice.
Par jugement en date du 27 juin 2017, le juge de proximité de Colmar a jugé que la société Trekking est tenue de la garantie des vices cachés affectant la tente de toit vendue le 23 mars 2016 à Monsieur O..
En conséquence il a condamné la société à rembourser à son client la somme de 1668 à titre de remboursement intégral du prix d'achat de la tente du toit, à lui payer la somme de 2000 à titre de dommages intérêts, 150 à titre de remboursement du matériel de campement, 300 pour résistance abusive et 300 au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
La société Trekking a interjeté appel total à l'encontre de cette décision suivant déclaration en date du 18 septembre 2017 et par dernières écritures notifiées le 10 avril 2018, elle demande de :
Dire et juger que les dispositions du Code de la consommation sont inapplicables en l'espèce, et ce faisant,
Rejeter les conclusions incidentes formées par Monsieur O. à ce sujet et,
Infirmer le jugement déféré en ce qu'il a fait application des dispositions du Code de la consommation
A titre subsidiaire,
Dire et juger qu'il existe un contrat d'échange entre professionnels entre les parties et ce faisant,
Constater que Mr O. n'apporte aucune preuve ni pièce sur la réalité, l'origine et l'étendue du dommage,
Constater qu'aucun vice caché ne peut être retenu à la charge de la société Trekking et, ce faisant,
Infirmer le jugement déféré en ce qu'il a condamné la société Trekking sur le fondement de la garantie des vices cachés,
A titre très subsidiaire,
Constater l'usage non conforme par l'acquéreur du matériel vendu,
Constater que l'intimé reconnaît l'usage non conforme de ce matériel, et ce faisant,
Infirmer le jugement déféré en ce qu'il a retenu un usage conforme du matériel,
A titre encore plus subsidiaire,
Constater que le défaut de restitution du matériel endommagé a causé un préjudice à la société Trekking,
Condamner l'intimé à lui payer la somme de 500 à titre de dommages intérêts,
En tout état de cause,
Infirmer le jugement déféré en ce qu'il a condamné la société Trekking à payer 2000 de dommages intérêts,
Infirmer également le jugement déféré en ce qu'il l'a condamnée à payer les somme de 300 pour résistance abusive et de 150 en remplacement du matériel de campement,
Condamner l'intimé à lui payer la somme de 2000 au titre de l' article 700 du Code de procédure civile,
Condamner l'intimé aux entiers dépens de l'instance.
Par dernières écritures notifiées le 22 juin 2018, Monsieur O. demande de :
Déclarer l'appel de la société Trekking mal fondée,
Le rejeter, débouter la société de l'ensemble de ses fins et conclusions,
Faire droit à la demande incidente subsidiaire de la concluante, si la cour ne devait pas confirmer les moyens adoptés par le premier juge,
Dire et juger que la condamnation de la partie adverse devrait être prononcée sur le fondement de l'article L. 217-4 du Code de la consommation visant les défauts de conformité,
Confirmer pour le surplus la décision entreprise s'agissant des montants alloués aux concluants,
Débouter la société Trekking de ses demandes en particulier de sa demande reconventionnelle,
La condamner au paiement de 200 à titre de dommages intérêts supplémentaires pour appel et résistance abusifs,
La condamner aux entiers frais et dépens ainsi qu'à une indemnité de 1200 au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture est en date du 15 octobre 2018.
Motifs de la décision
Vu les dernières écritures des parties ci dessus spécifiées auxquelles il est expressément référé pour plus ample exposé de leurs prétentions et moyens en application de l'article 455 du Code de procédure civile,
Vu les pièces régulièrement communiquées entre les parties,
Sur la garantie des vices cachés
Le juge de proximité a exactement rappelé les dispositions de l'article 1641 du Code civil aux termes desquelles le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rende impropre à l'usage auquel on la destine ou qui diminuent tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise ou n'en aurait donné qu'un moindre prix s'il les avait connus
Il a en revanche omis de rapporter les dispositions de l'article 1315 ancien devenu 1353 nouveau du Code civil suivant lesquelles celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver.
En l'espèce, il appartenait donc au demandeur à l'action en résolution du contrat sur le fondement de la théorie des vices cachés de démontrer que l'explosion ayant détruit l'objet acquis a pour origine un défaut de la chose vendue dont il n'avait pas pu se convaincre au jour de la vente et qui préexistait à cette date.
La circonstance que le matériel a été abandonné et que nulle expertise ne peut être mise en œuvre fait obstacle à l'administration de cette double preuve, l'explosion ne faisant à elle seule aucunement la démonstration de la prétention alors même que, comme le soutient à bon droit la société Trekking, l'explosion de la batterie a pu être causée par un usage anormal de la chose vendue.
Monsieur O. échouant à rapporter la preuve de l'existence de vices cachés antérieurs à la vente, ses demandent ne pouvaient être accueillies au visa des articles 1641 et suivants du Code civil.
Sur la qualité de consommateur de Monsieur O.
En vertu de l'article préliminaire du Code de la consommation résultant du règlement n° 254/2014 du Parlement européen et du Conseil du 26 février 2014, " on entend par consommateur : toute personne physique qui agit à des fins qui n'entrent pas dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole.
En l'espèce, l'achat de la tente de toit " Tango " était destiné à équiper un véhicule participant au raid organisé par " Globe Trotteur " à travers le monde avec l'objectif de donner 25 kg de matériel médical à un hôpital de campagne en Mongolie fréquenté par les nomades éleveurs de la région de Uyanga et des victimes d'accidents.
Monsieur O. est décrit dans le dossier de sponsoring émis par l'association " Les Pistes du Monde " comme étant âgé de soixante sept ans et en retraite après avoir été photographe vidéaste.
En l'occurrence, en acquérant auprès de la société Trekking le matériel destiné à équiper le toit de sa Jeep, M . O. n'a manifestement pas agi à des fins entrant dans le cadre d'une activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole qui aurait été sienne.
La circonstance qu'un dossier de sponsoring a été présenté à la société Trekking et que celle ci a accepté une remise de 400 ( 20 % du prix de vente ) sur le prix du matériel vendu en contrepartie de quoi, son logo serait affiché sur le véhicule 4 x 4 de M. O. qui s'est également engagé à proposer à la société des photos de son matériel en situation photogénique sur les pistes et au bivouac entre la Turquie et la Chine courant du mois d'août 2016, n'est pas de nature à faire perdre à l'intimé sa qualité de consommateur au sens des dispositions sues visées.
Il en résulte que sont applicables en cause les dispositions du Code de la consommation et notamment celles des articles L. 217-4 et suivants du Code de la consommation.
Sur la garantie légale de conformité
En vertu des articles L. 217-4 et L. 217-7 du Code de la consommation, le vendeur répond des défauts de conformité existant lors de la délivrance et les défauts de conformité qui apparaissent dans un délai de vingt quatre mois à partir de la délivrance du bien sont présumés exister au moment de la délivrance, sauf preuve contraire.
En vertu de l'article L. 217-5, le bien est conforme au contrat s'il présente les qualités qu'un acheteur peut légitimement attendre eu égard aux déclarations publiques faites par le vendeur et s'il possède les qualités et caractéristiques que celui ci a présentées à l'acheteur.
Si la réparation et le remplacement du bien sont impossibles, l'acheteur peut rendre le bien et restituer le prix ou garder le bien et se faire rendre une partie du prix.
La société Trekking prétend que l' explosion de la batterie ne résulte pas d'un défaut de conformité mais serait liée à son usage excessif car elle ne pouvait servir qu'à recharger un micro ordinateur ou des petits matériels et ne devait pas être en charge permanente, alors que M. O. a indiqué que pendant la nuit précédant le jour de l'explosion, avaient été rechargés un ordinateur, des téléphones portables, tablette GPS et lampe et que la batterie déchargée avait été remise en fonction deux heures avant l'explosion.
Or, il n'est nullement démontré que la batterie litigieuse aurait été en permanence en charge et rien dans les prescriptions d'utilisation dont a eu connaissance M. O. était de nature à disqualifier expressément les petits matériels qu'il a mis en charge, prescriptions qui ne précisaient pas combien de temps ces petits appareils pouvaient être rechargés les uns après les autres non plus qu'une restriction devait être observée quant au nombre de matériels mis en charge à chaque branchement.
Le consommateur était donc en droit d'attendre de la batterie qu'elle supporte sans danger la recharge successive d'un ordinateur, de téléphones portables, d'une tablette Gps et d'une lampe.
Ainsi, l'explosion les batteries de lithium équipant le matériel acquis auprès de la société Trekking caractérise bien un défaut de conformité de l'objet vendu.
Ce défaut étant apparu dans le délai de vingt quatre mois suivant la vente, il est présumé avoir existé au jour de cette vente et c'est au vendeur de renverser la présomption légale.
La société Trekking, qui échoue à démontrer que l'utilisateur aurait fait un usage de la chose non conforme aux prescriptions techniques dont il a eu connaissance, ne renverse pas la présomption légale de l'antériorité du défaut au jour de la vente.
Dans la mesure où la réparation et le remplacement du bien sont impossibles, puisque demeurés en Ouzbékistan, l'acheteur est en droit d'obtenir la résolution de la vente, celle ci entraînant le remboursement du prix et la restitution du matériel par équivalent.
La décision déférée doit donc, par ces motifs substitués, être confirmée en ce qu'elle a condamné la société Trekking à rembourser à Monsieur O. la somme de 1668 à titre de remboursement intégral du prix d'achat de la tente de toit.
Eu égard aux photographies versées aux débats montrant les dégradations subies par le matériel ( batteries et onduleur fondus, toile déchirée ) et faisant apparaître que le coffre tente n'a pas été impacté, il convient de dire que la restitution de la chose se fera par équivalent moyennant le paiement par M. O. d'une somme de 300 .
Les dispositions du jugement déféré qui ont octroyé au demandeur la somme de 150 au titre du remboursement du matériel personnel détruit par le feu, soit un matelas et un duvet, seront confirmées dès lors qu'aux termes de l'article L. 217-11 du Code de la consommation, les dispositions des articles L. 217-9 et L. 217-10 ne font pas obstacle à l'allocation de dommages et intérêts.
En revanche, le juge a fait une appréciation excessive du montant du préjudice de frayeur invoqué par le consommateur qui, en tant que baroudeur chevronné, sillonnant et ayant sillonné le monde à l'aventure, dispose d'une résistance psychique nécessairement hors norme. Il n'est par ailleurs fourni aucun document d'ordre médical justifiant le préjudice, de sorte qu'infirmant la décision déférée de ce chef, la société Trekking sera condamnée à payer à M. O. une somme de 1000 à titre de dommages intérêts.
C'est à tort que le premier juge a condamné la société Trekking au paiement d'une somme de 300 à titre de résistance abusive au motif prétendu qu'elle aurait tardé à répondre au courrier de Monsieur O. alors que la garantie contractuelle qui était invoquée par le consommateur ne s'appliquait qu'à condition que le bien soit restitué pour expertise, ce qui n'a pas été le cas. En tout état de cause, il n'était justifié d'aucun préjudice.
La défense à l'action en justice constitue un droit qui n'est susceptible de dégénérer en abus qu'en cas d'erreur grossière équipollente au dol, mauvaise foi caractérisée ou erreur manifeste équipollente au dol.
Aucune de ces circonstances n'étant caractérisée en l'espèce, la demande de dommages intérêts formée par Monsieur O. pour appel abusif et résistance abusive sera rejeté.
Il a été répondu ci dessus à la demande formée par la sarl Trekking en paiement de la somme de 500 correspondant au préjudice résultant du défaut de restitution du matériel endommagé.
Sur les dépens et l'article 700 du Code de procédure civile
Les dispositions du jugement déféré s'agissant des dépens et de l'article 700 du Code de procédure seront confirmées.
Partie largement perdante à hauteur d'appel, la société Trekking sera condamnée aux dépens conformément aux dispositions de l'article 696 du Code de procédure civile et déboutée de sa demande au titre de l'article 700 du même Code.
En revanche, il sera fait droit la demande de M. O. au titre de l'article 700 du Code de procédure civile à hauteur de la somme de 1200 .
Par ces motifs LA COUR, Statuant publiquement et contradictoirement, Infirme la décision déférée en ce qu'elle a dit que la Sarl Trekking est tenue de la garantie des vices cachés affectant la tente de toit vendue le 23 mars 2016 à Monsieur O., en ce qu'elle a condamné la société Trekking à lui payer la somme de 2000 (deux mille euros) à titre de dommages intérêts et de 300 (trois cents euros) pour résistance abusive, Et statuant à nouveau dans cette seule limite, Dit que la sarl Trekking est tenue de la garantie légale de conformité prévue aux articles L. 217-4 du Code de la consommation et suivants, Condamne la société Trekking à payer à Monsieur O. la somme de 1000 (mille euros) à titre de dommages intérêts, Déboute Monsieur O. de sa demande de dommages intérêts pour résistance abusive, Confirme la décision déférée pour le surplus, Et y ajoutant, Dit que M. O. doit, au titre de son obligation de restitution par équivalent du bien vendu, restituer à la société Trekking la somme de 300 (trois cents euros), Déboute M. O. de sa demande de dommages intérêts supplémentaires pour appel abusif, Condamne la société Trekking à payer à M. O. la somme de 1.200 (mille deux cents euros) au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, Condamne la société Trekking aux dépens.