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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 23 janvier 2019, n° 16-15238

PARIS

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

International Esthétique (SAS), Beauty Success Group (SAS)

Défendeur :

Vogazur (SARL), Cleha Beauté (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Luc

Avocats :

Mes Vignes, de Balmann, Teytaud, Perrier, Bellet

T. com. Paris, du 1er juin 2016 ; T. com…

1 juin 2016

Faits et procédure

La société Beauty Sucess venant aux droits de la société International Esthétique développe au travers d'un réseau de franchise à l'enseigne " Esthetic Center " un concept d'instituts de beauté spécialisés dans les soins de beauté, l'épilation, le bronzage et la manucure.

La société Vogazur, dont Monsieur X assure la gérance, est une ancienne franchisée du réseau Epil Center, devenu en 2006 Esthetic Center.

La société Cleha Beauté dont Monsieur X assure également la gérance a rejoint le réseau Esthetic Center en 2010.

Le 14 décembre 2004, Monsieur X, agissant ès qualités de gérant de la société Vogazur, a conclu avec la société International Esthétique quatre contrats de franchise l'autorisant à ouvrir et exploiter des instituts de beauté à l'enseigne " Epil Center " à Muret, Saint Gaudens, Toulouse Seysses, Toulouse Pradettes et T. Charles de Fitte.

Ces contrats étaient conclus pour une durée de 9 années à compter du 1er janvier 2005, soit jusqu'au 31 décembre 2013.

Quelques temps après, la société Vogazur a régularisé deux nouveaux contrats de franchise :

- l'un du 14 avril 2005 pour l'exploitation d'un institut de beauté à l'enseigne " Epil Center " dans la ville de Cugnaux, l'autre du 21 octobre 2005 pour l'exploitation d'un institut de beauté à l'enseigne " Epil Center " dans la ville de Blagnac.

La société Vogazur comptait donc 7 points de vente.

Le 27 juillet 2010 et agissant cette fois pour le compte de la société Cleha Beauté, Monsieur X a conclu avec la société International Esthétique un contrat de franchise pour l'exploitation d'un institut de beauté à l'enseigne " Esthetic Center " dans la ville de Sète

Enfin, le 18 octobre 2010, agissant tant à titre personnel qu'ès qualités de représentant de la société Cleha Beauté, Monsieur X a conclu un contrat de franchise pour l'exploitation d'un nouvel institut de beauté sous l'enseigne " Esthetic Center " à Sète.

La société Cleha Beauté exploitait donc deux points de vente.

Par courrier recommandé avec accusé de réception du 6 mars 2012, la société International Esthétique a mis en demeure la société Vogazur de s'acquitter de l'intégralité de sa dette sous 30 jours à peine de résiliation des contrats. Les sociétés Vogazur et Cléha ont répondu par l'intermédiaire de leur conseil, par courrier du 15 mars 2012, que les deux établissements de Cléha à Sète étaient déficitaires et se plaignaient du défaut d'assistance du franchiseur ; elles demandaient une résiliation amiable des contrats et une réparation du préjudice subi à Sète.

Après une nouvelle mise en demeure de payer la somme de 260 351,24 euros, la société International Esthétique a notifié le 18 juillet 2012 aux sociétés Cleha Beauté et Vogazur la résiliation immédiate des contrats pour défaut de paiement des sommes respectives de 43 110,07 euros et 240 758,15 euros.

Selon procès-verbaux de constat du 4 septembre 2012, les établissements des sociétés Cleha et Vogazur continuaient à cette date à arborer l'enseigne Esthetic Center.

Selon International Esthétique, l'enseigne " Esthetic Center " a été déposée par Monsieur X sur l'ensemble des instituts qu'il gérait et remplacée par une nouvelle enseigne " Viva Esthetic ", celle-ci devenant l'enseigne commune à tous les instituts Vogazur.

Estimant que Monsieur X, ès qualités, avait enfreint les clauses de non-concurrence post-contractuelles, et afin d'obtenir les paiement des redevances, qui, selon elle, lui étaient dues, la société International Esthétique a, par triple assignation à bref délai des 22 et 25 février 2013, saisi le tribunal de commerce de Paris aux fins, notamment, d'obtenir le paiement de factures, de voir prononcer la résiliation des contrats de franchise aux torts exclusifs des sociétés Vogazur et Cleha Beauté et d'obtenir réparation de ses préjudices du fait de la résiliation anticipée de ces contrats de franchise.

Par jugement du 1er juin 2016, le tribunal de commerce de Paris a, sous le régime de l'exécution provisoire :

- avant dire droit sur la demande en paiement, nommé la SCP Van Kemmel, huissier audiencier, demeurant au Palais, 1 quai de Corse, en qualité de constatant pour qu'elle :

* classe les factures par sociétés émettrices et réceptrices; regroupe les factures par objet et/ou nature,

* se fasse communiquer les contrats pour établir le lien éventuel entre les objets des factures et leur fondement contractuel,

* entende les parties contradictoirement,

- fixé à 2 000 euros le montant de la provision à verser entre les mains du constatant par la société International Esthétique dès sa saisine, avant le 30 juin 2016,

- dit qu'à défaut de consignation dans le délai prescrit, le constatant en informera le juge chargé d'instruire l'affaire afin qu'il soit constaté que sa désignation est caduque et que l'instance soit poursuivie en tirant les conséquences de ce défaut,

- dit que le constatant devra déposer son rapport au greffe, au juge chargé d'instruire l'affaire et aux parties dans un délai maximum de 3 mois à compter de la consignation de la provision, et qu'il sera susceptible d'être convoqué lors d'une audience afin de commenter son constat et, s'il y a lieu, de l'expliciter,

- dit qu'un juge chargé des mesures d'instruction suivra l'exécution de la présente mesure,

- renvoyé la décision relative à la demande de paiement de factures réclamées au rôle des mesures d'instruction, dans l'attente du dépôt du rapport constatant,

- débouté M. X Joël de sa demande visant à être mis personnellement hors de cause, ainsi que de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive,

- prononcé la résiliation des contrats de franchise conclus entre la société International Esthétique et les société Vogazur, Cleha Beauté et M. X Joël aux torts de ces derniers,

- condamné la société Vogazur et la société Cleha Beauté à payer chacune à la société International Esthétique la somme de 10 000 euros au titre de l'indemnité de résiliation,

- débouté la société International Esthétique de sa demande de dommages et intérêts pour création d'un réseau de franchise concurrent, ainsi que de sa demande de cessation de l'exploitation des instituts Vogazur sous enseigne "'Viva Esthetic'" sous astreinte,

- s'est déclaré incompétent sur la demande tendant à ce que la société Cléha Beauté cesse d'utiliser l'enseigne Esthetik One au motif de contrefaçon, et sur la demande de la société Cleha Beauté et Monsieur X de dommages et intérêts pour concurrence déloyale et parasitisme et invite la demanderesse à mieux se pourvoir,

- condamné la société Vogazur, la société Cleha Beauté et M. X à verser à la société International Esthétique la somme de 6 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

- débouté de leurs demandes autres, plus amples ou contraires aux présentes dispositions,

- condamné la société Vogazur, la société Cleha Beauté et M. X Joël aux dépens de cette partie de l'instance.

Tout en approuvant la mesure d'instruction ordonnée par le tribunal et le prononcé de la résiliation des contrats de franchise aux torts exclusifs des sociétés Vogazur et Cleha Beauté et de Monsieur X, la société International Esthétique (aux droits de laquelle vient désormais la société Beauty Sucess) a interjeté appel du jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris le 1er juin 2016, afin de voir élever le montant des indemnités mises à la charge des sociétés franchisées.

Cet appel a été dirigé vers la 4e chambre du Pôle 5 de la cour d'appel de Paris et a été enrôlé sous le numéro de RG : 16/15238.

A la suite du dépôt d'un procès-verbal de constat établi par Maître Stéphane Van Kemmel, Huissier audiencier, le 23 janvier 2017, la société International Esthétique a sollicité du tribunal qu'il homologue ledit rapport et qu'il :

- condamne la société Vogazur à lui payer la somme de 224 968,21 euros TTC au titre des factures de redevances d'enseigne et de communication publicitaire, de livraison des outils de communication (packs marketing) et de location de machines,

- condamne la société Cleha Beauté à lui payer la somme de 45 647,79 euros TTC au titre des factures de redevances d'enseigne et de communication publicitaire, de livraison des outils de communication (packs marketing) et de location de machines.

Par jugement du 29 janvier 2018, après que Maître Stéphane Van Kemmel ait effectué la mission qui lui avait été confiée par le tribunal de commerce de Paris, ce dernier a, sous le régime de l'exécution provisoire sans constitution de garantie :

- condamné la société Vogazur à payer à la société International Esthétique la somme de 224 968,21 euros TTC,

- condamné la société Cleha Beauté à payer à la société International Esthétique la somme de 45 647,79 euros TTC,

- condamné solidairement la société Vogazur, la société Cleha Beauté et X à payer à la société International Esthétique la somme de 15 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- rejeté les demandes des parties autres, plus amples ou contraires,

- condamné solidairement la société Vogazur, la société Cleha Beauté et M. X aux dépens qui comprendront les frais d'expertise judiciaire, dont ceux recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 239,76 euros dont 39,52 euros de TVA.

Par déclaration du 1er mars 2018, Monsieur X, agissant à titre personnel et ès qualités de gérant des sociétés Vogazur et Cleha Beauté a interjeté appel du jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris le 29 janvier 2018.

Cet appel a également été dirigé vers la 4e chambre du Pole 5 de la cour d'appel de Paris et a été enrôlé sous le numéro de RG : 18/04606.

Les procédures devant la cour ont été clôturées le 13 novembre 2018.

Vu les dernières conclusions de la société Beauty Sucess venant aux droits de la société International Esthétique, appelante (RG n° 16/15238) et intimée (RG n° 18/04606), déposées et notifiées le 30 août 2018 par lesquelles il est demandé à la cour de :

- prononcer la jonction des instances enrôlées sous les numéros de RG 16/15238 et 18/04606,

- dire les sociétés Vogazur et Cleha Beauté et Monsieur X mal fondés en leur appel dirigé contre le jugement du tribunal de commerce de Paris du 29 janvier 2018,

- confirmer ledit jugement du tribunal de commerce de Paris du 29 janvier 2018 en toutes ses dispositions,

- débouter les sociétés Vogazur et Cleha Beauté et Monsieur X de leur appel incident dirigé contre le jugement du tribunal de commerce de Paris du 1er juin 2016 et de toutes leurs demandes, fins et conclusions,

- confirmer le jugement du tribunal de commerce de Paris du 1er juin 2016 en ce qu'il a, avant dire droit sur la demande en paiement, nommé la SCP Stéphane Van Kemmel, huissier audiencier (...) en qualité de constatant pour qu'elle classe les factures par sociétés émettrices et réceptrices ; regroupe les factures par objet et/ou nature ; se fasse communiquer les contrats pour établir le lien éventuel entre les objets des factures et leur fondement contractuel (...) et renvoyé la décision relative à la demande de paiement des factures réclamées au rôle des mesures d'instruction, dans l'attente du dépôt du rapport du constatant,

- confirmer ledit jugement du tribunal de commerce de Paris du 1er juin 2016 en ce qu'il a débouté Monsieur X de sa demande visant à être mis personnellement hors de cause ainsi que de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive,

- confirmer le jugement du tribunal de commerce de Paris du 1er juin 2016 en ce qu'il a prononcé la résiliation des contrats de franchise conclus entre la société International Esthétique et les sociétés Vogazur et Cleha Beauté et Monsieur X aux torts de ces derniers,

- confirmer le jugement du tribunal de commerce de Paris du 1er juin 2016 en ce qu'il a condamné les sociétés Vogazur et Cleha Beauté et Monsieur X à payer à la société International Esthétique la somme de 6 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

- confirmer le jugement du tribunal de commerce de Paris du 1er juin 2016 en ce qu'il a condamné les sociétés Vogazur et Cleha Beauté à payer chacune à la société International Esthétique une indemnité de résiliation et, élevant le montant desdites indemnités, condamner de ce chef les sociétés Vogazur et Cleha Beauté à payer chacune à la société International Esthétique la somme de 100 000 euros,

- infirmer le jugement du tribunal de commerce de Paris du 1er juin 2016 pour le surplus,

- dire que Monsieur X, tant à titre personnel qu'ès qualités de gérant de la société Vogazur, a gravement méconnu l'obligation de non création de réseau pour une durée d'une année à compter de la cessation des relations contractuelles,

- constater que la société Vogazur a apposé l'enseigne commune " Viva Esthetic" sur l'ensemble de ses instituts de Toulouse et de sa région,

- constater que cette enseigne " Viva Esthetic " a également été adoptée par d'autres instituts dont un exploité par une ancienne société franchisée " Esthetic Center ",

- ordonner à la société Vogazur de cesser l'exploitation de ses instituts sous l'enseigne " Viva Esthetic " et d'adopter des enseignes différentes pour chacun de ses instituts et ce, sous astreinte de 3 000 euros par jour de retard à compter de la signification du jugement à intervenir,

- condamner solidairement la société Vogazur et Monsieur X à payer à la société International Esthétique la somme de 200 000 euros à titre de dommages et intérêts pour violation de l'obligation de non création d'un réseau concurrent,

- constater par ailleurs que la société Cleha Beauté a de son côté adopté l'enseigne " Esthetik One " qui contrefait l'enseigne apposée sur certains instituts du réseau " Esthetic Center ",

- ordonner à la société Cleha Beauté d'avoir à cesser d'entretenir cette confusion et ce, sous astreinte de 3 000 euros par jour de retard à compter de la signification du jugement à intervenir,

- condamner solidairement la société Cleha Beauté et Monsieur X à payer à la société International Esthétique la somme de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts pour concurrence déloyale et parasitisme,

- condamner solidairement les sociétés Vogazur et Cleha Beauté et Monsieur X à payer à la société International Esthétique la somme de 30 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamner solidairement les sociétés Vogazur et Cleha Beauté et Monsieur X aux entiers dépens de première instance et d'appel, en ce compris le cou^t des procès-verbaux de constat ;

Vu les dernière conclusions de Monsieur X et des sociétés Vogazur et Cleha Beauté, intimés dans l'affaire n° 16/15238, déposées et notifiées le 2 novembre 2018 par lesquelles il est demandé à la Cour, au visa des articles 1134, 1147, 1184 et 1235 anciens du Code civil et du principe de réparation intégrale du préjudice de :

- infirmer le jugement dont appel sauf en ce qu'il a débouté la société International Esthétique de sa demande de dommages et intérêts pour création d'un réseau de franchise concurrent, ainsi que de sa demande de cessation de l'exploitation des instituts Vogazur sous enseigne " Viva Esthetic " sous astreinte, et en ce qu'il s'est déclaré incompétent sur la demande faite à la société Cleha Beauté de cesser d'utiliser l'enseigne Esthetik One au motif de contrefac'on et sur la demande de dommages et intérêts dirigée à l'égard de la société Cleha Beauté et de Monsieur X pour concurrence déloyale et parasitisme, et a invité la demanderesse à mieux se pourvoir de ce chef,

et statuant de nouveau :

- débouter la société International Esthétique de sa demande de paiement de factures à hauteur de 231 256,53 euros TTC à l'encontre de la société Vogazur et de 43 110, 07 euros TTC à l'encontre de la société Cleha Beauté,

- dire que le consentement de Monsieur X a été vicié aux motifs que la société International Esthétique n'a pas fourni une présentation sincère et complète de l'état général et local du marché, en violation des dispositions de l'article R. 330-1 al. 4 et 5 du Code de commerce et n'a pas communiqué les informations sur l'ancien franchisé de Sète,

- dire que la société International Esthétique a manqué à son obligation de bonne foi,

- débouter la société International Esthétique de sa demande de voir prononcer la résiliation des contrats de franchise aux torts des sociétés Vogazur et Cleha Beauté,

- dire que la résiliation des différents contrats est intervenue le 18 juillet 2012 aux torts et griefs exclusifs de la société International Esthétique,

- en conséquence, condamner la société International Esthétique à payer à la société Cleha Beauté la somme de 70 000 euros à titre de dommages et intérêts pour perte de chance de mieux utiliser ses fonds.

- constater que la société Cleha Beauté a apposé l'enseigne " Esthetik One " et non " Viva Esthetic " sur son Institut,

- constater que les sociétés Vogazur et Cleha Beauté n'ont pas créé de réseau concurrent au réseau " Esthetic Center ",

- constater que la société Vogazur et Cleha Beauté n'ont pas porté atteinte au savoir faire et aux intérêts légitimes de la société International Esthétique,

- dire que la société Vogazur est fondée à apposer sur ses instituts une enseigne commune qui ne porte pas préjudice au réseau " Esthetic Center ",

- débouter la société International Esthétique de sa demande de voir condamner les sociétés Vogazur et Cleha Beauté à retirer l'enseigne " Viva Esthetic " sous astreinte,

- mettre hors de cause Monsieur X qui n'est, à titre personnel, débiteur d'aucune obligation et qui n'a commis aucune faute,

- en conséquence condamner la société International Esthétique à payer à Monsieur X la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,

- condamner la société International Esthétique à payer à la société Vogazur, à la société Cleha Beauté et à Monsieur X la somme de 8 000 euros chacun, sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamner la société International Esthétique aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître Franc'ois Teytaud dans les conditions de l'article 699 du Code de procédure civile';

Vu les conclusions de Monsieur X, la société Vogazur et des sociétés Cleha Beauté, appelantes dans l'affaire n° 18/04606, déposées et notifiées le 1er juin 2018 par lesquelles il est demandé à la cour, au visa des articles 1315, alinéa 1 et 2 du Code civil, devenu l'article 1353, alinéa 1 et 2 du même Code, de :

- infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions et, statuant à nouveau :

- dire que la société Beauty Sucess, qui vient aux droits de la société International Esthétique, ne démontre ni l'existence ni le quantum des créances qu'elle invoque à l'encontre des sociétés Vogazur et Cleha Beauté,

- dire que les sociétés Vogazur et Cleha Beauté démontrent avoir procédé à de très nombreux paiements sur la période correspondant aux factures invoquées par la société International Esthétique, aux droits de laquelle vient la société Beauty Sucess,

- dire que les paiements effectués respectivement par la société Vogazur et par la société Cleha Beauté au profit de la société International Esthétique, aux droits de laquelle vient la société Beauty Sucess, sont supérieurs aux sommes réclamées à chacune d'elles par la société International Esthétique, devenue la société Beauty Sucess,

en conséquence,

- débouter la société Beauty Sucess, qui vient aux droits de la société International Esthétique, de l'ensemble de ses demandes, fins, moyens et conclusions,

- condamner la société Beauty Sucess, qui vient aux droits de la société International Esthétique, à payer à la société Vogazur la somme de 7 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamner la société Beauty Sucess, qui vient aux droits de la société International Esthétique, aux

entiers dépens de première instance et d'appel dont distraction pour ceux le concernant au profit de Maître Teytaud, Avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile';

Sur ce, LA COUR,

Sur la jonction des procédures

Il y a lieu de joindre les instances enrôlées successivement sous les numéros de RG 16/15238 et 18/04606, lesquelles portent sur le même litige et visent deux jugements rendus entre les mêmes parties et concernant les mêmes faits, dans le souci de bonne administration de la justice.

Sur le paiement des factures impayées

Monsieur X, la société Vogazur et la société Cleha Beauté soutiennent que la société International Esthétique ne rapporte pas la preuve du bien fondé de sa créance à l'égard des sociétés Vogazur et Cleha Beauté, car elle fournit de simples relevés de factures, à l'exclusion des factures, bons de commande et bons de livraisons. Ainsi, selon eux, reposant sur une analyse de documents établis unilatéralement par le franchiseur, le procès-verbal de constat du 23 janvier 2017 est doté d'une valeur probante nulle, et à tout le moins, d'une portée probatoire très incomplète. Par ailleurs, ils invoquent l'absence de réalité des créances alléguées par la société International Esthétique, devenue Beauty Success, en invoquant des règlements opérés, grâce à deux attestations de leur expert comptable des 1er août et 17 novembre 2017 et selon lesquelles :

- la société Cleha Beauté a opéré des règlements pour une somme totale de 57 105,42 euros,

- la société Vogazur a opéré des règlements pour une somme de 226 744,48 euros (directement) et pour une somme de 34 811,52 euros (par l'intermédiaire de sa locataire gérante Azur Beauté), soit une somme totale de 261 556 euros.

Elles soutiennent n'être débitrices d'aucune somme à l'égard de la société Beauty Success.

La société International Esthétique sollicite la confirmation du jugement en ce qu'il a condamné les sociétés Vogazur et Cleha Beauté à lui payer les sommes respectives de 224 966,21 euros et 45 647,79 euros. Elle invoque à ce titre le procès-verbal de constat du 23 janvier 2017 de Me Van Kemmel.

L'article 1315 alinéa 1er ancien du Code civil dispose que " celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver ".

Les premiers juges ont justement évalué, dans leur jugement du 29 janvier 2018, le montant des créances impayées par la société Vogazur à 224 966,21 euros et par la société Cléha Beauté à 45 647,79 euros, aux termes d'une motivation que la cour adopte.

Il sera simplement rappelé que :

- ces redevances et frais sont prévus dans les contrats de franchise,

- l'huissier constatant a réalisé le recensement des factures, par procès-verbal du 23 janvier 2017, en les regroupant selon leur objet (redevances d'exploitation, de communication, frais d'installation...),

- ces factures sont corroborées par les extraits de compte de la société International Esthetique,

- les opérations se sont déroulées contradictoirement, sans soulever de contestations, avant novembre 2017,

- l'attestation de l'expert comptable des sociétés Cleha et Vogazur est relative à l'inventaire des règlements de ces sociétés à destination de la société International Esthetique,

- il ne lui a pas été possible d'affecter les règlements aux factures dont l'état est dressé dans le constat de l'huissier.

Il en résulte que les sociétés appelantes ne démontrent pas s'être acquittées des sommes sollicitées.

Sur la résiliation des contrats de franchise aux torts des sociétés Vogazur et Cleha Beauté

Monsieur X, la société Vogazur et la société Cleha Beauté invoquent que la résiliation anticipée des contrats est intervenue aux torts et griefs exclusifs de la société International Esthétique. En effet, ils soutiennent que les factures litigieuses, qui ont fondé la rupture de 7 contrats de franchise n'étaient pas dues par les sociétés Vogazur et Cleha Beauté. De plus, ils prétendent que la société International Esthétique n'a pas respecté les dispositions d'ordre public des articles L. 330-3 et R. 330-1 du Code du commerce à l'égard de la société Cleha Beauté en ne fournissant pas une présentation sincère et complète de l'état local du marché, ce qui ne lui a pas permis d'apprécier la pertinence économique de l'opération projetée, à savoir l'ouverture d'un institut à Sète. Ils demandent donc à ce que la société Beauty Success soit condamnée à payer à la société Cleha Beauté la somme de 70 000 euros à titre de dommages et intérêts pour perte de chance de mieux utiliser ses fonds.

Sollicitant la confirmation du jugement en ce qu'il a prononcé la résiliation des contrats de franchise conclus entre la société International Esthétique et les sociétés Vogazur et Cleha Beauté et Monsieur X aux torts de ces derniers, la société International Esthétique demande le débouté des intimés de leur appel. Elle soutient que Monsieur X ne peut sérieusement se dire victime d'un franchiseur lui ayant permis d'ouvrir près d'une dizaine d'instituts. Elle invoque par ailleurs que, depuis de nombreuses années, le réseau " Epil Center " devenu " Esthetic Center " se développe sur la base d'un savoir faire réel et performant, reconnu judiciairement par arrêt du 2 juin 2010 de la cour d'appel de Toulouse. Invoquant une résiliation anticipée des contrats de franchise aux torts exclusifs des sociétés Vogazur et Cleha Beauté, elle demande la confirmation du jugement du tribunal de commerce de Paris du 1er juin 2016 en ce qu'il a condamné les sociétés Vogazur et Cleha Beauté à lui payer chacune une indemnité de résiliation. Elle demande, cependant, à ce que soit élevé le montant desdites indemnités, et à ce que les sociétés Vogazur et Cleha Beauté soit condamnées de ce chef à lui payer la somme de 100 000 euros.

C'est par de justes motifs que la cour adopte que le tribunal de commerce de Paris, a, dans le jugement du 1er juin 2016, prononcé la résiliation des contrats de franchise conclus entre la société International Esthétique et les sociétés Vogazur et Cleha aux torts de ces dernières et les a condamnées à lui payer chacune la somme de 10 000 euros au titre de l'indemnité de résiliation.

Il sera à cet égard rappelé que :

- l'article 18 des contrats prévoit que les contrats seront résiliés en cas de défaut de paiement des redevances,

- les sociétés Vogazur et Cleha se sont rendues responsables du non-paiement de redevances de franchise,

- ces franchisées ne peuvent exciper du défaut d'informations préalables pour demander la résiliation aux torts du franchiseur,

- M. X, gérant des deux sociétés, était membre du réseau depuis six ans lorsqu'il a créé une nouvelle société et l'a introduite dans le réseau qu'il connaissait parfaitement,

- aucun manquement du franchiseur en lien direct avec les mauvais résultats de la société Cleha n'est établi,

- le préjudice de la société International Esthetique est justement réparé par l'allocation d'une somme de 20 000 euros (les deux sociétés franchisées s'acquittant de 10 000 euros chacune).

Sur la création d'un réseau concurrent et la concurrence déloyale

Sur la création d'un réseau concurrent par la société Vogazur

La société International Esthétique soutient que Monsieur X devait s'interdire - tant à titre personnel qu'ès qualités de gérant de la société Vogazur - d'adopter la même enseigne sur l'ensemble de ses instituts et qu'il a ainsi violé son l'obligation de non-création d'un réseau concurrent. Elle invoque l'article 19.4 des contrats de franchise, faisant interdiction de " créer un réseau concurrent (dans le même domaine) sur toutes les villes où sont implantés les instituts franchisés (...), et ce pendant un an à compter de la cessation du présent contrat " et soutient que cette clause est :

- limitée dans le temps (un an) et dans l'espace (puisque la non création d'un réseau concurrent vise les instituts qui étaient exploités par le franchisé),

- rendue nécessaire par la préservation du réseau,

- et n'est pas disproportionnée par rapport aux intérêts de l'ancien franchisé qui peut continuer à exercer son commerce, dès lors qu'il ne rallie pas une enseigne concurrente ou ne poursuit pas ' comme en l'espèce ' l'exploitation de ses instituts sous une enseigne commune.

Elle invoque aussi que :

- l'article 17.4 des contrats de franchises stipulant une clause de non affiliation post contractuelle limitée aussi dans le temps (un an) et dans l'espace (France métropolitaine),

- Monsieur X, tant à titre personnel qu'ès qualités de gérant de la société Vogazur, a sciemment enfreint son obligation de non création d'un réseau concurrent,

et soutient que ces faits gravement fautifs sont dûment établis par les pièces versées aux débats.

Ainsi, elle expose que :

- la société Vogazur a apposé l'enseigne commune " Viva Esthetic" sur l'ensemble de ses instituts de Toulouse et de sa région,

- cette enseigne " Viva Esthetic " a également été adoptée par d'autres instituts dont un exploité par une ancienne société franchisée " Esthetic Center ",

- M. X a plagié le concept de la société International Esthétique en reprenant à l'identique les prestations (épilation, soins visage, manucure, faux ongles, soins corps, minceur, photodépilation) et la formule " avec et sans rendez vous ",

- M. X a proposé à des franchisées " Esthetic Center " arrivées au terme de leur contrat d'adopter son enseigne " Viva Esthetic " et les a donc incitées à violer leur obligation de non ralliement à un réseau concurrent, ce qui constitue une manœuvre déloyale de la part de Monsieur X,

- M. X n'a pas, pendant longtemps, effectué les démarches nécessaires pour que ses instituts exploités par ses sociétés Vogazur et Cleha Beauté cessent d'être référencés sur les Pages Jaunes sous l'enseigne " Esthetic Center ".

La société International Esthétique demande donc que la société Vogazur soit condamnée à lui verser la somme de 100 000 euros à titre de dommages et intérêts et que lui soit ordonné d'adopter des enseignes différentes pour chacun de ses instituts et ce, pour une durée d'une année et sous astreinte de 3 000 euros par jour de retard à compter de la signification de l'arrêt à intervenir.

Mais les sociétés appelantes exposent à juste titre que :

- elles n'ont ni adhéré ni créé un nouveau réseau concurrent, ce qui implique l'existence de contrats de franchise comportant des obligations réciproques entre une tête de réseau décisionnaire et ses affiliés, ainsi qu'une organisation commune,

- l'adoption par tous leurs magasins d'une enseigne commune ne suffit pas à constituer un réseau,

- cette faculté ne leur était pas interdite par les contrats de franchise,

- la circonstance que plusieurs magasins, dont deux anciens franchisés, aient adopté cette enseigne Viva Esthetic ne démontre pas en soi la création d'un réseau,

- les allégations d'imitation du concept et de démarchage des franchisés International Esthétique ne sont pas établies,

- le seul usage de l'enseigne Viva Esthetic ne constitue pas en soi une imitation fautive de l'enseigne Esthetic Center.

Le jugement entrepris sera donc également confirmé en ce qu'il a rejeté les demandes de la société International Esthetique.

Sur la concurrence déloyale et le parasitisme par la société Cleha Beauté

La société International Esthétique soutient qu'alors que, le 3 septembre 2010, le dirigeant de la société International Esthétique avait déposé la marque semi figurative " Esthetic Center pour elle et pour lui ", ès qualités de gérant de la société Cleha Beauté, Monsieur X a délibérément enfreint l'obligation qui était la sienne de faire disparaître tous signes distinctifs pouvant rattacher son institut au réseau " Esthetic Center " et de ne pas adopter une nouvelle enseigne imitant celle de son ancien franchiseur. En effet, elle soutient que l'enseigne adoptée par Monsieur X, ès qualités de gérant de la société Cleha Beauté pour son institut de Sète, imitait en de nombreux points l'enseigne " Esthetic Center pour elle & lui ". Elle demande donc que la société Cleha Beauté soit condamnée à lui verser la somme de 50 000 euros à titre de dommages et intérêt pour concurrence déloyale et parasitisme.

Les appelants réfutent ces allégations.

Il résulte des pièces 69 et 70 versées aux débats par la société International Esthétique que la marque semi figurative " Esthetic Center pour elle et pour lui " a été imitée par la société Cleha qui a utilisé une enseigne à la dénomination très proche : " Esthetik One pour elle et lui ". Le visuel est identique, quant à la présentation et la typographie utilisée (bandeau noir, même police de caractères, même disposition quant aux termes, graphismes et choix des contrastes de couleurs) ; le " logo griffe " est presque identique, la couleur rose fushia ayant juste été remplacée par du vert.

Cette enseigne est donc de nature à jeter la confusion dans l'esprit des consommateurs, qui pourraient croire à la persistance de la société Cleha dans le réseau International Esthétique.

Par voie de conséquence, la société Cleha sera condamnée à payer à la société International Esthetique la somme de 10 000 euros au titre de cette pratique de concurrence déloyale.

Le parasitisme consiste, pour un opérateur économique, à se placer dans le sillage d'une entreprise en profitant indûment de la notoriété acquise ou des investissements consentis. Il n'est pas établi que l'enseigne Esthetic Center ait nécessité des investissements de la société appelante, de sorte que la société Cleha en aurait profité pour se placer dans son sillage sans bourse délier. La demande fondée sur le parasitisme sera donc rejetée.

La demande de la société International Esthétique visant à ordonner à la société Cleha Beauté d' " avoir à cesser d'entretenir cette confusion " et ce, sous astreinte de 3 000 euros par jour de retard à compter de la signification du jugement à intervenir, sera rejetée, faute de précision suffisante et circonstanciée.

Le jugement entrepris sera infirmé en ce qu'il a estimé la demande irrecevable, seule la demande pour contrefaçon étant irrecevable, ce dernier point n'étant pas contesté.

Sur la mise en cause de Monsieur X et sur sa demande pour procédure abusive

Monsieur X soulève l'irrecevabilité des demandes formées à son encontre car seules les sociétés Vogazur et Cleha Beauté sont les co contractantes du franchiseur et qu'il n'est donc, à titre personnel, débiteur d'aucune obligation vis-à-vis de la société International Esthétique. Il sollicite donc la condamnation de la société appelante à lui verser la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive.

La société International Esthétique invoque l'intuitu personae dont les contrats de franchise sont imprégnés et avance que Monsieur X a conclu ses contrats de franchise non pas en sa seule qualité de gérant des sociétés franchisées mais aussi " en son nom personnel ". Elle invoque, par ailleurs, l'article 17.4 des contrats de franchise relatif à l'interdiction d'affiliation à un réseau concurrent et de création d'un réseau concurrent selon lequel " cette clause s'applique aussi bien au(x) dirigeant(s) qu'aux associés de la société du franchisé ".

Monsieur X aurait pu être mis en cause au titre de la violation de la clause de non-affiliation, comme sa société, de sorte que la circonstance qu'il ait été attrait dans la procédure n'est pas abusive, en l'absence de toute intention de nuire démontrée.

Sa demande pour procédure abusive sera donc rejetée.

Sur les dépens et frais irrépétibles

M. X et les sociétés Vogazur et Cleha Beauté succombant au principal, seront condamnés aux dépens de l'instance d'appel ainsi qu'à payer à la société International Esthétique la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par ces motifs : LA COUR, Joint les instances enrôlées sous les numéros de RG 16/15238 et 18/04606 ; Confirme les jugements entrepris, sauf en ce que le jugement du 1er juin 2016 a déclaré la demande de la société International Esthétique pour concurrence déloyale irrecevable ; L'Infirme sur ce point ; et, statuant à nouveau, La Déclare recevable ; Condamne la société Cleha à payer à la société International Esthetique la somme de 10 000 euros au titre de cette pratique de concurrence déloyale ; Déboute les parties du surplus de leurs demandes ; Condamne in solidum M. X et les sociétés Vogazur et Cleha Beauté aux dépens de l'instance d'appel ; Les Condamne in solidum à payer à la société International Esthétique la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.