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Décisions

ADLC, 28 décembre 2018, n° 18-DCC-235

AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE

Décision

relative à la création d'une entreprise commune par les sociétés Global Blue et Planet Payment

ADLC n° 18-DCC-235

28 décembre 2018

L'Autorité de la concurrence,

Vu la demande de renvoi présentée le 23 juillet 2018 par les sociétés Global Blue et Premier Tax Free et la décision de renvoi de la Commission européenne du 21 août 2018 prise en application de l'article 4 paragraphe 4 du règlement (CE) n° 139/2004 du Conseil du 20 janvier 2004 relatif au contrôle des concentrations entre entreprises ; Vu le dossier de notification adressé complet au service des concentrations le 21 novembre 2018, relatif à la création d'une entreprise commune par les sociétés Global Blue et Premier Tax Free ; Vu le livre IV du Code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence, et notamment ses articles L. 430-1 à L. 430-7 ; Vu les engagements présentés le 21 novembre 2018 par les parties et modifiés en dernier lieu le 21 décembre 2018 ; Vu les éléments complémentaires transmis par les parties au cours de l'instruction ; Vu les autres pièces du dossier ; Adopte la décision suivante :

I. Les entreprises concernées et l'opération

A. LES PARTIES

1. Global Blue France (ci-après " Global Blue ") est une filiale de Global Blue Group, groupe mondial principalement actif sur les marchés des services de remboursement de la TVA. Global Blue Group fournit également des services de paiement en devises et des services de marketing et d'analyse de données pour les commerçants. En France, Global Blue est active sur le marché des services liés au remboursement de la TVA. Global Blue Group est contrôlé par le groupe d'investissement Silver Lake1.

2. Planet Payment France SAS2 (ci-après " Planet Payment "), est une filiale du goupe Franklin Ireland Group (ci-après " Fintrax "), groupe mondial principalement actif sur les marchés des services de remboursement de la TVA. Fintrax fournit également des services de paiement en devises et des solutions de paiement. En France, Planet Payment est active sur le marché des services liés au remboursement de la TVA. Fintrax est contrôlé par la société d'investissement Eurazeo.

B. L'OPÉRATION

3. Le 26 septembre 2017, le groupe ADP (ci-après " ADP ") a publié au Journal Officiel de l'Union Européenne un avis de publicité sous la référence 2017/S 184-377857, annonçant l'organisation d'une consultation pour l'exploitation de surfaces dédiées à une activité de remboursement de la TVA (détaxe) au sein des aéroports de Paris-Orly et Paris-Roissy (ci- après, ensemble, " les aéroports parisiens ")3. Cette mise en concurrence (ci-après " l'appel d'offres ") a donné lieu à l'envoi d'un dossier de consultation précisant les critères retenus par ADP pour la sélection des offres.

4. Les parties ont présenté, le 25 janvier 2018, une réponse conjointe pour chacun des lots proposés dans le cadre de l'appel d'offres (Paris-Orly d'une part et Paris-Roissy de l'autre). Dans ce cadre, les parties se sont engagées auprès d'ADP à créer, si elles remportaient l'appel d'offres, une société commune en charge de l'activité visée par l'appel d'offres4 distincte de chacune des parties. Elles ont été informées par ADP, le 2 mai 2018, que leur offre finale a été retenue.

5. Les projets de statuts de l'entreprise commune, ainsi que le projet de pacte d'actionnaires, prévoient que Global Blue et Planet Payment détiendront initialement, respectivement, 60 % et 40 % du capital de l'entreprise commune. Pendant la période de démarrage de l'activité de l'entreprise commune, deux gérants seront désignés, chacun par l'un des associés. À l'issue de cette période les gérants seront désignés à l'unanimité des associés. Les gérants pourront accomplir l'ensemble des actes de gestion dans l'intérêt de l'entreprise commune, sous réserve des pouvoirs spécifiques des autres organes de gestion, notamment du comité de direction. Le comité de direction sera composé de représentants des associés. Chacun de ses membres disposera d'une voix et le comité de direction adoptera ses décisions à l'unanimité. Ses décisions porteront notamment sur la validation des budgets annuels et pluriannuels, les décisions d'investissement réalisés par l'entreprise commune et la conclusion de certains contrats de prestations de services avec les tiers. Compte tenu de ces éléments, Global Blue et Planet Payment contrôleront conjointement l'entreprise commune.

6. L'entreprise commune a vocation à exercer une activité économique sur un marché en remplacement d'un opérateur tiers (Travelex) précédemment prestataire du même service au sein des aéroports parisiens. Si les ventes réalisées par l'entreprise commune à ses sociétés mères occuperont un poids très significatif dans le chiffre d'affaires de l'entreprise commune, ce poids ne résulte d'aucun accord contractuel et ne fait que refléter la position des sociétés mères sur le marché amont à celui sur lequel l'entreprise commune sera active (cf. infra). Ce poids est potentiellement appelé à évoluer en fonction des évolutions sur le marché amont. Au surplus, selon les informations transmises par les parties notifiantes, l'entreprise commune entretiendra avec ses sociétés mères des relations commerciales aux conditions normales de marché5.

7. Enfin l'entreprise commune disposera de locaux (dans le cadre du bail la liant à ADP), de ressources humaines, informatiques et financières propres, distincts de ceux de ses sociétés mères. Elle exercera en outre son activité sous une marque propre (" Cash Paris Tax Refund ") distincte de celles de ses sociétés mères.

8. L'entreprise commune est conçue pour fonctionner de manière durable, puisqu'elle est établie, selon les informations fournies par les parties notifiantes, pour 8 ans (soit la durée de la concession prévue dans l'appel d'offres lancé par ADP).

9. Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, l'entreprise commune créée par Global Blue et Planet Payment est de plein exercice, comme l'a d'ailleurs précisé la Commission européenne dans sa décision du 21 août 2018 de renvoi de l'affaire à l'Autorité de la concurrence (ci-après l'Autorité)6.

10. En ce qu'elle se traduit par la création d'une entreprise commune de plein exercice, l'opération notifiée constitue donc une concentration au sens de l'article L. 430-1 du Code de commerce.

11. Cette opération relève de la compétence de l'Union européenne en application de l'article 1er du règlement (CE) n° 139/2004 du Conseil sur les concentrations. En effet, les entreprises concernées réalisent ensemble un chiffre d'affaires hors taxes total au plan mondial de plus de 5 milliards d'euros (Global Blue : [=5] milliards d'euros pour l'exercice clos le 31 mars 2017* ; Planet Payment : [=5] milliards d'euros pour l'exercice clos le 31 décembre 2017*)7. Chacune de ces entreprises a réalisé un chiffre d'affaires dans l'Union européenne supérieur à 250 millions d'euros (Global Blue : [=250] millions d'euros pour l'exercice clos le 31 mars 2017* ; Planet Payment : [=250] millions d'euros pour l'exercice clos le 31 décembre 2017*)8. Il n'existe aucun État membre de l'Union européenne dans lequel l'une des parties aurait réalisé plus des deux tiers de son chiffre d'affaires réalisé dans l'Union européenne.

12. Le 23 juillet 2018, les parties ont demandé à la Commission européenne, au moyen d'un mémoire motivé, le renvoi total de l'opération à l'Autorité, en application de l'article 4, paragraphe 4 du règlement (CE) n° 139/2004 du Conseil précité. Par une décision du 21 août 2018, la Commission européenne a considéré que les conditions d'un renvoi à l'Autorité étaient réunies. La création de cette entreprise commune de plein exercice par Global Blue et Planet Payment est donc soumise, en application du point IV de l'article L. 430- 2 du Code de commerce, au contrôle français des concentrations.

II. Les marchés pertinents

13. La vente en détaxe désigne une vente bénéficiant d'une exonération de la TVA sur le prix de biens achetés par des personnes non résidentes de l'Union européenne et temporairement présentes9 sur son territoire (en général des touristes). Un commerçant est libre de proposer ou non aux voyageurs éligibles la possibilité de demander la détaxe de la TVA sur leurs achats.

14. Le commerçant auprès duquel l'achat est réalisé peut assurer lui-même le service de détaxe (ensemble des démarches administratives consistant à émettre un bordereau et à procéder à son remboursement effectif sous réserve de sa validation par le service des douanes) ou confier la gestion des opérations de détaxe à un opérateur spécialisé (" opérateur de détaxe "), qui prend en charge l'ensemble de ces démarches (de l'émission du bordereau de détaxe, jusqu'au remboursement effectif de la TVA au voyageur) pour le compte du commerçant. Quel que soit le modèle retenu (ou le moment auquel le remboursement effectif intervient, voir infra), la vente n'est définitivement exonérée qu'après validation du bordereau de détaxe par le service des douanes lorsque le porteur du bordereau quitte le territoire de l'Union européenne10.

15. La Commission européenne11 a envisagé l'existence d'un marché des services liés au remboursement de la TVA, sur lequel les sociétés Global Blue et Planet Payment sont simultanément actives (A) et d'un marché des services de remboursement de la TVA en agence, sur lequel seule l'entreprise commune sera active (B).

A. LE MARCHÉ AMONT DES SERVICES LIÉS AU REMBOURSEMENT DE LA TVA

a) Le marché de service

16. Le marché des services liés au remboursement de la TVA, tel qu'envisagé par la Commission européenne, est le marché sur lequel la demande des commerçants souhaitant offrir à leurs clients la possibilité de procéder à des achats " détaxés " rencontre l'offre de service des opérateurs de détaxe, qui prennent en charge les démarches liées à la détaxe contre le paiement d'une commission calculée sur la base du montant du remboursement versé in fine au titulaire du bordereau12.

17. Selon les parties, les commerçants peuvent non seulement arbitrer entre différents opérateurs de détaxe, mais ils peuvent également arbitrer entre l'externalisation de la gestion de la détaxe (via un opérateur spécialisé) ou l'autoproduction, en prenant eux-mêmes en charge la gestion de ce service. Elles considèrent ainsi que les commerçants ayant recours à l'autoproduction devraient être intégrés au marché des services liés au remboursement de la TVA. Dans sa décision COMP/M.3762 précitée, la Commission européenne a considéré que l'autoproduction pouvait constituer une alternative au recours aux services d'un opérateur de détaxe, même si elle a constaté que la plupart des commerçants offrant la possibilité à leurs clients de réaliser des achats détaxés optaient pour l'externalisation de la gestion de la détaxe. Dans une décision récente13, l'autorité de concurrence britannique (ci-après " la CMA ") a, au contraire, relevé que l'autoproduction n'exerçait pas de contrainte concurrentielle significative sur les opérateurs de détaxe. Elle a toutefois laissé la question de la définition exacte de ce marché ouverte.

18. Dans la même décision, la CMA a par ailleurs envisagé plusieurs segmentations du marché des services liés au remboursement de la TVA en fonction des catégories de commerçants14.

19. En l'espèce, la question de la définition exacte du marché des services liés au remboursement de la TVA peut être laissée ouverte, les conclusions de l'analyse concurrentielle demeurant inchangées. Les effets de l'opération seront ainsi analysés sur l'éventuel marché global des services liés au remboursement de la TVA.

b) Le marché géographique

20. La Commission européenne a envisagé que le marché des services liés au remboursement de la TVA soit de dimension nationale, tout en laissant la question ouverte15.

21. Les parties proposent pour leur part de retenir une dimension nationale du marché.

22. En l'espèce, la question de la dimension exacte du marché des services liés au remboursement de la TVA peut être laissée ouverte. Les effets de l'opération seront ainsi analysés sur un marché national des services liés au remboursement de la TVA.

B. LE MARCHÉ AVAL DES SERVICES DE REMBOURSEMENT DE LA TVA EN AGENCE

a) Le marché de service

23. La dernière étape du processus de détaxe pour le voyageur consiste dans le remboursement effectif de la TVA. Les parties rappellent qu'il existe plusieurs modes de remboursement : " après la validation par le service des douanes du bordereau, il est possible d'obtenir :

o un remboursement immédiat dans un " point de sortie " du pays (aéroport principalement), en se rendant dans un point de remboursement afin d'obtenir un remboursement en espèces ou via un moyen de paiement électronique ;

o un remboursement différé : en envoyant, par voie postale, le bordereau à l'opérateur de détaxe, ou en le déposant au sein du point de remboursement se trouvant dans un point de sortie du pays, pour obtenir un remboursement par virement ou chèque (ou autre moyen hors cash) ;

o le remboursement ultérieur en magasin par le commerçant lui-même (" cash in store "), lorsque le touriste revient dans le magasin après validation des douanes (typiquement lors d'un nouveau séjour). avant la validation par le service des douanes du bordereau, le touriste peut dans certains cas17 bénéficier des modes de remboursement suivants (" early refund ") :

o un remboursement en magasin par le commerçant (faisant le cas échéant appel à un opérateur de détaxe) auprès duquel l'achat ouvrant droit à la détaxe a été effectué ;

o un remboursement par un point de remboursement se trouvant dans les centres- villes. "

24. Les parties rappellent également que le remboursement anticipé (avant validation du bordereau par le service des douanes) est minoritaire par rapport au remboursement après validation du bordereau.

25. L'opération de remboursement effectif de la TVA, notamment quand elle implique une activité " de guichet " (typiquement, dans le cas du remboursement au point de sortie du territoire concerné) est une activité que les opérateurs de détaxe (actifs sur le marché amont des services liés au remboursement de la TVA) sont susceptibles d'externaliser.

26. Cette activité consiste, selon la Commission européenne, à vérifier la validité et l'authenticité du bordereau de détaxe, le cas échéant, à verser à son titulaire les sommes correspondant à la TVA, et à retourner le bordereau à l'opérateur de détaxe qui l'a émis19. Les agences de remboursement de la détaxe exercent également une activité de collecte des bordereaux, dans le cas où les voyageurs ont opté pour un remboursement différé de la TVA. Elles peuvent également, en parallèle de leur activité de détaxe, procéder à des opérations de change afin d'offrir aux voyageurs la possibilité d'obtenir un remboursement en devises.

27. Le marché des services de remboursement de la TVA en agence, tel qu'envisagé par la Commission européenne dans sa décision COMP/M.3762 précitée, est donc le marché sur lequel la demande des opérateurs de détaxe, qui souhaitent externaliser le service de remboursement en agence, rencontre l'offre de services des opérateurs (par exemple des agents de change), qui disposent d'un guichet physique et prennent en charge le remboursement effectif des bordereaux de détaxe des voyageurs, contre le paiement d'une commission.

28. Bien que la définition exacte du marché ait été laissée ouverte par la Commission européenne, celle-ci a notamment considéré que l'organisation régulière d'appel d'offres visant à concéder à un opérateur l'exercice de ce service au sein de certaines infrastructures (les aéroports notamment) tendait à démontrer qu'il s'agissait bien d'un marché de services distinct. Elle a par ailleurs repris cette analyse dans sa décision de renvoi de la présente affaire à l'Autorité20.

29. En l'espèce, la question de la définition exacte du marché des services de remboursement de la TVA en agence peut être laissée ouverte. Les effets de l'opération seront ainsi analysés sur le marché global des services de remboursement de la TVA en agence.

b) Le marché géographique

30. La Commission européenne a envisagé que le marché des services de remboursement de la TVA en agence soit de dimension locale, limitée à une localisation spécifique (notamment une ville ou un aéroport)21.

31. Les parties proposent de retenir une dimension locale du marché, correspondant à la pratique de la Commission européenne.

32. Le mode d'attribution (appel d'offres) et de régulation (concessions par l'autorité gestionnaire de l'aéroport) de l'activité de remboursement de la TVA en agence en aéroport plaident en faveur d'une telle définition de ce marché. En l'espèce, l'entreprise commune sera créée dans le cadre de la réponse des parties à l'appel d'offres lancé par ADP et portant sur deux lots distincts (Paris-Orly et Paris-Roissy).

33. En l'espèce, la question de la dimension exacte du marché des services de remboursement de la TVA en agence peut être laissée ouverte. Les effets de l'opération seront ainsi analysés sur des marchés locaux correspondant d'une part à l'aéroport de Paris-Orly et d'autre part à l'aéroport de Paris-Roissy.

III. Analyse concurrentielle

34. L'opération n'entraîne de chevauchement d'activité entre les parties et l'entreprise commune, ni sur les marchés des services de remboursement de la TVA en agence de Paris-Orly et Paris- Roissy, sur lesquels seule l'entreprise commune sera active à l'issue de l'opération, ni sur le marché des services de remboursement de la TVA en agence à Paris intra-muros, sur lequel seules les sociétés mères sont actives.

35. Certains répondants au test de marché relatif aux engagements proposés par les parties (cf. infra) ont néanmoins indiqué que l'activité de remboursement de la TVA en agence au sein des aéroports parisiens pourrait exercer une pression concurrentielle sur les opérateurs exerçant cette activité à Paris intra-muros. En tout état de cause, l'ensemble constitué par l'entreprise commune et ses sociétés mères à l'issue de l'opération occupera une position comparable à celle qu'occupait, avant l'opération, la société Travelex22, et dès lors la structure de la concurrence ne sera pas modifiée, sur ce point, par l'opération.

36. En l'absence d'effets horizontaux résultant de l'opération, les effets verticaux de l'opération (A) et le risque de coordination des sociétés mères (B) seront successivement examinés.

A. LES EFFETS VERTICAUX

37. Une concentration verticale peut restreindre la concurrence en rendant plus difficile l'accès aux marchés sur lesquels la nouvelle entité sera active, voire en évinçant potentiellement les concurrents ou en les pénalisant par une augmentation de leurs coûts. Ce verrouillage peut viser les marchés aval, lorsque l'entreprise intégrée refuse de vendre un intrant à ses concurrents en aval ou les marchés amont, lorsque la branche aval de l'entreprise intégrée refuse d'acheter les produits des fabricants actifs en amont et réduit ainsi leurs débouchés commerciaux. La pratique décisionnelle écarte en principe les risques de verrouillage lorsque la part de l'entreprise issue de l'opération sur les marchés concernés ne dépasse pas 30 %.

38. En l'espèce, du fait de la position quasi monopolistique de l'entreprise commune sur le marché aval des services de remboursement de la TVA en agence à Paris-Orly et Paris-Roissy de tels effets doivent être examinés sur le seul marché amont des services liés au remboursement de la TVA.

39. À l'issue de l'opération, l'entreprise commune exploitera des agences représentant environ [...] des volumes de transactions détaxées au sein des aéroports parisiens et offrira ses services à ses sociétés mères et à leurs concurrents actifs sur le marché amont. Par ailleurs, les agences qu'elle exploitera se situeront dans les terminaux concentrant le plus de voyageurs susceptibles d'avoir réalisé des achats détaxés, au sein desquels elle bénéficiera d'un monopole de fait23. Elle serait donc théoriquement en mesure de priver les concurrents de ses sociétés mères de l'accès au service de remboursement de la TVA en aéroport ou de dégrader fortement le service qui leur est fourni, notamment en augmentant ses tarifs.

40. Du fait de l'importance du service de remboursement de la TVA en aéroport, les parties pourraient être incitées à mettre en œuvre ede telles pratiques, préjudiciables à leurs concurrents sur le marché amont, via l'entreprise commune.

41. Plusieurs répondants au test de marché relatif aux engagements proposés par les parties (cf. infra) ont notamment évoqué la possibilité que l'entreprise commune adopte des comportements discriminatoires à l'égard des concurrents de ses sociétés mères, corroborant ainsi l'existence d'un tel risque. Les parties ont-elles-même indiqué, dans le dossier de notification : " Il convient de noter qu'un service de remboursement de mauvaise qualité est cependant susceptible d'affecter la satisfaction des touristes et l'image de l'opérateur de détaxe, ainsi que le nombre de bordereaux remboursés. "

42. Néanmoins, les éléments réunis au cours de l'instruction démontrent, à l'instar de ce qui avait été relevé par la Commission européenne dans la décision COMP/M.3762 précitée, que les risques de verrouillage du marché aval ou de pratiques tarifaires discriminatoires peuvent, a priori, être écartés du fait du contrôle exercé par ADP sur les modalités d'exercice de son activité par l'entreprise commune.

43. En premier lieu, l'entreprise commune sera contractuellement tenue d'accepter et de traiter l'ensemble des bordereaux de détaxe, quel que soit l'opérateur de détaxe les ayant émis, dans le respect des principes d'équité de traitement et de non-discrimination. Cette obligation résulte des stipulations du bail24 liant ADP à l'entreprise commune : [Confidentiel]25[Confidentiel]26

44. En second lieu, ADP disposera des moyens de contrôler le respect, par l'entreprise commune, de ses engagements relatifs à l'absence de pratique discriminatoire à l'encontre des concurrents de ses sociétés mères. ADP disposera notamment de pouvoirs d'audit étendus27 (communication de pièces, audits approfondis) lui permettant de s'assurer de l'effectivité du respect par l'entreprise commune des engagements de non-discrimination pris dans le cadre de sa réponse à l'appel d'offres.

45. En cas de non-respect par l'entreprise commune des principes de traitement équitable et non discriminatoire des différents opérateurs de détaxe, ADP pourrait engager une procédure de résiliation pour faute du bail conclu avec l'entreprise commune.

46. Au cours de l'instruction, ADP a confirmé par écrit dans sa réponse du 18 décembre 2018 au questionnaire des services d'instruction du 13 décembre 2018 qu'elle mettrait en œuvre eses pouvoirs d'audit et, le cas échéant, de sanction.[Confidentiel]28

47. Par ailleurs, les parties comme ADP ont indiqué au cours de l'instruction que la motivation de l'appel d'offres était d'améliorer la qualité du service rendu aux voyageurs titulaires de bordereaux de détaxe transitant par les aéroports parisiens. Ceci ressort de la lettre même du dossier de consultation rédigé par ADP dans le cadre de l'appel d'offres : [confidentiel]

- [Confidentiel];

- [Confidentiel];

- [Confidentiel].

48. Il ressort de ces éléments qu'ADP a un intérêt direct à ce que l'entreprise commune n'adopte pas de comportement discriminatoire envers les opérateurs de détaxe tiers. [Confidentiel]. De plus, si les porteurs de bordereaux émis par des opérateurs tiers se trouvaient face à un service dégradé, voire à l'impossibilité de faire rembourser leurs bordereaux au sein des aéroports de Paris, ils pourraient considérer que les services offerts par ADP au sein de ses aéroports ne sont pas satisfaisants. Ceci pourrait venir contrecarrer la stratégie de conquête des voyageurs internationaux menée par ADP qui se compare aux autres opérateurs aéroportuaires notamment sur la base des indices de satisfaction des voyageurs (cf supra). ADP sera donc incitée à faire usage de ses pouvoirs de contrôle.

49. Il résulte donc de l'économie générale du projet de bail liant ADP à l'entreprise commune et des engagements pris par les parties dans le cadre de la réponse à l'appel d'offres (auquel le projet de bail fait explicitement référence et dont il rappelle la valeur contractuelle entre ADP et l'entreprise commune29) que l'entreprise commune : (i) ne sera pas en mesure de conclure des accords d'exclusivité avec un quelconque opérateur de détaxe ; (ii) devra traiter de manière équitable et non discriminatoire l'ensemble des opérateurs de détaxe ; (iii) devra être en mesure de démontrer l'effectivité de ce traitement dans le cadre d'audits commandités par ADP.

50. Il résulte de ce qui précède que l'opération notifiée n'est pas susceptible de porter atteinte à la concurrence par le biais d'effets verticaux entre les marchés des services de remboursement de la TVA en agence dans les aéroports de Paris-Orly et Paris-Roissy et le marché national des services liés au remboursement de la TVA.

B. LE RISQUE DE COORDINATION ENTRE GLOBAL BLUE ET PLANET PAYMENT

51. Conformément à la pratique décisionnelle de la Commission européenne, reprise par les autorités de concurrence nationales30, la création d'une entreprise commune est également susceptible d'entraîner un risque de coordination entre les sociétés mères lorsque les trois conditions cumulatives suivantes sont réunies : le risque de coordination doit avoir un lien de causalité direct avec la création de l'entreprise commune, la coordination doit être suffisamment vraisemblable et la coordination doit avoir un effet sensible sur la concurrence.

52. Le Conseil de la concurrence a considéré, dans l'avis n° 07-A-09 précité, qu'une telle coordination peut être certes envisagée de façon plus évidente si les sociétés mères et leur filiale commune sont présentes sur les mêmes marchés, mais qu'elle ne peut toutefois être exclue a priori lorsque les sociétés mères sont présentes sur un marché distinct de celui de leur entreprise commune, le contact multi-marchés entre des entreprises étant également susceptible de faciliter la coordination de leurs comportements. Les lignes directrices de l'Autorité de la concurrence relatives au contrôle des concentrations (ci-après les " lignes directrices ") mentionnent d'ailleurs explicitement l'existence d'un tel risque lorsque les sociétés mères sont actives sur des marchés verticalement reliés à ceux sur lequel l'entreprise commune est active (paragraphe 525).

53. Au cas d'espèce, comme indiqué supra, les sociétés mères de l'entreprise commune sont actives sur le marché amont des services liés au remboursement de la TVA et l'entreprise commune sera active sur le marché aval des services de remboursement de la TVA en agence dans les aéroports de Paris-Orly et Paris-Roissy.

1. POSITION DES PARTIES NOTIFIANTES

54. Les parties ont souligné que la création de l'entreprise commune ne pourrait pas donner lieu à un risque de coordination du fait du caractère limité, tant en termes de couverture géographique que de volume d'affaire, de l'activité de l'entreprise commune par rapport à celle de ses sociétés mères. Elles ont notamment mis en avant le fait que l'entreprise commune représenterait une part " infime " de leur chiffre d'affaires au niveau mondial et que le service de remboursement

55. Les parties ont également indiqué que l'hypothétique coordination entre elles ne serait pas vraisemblable du fait de l'étanchéité entre les activités de l'entreprise commune et celles de ses sociétés mères.

56. Elles ont enfin souligné qu'en cas de mise en œuvre e d'une hypothétique stratégie de coordination, leurs clients sur le marché amont disposaient d'un contrepouvoir important leur assurant une capacité de réaction importante. Elles ont notamment avancé que les commerçants de taille importante étaient en mesure d'internaliser le service offert par les opérateurs de détaxe en cas de dégradation des services proposés ou de hausse des tarifs, citant notamment le cas[Confidentiel].

2. APPRÉCIATION AU CAS D'ESPÈCE

57. Les lignes directrices précisent (paragraphe 527) : " Le lien causal peut être établi si l'activité de l'entreprise commune revêt une importance essentielle pour les marchés sur lequel les sociétés-mères sont actives. Cependant, il ne peut être exclu que, dans certains cas, d'autres facteurs puissent être à l'origine d'une interdépendance accrue entre les maisons-mères. "

58. Bien que l'activité de l'entreprise commune soit effectivement, au plan géographique comme en termes de volume d'affaires, secondaire par rapport à l'activité de ses sociétés mères, l'activité de remboursement qu'elle sera amenée à exercer lui offre la possibilité d'obtenir des informations détaillées sur le fonctionnement du marché amont. En effet, l'activité de l'entreprise commune pourrait lui permettre d'obtenir, via les informations individuelles figurant sur les bordereaux de détaxe (identité du commerçant et de l'opérateur de détaxe, montant de la transaction, montant du remboursement...) qu'elle est amenée à traiter, des informations détaillées sur le comportement de la plupart des opérateurs actifs sur le marché amont.

59. Ces informations, si elles étaient partagées avec ses sociétés mères, pourraient conduire ces dernières à une appréciation commune du marché sur lequel elles sont actives et favoriser une coordination concurrentielle de leurs comportements. En effet, l'accès à ces informations pourrait permettre une connaissance fine de l'évolution des positions respectives des opérateurs sur le marché des services liés au remboursement de la détaxe et conférer un avantage stratégique à Global Blue et à Planet Payment. Par ailleurs, de telles informations pourraient également leur permettre de s'assurer de la mise en œuvre e commune de comportements coordonnés.

60. Les lignes directrices précisent également (paragraphe 531) : " La coordination des sociétés mères d'une entreprise commune sera d'autant plus vraisemblable si les sociétés mères peuvent facilement parvenir à une appréciation commune des modalités de fonctionnement de la coordination, et si l'existence de l'entreprise commune leur permet aisément de se surveiller mutuellement. "

61. Du fait du poids des aéroports parisiens dans le trafic aérien international français et de la taille des marchés des services de remboursement de la détaxe dans les aéroports parisiens31, l'entreprise commune traiterait vraisemblablement une part significative des bordereaux émis et remboursés en France par les opérateurs de détaxe actifs sur le marché amont. Elle traiterait notamment, via ses activités de remboursement et de collecte, environ [...] des bordereaux émis en France par les parties32. Le volume d'information accessible via l'entreprise commune garantirait un degré important de fiabilité des informations relatives au marché amont, rendant vraisemblable la mise en place d'un mécanisme de coordination entre ses sociétés mères sur la base d'une appréciation partagée du marché.

62. Ces éléments pourraient être de nature à étayer l'hypothèse d'un risque de coordination entre les sociétés mères de l'entreprise commune.

63. Enfin, certains répondants au test de marché ont indiqué que le rapprochement entre les parties induit par la création de l'entreprise commune sur un marché verticalement lié à celui sur lequel elles sont actives pouvait être de nature à les amener à coordonner leurs comportements au détriment de leurs concurrents.

64. De tels éléments tendraient à démontrer qu'une telle coordination pourrait avoir des effets sensibles sur les concurrents des parties.

65. Toutefois, il n'y a pas lieu, en l'espèce, de caractériser davantage l'éventuel risque de coordination des sociétés mères pouvant découler de l'opération notifiée, dans la mesure où les parties ont proposé des engagements destinés à prévenir ce type de risque.

IV. Engagements

66. Afin de prévenir tout risque d'atteinte à la concurrence découlant d'une potentielle coordination de leurs comportements concurrentiels par le biais de l'entreprise commune, les parties ont déposé, le 21 novembre 2018, une proposition d'engagements, qui ont fait l'objet d'un test de marché auprès de leurs principaux concurrents.

67. Le texte intégral de ces engagements, joint en annexe, fait partie intégrante de la présente décision.

A. LES ENGAGEMENTS PROPOSÉS

68. Les parties se sont engagées à établir un strict cloisonnement des informations accessibles à l'entreprise commune du fait de son activité et pouvant présenter un intérêt stratégique pour ses sociétés mères sur le marché amont sur lequel elles sont actives.

69. Elles se sont donc engagées à ce qu'en aucun cas les représentants des associés au sein de l'entreprise commune ne puissent avoir accès aux informations individuelles relatives aux bordereaux de détaxe traités par l'entreprise commune. Par ailleurs, les représentants des associés seront soumis à des accords de confidentialité couvrant les informations relatives à l'activité de l'entreprise commune auxquelles ils pourraient avoir accès dans le cadre de leurs fonctions.

70. Les parties notifiantes se sont également engagées à établir une stricte séparation entre les équipes dirigeantes de l'entreprise commune et les leurs. Dès lors, les gérants de l'entreprise commune ne pourront être ni un salarié, ni un mandataire social des sociétés des groupes auxquels appartiennent ses associés, ni une personne morale appartenant à l'un de ces groupes. Le gérant et le personnel de l'entreprise commune seront soumis à des accords de confidentialité visant la non-transmission des informations opérationnelles auxquelles ils auront accès aux représentants des associés ou aux associés.

71. Les engagements prévoient toutefois une exception à ce principe de séparation des équipes dirigeantes pendant la période de démarrage de l'activité de l'entreprise commune définie comme une période de [...] à compter de la première vente génératrice de chiffre d'affaires réalisée par la société (cf. infra, au paragraphe 84). Au cours de cette période, les gérants de la société pourront avoir des liens avec les sociétés mères de l'entreprise commune33. De ce fait, les parties se sont engagées à ce qu'au cours de cette période les gérants ne puissent en aucun cas avoir accès aux informations relatives aux bordereaux et soient, en outre, soumis à un accord de confidentialité spécifique.

72. Les parties se sont également engagées à ce qu'aucune copie des bordereaux de détaxe ne soit conservée par l'entreprise commune à la suite de leur traitement. Elles se sont également engagées à ce qu'aucune information individuelle relative aux commerçants auprès desquels les achats ont été effectués ou aux montants des transactions réalisées ne soient enregistrée au sein de l'entreprise commune.

73. Les parties se sont engagées à ce que les moyens matériels et immatériels de l'entreprise commune soient distincts de ceux de ses sociétés mères et, notamment, que les outils informatiques de l'entreprise commune ne soient pas accessibles aux parties ou à leurs représentants.

74. Les parties se sont enfin engagées à transmettre le pacte d'associés et les statuts de la société à l'Autorité en cas de modification de ceux-ci pendant la durée des engagements.

75. La mise en œuvre de ces mesures fera l'objet d'un rapport établi par un mandataire agréé par l'Autorité sur proposition des parties. Les parties se sont engagées à transmettre une liste de personnes indépendantes susceptibles d'exercer les fonctions de mandataire dans les [...] à compter du début de la période de démarrage de l'activité de la société.

76. Ces engagements sont souscrits jusqu'à expiration du bail conclu entre les parties ou l'entreprise commune et ADP, soit, a minima, pour une durée de 8 ans.

B. APPRÉCIATION DES ENGAGEMENTS

77. Conformément aux dispositions des lignes directrices précitées, l'Autorité recherche en priorité des mesures structurelles pour remédier aux risques d'atteinte à la concurrence. Toutefois, dans la mesure où un remède de nature comportementale apparaît au cas d'espèce plus approprié pour prévenir les risques d'atteintes à la concurrence résultant de l'opération, il convient de définir un tel remède de manière à assurer son efficacité et sa contrôlabilité.

78. En effet, quelle que soit la nature des mesures proposées, elles doivent être efficaces en permettant de remédier pleinement aux atteintes à la concurrence identifiées. À cette fin, leur mise en œuvre ne doit pas soulever de doute, ce qui implique qu'elles soient rédigées de manière suffisamment claire et précise et que les modalités opérationnelles pour les réaliser soient suffisamment détaillées pour en assurer le suivi. Leur mise en œuvre doit également être rapide, la concurrence n'étant pas préservée tant qu'elles ne sont pas réalisées.

79. Enfin, les engagements proposés doivent être contrôlables afin que l'Autorité puisse s'assurer de leur mise en œuvre effective.

80. En l'espèce, les engagements proposés par les parties permettront d'écarter tout risque de coordination des sociétés mères de l'entreprise commune via l'activité de celle-ci et notamment via les informations relatives au marché amont auxquelles elle pourrait avoir accès.

81. Les parties se sont en effet engagées à ce que leurs représentants au sein de la société n'aient accès qu'aux : " seules informations dont la communication est strictement nécessaire à l'adoption des décisions relevant de la compétence de la Comité de direction et de l'Assemblée générale des Associés ". À titre principal, elles se sont engagées à ce que les informations individuelles figurant sur les bordereaux traités par la société ne leur soient en aucun cas accessibles. En effet, les bordereaux de détaxe comportent un certain nombre d'informations pouvant permettre à un opérateur qui en disposerait d'acquérir une connaissance fine de la situation et des évolutions du marché des services liés au remboursement de la détaxe. Dans le cas de l'entreprise commune, comme cela a été rappelé supra, de telles informations partagées pourraient conduire les sociétés mères de l'entreprise commune à établir une perception partagée du marché sur lequel elles sont actives et à coordonner leurs comportements. Ces informations sont notamment celles relatives : (i) aux commerçants auprès desquels les achats ont été réalisés, (ii) au montant des achats effectués, (iii) à la date des opérations de détaxe, (iv) à l'identité de l'opérateur de détaxe ou encore (v) au montant in fine remboursé. Les parties se sont engagées à ne pas accéder à ces informations. Dès lors, elles ne pourront utiliser l'entreprise commune ni comme une source d'informations stratégiques concernant le marché sur lequel elles sont actives, ni comme un moyen de s'assurer mutuellement du respect d'un comportement coordonné.

82. Cet engagement se décline à la fois dans la non communication aux représentants des parties des informations individuelles relatives aux bordereaux, mais également dans la stricte séparation entre les équipes dirigeantes de l'entreprise commune et les parties. Cette séparation permet de limiter le risque de transmission d'informations et évite des situations de double appartenance dans lesquelles des accords de confidentialité pourraient se révéler trop aisément contournables pour être de nature à écarter tout risque d'atteinte à la concurrence.

83. Ces engagements sont de nature à garantir que les informations sensibles relatives au marché amont ne seront pas accessibles aux sociétés mères de l'entreprise commune et, dès lors, garantissent qu'elles ne permettront pas la mise en œuvre e d'une coordination de leur comportement concurrentiel.

84. Quand elle apprécie les engagements proposés par les parties, l'Autorité s'assure de leur proportionnalité aux risques d'atteintes à la concurrence qu'elle a identifiés. Au cas d'espèce, les parties ont proposé une dérogation au principe de séparation des équipes dirigeantes pendant la période de démarrage de l'activité de la société. Elles ont notamment indiqué la difficulté de confier immédiatement l'activité à un tiers et la nécessité d'assurer la crédibilité de la gérance de l'entreprise commune à son lancement. Dans la mesure où cette période dérogatoire est apparue comme justifiée par les circonstances de l'espèce, qu'elle est strictement encadrée dans le temps [...] non renouvelable, soit moins d'un exercice complet) et que les parties ont présenté un engagement complémentaire prévoyant qu'en tout état de cause, pendant cette période, les gérants n'auront pas accès aux informations individuelles relatives aux bordereaux traités par la société, l'Autorité a considéré que ce mécanisme n'était pas de nature à priver les engagements de leur effet utile.

85. Les parties ont pris des engagements complémentaires, relatifs à la séparation des moyens matériels et immatériels de l'entreprise commune de ceux de ses mères et à la non-conservation de certaines données au sein de l'entreprise commune, qui permettent d'assurer une mise en œuvre effective du cloisonnement des informations prévu par les engagements.

86. Ces engagements permettent d'assurer que, dans la gestion quotidienne de la société, le cloisonnement des informations sera effectivement garanti et mis en œuvre

87. Les parties se sont engagées à traduire l'ensemble de ces engagements dans les documents constitutifs de l'entreprise commune et l'Autorité sera informée de toute modification de ces documents. Enfin, la nomination d'un mandataire chargé d'établir un rapport détaillé sur les mesures concrètes mises en œuvre dans le fonctionnement quotidien de la société pour assurer le respect des engagements souscrits en permettra le contrôle par l'Autorité.

88. En conséquence, l'Autorité considère que les engagements proposés par les parties notifiantes sont suffisants pour prévenir les risques d'atteinte à la concurrence résultant de l'opération.

Décide

Article unique : L'opération notifiée sous le numéro 18-140 est autorisée sous réserve des engagements décrits ci-dessus et annexés à la présente décision.

NOTES DE BAS DE PAGE :

1 Décision de la Commission européenne, M.6639 du 11 juillet 2012, Silver Lake / Global Blue.

2 Anciennement Premier Tax Free France, la société ayant changé de dénomination sociale au cours de l'examen de l'opération par l'Autorité de la concurrence (réponse des parties du 17 décembre 2018 au questionnaire des services d'instruction du 12 décembre 2018).

3 Cette exploitation est assurée, jusqu'à la création effective de l'entreprise commune et le lancement de son activité, par la société Travelex, principalement active en tant qu'opérateur de change.

4 Voir en ce sens les réponses conjointes des parties à l'appel d'offres : " Si la présente offre était retenue, le Candidat s'engagerait à constituer, [Confidentiel] suivant la notification par le Groupe ADP du choix du candidat, une personne morale de droit français ayant pour seules activités celles de la présente consultation, afin que sa comptabilité générale soit le reflet exclusif des opérations effectuées dans ce cadre conformément à l'article 3.3.1. du Dossier de Consultation. "

5 Ceci découle notamment des engagements de non-discrimination entre les opérateurs de détaxe pris par les parties dans le cadre de leur réponse à l'appel d'offres, cf. infra.

6 Voir en ce sens le § 9 de la décision C(2018) 5663 final : " L'opération consiste en la création d'une entreprise commune de plein exercice au sens de l'article 3, paragraphe 4, du règlement sur les concentrations dans la mesure où elle accomplira de manière durable, à savoir pour au moins huit ans, toutes les fonctions d'une entité économique autonome. "

7 Ces chiffres d'affaires tiennent compte de ceux des groupes auxquels appartiennent les parties, à savoir le groupe Silver Lake pour Global Blue et la société Eurazeo pour Planet Payment.

8 Ces chiffres d'affaires tiennent compte de ceux des groupes auxquels appartiennent les parties, à savoir le groupe Silver Lake pour Global Blue et la société Eurazeo pour Planet Payment.

9 Ne sont éligibles à la " détaxe " que les achats réalisés par des voyageurs dont la durée de séjour dans l'Union européenne est strictement inférieure à 6 mois.

10 On parle de " point de sortie " pour désigner le lieu de départ du titulaire du bordereau.

11 Décision COMP/M.3762 - Apax / Travelex du 16 juin 2005.

12 Décision COMP/M.3762 précitée.

13 Décision ME/6707-17, Anticipated acquisition by Fintrax Group Holdings Limited of GB Tax Free Limited, du 14 novembre 2017.

14 La CMA a ainsi envisagé de segmenter entre les commerçants " internationaux ", présents dans plusieurs pays, les commerçants recherchant des services intégrés regroupant les services de détaxe et d'autres services de paiement, et les commerçants de petite et moyenne taille.

15 Décision COMP/M.3762 précitée. en procédant à une validation électronique du bordereau de détaxe auprès du service des douanes via PABLO16, et sous réserve que le touriste ait transmis ses coordonnées de carte de crédit ou porte-monnaie électronique. Le remboursement automatique par l'opérateur de détaxe (" auto refund ") est effectif dans un délai de quelques semaines ;

16 Programme d'Apurement des Bordereaux par Lecture Optique de Code-barres.

17 Si le commerçant ou l'opérateur de détaxe propose ce service car, dans ce cas, ils supportent un risque en cas de non validation du bordereau par le service des douanes.

18 Dossier de notification.

19 Décision COMP/M.3762 précitée, § 14 : " The provision of VAT refund agency services is an operation which consists in determining whether the cheque appears to be real or a forgery, checking that it has been filled out correctly, paying the refund to the customer and sending the cheque back to the VAT refund service provider which then transfers the relevant commission to the agent. "

20 Décision C(2018) 5663, précitée.

21 Décision COMP/M.3762 précitée, paragraphes 16 et 18 : " The parties have submitted that, in case there is a market for VAT refund agency services, the scope of the market is limited to a specific location (e.g. city or airport). [...] As regards the geographic market definition, replies to the market investigation mostly support the parties' views given that the agency agreement is limited to a specific location. "

22 Avant l'opération Travelex disposait d'un monopole de fait sur les marchés des services de remboursement de la TVA en agence dans les aéroports parisiens et exerçait une activité de remboursement de la TVA en agence à Paris intra-muros. À l'issue de l'opération, elle continuera d'exercer une activité résiduelle au sein des aéroports parisiens et sera toujours présente à Paris intra-muros.

23 Selon les termes du dossier de consultation fourni par ADP dans le cadre de l'appel d'offres (soulignement ajouté) : " La présente consultation concerne l'activité de remboursement de détaxe pour les terminaux décrits en annexe 8 du dossier commercial, technique et financier. Ces terminaux représentent environ [...] du volume de transactions de détaxe à ce jour. Il est précisé que l'activité de remboursement de détaxe des autres terminaux de Paris-Orly et Paris- Charles de Gaulle, où le volume de bordereaux à traiter est moins important, sera opérée par l'opérateur de change. "

24 Dans sa réponse du 18 décembre 2018 au questionnaire des services d'instruction du 13 décembre 2018, ADP a fourni les projets d'articles du bail la liant à l'entreprise commune relatifs au traitement non discriminatoire des opérateurs de détaxe tiers. Les parties notifiantes ont fourni des informations concordantes dans leur réponse du 17 décembre 2018 au questionnaire des services d'instruction du 12 décembre 2018. Elles ont par ailleurs confirmé, le 19 décembre 2018, l'intégration de ces clauses dans le bail définitif. L'intégration de ces clauses dans le bail définitif liant ADP et l'entreprise commune est un élément essentiel de l'analyse de l'opération notifiée à l'Autorité, qui a demandé communication du bail définitif lorsqu'il sera signé.

25 Article 2 du projet de projet de bail, transmis le 18 décembre 2018 par ADP en réponse au questionnaire des services d'instruction du 13 décembre 2018.

26 Article 2 du projet de projet de bail, transmis le 18 décembre 2018 par ADP en réponse au questionnaire des services d'instruction du 13 décembre 2018.

27 Article 10 du projet de bail, transmis le 18 décembre 2018 par ADP en réponse au questionnaire des services d'instruction du 13 décembre 2018.

28 Soulignement ajouté.

29 Annexe 5 au projet de projet de bail, transmis le 18 décembre 2018 par ADP en réponse au questionnaire des services d'instruction du 13 décembre 2018.

30 Voir l'avis du Conseil de la concurrence n° 07-A-09 du 2 août 2007 et les décisions du ministre de l'économie C2007-27 du 28 août 2007 et C2006-45 du 10 août 2006. en agence ne constituait pas un élément déterminant de la politique commerciale des opérateurs de détaxe sur le marché amont.

31 Selon les données fournies par les parties, les marchés des services de remboursement de la détaxe en agence au sein des aéroports de Paris- Orly et Paris-Roissy représentent [...] de bordereaux remboursés et environ [...] de bordereaux collectés (volumes traités par Travelex au sein des aéroports parisiens en 2017). Or, en 2017, le marché amont des services liés au remboursement de la TVA en France représente environ [...] de bordereaux émis (en 2017). Si ces deux données ne peuvent être directement rapprochées (puisque des bordereaux émis à l'étranger peuvent avoir été remboursés par Travelex au sein des aéroports parisiens), il est possible d'en déduire qu'une part significative des bordereaux émis en France est vraisemblablement traitée au sein des aéroports parisiens.

32 Calcul des services d'instruction sur la base des données transmises par les parties dans leur réponse du 23 octobre 2018 au questionnaire des services d'instruction du 10 octobre 2018. Ces calculs s'appuient sur les volumes de bordereaux émis en France par les parties et traités par Travelex au sein des aéroports parisiens en 2017. Il convient de noter que les parties notifiantes n'ont pas été en mesure d'isoler, au sein des bordereaux collectés en France, la part des bordereaux émis en France. Dès lors, le calcul réalisé par les services d'instruction repose sur l'hypothèse que la répartition, au sein des bordereaux collectés par Travelex, (bordereaux collectés en agence mais renovyés aux opérateurs de détaxe pour remboursement, dans le cadre du " remboursement différé ")) entre ceux émis en France et ceux émis à l'étranger, est identique à celle observée parmi les bordereaux remboursés par Travelex (bordereaux effectivement remboursés immédiatement, au guichet).

33 Les parties ont indiqué que pendant la période de démarrage deux gérants seraient désignés, l'un par Global Blue et l'autre par Planet Payment, et que ces gérants feraient partie des équipes dirigeantes des sociétés mères.

*Rectifications d'erreurs matérielles