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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 5, 31 janvier 2019, n° 17-09972

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Flunch (SAS)

Défendeur :

MC services (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Birolleau

Conseillers :

Mmes Soudry, Moreau

Avocats :

Mes Lallement, Laugier, Rohfritsch, Regnier

T. com. Lille, du 28 mars 2017

28 mars 2017

Faits et procédure :

Le 14 décembre 2012, la société MC Services et la société Flunch ont conclu quatre contrats sur l'établissement de la société Flunch au centre commercial Auchan à Villeneuve d'Asq (Nord), à savoir :

- un contrat de nettoyage ;

- un contrat de literie, pour 600 euros HT mensuels ;

- un contrat de nettoyage et de désinfection du jeu enfant, pour 200 euros HT mensuels ;

- un contrat de nettoyage de la salle de restaurant et des vestiaires, pour un montant mensuel de 5 000 euros HT.

Les contrats ont été conclus pour une durée d'un an, renouvelables par tacite reconduction, et avec une possibilité de résiliation moyennant un préavis de deux mois.

Par courrier en date du 6 février 2014, la société Flunch a fait connaître à la société MC Services son intention de résilier l'ensemble des contrats au 5 mai 2014, au motif que les prestations n'étaient pas exécutées de manière satisfaisante.

Par courrier en date du 19 août 2014, la société MC Services a contesté le motif invoqué par la société Flunch au soutien de la résiliation et en prétendu que cette résiliation ne pourrait intervenir qu'au 14 décembre 2014, date d'anniversaire du contrat.

Le 4 octobre 2014, Flunch renouvelé ses reproches à quant aux manquements dans l'exécution des prestations et l'a invitée à réagir avant le 13 octobre 2014, sans quoi il serait mis fin au contrat à la fin du mois d'octobre 2014.

Par lettre recommandée du 21 octobre 2014, invoquant la persistance de la défaillance de MC Services, la société Flunch a notifié à cette dernière la résiliation par anticipation, au 31 octobre 2014, des contrats aux torts exclusifs de MC Services.

Par acte délivré le 18 décembre 2015, la société MC Services a fait assigner la société Flunch devant le tribunal de commerce de Lille Métropole aux fins de voir condamner pour résiliation abusive des contrats du 14 décembre 2012 et pour rupture brutale de la relation commerciale établie.

Par jugement rendu le 28 mars 2017, le tribunal de commerce de Lille Métropole a :

- condamné la société Flunch à payer à la société MC Services la somme de 8 400 euros à titre de résiliation, les intérêts judiciaires à compter de la signification du jugement et la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- condamné la société Flunch aux entiers dépens, taxés et liquidés à la somme de 81,12 euros au titre des frais de greffe ;

- débouté les parties du surplus de leurs demandes, fins et conclusions.

Vu l'appel interjeté le 17 mai 2017 par la société Flunch à l'encontre de cette décision ;

PRÉTENTIONS DES PARTIES :

La société Flunch, par dernières conclusions signifiées le 6 novembre 2018, demande à la cour, au visa articles 1184 du Code civil et L. 442-6 I 5° du Code de commerce, de :

- réformer le jugement entrepris ;

Statuant à nouveau,

A titre principal,

- dire irrecevables et mal fondées les demandes de la société MC Services ;

- débouter la société MC Services de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

A titre subsidiaire,

- dire que la société MC Services ne peut réclamer aucune somme au titre de la taxe sur la valeur ajoutée et réduire l'éventuelle condamnation de la société Flunch en conséquence ;

A titre reconventionnel,

- condamner la société MC Services au paiement de la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers frais et dépens d'instance et d'appel.

Elle soutient que la résiliation dont elle a été à l'initiative est fondée en droit, dès lors que la jurisprudence admet, en l'absence de disposition légale contraire, la résiliation unilatérale de tout contrat à durée indéterminée sans que la partie à l'origine de la résiliation ait à motiver sa décision. Elle indique que les contrats litigieux, n'ayant pas été résiliés avant le 14 décembre 2013, date de leur terme initial, ont été tacitement reconduits et ont ainsi donné naissance, conformément à la jurisprudence en la matière, à de nouveaux contrats à durée indéterminée, aucun contrat ne précisant du reste une durée ou échéance suivant la reconduction. La société Flunch en déduit qu'elle était parfaitement fondée, en fait en droit, à résilier les contrats en cause le 6 février 2014, avec effet au 5 mai 2014, dès lors que sa cocontractante ne s'est pas exécutée. Elle a par ailleurs respecté un préavis de trois mois au lieu de celui de deux mois prévus par la convention.

Elle prétend que l'inexécution par une quelconque des parties à un contrat synallagmatique de ses obligations s'analyse en une condition résolutoire implicite, conformément à l'article 1184, alinéa 1er, ancien du Code civil. Elle souligne que l'obligation de nettoyer, d'entretenir, de réparer ou de maintenir en état est toujours une obligation de résultat, de sorte que toute société ayant pour activité le nettoyage est tenue de cette obligation et peut, en cas d'absence de respect de cette obligation, voir le contrat mettant celle-ci à sa charge résiliée pour faute à l'initiative de son cocontractant.

Sur la prétendue rupture brutale de relations commerciales établies, la société Flunch soutient que, pour obtenir indemnisation sur le fondement de l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce, trois conditions doivent être réunis, à savoir, le caractère établie de la relation commerciale, la brutalité de la rupture, résultant de l'insuffisance du préavis, et la prise en compte de la durée des relations commerciales entre les parties pour la détermination du caractère suffisant ou non du préavis. Elle fait valoir à ce titre que seule la perte de marge brute à raison de l'insuffisance de préavis est indemnisation. Elle prétend tout d'abord avoir été fondée à résilier les contrats de nettoyage la liant à la société MC Services avec effet au 31 octobre 2014, en raison des manquements graves et répétés de cette dernière société dans l'exécution des prestations. Elle fait valoir en outre que, les relations avec la société MC Services ayant duré qu'un an et dix mois, elle a notifié sa volonté de résilier les contrats les liant en février 2014, avec effet au mois de décembre 2014, laissant ainsi un préavis de dix mois, qu'elle prétend largement suffisant au vu de la jurisprudence en la matière, de sorte que la rupture ne saurait être considérée comme brutale.

A titre subsidiaire, la société Flunch conteste tout d'abord le préjudice allégué par la société MC Services, faisant valoir d'une part que cette dernière ne justifie pas de la réalité de son préjudice dont elle réclame l'indemnisation, pas davantage qu'elle n'établit un quelconque lien de causalité entre la rupture anticipée du contrat et le reclassement ou le licenciement pour motif économique de ses salariés.

Madame X ès qualités de mandataire ad hoc de la société MC Services, par dernières conclusions signifiées le 5 octobre 2018 demande à la cour, au visa des articles 1103, 1104 et 1193 du Code civil et 1231 et 1231-1 du Code civil et L. 442-6, I, 5° du Code de commerce, de :

- recevoir Mme X en qualité de mandataire ad hoc de la société MC Services en son intervention volontaire ;

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a dit et jugé que la société Flunch n'a pas respecté ses obligations contractuelles et qu'elle se trouve tenue d'avoir à régler les montants fixés par le contrat liant les parties jusqu'au terme de ce contrat, soit jusqu'au 14 décembre 2014 ;

- débouter la société Flunch de tous ses moyens, fins et conclusions d'appel ;

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a limité la condamnation de la société Flunch à payer la somme de 8 400 euros HT ;

Statuant à nouveau,

- condamner la société Flunch à payer à la société MC Services la somme de 10 565,44 euros TTC au titre des contrats signés le 14 décembre 2012 à effet jusqu'au 14 décembre 2014, avec intérêts légaux à compter du jugement ;

A titre subsidiaire et en toute hypothèse,

- condamner la société Flunch à payer à la société MC Services la somme de 10 565,44 euros à titre de dommages et intérêts en raison de la résiliation fautive des contrats signés le 14 décembre 2012 à effet jusqu'au 14 décembre 2014, avec intérêts légaux à compter du jugement ;

- condamner la société Flunch à payer à la société MC Services la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture brutale des relations commerciales ;

- dire qu'il serait inéquitable de laisser à la charge de la société MC Services les frais irrépétibles de la présente procédure qu'elle se trouve contrainte d'engager ;

- condamner la société Flunch à payer à la société MC Services la somme de 4.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.

A titre principal, elle soutient que la rupture des contrats signés le 14 décembre 2012 a été abusive, en ce que la société Flunch, bien qu'ayant multiplié les notifications de résiliation sous des prétextes qu'elle estime contestables, a effectivement résilié les contrats en cause au 14 décembre 2014 ; elle sollicite en conséquence le paiement de l'intégralité des montants fixés par les contrats jusqu'à leur terme, coïncidant avec la date de prise d'effet de la résiliation, soit le 14 décembre 2014.

A titre subsidiaire, elle réclame la même somme en réparation de son préjudice du fait de la rupture fautive, par la société Flunch, des contrats les liant. La société MC Services prétend à cet égard que l'exécution de sa prestation a été rendue impossible par la société Flunch.

Elle fait valoir par ailleurs que la société de nettoyage a manqué aux obligations légales de reprise du personnel, ce qui a résulté en la nécessité, pour la société MC Services, de reclasser ou de licencier pour motif économique es salariés affectés sur le site V2.

Elle conteste en outre l'argument selon lequel la société Flunch pourrait librement résilier le contrat à compter de son échéance moyennant un préavis de deux mois, et soutient que la date du préavis s'entend de la fin du contrat à l'échéance de la tacite reconduction, soit jusqu'au 14 décembre 2014. Elle en déduit que la relation contractuelle s'est maintenue jusqu'à cette date ; elle reproche à la société Flunch d'avoir fait preuve de mauvaise foi en ce qu'elle a voulu la remplacer.

La société MC Services recherche enfin la condamnation de la société Flunch pour rupture brutale de relations commerciales établie, sur le fondement de l'article L. 442-6 I 5° du Code de commerce. Elle fait valoir à cet égard que sa cocontractante a précipité la fin du contrat de manière déloyale, alors que la prestation fournie par MC Services était de qualité et n'avait jamais fait l'objet de critiques de la part de la société Flunch, et que le véritable motif de la rupture trouvait son origine dans la volonté de cette dernière de remplacer sa prestataire pour confier l'entretien de son établissement à une autre société, la société Ozone.

Il est expressément référé aux écritures des parties pour un plus ample exposé des faits, de leur argumentation et de leurs moyens.

MOTIFS :

Considérant qu'il convient de recevoir Madame X en qualité de mandataire ad hoc de la société MC Services ;

Considérant que Madame X ès qualités recherche, au titre de la résiliation des contrats du 14 décembre 2012, la responsabilité de la société Flunch sur un fondement à la fois contractuel, au visa de l'article 1147 du Code civil, dans sa rédaction applicable à la cause, et délictuel pour rupture brutale de la relation commerciale établie sur le fondement de l'article L. 442-6 I 5° du Code de commerce ;

Considérant que le principe du non cumul des responsabilités contractuelle et délictuelle interdit, à peine d'irrecevabilité des demandes, le cumul des actions contractuelles et délictuelles à raison d'un même fait ; qu'il convient d'inviter les parties à conclure sur l'irrecevabilité encourue à ce titre et de rouvrir à cet effet les débats ;

que, la réouverture des débats n'emportant pas la révocation de l'ordonnance de clôture lorsqu'elle est ordonnée en application des dispositions de l'article 444 du Code de procédure civile pour permettre aux parties de conclure sur une question posée, il n'y a pas lieu d'ordonner la révocation de l'ordonnance de clôture ;

Par ces motifs, LA COUR, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, reçoit Madame X en qualité de mandataire ad hoc de la société MC Services ; vu l'article 444 du Code de procédure civile, ordonne, sans révocation de l'ordonnance de clôture, la réouverture des débats ; invite les parties à faire connaître à la cour leur position, avant le 8 mars 2019, sur l'irrecevabilité encourue en application du principe du non cumul des responsabilités contractuelle et délictuelle ; dit que le dossier sera appelé à l'audience de plaidoiries du pôle 5 chambre 5 du 13 mars 2019.