CA Lyon, 3e ch. A, 31 janvier 2019, n° 16-07531
LYON
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
CB Forez loisirs (SARL)
Défendeur :
Financière O2 (SAS), AS Pool (SA), Albigès (Sasu), Albon (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Esparbès
Conseillers :
Mme Homs, M. Bardoux
Avocats :
Mes de Fourcroy, Hilbert Thomasson, Aguiraud, Duverne Hanachowicz
Exposé du litige,
Le 15 janvier 2000, la SARL CB Forez loisirs (société CBFL) a signé un contrat d'agent commercial avec la société Abri Blue lui confiant la représentation d'ossatures pour la construction des piscines, de couvertures automatiques, d'enrouleurs et de manches télescopiques.
Ce contrat a été résilié le 27 juin 2005 par la mandante avec un préavis s'achevant le 30 septembre suivant.
Le 16 octobre 2006, la société CBFL a signé un nouveau contrat d'agent commercial à effet du 1er juillet 2005, avec la société Abri Blue, contrat qui s'est substitué au précédent dont il a repris l'ancienneté. La représentation concerne des volets de sécurité pour les piscines et des alarmes portées.
A la même date a été signé un autre contrat entre la société CBFL et la SAS Albigès, société du groupe Nextpool dont faisait partie la société Abri Blue, portant sur la représentation de tous les modèles de couvertures de sécurités de piscine (couvertures à barres ou couvertures souples opaques).
Le 2 janvier 2017, des avenants à ces deux contrats ont été signés pour modifier le secteur géographique de l'agent.
Le 26 mars 2017, la société CBFL a signé deux autres contrats d'agent commercial avec des sociétés du groupe Nextpool :
- la SAS Albon pour la représentation de l'ensemble des produits d'équipement de piscines fabriqués et distribués par la mandante,
- a SAS Care Stérilor pour la représentation de produits d'équipement de piscines et notamment d'appareils et équipements de traitement de l'eau.
La 31 décembre 2010, la société Abri Blue devenue AS Pool a acquis le fonds de commerce de la société Care Stérilor.
Par acte du 25 mai 2014, la société CBFL a saisi le tribunal de commerce de Lyon pour demander la résiliation judiciaire des contrats d'agent commercial la liant à la SAS AS Pool (anciennement Abri Blue), à la SAS Albigès et à la SAS Albon, l'indemnisation de ses préjudices par ces sociétés et par la SAS Financière Nextpool (société holding) et le paiement d'un rappel de commissions.
Elle reprochait à ses mandantes de ne pas avoir déféré à la sommation de communiquer les justificatifs comptables des opérations directes et indirectes de son secteur en application de l'article R. 134-3 du Code de commerce et d'avoir porté atteinte à l'exclusivité contractuelle.
La société Financière Nextpool a sollicité sa mise hors de cause. Les autres sociétés se sont opposées aux demandes de la société CBFL.
Par jugement du 21 septembre 2016, le tribunal de commerce a débouté la société CBFL de ses demandes, a débouté le groupe Nextpool de ses demandes et a laissé les dépens à la charge de la société CBFL.
Cette dernière a interjeté appel de cette décision le 25 octobre 2016.
Par lettres recommandées du 4 novembre 2016, elle a notifié la résiliation des contrats aux sociétés AS Pool, Albon et Albigès avec préavis expirant le 4 février 2017, en précisant qu'elle estimait que la rupture était du fait des manquements des mandantes à leurs obligations qu'elle a exposés.
Par ordonnance du 28 septembre 2017, une médiation a été organisée ; malgré la prorogation du délai de médiation, cette mesure a échoué.
Par conclusions déposées le 29 mai 2018, la société CBFL demande à la cour de :
- juger recevable et fondé son action à l'encontre de la société Financière O² venant aux droits de la société Financière Nextpool,
- constater que les sociétés mandantes n'ont pas déféré à la sommation de communiquer les justificatifs comptables des opérations directes et indirectes du secteur et que les informations transmises le furent tardivement en violation de l'article R. 134-3 du Code de commerce d'ordre public,
- juger que les intimées ont favorisé sur son secteur exclusif le développement des ventes de produits Hydra system, concurrents des produits confiés à sa représentation en violation du principe d'intérêt commun du contrat d'agent commercial et d'avoir porté atteinte à l'exclusivité contractuelle,
- juger que le développement des politiques mises en œuvre par les sociétés Albon, Albigès, AS Pool c'est à dire l'ensemble des sociétés du groupe Nextpool/O², s'est traduit par une atteinte à la finalité du contrat c'est-à-dire à l'intérêt commun,
- juger que les sociétés Albon, Albigès, AS Pool c'est-à-dire l'ensemble des sociétés du groupe Nextpool/O², n'ont pas de manière transparente et loyale transmis tous les éléments d'informations et de contrôles des données financières de secteur exclusif,
en conséquence,
- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il l'a déboutée de ses demandes,
- juger que la rupture de la relation commerciale est la conséquence de circonstances imputables aux sociétés Albon, Albigès, AS Pool c'est-à-dire l'ensemble des sociétés du groupe Nextpool/O²,
- juger qu'elles doivent assumer les conséquences financières de la rupture,
- condamner la société AS Pool à lui verser la somme de 392 703 à titre d'indemnisation de son préjudice,
- condamner la société Albon à lui verser la somme de 116 526 à titre d'indemnisation de son préjudice,
- condamner la société Albigès à lui verser la somme de 171 822 à titre d'indemnisation de son préjudice,
- condamner la société Financière O² in solidum avec chacune des sociétés AS Pool, Albon et Albigès au paiement des sommes susvisées,
- condamner in solidum les sociétés Albon, Albigès, AS Pool et Financière O² à lui payer la somme de 113 508,50 à titre de rappel forfaitaire de commissions outre mémoire,
- surseoir à statuer pour le surplus des rappels de commissions et ordonner aux sociétés mandantes la communication sous astreinte de tous les justificatifs comptables des opérations directes et indirectes du secteur jusqu'au 30 avril 2017, lesdits justificatifs certifiés conformes par un expert-comptable et/ou un commissaire aux comptes devant comprendre les commandes, les factures, les avoirs, le journal des ventes du secteur ainsi que la liste des clients lettrés et non lettrés,
- condamner in solidum les sociétés Albon, Albigès, AS Pool et Financière O² à lui payer 15 000 à titre de participation sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,
- débouter les sociétés Albon, Albigès, AS Pool et Financière O² de leurs demandes,
- les condamner in solidum en tous les dépens distraits au profit de la SELARL de Fourcroy, avocats associés, représentée par Me Vincent de Fourcroy, sur son affirmation de droit.
Par conclusions déposées le 24 avril 2018, les sociétés Albon, Albigès, AS Pool et Financière O² (anciennement dénommée Financière Nextpool) demandent à la cour de :
1) - confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la société CBFL de l'ensemble de ses demandes,
ajoutant,
- juger que la société CBFL n'est pas l'agent commercial de la société Financière Nextpool aujourd'hui dénommée Financière O²,
en conséquence,
- mettre hors de cause la société Financière O² et condamner la société CBFL à payer à cette dernière la somme de 5 000 pour procédure abusive et celle de 10 000 au titre de l'article 700 du Code de procédure civile pour la première et la deuxième instance,
2) - constater que la société CBFL a librement mis fin aux contrats avec les sociétés Albon, Albigès et AS Pool le 4 novembre 2016 juste après le jugement querellé,
- juger qu'aucune circonstance imputable au mandant n'a empêché la société CBFL d'exercer son mandat jusqu'au terme qu'elle y a mis et que par conséquence aucune indemnité ne lui est due,
à titre subsidiaire,
- juger que l'indemnité sollicitée est excessive, injustifiée et disproportionnée et la réduire,
en tout état de cause,
- condamner la société CBFL à payer aux sociétés Albon, Albigès et AS Pool la somme de 20 000 , à chacune, au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
- condamner la même aux entiers dépens de l'instance y compris ceux découlant des articles 10 à 12 du décret du 12 décembre 1996 en cas d'exécution forcé.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur l'imputabilité de la rupture du contrat
L'article L. 134-4 du Code de commerce stipule :
"Les contrats intervenus entre les agents commerciaux et leurs mandants sont conclus dans l''intérêt commun des parties.
Les rapports entre l'agent commercial et le mandant sont régis par une obligation de loyauté et un devoir réciproque d'information.
L'agent commercial doit exécuter son mandant en bon professionnel ; le mandant doit mettre l'agent commercial en mesure d'exécuter son mandant."
Aux termes des dispositions des articles L. 134-12 et L. 134-13 du même Code, l'agent commercial n'est pas indemnisé des conséquences de la rupture du contrat lorsque la cessation du contrat résulte de son initiative à moins que cette cessation ne soit justifiée par des circonstances imputables au mandant.
La société CBFL prétend que la résiliation des contrats dont elle a pris l'initiative le 4 novembre 2016 est justifiée par des circonstances suivantes, imputables à ses mandantes :
- la politique développée par les sociétés mandantes ont menacé son équilibre économique et social et que dès lors, l'intérêt commun n'était pas respecté,
- la violation de l'exclusivité contractuelle,
- le manquement à leurs obligations de communiquer les justificatifs comptables de son secteur,
- la mise en place d'une politique de pressions et d'isolement afin de la contraindre à accepter ses volontés et décision unilatérales,
- après le prononcé du jugement déféré, la mise à l'index des forces de ventes et la mise en concurrence sur son propre secteur.
Sur l'atteinte au principe d'intérêt commun du contrat d'agent commercial, la société CBFL fait valoir qu'elle est incontestablement établie par la comparaison entre le chiffre d'affaires et le résultat des sociétés mandantes qui était en progression et son chiffre d'affaires constitué par ses commissions qui était en régression, ce déséquilibre économique à son détriment résultant de la politique de remise pratiquée unilatéralement par ses mandantes, sans concertation avec elle au profit des centrales d'achat et des grossistes se trouvant sur son secteur.
Au soutien de ses allégations, elle produit des avis techniques de M. A, expert-comptable.
Les intimées répliquent que l'équilibre économique des contrats a été préservé. Au soutien de cette allégation, elles produisent un avis technique de M. B expert-comptable.
Les avis contraires de ces avis de professionnels du chiffre, tous deux experts judiciaires mais intervenus dans la cause chacun à la demande d'une des parties, ne permettent pas de déterminer les conséquences exactes de la politique des sociétés mandantes sur le montant des commissions de l'agent commercial.
Mais au-delà de cette question, les sociétés mandantes ne contestent pas, et les productions l'établissent, avoir consenti aux centrales d'achat et aux grossistes se trouvant sur le secteur de la société CBFL des remises d'un montant supérieur à celles que pouvait accorder la société CBFL, et ce sans information de leur agent.
Or, les contrats en cours prévoyaient le commissionnement de la société CBFL sur toutes les ventes directes ou indirectes passées sur son secteur y compris par les centrales d'achats de sorte que l'assiette des commissions de la société CBFL a été diminuée par les fortes remises accordées par les mandantes aux centrales et grossistes.
La question du bien-fondé de cette politique mise en avant par les sociétés mandantes n'est pas en litige, la société CBFL rappelant elle même que le mandant est souverain dans la détermination de sa politique commerciale, financière ou tarifaire.
Par contre, le mandant doit respecter l'obligation de loyauté et d'information envers l'agent commercial et donc l'informer de sa politique tarifaire envers les centrales et les grossistes et sur l'accompagnement et le suivi de ces clients assurés par les mandantes ainsi qu'elles l'ont revendiqué dans différents courriers.
Cette information aurait permis aux parties de discuter et, le cas échéant, aux mandantes de démontrer à leur agent que leurs décisions ne portaient pas atteinte à leur intérêt commun et ne créaient pas un déséquilibre économique à son détriment en raison d'une prétendue compensation entre la diminution du prix des ventes et l'augmentation du volume des ventes, comme elles l'affirment aujourd'hui en défense.
La société CBFL est donc fondée à reprocher à ses mandantes d'avoir manqué à leurs obligations d'information et de loyauté envers elle, indépendamment des conséquences de ces manquements.
Sur la violation de l'exclusivité contractuelle, la société CBFL prétend que les sociétés mandantes ne lui ont pas payé de commissions sur les ventes réalisées par l'intermédiaire du client SCP situé sur son secteur et d'être intervenu en direct auprès de ce client ainsi qu'auprès des clients Swimpoo et Abatik.
Les sociétés mandantes répliquent que SCP était un client historique de la société Abri Blue (anciennement dénommé Albouy) et était "exclu du commissionnement de CBFL dans les contrats d'origine (pièce adverse n° 1)".
Le contrat cité (et non les contrats) a été signé avec la seule société Abri Blue et il a été résilié par la mandante le 25 juin 2005 ; le 16 octobre 2010, les parties ont signé un nouveau contrat se substituant au premier lequel donne une exclusivité totale à l'agent (ce qui n'était pas le cas du précédent contrat) sur le secteur qui lui est octroyé (moindre que le secteur défini par le précédent contrat), secteur modifié par avenant du 2 janvier 2007.
Les contrats signés le 16 octobre 2010 avec la société Albigès et le 23 mars 2007 avec les sociétés Albon et Care (dont l'activité a été reprise par les sociétés Albigès et Albon) prévoient également une exclusivité totale de l'agent sur son secteur (rédaction identique pour tous les contrats).
L'article 4 de tous les contrats, après définition du secteur géographique attribué à la société CBFL en exclusivité et sans restriction, précise :
"En conséquence, la société (mandante) s'engage à ne pas mener d'action directe ou indirecte auprès de la clientèle, à ne pas confier la représentation des produits sur le territoire à un autre agent commercial ou salarié de la société et s'interdit de vendre de quelque manière que ce soit les produits sur le territoire.
La société (mandante) se porte fort du respect de l'exclusivité par les autres sociétés membres de son groupe, dont le contrôle est détenu par Pool ...".
L'article 6-3 des contrats stipule :
"En raison de l'exclusivité et de la représentation permanente assurée par l'agent commercial sur le territoire, la commission est due sur l'ensemble des ventes réalisées par la société sur le territoire auprès de la clientèle, qu'elles aient été ou non effectuées du fait de son intermédiation".
La société Financière Nextpool, par lettre du 20 juillet 2010, répondant, au nom des sociétés du groupe, à la société CBFL qui a dénoncé, par lettres du 22 mars 2010 adressées à chacune de ses mandantes, l'atteinte à son exclusivité a fait valoir que la rédaction des contrats était contraire à l'esprit des accords historiques, selon lesquels l'activité des grossistes et distributeurs n'était pas prise en compte, et à la pratique, la société CBFL n'effectuant pas le suivi ni autre mission auprès de cette catégorie de clients. Elle a conclu en demandant à l'agent "de confirmer votre souhait d'une application littérale de la lettre de nos accords".
La violation par les sociétés mandantes intimées (AS Pool, Albon et Albigès) est donc caractérisée et elles ne contestent pas que ce client soit un grossiste distributeur qui vend du matériel de piscines à des professionnels ni qu'elles n'ont jamais payé de commissions à la société CBFL sur les ventes réalisées sur son secteur par la société SCP et ce, malgré les demandes formulées à de très nombreuses reprises à compter du 22 mars 2010.
Bien plus, d'une part, il résulte d'un mail du 22 mars 2012, que les sociétés mandantes ont privilégié la vente de leurs produits par la société SCP. En effet, dans ce mail M. Huberdeau " directeur des ventes France export et Export manager Nextpool" a demandé à la société CBFL de ne faire aucune proposition commerciale tarifaire et d'arrêter toute action commerciale, si lors de l'une de ses prospections, elle identifiait l'existence d'une relation commerciale avec la société SCP, de bien expliquer au client que Nextpool était fournisseur de SCP, qu'il n'y avait donc aucun intérêt à multiplier les interlocuteurs et qu'il était essentiel de ne pas se retrouver en concurrence frontale chez un même client avec SCP.
D'autre part, il ressort d'un article publié dans la presse professionnelle en novembre 2016, que le groupe Nextpool participait à Lyon, soit sur le secteur exclusif de la société CBFL, à une journée portes ouvertes organisée par la société SCP et aux ateliers mis en place par cette dernière à cette occasion.
Enfin, il résulte de l'échange conséquent de courriers entre les parties, que les négociations qu'elles ont menées pour réviser le taux des commissions et pour trouver des accords aux différends qui les opposaient, n'ont pas abouti, aucune proposition de l'une n'ayant été acceptée en entier par l'autre et que le refus de la société CBFL d'encaisser un chèque de 30 000 transmis par les mandantes pour dédommagement du non-paiement des commissions sur les ventes réalisées par la société SCP sur une certaine période, s'inscrit dans ce désaccord et non dans un revirement de position de la société CBFL.
C'est donc à tort que le tribunal de commerce a estimé que la société SCP étant un client historique de la société mandante et un accord entre les parties ayant été trouvé, l'atteinte à l'exclusivité n'était pas démontrée.
Sur l'absence ou insuffisance de communication des justificatifs comptables, la société CBFL soutient qu'elle n'a jamais pu obtenir les justificatifs comptables de toutes les opérations directes et indirectes de son secteur, justificatifs pourtant légitimement exigés sur le fondement de l'article R. 134-3 alinéa 2 du Code de commerce.
Les sociétés mandantes répliquent qu'elles ont rempli leur obligation et que la société CBFL ne démontre pas un manquement de leur part.
L'article R. 134-3 dispose :
"Le mandant remet à l'agent commercial un relevé des commissions dues, au plus tard le dernier jour du mois suivant le trimestre au cours duquel elles sont acquises. Ce relevé mentionne tous les éléments sur la base desquels la montant des commissions est calculée.
L'agent commercial a le droit d'exiger de son mandant qu'il lui fournisse toutes les informations, en particulier un extrait des documents comptables nécessaires pour vérifier le montant des commissions qui lui sont dues".
Ce texte impose au mandant une obligation d'information complète de l'agent sur les éléments de sa rémunération, qu'il est le seul à détenir, et donne le droit à l'agent d'en exiger la communication sans condition et sans possibilité pour le mandant de refuser.
La société CBFL a réclamé, par lettre du 6 décembre 2011, la communication de tous les justificatifs des opérations directes et indirectes de son secteur y compris celles concernant SCP et tous les autres grossistes.
Les sociétés mandantes lui ont répondu, par lettre de leur conseil du 9 mars 2012, qu'elle ne pouvait prétendre à des commissions pour les opérations conclues par les clients (grossistes ou non) appartenant à son secteur en l'absence d'intervention de sa part et qu'une demande de communication d'extraits comptables, pour pouvoir être utilement honorée, devait être précisée et justifiée, sans quoi, il était difficile d'accéder à la demande.
Malgré la réitération de la demande à plusieurs reprises, ce n'est qu'après l'introduction de l'action en résiliation des contrats visant notamment ce manquement et contenant sommation de produire les éléments comptables, que les sociétés mandantes ont communiqué à la société CBFL des éléments contenus dans un CDROM sur la suffisance desquels, les parties s'opposent.
Il résulte des avis donnés les 17 janvier et 27 octobre 2017 par M. A, expert-comptable mandaté par la société CBFL et de celui de M. B, expert-comptable mandaté par les sociétés mandantes en date du 11 mai 2017 les faits suivants :
- seuls les relevés de commissions ont été communiqués à la société CBFL après l'introduction de l'instance,
- l'état des relevés ne fait référence à aucune indication de factures,
- le document transmis en format PDF ne permet pas d'opérer de tris directement,
- des doubles de facture ont été annexés à l'avis de M. B au cours de l'instance d'appel,
- les relevés de commissions produits ne font pas état de la société SCP,
- les relevés de commissions ne permettent pas une vérification des toutes les ventes directes et indirectes réalisées sur le secteur exclusif de l'agent.
Les sociétés mandantes n'ont pas exécuté correctement leur obligation en ce que les éléments comptables ne permettent pas à l'agent de vérifier l'ensemble de ses commissions sur les ventes directes et indirectes réalisées sur son secteur exclusif.
En conséquence, les sociétés mandantes ont manqué à leurs obligations contractuelles en violant l'exclusivité qu'elles avaient consentie à la société CBFL, en ne payant pas de commissions sur les ventes indirectes réalisées par au moins la société SCP et à leur obligation de communication de l'ensemble des éléments comptables permettant la vérification des commissions dues.
En l'état de ces manquements antérieurs à l'introduction de l'instance et persistants tout au long de celle-ci, et sans besoin de plus ample discussion, il est établi que la résiliation des contrats le 4 novembre 2017 à l'initiative de la société CBFL était justifiée par les circonstances imputables aux sociétés mandantes, peu important que l'agent n'ait pas été empêché d'exercer les mandats.
Sur les demandes indemnitaires
En conséquence de ce qui vient d'être jugé ci-dessus et en application des dispositions des articles L. 134-12 et L. 134-13 du Code de commerce, la société CBFL a droit à une indemnité compensatrice du préjudice subi.
Le préjudice subi par l'agent commercial, que l'octroi de cette indemnité doit réparer, est celui consécutif à la perte du droit qu'il avait de prospecter une clientèle déterminée et d'en tirer bénéfice en percevant des commissions.
La possibilité qu'avait l'agent commercial de vendre sa carte ou le fait qu'il ait pu conclure un nouveau contrat rapidement, faits invoqués par les sociétés mandantes pour dénier le droit à indemnité de la société CBFL, est sans incidence sur la réalité du préjudice ci-dessus défini.
En revanche, c'est avec pertinence que ces dernières font valoir que le montant des indemnités réclamées calculées sur cinq années d'activité de 2009 à 2013 et égales à trois ans de commissions n'est pas conforme aux usages.
A défaut pour la société CBFL de justifier des bases de cette évaluation, il y a lieu de calculer les indemnités sur la base de la moyenne des trois dernières années d'exercice normal du contrat, soit les exercices 2013, 2014 et 2015, étant noté qu'aucune revendication sur la réintégration de commissions non payées, n'est formulée.
Au vu du rapport établi par M. A la moyenne annuelle des commissions versées, pour la période considérée, à la société CBFL par la société AS Pool ressort à 112 000 , par la société Albon à 40 666 et par la société Albigès à 53 666 .
Compte tenu de la durée de la relation et des produits représentés, les indemnités de rupture doivent être fixées à deux années de commissions soit les sommes de :
- 224 000 à la charge de la société AS Pool,
- 81 332 à la charge de la société Albon,
- 107 332 à la charge de la société Albigès.
Sur les demandes relatives aux commissions
La société CBFL sollicite le paiement d'une somme à titre de rappel forfaitaire de commissions et le sursis à statuer, sur le surplus des rappels de commissions, avec ordre donné aux mandantes de communiquer des éléments comptables clairs et exhaustifs, certifiés par un expert-comptable ou un commissaire aux comptes, à savoir : les commandes, les factures, les avoirs, le journal des ventes de son secteur, ainsi que la liste des clients lettrés et non lettrés pour la période commençant le 1er juillet 2005 pour les sociétés Albigès et AS Pool et du 1er janvier 2007 pour la société Albon, et ce jusqu'au 30 avril 2017 pour respecter le délai raisonnable de l'article L. 134-7 du Code de commerce.
La demande de communication des éléments comptables est fondée sauf à rectifier la date à compter de laquelle le contrat signé avec la société Albigès a commencé et qui a été fixé, par ce contrat au 1er janvier 2006 (et non 1er juillet 2005) et à ne pas exiger une certification par un expert-comptable ou un commissaire aux comptes qui pourrait être refusée si elle n'a pas été faite en son temps.
En conséquence de cette décision, il y a lieu de surseoir à statuer sur la demande de rappel de commissions jusqu'à présentation éventuelle de cette demande après communication et vérification des éléments produits.
Par contre, la demande de la société CBFL en paiement d'un rappel forfaitaire de commissions n'est pas justifiée, dès lors qu'elle sollicite la communication des éléments comptables pour vérifier le montant des commissions auxquelles elle a droit et présenter une demande de rappel de commissions.
Sur la demande de mise hors de cause de la société Financière O²
Cette demande est présentée sur le fondement de l'article 1165 du Code civil au motif qu'elle est tierce aux contrats conclus entre la société CBFL et les sociétés du groupe dont est la holding et n'a aucun lien juridique avec l'appelante.
Il est exact que la société CBFL n'a signé aucun contrat avec la société Financière 0² dont elle demande la condamnation in solidum au paiement de sommes en exécution de contrats d'agents commercial la liant aux sociétés du groupe dont la société Financière 0² est la holding.
Dans ces conditions, l'obligation dont exécution est demandée, n'existe pas ce qui conduit à débouter la société CBFL de ses demandes formées à l'encontre de la société Financière 0² et non à la mise hors de cause de cette dernière.
Sur la demande de dommages intérêts de la société Financière 0²
Le droit d'agir en justice ne peut donner lieu à dommages intérêts que s'il a dégénéré en abus ce qui n'est pas le cas en l'espèce. La demande présentée de ce chef doit être rejetée.
Sur les dépens et les frais irrépétibles
La société CBFL doit supporter les dépens afférents à la mise en cause de la société Financière 0² en première instance et en appel et verser à cette dernière une indemnité pour les frais irrépétibles qu'elle a été contrainte d'exposer.
Le surplus des dépens exposés à ce jour incombent aux sociétés AS Pool, Albigès et Albon qui doivent verser en outre une indemnité procédurale à la société CBFL.
Par ces motifs, LA COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, infirme le jugement entrepris et statuant à nouveau, juge que la résiliation des contrats d'agent commercial conclus entre la société CB forez loisirs et les sociétés AS Pool, Albon et Albigès est justifiée par des circonstances imputables aux sociétés mandantes, condamne la société AS Pool à verser à la société CB Forez loisirs une indemnité de rupture d'un montant de 224 000 , condamne la société Albon à verser à la société CB Forez loisirs une indemnité de rupture d'un montant de 81 332 , condamne la société Albigès à verser à la société CB Forez loisirs une indemnité de rupture d'un montant de 107 332 , ordonne aux sociétés AS Pool, Albon et Albigès de communiquer à la société CB Forez loisirs, les commandes, factures et avoirs relatifs aux ventes directes et indirectes réalisées sur son secteur ainsi que le journal des ventes du secteur et la liste des clients lettrés et non lettrés, la société AS Pool à compter du1er juillet 2005, la société Albigès à compter du 1er janvier 2006 et la société Albon à compter 1er janvier 2007 et ce, pour les trois sociétés jusqu'au 30 avril 2017, sursoit à statuer jusqu'à présentation éventuelle d'une demande de rappel de commissions par la société CB Forez loisirs après production des pièces par les sociétés AS Pool, Albigès et Albon et vérification par la société CB Forez loisirs, déboute la société CB Forez loisirs de sa demande de certification des éléments comptables et de paiement d'une somme forfaitaire à titre de rappel de commissions, déboute la société CB Forez loisirs de toutes ses prétentions à l'encontre de la société Financière 0², déboute la société Financière 0² de sa demande de dommages intérêts, condamne la société CB Forez loisirs à payer à la société Financière 0² une indemnité de 3 000' sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, condamne in solidum les sociétés AS Pool, Albigès et Albon à payer à la société CB Forez loisirs une indemnité de 10'000' sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, condamne la société CB Forez loisirs aux dépens de première instance et d'appel afférents à la mise en cause de la société Finacière O², ceux d'appel pouvant être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile condamne in solidum les sociétés AS Pool, Albigès et Albon au surplus des dépens de première instance et d'appel exposés à ce jour, ces derniers pouvant être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile. Ordonne la radiation de l'affaire du rôle de la cour.