Livv
Décisions

CA Rouen, ch. 1, 30 janvier 2019, n° 17-03485

ROUEN

Arrêt

PARTIES

Défendeur :

Guigon, Systeme europeen promotion (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Lottin

Conseillers :

Mmes Bertoux, Debeugny

Avocats :

Mes Poirot, Bourdain, Gourlain, Parenty

TGI Lisieux, du 5 aout 2010

5 août 2010

Exposé du litige,

Le 28 juin 2009, M. David P. a acheté à M. Jean Michel M. un véhicule Mercedes Benz Viano 2.2 CDI 'année 2006" mis en circulation en 2006 au prix de 19 500 euros, réglé par paiement d'un chèque de 1 500 euros et par l'échange d'un véhicule Peugeot 807.

Ce véhicule avait été précédemment acquis par M. M. le 1er février 2008 auprès de la société Système Européen Promotion (SEP) au prix de 25 000 euros.

Constatant peu après son acquisition que les voyants du tableau de bord restaient constamment allumés, M. P. a déposé le véhicule Mercedes dans un garage agréé par cette marque et situé à Wissous (91), qui l'a notamment informé que le numéro de châssis mentionné sur la carte grise ne correspondait pas à celui frappé sur le châssis du véhicule, ce dernier correspondant à un véhicule modèle 2003.

Une plainte pénale lui a en outre appris que le véhicule était gagé.

Par ordonnance du 5 août 2010, le juge des référés du tribunal de grande instance de Lisieux a désigné M. D. aux fins d'expertise du véhicule Mercedes.

L'expert a déposé son rapport le 20 décembre 2010 en confirmant notamment qu'il s'agissait d'un modèle fabriqué en 2003.

Par acte du 9 mars 2011, M. P. a assigné M. M. en résolution de la vente.

Par acte du 18 octobre 2011, M. M. a assigné en garantie la société SEP.

Les deux procédures ont été jointes en 2011.

Par actes du 27 novembre 2012, M. P. a en outre assigné la société Mercedes Benz France en intervention forcée.

Par jugement rendu le 5 novembre 2013, le tribunal de grande instance de LISIEUX adopté le dispositif suivant :

Prononce la résolution du contrat de vente conclu entre Monsieur P. et Monsieur M. le 28 juin 2009 ;

En conséquence,

Ordonne à Monsieur P. de restituer le véhicule MERCEDES BENZ Viano immatriculé 8877 ZK 25 à Monsieur M. ;

Ordonne à Monsieur M. de restituer le prix de vente, soit la somme de 19.500 euros, à Monsieur P. ;

Condamne in solidum la SARL SEP et Monsieur M. à verser à Monsieur P. la somme de 5 103,61 euros en réparation de son préjudice, répartie comme suit :

- 1 117,30 euros au titre des réparations effectuées ;

- 2 000 euros au titre du préjudice de jouissance ;

- 520 euros au titre des frais d'immatriculation ;

- 350 euros pour les frais de parking ;

- 1 116,31 euros pour les frais d'assurance ;

DIT que le contrat conclu entre la SARL SEP et Monsieur M. est un contrat de mandat ;

Prononce la résolution du contrat de mandat en raison des fautes commises par la SARL SEP dans l'exécution de ce mandat ;

En conséquence,

Condamne la SARL SEP à verser à Monsieur M. la somme de 25 000 euros ;

Condamne la SARL SEP à garantir Monsieur M. de toutes condamnations mises à sa charge ;

Condamne in solidum la SARL SEP et Monsieur M. à verser à Monsieur P. la somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la SARL SEP à verser à la société MERCEDES BENZ la somme de 1 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Ordonne l'exécution provisoire ;

Condamne la SARL SEP aux dépens, qui comprendront les frais d'expertise, qui pourront être recouvrés directement par la SCP PIRO VINAS & ASSOCIES conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,

Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

La société SEP a été placée en liquidation judiciaire par jugement du 14 mars 2015 qui a nommé Maître Pascal Guigon en qualité de liquidateur judiciaire.

Sur l'appel interjeté par la société SEP, la cour d'appel de Caen, par arrêt du 19 janvier 2016, a infirmé le jugement du 5 novembre 2013, a mis hors de cause M. M. et la Sas Mercedes Benz et a condamné la société SEP à payer :

- à M. P. les sommes de 15 000 euros à titre de dommages intérêts outre intérêts de droit à compter du jugement et 5000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- à M. M. les sommes de 3 500 euros à titre de dommages intérêts et de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

La cour d'appel de Caen a rejeté toute autre demande et a condamné la société SEP aux entiers dépens de la procédure incluant les frais de la procédure de référé, ceux de la procédure de première instance et le coût de l'expertise.

Sur pourvoi formé par M. P., la première chambre de la Cour de cassation a, par arrêt du 1er juin 2017, au visa des articles 1184 et 1615 du Code civil, le premier dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, cassé et annulé, mais seulement en ce qu'il met hors de cause M. M. et rejette les demandes de M. P., l'arrêt de la cour d'appel de Caen et a remis, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant le dit arrêt et, pour être fait droit, les a renvoyées devant la cour d'appel de Rouen.

Pour statuer ainsi et retenir la violation de la loi, la cour de cassation a fait grief à la cour d'appel d'avoir retenu :

- que le vendeur ignorait la date de fabrication du véhicule qui ne lui avait pas été précisée par la société SEP, celle-ci s'étant bornée à rappeler la date de première immatriculation alors que, agissant en tant qu'intermédiaire professionnel, elle était tenue à une obligation particulière de renseignements et de loyauté et que cette carence, exclusivement imputable à la SEP, constituait pour le vendeur un fait exonératoire de sa responsabilité ;

- que la remise à l'acquéreur d'une carte grise affectée d'une simple erreur matérielle, également imputable à un tiers, la SEP ou le constructeur qui a remis deux attestations erronées, ne justifiait pas davantage la résolution de la vente, au motif que le vendeur en avait été également victime, qu'elle était facilement réparable et était sans conséquence sur l'obligation de délivrance conforme ; alors que constituent des manquements à l'obligation de délivrance la livraison d'un véhicule d'une ancienneté supérieure à celle annoncée lors de la vente et dont le numéro d'identification, frappé sur le châssis, ne correspond pas à celui porté sur le certificat d'immatriculation remis à l'acheteur.

La cour d'appel de Rouen a été saisie par déclaration de M. P. en date du 7 juillet 2017, à l'encontre de la société SEP, de Maître Pascal Guigon en qualité de mandataire liquidateur de la société SEP, de la société Mercedes Benz France et de M. M...

Par ordonnance rendue le 23 janvier 2018, le conseiller de la mise en état a constaté que M. P. s'était désisté de son appel en ce qu'il était interjeté à l'encontre de la société Mercedes Benz et a constaté que la cour était dessaisie du litige opposant ces deux parties.

Maître Pascal Guigon en qualité de mandataire liquidateur de la société SEP, auquel :

- la déclaration de saisine de la cour de renvoi et les conclusions de l'appelant ont été signifiées par acte d'huissier délivré le 14 septembre 2017 à domicile,

- les dernières conclusions de M. M. (n° II du 23 janvier 2018) ont été signifiées par acte d'huissier délivré le 2 février 2018 'à personne' selon l'huissier, en réalité à domicile, n'a pas constitué avocat.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 17 juin 2018.

Prétentions et moyens des parties

Pour l'exposé des prétentions et des moyens des parties, il est renvoyé aux conclusions signifiées par M. P. le 7 septembre 2017 et à celles signifiées par M. M. le 23 janvier 2018.

Leurs moyens seront examinés dans les motifs de l'arrêt.

M. P. demande à la cour de débouter M. M. de toutes ses demandes faites à son encontre, de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a prononcé la résolution du contrat de vente conclu entre lui et M. M., d'ordonner en conséquence la restitution du véhicule et le remboursement du prix.

Il sollicite dans ses écritures (avant son désistement partiel) l'infirmation du jugement en ce qu'il a écarté la responsabilité de la société Mercedes Benz et demande à la cour de consacrer la responsabilité de cette dernière et de la condamner au paiement des sommes sollicitées, in solidum avec les autres succombant.

M. P. sollicite la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il lui a accordé les sommes de 1 117,30 euros au titre des réparations effectuées sur le véhicule et de 520 euros au titre des frais d'immatriculation. Il demande à la cour de condamner in solidum M. M., la société SEP et la société Mercedes Benz à lui payer ces sommes.

Sur son appel incident, il sollicite la réformation du jugement entrepris sur l'indemnisation des autres postes de préjudices et la condamnation in solidum de M. M., de la société SEP et de la société Mercedes Benz à lui payer les sommes de :

- 29 450 euros en réparation de son préjudice de jouissance, à parfaire au jour de l'exécution de la décision ;

- 4 456,25 euros au titre des frais d'assurance, à parfaire au jour de la décision à intervenir ;

- 2 982,84 euros au titre de ses frais de parking, à parfaire au jour de l'exécution de la décision à intervenir ;

- 7 000 euros au titre de son préjudice moral ;

- 800 euros au titre des frais liés à l'acquisition d'un véhicule Fiat Uno ;

- 25 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, en sus de la somme de 1 500 euros accordée à ce titre par le jugement entrepris.

M. M. demande à la cour à titre principal de constater qu'il a fait la preuve d'une cause étrangère exonératoire de responsabilité, d'infirmer en conséquence le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté l'existence de ce cas de force majeure, de débouter M. P. de l'intégralité de ses demandes faites à son encontre et d'ordonner le remboursement des sommes qui ont pu être versées au titre de l'exécution provisoire de la décision entreprise en principal, intérêts, frais et accessoires, avec intérêts au taux légal à compter de leur versement, ce au besoin à titre de dommages et intérêts.

À titre subsidiaire, dans l'hypothèse où la cour retiendrait qu'il a manqué à son obligation de délivrer une chose conforme, M. M. demande qu'il soit jugé qu'il n'est tenu qu'au versement de la somme de 4 000 euros correspondant à la différence de prix entre le modèle 2003 et le modèle 2006. Il conclut au débouté des demandes de dommages et intérêts faites par M. P. au titre de son préjudice matériel, de la perte de jouissance, du véhicule de remplacement, des frais d'immatriculation, des frais d'assurance et de parking et de son préjudice moral.

À titre infiniment subsidiaire, toujours au cas où serait retenue à son encontre un manquement à son obligation de délivrer une chose conforme, M. M. demande à la cour de dire qu'il n'est tenu qu'à la restitution du prix de vente du véhicule, sauf à déduire les sommes déjà versées au titre des saisies attributions. Il sollicite qu'il soit ordonné à M. P. de restituer le véhicule dans l'état où il se trouvait au jour de la vente du 28 juin 2009, que M. P. soit condamné à lui régler le coût des réparations nécessaires sur le panneau de la porte coulissante gauche qui a été entièrement défoncée et soit débouté de ses demandes de dommages et intérêts au titre de son préjudice matériel, de la perte de jouissance, du véhicule de remplacement, des frais d'immatriculation, des frais d'assurance et de parking et de son préjudice moral.

En tout état de cause, M. M. demande à la cour de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il lui a accordé recours et garantie à l'encontre de la société SEP pour toutes condamnations qui seraient susceptibles d'intervenir à son encontre, en ce qu'il a prononcé la résolution du contrat de mandat en 11 février 2008 aux torts de la société SEP et sollicite la condamnation de cette dernière à lui payer la somme de 25 000 euros à titre de dommages et intérêts.

Enfin, il conclut à la condamnation solidaire de M. P. et de la société SEP à lui payer une somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Sur ce, la Cour,

A titre liminaire, il convient d'indiquer que les dispositions du code civil auxquelles le présent arrêt est susceptible de se référer sont celles antérieures à l'ordonnance du 10 février 2016, celle-ci n'étant applicable qu'aux seuls contrats conclus à compter du 1er octobre 2016.

Sur les demandes de M. P. à l'encontre de la société Mercedes Benz France

Il n'y a plus lieu de statuer sur les demandes de M. P. à l'encontre de la société Mercedes Benz France dès lors que, ainsi qu'évoqué ci-dessus dans le rappel de la procédure, M. P. s'est, postérieurement à ses conclusions au fond, désisté de ses demandes à l'encontre de la société Mercedes Benz France et que le conseiller de la mise en état, par une ordonnance du 23 janvier 2018 devenue définitive, a constaté que la cour était dessaisie du litige opposant M. P. et la société Mercedes Benz France.

Il convient en outre de rappeler que la cour de cassation n'avait pas cassé les dispositions de l'arrêt de la cour d'appel de Caen ayant mis hors de cause la société Mercedes Benz, de telle sorte que ces dispositions sont devenues définitives.

Sur la demande de résolution de la vente du 28 juin 2009

Pour solliciter sa mise hors de cause et voir débouter M. P. de sa demande de résolution de la vente, M. M., qui ne conteste pas la non-conformité du véhicule, notamment en ce que l'annonce publiée par lui évoquait un véhicule de l'année 2006 mis en circulation en 2006 alors que ce véhicule était un modèle qui avait été fabriqué en 2003, fait valoir :

- que la société SEP, par l'intermédiaire de laquelle il est acquis ce véhicule, ne lui avait donné aucune précision sur la date de production de ce véhicule ;

- que, s'agissant du numéro de châssis, il s'agit là d'une simple erreur matérielle imputable à la société SEP et qui est facilement réparable par la délivrance d'un nouveau certificat d'immatriculation ;

- qu'ainsi les manquements à l'obligation de délivrance ne lui sont pas imputables ;

- que si la délivrance conforme constitue une obligation de résultat, l'obligation de renseignement qui y est associée n'est qu'une obligation de moyens.

Toutefois, il résulte d'une jurisprudence constante que la résolution d'un contrat peut être prononcée en cas d'inexécution par l'une des parties de ses obligations, quel que soit le motif qui a empêché cette partie de remplir ses engagements et alors même que cet empêchement résulterait de la force majeure.

En l'espèce, la cour adopte les motifs par lesquels les premiers juges ont retenu que le véhicule litigieux n'était pas conforme à la commande, ce dont il résulte que M. M. a manqué à son obligation de délivrance conforme.

L'acquéreur a le choix dans une telle hypothèse, en application de l'article 1610 du Code civil, entre la résolution de la vente ou le maintien en possession.

Dès lors que la résolution est sollicitée, la demande subsidiaire de M. M. tendant à voir limiter les conséquences du manquement à son obligation de délivrance au paiement de la différence entre le prix d'un véhicule modèle 2006 et le prix d'un véhicule modèle 2003 n'est pas fondée.

Le jugement entrepris sera en conséquence confirmé en ce qu'il a prononcé la résolution du contrat de vente conclu entre M. P. et M. M. le 28 juin 2009 et en ce qu'il a ordonné la restitution du véhicule au vendeur et le remboursement du prix de vente, soit la somme de 19 500 euros, à l'acquéreur.

Il sera observé à cet égard que M. M. ne verse aucune pièce de nature à établir que M. P. aurait détérioré la carrosserie du véhicule comme il le prétend pour solliciter une réduction de sa condamnation au remboursement du prix.

Sur les demandes de M. P. consécutives à la résolution de la vente

Il résulte de l'article 1147 du Code civil que le débiteur est condamné s'il y a lieu au paiement de dommages et intérêts à raison de l'inexécution de l'obligation toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y aucune mauvaise foi de sa part.

L'article 1148 du Code civil précise, comme l'ont rappelé les premiers juges, qu'il n'y a lieu à aucuns dommages et intérêts lorsque, par suite d'une force majeure ou d'un cas fortuit, le débiteur a été empêché de donner ou de faire ce à quoi il était obligé, ou a fait ce qui lui était interdit.

M. M. fait valoir que la responsabilité du manquement invoqué incombe uniquement à la société SEP, qu'il avait mandatée pour acquérir le véhicule et qui a commis une erreur en reproduisant le numéro de châssis pour effectuer la demande d'immatriculation définitive.

Pour écarter cette cause d'exonération, les premiers juges ont retenu à juste titre que l'exigence d'extériorité n'était pas remplie puisque le manquement concernait une caractéristique essentielle du véhicule litigieux et alors que le certificat d'immatriculation provisoire délivré à M. M. comportait le bon numéro de châssis. Cette motivation ne fait d'ailleurs l'objet d'aucune critique de ce dernier devant la présente cour de renvoi.

En outre, les agissements de la société SEP ne peuvent être considérés comme étant extérieurs dès lors qu'elle agissait précisément sur le mandat que lui avait confié M. M...

Il s'ensuit que M. P. est fondé à obtenir de M. M. les dommages et intérêts correspondant au préjudice lié à la vente litigieuse.

Sur le préjudice de M. P.

- frais de réparation du véhicule

Le tribunal a alloué de ce chef une somme de 1117,30 euros correspondant à l'intervention du garage Mercedes d. réalisée très peu de temps après la vente pour remédier à certains désordres, qui a en outre permis de révéler une des non conformités, concernant l'absence de correspondance entre le numéro de châssis frappé sur le véhicule et celui mentionné par la carte grise.

Il importe peu à cet égard que, comme le soutient M. M. qui sollicite étrangement 'la confirmation de l'arrêt' pourtant censuré par la cour de cassation, les désordres réparés soient ou non en relation avec un défaut de conformité du véhicule, dès lors que ces frais sont rendus inutiles par l'effet de la résolution de la vente et l'impossibilité dans laquelle l'acquéreur s'est trouvé de circuler avec le véhicule, qui était affecté d'une immatriculation non conforme.

Le jugement entrepris sera en conséquence confirmé de ce chef.

- sur les frais d'immatriculation du véhicule

Les premiers juges ont alloué une somme de 520 euros à M. P. au titre des frais d'immatriculation du véhicule litigieux qui n'est pas contestée par M. M...

Le jugement entrepris sera en conséquence confirmé de ce chef.

- sur le préjudice de jouissance

Pour voir limiter le préjudice de jouissance sollicité par M. P., M. M. soutient que ce dernier, à l'aide du document fourni par la société Mercedes Benz, aurait pu, ainsi que l'a souligné l'expert, obtenir un nouveau certificat d'immatriculation auprès de la préfecture et circuler avec le véhicule litigieux, de telle sorte que son seul préjudice aurait pu lui être accordé pour la période d'octobre 2009 à novembre 2010, s'il n'avait préféré acquérir un nouveau véhicule en octobre 2009.

Toutefois, si l'expert judiciaire a effectivement retenu que l'erreur commise sur la carte grise aurait pu être réparée à l'aide de l'attestation produite par Mercedes Benz Ile de France, au moyen d'une nouvelle immatriculation, il a noté dans le même temps que M. P., pour des raisons tenant notamment au fait qu'il s'agissait d'un modèle 2003 et non 2006, ne souhaitait pas garder son véhicule et entendait le restituer contre remboursement du prix.

Dans ces conditions, il ne peut être reproché à M. P. de n'avoir pas voulu engager de nouveaux frais d'immatriculation, bien qu'il ne puisse plus circuler avec son certificat d'immatriculation non conforme.

Il convient d'observer à cet égard que M. M., s'il prétend avoir proposé à M. P. de lui reprendre le véhicule, contre remboursement du prix, n'en rapporte nullement la preuve.

Enfin, il ne peut être prétendu que, alors que M. P. avait acheté un véhicule Mercedes V. particulièrement spacieux lui permettant d'y transporter les cinq enfants qu'il justifie avoir eu à charge à cette époque, son préjudice de jouissance lié à l'impossibilité de circuler avec ce véhicule aurait pris fin lors de l'acquisition le 7 octobre 2009 d'un véhicule Fiat Uno au prix de 800 euros, ce nouveau véhicule de petite taille ne pouvant manifestement pas lui rendre les mêmes services.

La demande de M. P. sur la base de 10 €/jour n'étant ni excessive ni critiquée en son quantum par M. M., il y sera fait droit, par infirmation du jugement de ce chef, et M. M. sera condamné à payer à ce titre à M. P. une somme de 34 080 euros actualisée à la date de l'arrêt à intervenir, soit le 30 janvier 2019.

- sur les frais d'assurance

Les premiers juges, après avoir constaté que M. P. ne justifiait pas de ses frais d'assurance pour les années 2011 et 2012, ont retenu à ce titre une somme totale de 1116,31 euros correspondant aux frais justifiés à partir d'octobre 2009 et jusqu'à la fin de l'année 2010.

M. M. conteste les demandes supplémentaires faites à ce titre en faisant valoir que M. P. ne produit pas d'autres pièces que celles versées devant le tribunal.

La cour constate que M. P., tout en sollicitant à ce titre une somme totale de 4 456,25 euros dont le détail n'est nullement explicité, ne justifie, pour la période postérieure à décembre 2010, que du versement d'une somme totale de 52,44 euros entre mars 2011 et février 2012 pour la garantie d'assurance du véhicule litigieux.

Il lui sera en conséquence alloué de ce chef, par réformation du jugement entrepris, une somme totale de 1 168,75 euros.

- sur les frais de parking

M. M. sollicite de ce chef la confirmation du jugement entrepris qui a débouté M. P. de sa demande au titre des frais de stationnement en retenant que ce dernier réglait le loyer d'un parking rattaché à sa résidence, de telle sorte qu'il ne justifie pas avoir dû payer une place supplémentaire pour stationner le véhicule litigieux.

Toutefois, il résulte des pièces versées aux débats que la location de cette place de parking n'était pas liée au logement mais en était le complément, puisqu'elle résultait d'un contrat séparé.

M. P. a donc dû supporter à ce titre des frais inutiles puisqu'il ne pouvait plus utiliser ce véhicule pour les raisons exposées ci-dessus. Au surplus, il a dû louer une autre place du fait de l'acquisition d'un nouveau véhicule, ainsi qu'exposé ci-dessus.

Il sera en conséquence fait droit à sa demande par infirmation du jugement entrepris, sauf à la limiter à la somme de 2982,84 euros arrêtée au mois de juin 2014 dès lors que M. P. ne verse aucun justificatif pour la période postérieure.

- sur les frais d'acquisition d'un nouveau véhicule

Les premiers juges ont écarté la demande faite au titre des frais d'acquisition d'un nouveau véhicule en retenant qu'il n'était pas justifié de la somme pour laquelle ce véhicule avait été vendu à M. P...

M. M. souligne à ce titre que l'attestation émanant de Madame P., versée aux débats pour justifier du montant du prix d'acquisition de la Fiat Uno, est inopérante car non conforme aux dispositions des articles 200 à 203 du code de procédure civile.

S'il appartient à la cour, nonobstant l'absence de conformité de cette attestation aux textes susvisés, d'en apprécier la valeur probante, il y a lieu en l'espèce de constater que témoignage a été rédigé près de cinq ans après la vente, sans que ne soient précisés les motifs de la présence de Madame P., qui dit seulement avoir assisté à l'acquisition du véhicule et en mentionne le prix, sans préciser si elle en a eu connaissance au moment de la vente ou postérieurement.

Le jugement entrepris sera en conséquence confirmé en ce qu'il a débouté M. P. de sa demande de ce chef.

- sur le préjudice moral

Pour écarter la demande faite au titre du préjudice moral, les premiers juges ont retenu d'une part que les motifs du suivi médical et ses liens avec le litige judiciaire n'étaient pas établis, d'autre part que la cause de l'annulation de ses congés par M. P. au début du mois de juillet 2009 n'était pas précisée par son employeur.

M. M. ajoute, pour répondre aux nouveaux moyens invoqués par M. P. et résultant de la longueur de la procédure, qu'il n'en est pas responsable puisqu'il avait proposé de reprendre le véhicule dès les premiers jours de la connaissance de cette affaire.

Si les motifs adoptés par le tribunal ne sont pas utilement critiqués par M. P., ce dernier est néanmoins fondé à invoquer un préjudice moral résultant de ce que, alors qu'il a sollicité dès qu'il a eu connaissance de la non-conformité du véhicule le remboursement du prix en échange de sa restitution, il a dû subir pour y parvenir une procédure qui a duré plus de huit ans à ce jour et qui aurait pu être évitée si M. M. avait immédiatement accepté une solution amiable qu'il prétend avoir proposée sans en justifier par la moindre pièce.

La cour chiffrera ce chef de préjudice à la somme de 3 000 euros.

Sur les demandes faites à l'encontre de la société SEP

Il est constant que la société SEP a été placée en liquidation judiciaire par jugement du 14 mars 2015 qui a nommé Maître Pascal Guigon en qualité de liquidateur judiciaire le 14 mars 2015.

Or il résulte de l'application des articles L. 622-26 et L. 641-3 alinéa 4 du code de commerce que :

- les créanciers de la société placée en liquidation judiciaire doivent déclarer leur créance au liquidateur selon les modalités prévues aux articles L. 622-24 à L. 622-27 et L. 622-31 à L. 622-33.

- à défaut de déclaration dans les délais prévus à l'article L. 622-24, les créanciers ne sont pas admis dans les répartitions et les dividendes à moins que le juge commissaire ne les relève de leur forclusion s'ils établissent que leur défaillance n'est pas due à leur fait ou qu'elle est due à une omission du débiteur lors de l'établissement de la liste prévue au deuxième alinéa de l'article L. 622-6. Ils ne peuvent alors concourir que pour les distributions postérieures à leur demande.

En l'espèce, M. P. ne justifie nullement avoir déclaré sa créance au passif de la société SEP et ne sollicite d'ailleurs pas l'inscription de ses créances au passif de la liquidation judiciaire de la société SEP.

S'agissant de M. M., il résulte des pièces versées aux débats qu'il a pris contact avec le liquidateur en mars 2016 en vue de solliciter un relevé de forclusion et que Maître Guigon lui a répondu par courrier du 16 mars 2016 que le dossier était totalement impécunieux et serait prochainement clôturé pour insuffisance d'actif, de sorte qu'il lui semblait totalement inutile de le faire relever de la forclusion.

M. M. produit néanmoins un courrier de déclaration de créance postérieur, daté du 31 mai 2016, mais ne justifie pas de la réception de ce courrier ni d'une ordonnance de relevé de forclusion alors que cette déclaration était manifestement tardive.

Il ne sollicite d'ailleurs pas davantage l'inscription de ses créances au passif de la liquidation judiciaire de la société SEP.

Il s'ensuit que les créances de M. P. et de M. M., si elles peuvent être évaluées, ne peuvent être fixées au passif de la liquidation judiciaire de la société SEP.

Sous cette réserve, la créance de M. P. à l'encontre cette société, dont le principe de la responsabilité n'est pas contesté devant la cour de renvoi, sera fixée à la somme de 42 868,89 euros se décomposant comme suit :

- frais de réparation du véhicule : 1 117,30 euros

- frais d'immatriculation : 520,00 euros

- préjudice de jouissance : 34 080,00 euros

- frais d'assurance : 1 168,75 euros

- frais de parking : 2 982,84 euros

- préjudice moral : 3 000,00 euros

De même, le principe de la responsabilité de la société SEP à l'égard de son mandant M. M. n'est pas contesté devant la cour.

Les condamnations prononcées à l'encontre de la société SEP, en l'absence de toute contestation de cette dernière, seront en conséquence confirmées, sous les réserves ci-dessus mentionnées.

Sur les autres demandes,

Les dispositions du jugement entrepris relatives à l'application de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens seront confirmées.

M. M. sera débouté de sa demande faite en cause d'appel sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile à l'encontre de M. P. et sera condamné à payer à ce dernier de ce chef la somme mentionnée au dispositif.

Les parties seront déboutées de leurs demandes faites en cause d'appel à l'encontre de la société SEP sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Si M. M. soll ici te que les sommes obtenues par M. P. au moyen de saisies attributions soient déduites du montant de la restitution du prix de vente, il ne peut être fait droit à cette demande dès lors qu'aucune pièce n'est versée aux débats qui justifierait de l'existence de ces voies d'exécution.

Par ces motifs, statuant publiquement, par défaut et en dernier ressort, vu l'arrêt de la première chambre civile de la Cour de cassation en date du 1er juin 2017, statuant dans la limite de la saisine résultant de la cassation partielle intervenue, rappelle que la société Mercedes Benz France a été définitivement mise hors de cause, M. P. s'étant désisté de ses demandes faites à son encontre, confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions, à l'exception de celle ayant condamné in solidum la société SEP et M. M. à verser à M. P. la somme de 5 103,61 euros en réparation de son préjudice et de celle ayant débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires, statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant, condamne in solidum la société SEP et M. Jean Michel M. à payer à M. David P. la somme de 42 868,89 euros en réparation de son préjudice, déboute M. Jean Michel M. de ses demandes faites en cause d'appel sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, déboute M. David P. de sa demande faite en cause d'appel à l'encontre de la société SEP sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, condamne M. Jean Michel M. et à payer à M. David P. la somme de 5 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel, déboute M. Jean Michel M. du surplus de ses demandes, condamne M. Jean Michel M. à payer les dépens de l'instance d'appel sur renvoi après cassation.

© LIVV - 2025

 

[email protected]

CGUCGVMentions légalesPlan du site