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Décisions

CA Nîmes, ch. civ. 2, 31 janvier 2019, n° 17-04012

NÎMES

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Nature et Loisirs (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Boyer

Conseillers :

Mmes Almuneau, Ginoux

Avocats :

Mes Gravier, Pomies, Richaud, Lecat

TI Aubenas, du 7 août 2017

7 août 2017

M. Raphaël et Mme C. (les époux C.) ont confié à la S.A.R.L. Nature et Loisirs la réalisation d'une piscine béton au sel pour un montant de 45 500€ incluant la pose d'un revêtement en PVC armé gris.

Se plaignant de désordres affectant le revêtement, les époux C., après avoir mis en vain la S.A.R.L. Nature et Loisirs en demeure de procéder au remplacement du PVC armé, ont sollicité en référé l'instauration d'une expertise, ordonnée le 19 mai 2016.

L'expert Philippe A. a déposé son rapport le 25 novembre 2016.

Par acte d'huissier délivré le 20 mars 2017, les époux C. ont fait assigner la S.A.R.L. Nature et Loisirs en paiement des sommes nécessaires au remplacement de la piscine et indemnisation de leurs préjudices.

Par jugement rendu le 7 août 2017, le tribunal d'instance d'Aubenas a :

- condamné la S.A.R.L. Nature et Loisirs à payer aux époux C. la somme de 6 914,18 € en réparation de leur préjudice matériel la somme de 500 € au titre du préjudice esthétique la somme de 700 € au titre des frais irrépétibles

- condamné la S.A.R.L. Nature et Loisirs aux entiers dépens.

Par déclaration enregistrée le 26 octobre 2017, la S.A.R.L. Nature et Loisirs a interjeté appel.

Suivant conclusions notifiées par voie électronique le 13 juin 2018, la S.A.R.L. Nature et Loisirs demande à la cour de :

- réformer la décision dans son intégralité et de condamner les époux C. à lui payer une somme de 4 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile

- subsidiairement, d'ordonner une nouvelle expertise.

L'appelante soutient que l'expert M. A. qui est l'un de ses concurrents, n'a pas fait preuve d'impartialité. Elle estime ne pas avoir manqué à son obligation de conseil et d'information. Elle affirme que les époux C. étaient en possession de notices d'utilisation et de tous les conseils de traitement de l'eau leur permettant de connaître les différents taux de sel à respecter. Elle prétend qu'elle ne pouvait anticiper les conséquences de la mise en place d'un dôme dont elle n'était pas informée

Suivant conclusions signifiées le 19 mars 2018, les époux C. demandent à la cour de :

- confirmer la décision en ce qu'elle a retenu la responsabilité de la S.A.R.L. Nature et Loisirs dans la réalisation de leurs préjudices

- condamner la S.A.R.L. Nature et Loisirs à leur payer la somme de 8 911,98 € en remplacement de la membrane armée et la somme de 439,18 € correspondant au prix du remplissage et des produits pour l'équilibrage de l'eau

- condamner la S.A.R.L. Nature et Loisirs à leur payer la somme de 1.500 € en réparation de leur préjudice esthétique

- condamner la S.A.R.L. Nature et Loisirs à leur payer la somme de 4.000€ en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens

- condamner la S.A.R.L. Nature et Loisirs aux entiers dépens incluant les frais d'expertise.

Les intimés soutiennent que l'altération de la membrane, occasionnée par un déséquilibre de l'eau et une forte chloration consécutive à la mise en place pendant la période hivernale d'un dôme de protection trouvent leur origine dans le manquement de la S.A.R.L. Nature et Loisirs à son obligation de conseil et d'information à leur égard.

Se prévalant du rapport d'expertise, ils soulignent que l'exploitation d'une piscine avec membrane armée demande une explication sérieuse de la part du professionnel, ce qui n'a pas été fait par la S.A.R.L. Nature et Loisirs. Ils estiment que la remise d'une notice technique ne suffisait pas. Ils prétendent que la S.A.R.L. Nature et Loisirs a manqué à son obligation de délivrance et qu'elle aurait dû les déconseiller d'acheter ce type de piscine, incompatible avec la pose d'un dôme de protection dès lors qu'ils avaient exprimé auprès de la S.A.R.L. Nature et Loisirs leur volonté de couvrir leur piscine.

La clôture de la procédure a été fixée au 8 novembre 2018.

Sur quoi :

Sur la demande de nouvelle expertise :

Attendu que la S.A.R.L. Nature et Loisirs prétend que l'expert M. A. - ne peut être impartial du seul fait qu'il exerce de façon concomitante à ses missions judiciaires, une activité de gérant d'une entreprise de piscines ;

Que toutefois, il importe de rappeler qu'un expert doit maîtriser parfaitement le domaine dans lequel il est appelé à intervenir, ce qui suppose qu'il soit un professionnel compétent dans son art, de sorte que le maintien de son activité professionnelle parallèlement à ses missions expertales est souhaitable, voire indispensable ;

Attendu qu'en l'espèce, la S.A.R.L. Nature et Loisirs n'ignorait pas les activités professionnelles de l'expert de sorte qu'en cas de suspicion sur son impartialité, il lui appartenait de solliciter sa récusation devant le juge qui l'avait désigné, ce qu'il n'a pas fait ;

Attendu que par ailleurs, si l'on peut regretter que l'expert ait cru devoir évaluer le coût des reprises des désordres sur la base d'un devis établi par l'entreprise dont il est le gérant, cette maladresse ne suffit pas à entraîner la nullité de l'expertise dès lors qu'il était loisible aux deux parties de contredire ce chiffrage en produisant d'autres devis ;

Attendu que par suite, il n'y a pas lieu d'ordonner une nouvelle expertise ;

Sur la responsabilité :

Attendu que selon facture établie le 16 juin 2014, la S.A.R.L. Nature et Loisirs a vendu aux époux C. une piscine équipée d'un PVC armé Delifol gris pour l'étanchéité du bassin ainsi qu'un traitement de l'eau par électrolyse du sel, sans l'option de l'abri ; que les époux C. ont mis en place ultérieurement un dôme de protection de la piscine ;

Attendu qu'il n'est pas contesté que la membrane PVC armé Delifol destinée à l'étanchéité du bassin de la piscine vendue par la S.A.R.L. Nature et Loisirs aux époux C., a présenté une décoloration et une boursouflure, caractéristique d'un déséquilibre de l'eau et d'une forte chloration ; que l'expert explique que l'exploitation d'une piscine avec membrane armée demande une explication sérieuse. La chimie de l'eau est très importante pour avoir une durée de vie de la membrane optimum. Le fournisseur où se sert la S.A.R.L. Nature et Loisirs fournit les consignes d'exploitation de la membrane armée. Ce document est à remettre au client lors de l'explication finale. A la fin de celui-ci est prévue la signature de l'entreprise et du client qui prouvera que l'entreprise a bien conseillé le client et que le client a bien compris l'entretien ;

Attendu qu'aux termes de l'article 1603 du code civil, le vendeur a deux obligations principales, celle de délivrer et celle de garantir la chose qu'il vend ; que dans le cadre de la garantie de délivrance, le vendeur est tenu d'une obligation d'information et de conseil sur les conditions d'emploi du produit et les précautions à prendre ;

Attendu qu'il incombe au vendeur professionnel de prouver qu'il a exécuté son obligation de renseignement à l'égard de son client ; que tout vendeur de matériel doit informer son client des contraintes techniques de la chose vendue et de son aptitude à atteindre le but recherché ;

Qu'en l'espèce, la mise en œuvre d'un revêtement en pvc armé nécessite des recommandations et la stricte observation par le client propriétaire de la piscine, profane en la matière, des consignes d'exploitation inspirées des normes Afnor et éditées dans des documents normatifs au regard de la nature et température de l'eau, le respect des valeurs de PH et du chlore, les précautions à prendre au moment de l'hivernage ;

Que la S.A.R.L. Nature et Loisirs ne justifie pas avoir informé les époux C. des contraintes techniques liées à la présence d'une membrane en PVC armé ; que par ailleurs, elle a ignoré les besoins exprimés par les époux C. en matière de couverture de la piscine qui rendait encore plus drastiques les précautions à prendre, alors que cette possibilité était envisagée dans son devis initial en date du 5 septembre 2013, prévoyant en option une couverture 4 saison Abri Sud ;

Attendu que le défaut d'information des époux C. par la S. A.R. L. Nature et Loisirs, vendeur professionnel, sur les précautions à prendre au regard de la membrane en PVC vendue a privé les époux C. du moyen d'en faire un usage correct, conforme à sa destination, de sorte que la S.A.R.L. Nature et Loisirs doit être tenue responsable de la boursouflure et de la décoloration de la membrane en PVC armé et condamnée à en réparer les conséquences ;

Sur la réparation du préjudice matériel :

Que selon l'expert, ces désordres sont irréversibles, la seule solution consistant à refaire la totalité du revêtement ;

Attendu que le premier juge a justement évalué le préjudice subi par les époux C. à la somme de 6.914,18 € représentant le remplacement à l'identique de la membrane armée d'une part ainsi que le remplissage de la piscine et les produits nécessaires à l'équilibrage de l'eau ;

Que par suite, le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a condamné la S. A.R. L. Nature et Loisirs à payer aux époux C. la somme de 6 914,18 €, en réparation globale du préjudice occasionné ;

Sur le préjudice esthétique :

Attendu que le premier juge a fait une juste analyse de la situation, en fixant à la somme de 500€ le quantum du préjudice esthétique consécutif à la décoloration de la membrane et à la boursouflure au-dessus de la ligne d'eau, après avoir relevé que ces désordres n'avaient pas empêché les époux C. de profiter de leur piscine ;

Que le jugement sera donc confirmé de ce chef ;

Sur les dépens et les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile :

Attendu que les condamnations prononcées en première instance à ce titre à l'encontre de la partie perdante, seront confirmées ;

Que la S. A.R. L. Nature et Loisirs qui succombe en cause d'appel sera condamnée à payer aux époux C. la somme de 1 500€ au titre des frais irrépétibles ainsi qu'aux entiers dépens ;

Par ces motifs, LA COUR, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort, confirmes-en toutes ses dispositions le jugement déféré, y ajoutant : rejette la demande de nouvelle expertise, condamne la S. A.R. L. Nature et Loisirs à payer aux époux C. la somme de 1 500€ sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, condamne la S. A.R. L. Nature et Loisirs aux entiers dépens. Arrêt signé par Monsieur BOYER, Président et par Mme LAURENT VICAL, Greffier.