CA Paris, Pôle 1 ch. 3, 6 février 2019, n° 18-27101
PARIS
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Laboratoires Forte Pharma (Sté)
Défendeur :
CLCV (Association)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Roy-Zenati
Conseillers :
M. Ancel, Mme Grall
Avocats :
Mes Boccon Gibod, André, Cheviller, Constantin Vallet
La société Laboratoire Forte Pharma (ci-après désignée la " société Forte Pharma ") se présente comme un laboratoire pharmaceutique spécialisé notamment dans les compléments alimentaires et plus particulièrement sur " le segment minceur ".
La Confédération Consommation, Logement et Cadre de vie (ci-après dénommée la " CLCV ") est une association nationale, agréée, qui défend les intérêts des consommateurs et des usagers.
La société Forte Pharma a développé et commercialisé à partir de janvier 2018 dans un réseau de pharmacies et de parapharmacies un complément alimentaire, dénommé XtraSlim700, composé notamment du complexe Liposlim constitué par la combinaison du wakamé et du curcuma.
Soutenant que dans le cadre de la commercialisation du complément alimentaire XtraSlim 700, et notamment de la campagne de publicité orchestrée pour celle-ci (tant dans un spot publicitaire, que sur son site internet ou dans la presse écrite), la société Forte Pharma manquait aux bonnes pratiques et à la diligence professionnelle en ayant recours à des allégations, indications et présentations fausses, mensongères, trompeuses et de nature à induire en erreur les consommateurs concernant la nature, les éléments essentiels, la composition, les effets et les résultats attendus de ce complément alimentaire et que la méthode de commercialisation et de présentation mise en œuvre avait altéré ou était susceptible d'altérer le comportement économique des consommateurs, la CLCV l'a faite citer, par acte d'huissier du 20 août 2018, devant le juge des référés du tribunal de grande instance de Paris aux fins notamment de dire que la société Forte Pharma s'est rendue coupable d'une pratique commerciale trompeuse dans le cadre de la commercialisation du complément alimentaire XtraSlim 700 qui constitue tant un trouble manifestement illicite qu'un dommage imminent et en conséquence de voir ordonner toutes les mesures conservatoires et de remise en état de nature à faire cesser le trouble manifestement illicite et le dommage imminent.
Par ordonnance en date du 15 novembre 2018, le juge des référés du tribunal de grande instance de Paris a :
Condamné la société Forte Pharma, à titre de mesures conservatoires, à supprimer de tous les supports de présentation, de commercialisation et de publicité, actuels ou à venir, les références suivantes :
- " extra fort " à propos de la qualification de brûleur de graisses
- " efficacité prouvée "
- " scientifiquement prouvé "
- " brûle 700 kcal/jour "
en l'état, au regard de la seule étude disponible sur le complexe Liposlim,
sous astreinte diffusée -de 300 euros par infraction constatée - l'infraction étant constituée par chaque boîte mise en vente et/ou chaque publicité diffusée - passé un délai de 60 jours à compter de la signification de la présente ordonnance, ladite astreinte ayant vocation à courir pendant un délai de 60 jours ;
S'est réservé la liquidation de l'astreinte ;
- Condamné la société Forte Pharma à payer à la CCLCV la somme provisionnelle de 5 000 euros à valoir sur l'indemnisation de l'atteinte portée à l'intérêt collectif des consommateurs ;
- Condamné la société Forte Pharma à payer à la CCLCV la somme provisionnelle de 5 000 euros à valoir sur l'indemnisation du préjudice associatif ;
- Condamné la société Forte Pharma à payer à la CCLCV la somme de 6 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Rejeté le surplus des demandes ;
- Condamné la SA Laboratoires Forte Pharma aux dépens;
Le juge des référés a considéré que l'allégation de fausse présentation de la composition d'Xtraslim 700, de manquements de Forte Pharma à ses obligations au regard de la présentation négative de l'activité sportive (dans le spot publicitaire) ou encore que la présence d'allégations de santé interdites concernant la présentation de certains ingrédients du produit nécessitaient une appréciation qui ne relève pas de l'évidence requise en référé.
Le juge des référés a en revanche relevé l'existence d'un trouble manifestement illicite à raison d'une pratique commerciale trompeuse, après avoir constaté qu'aucune étude scientifique n'a été réalisée sur le complément alimentaire XtraSlim700 pour attester des effets mis en avant, l'étude communiquée par la société Forte Pharma ne portant que sur le complexe d'aliments dénommé Liposlim, l'un des ingrédients du produit.
Par déclaration en date du 29 novembre 2018, la société Forte Pharma a fait appel de cette ordonnance en visant l'ensemble de son dispositif y compris en ce qu'elle a rejeté le " surplus des demandes " mais exclusivement en ce qu'elle l'a déboutée de ses demandes et plus généralement sur toutes dispositions non visées au dispositif et faisant grief à l'appelante.
Par ordonnance en date du 6 décembre 2018, la société Forte Pharma a été autorisée à assigner à jour fixe la CLCV pour une audience du 7 janvier 2019 et a fait délivrer cette assignation par acte du 11 décembre 2018.
Au terme de ses dernières conclusions communiquées par voie électronique le 4 janvier 2019, la société Forte Pharma demande à la cour, au visa notamment des articles 809 du code de procédure civile, L. 121-2 et suivants du Code de la consommation, de :
Infirmer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a :
- Jugé qu'il existe un trouble manifestement illicite,
Par conséquent,
- Ordonné à la société Laboratoires Forte Pharma la suppression, de tous les supports de présentation, de commercialisation et de publicité, actuels ou à venir, les références suivantes :
- " extra fort " à propos de la qualification de brûleur de graisses
- " efficacité "prouvée "
- " scientifiquement prouvé "
- " brûle 700 kcal/jour
sous peine d'une astreinte de 300 euros par infraction constatée - l'infraction étant constituée par chaque boîte mise en vente et/ou chaque publicité diffusée - passé un délai de 60 jours à compter de la signification de la présente ordonnance, ladite astreinte ayant vocation à courir pendant un délai de 60 jours ;
- S'est réservé la faculté de liquider l'astreinte ;
- Condamné la société Laboratoires Forte Pharma à payer à la CLCV la somme provisionnelle de 5 000 euros à valoir sur l'indemnisation de l'atteinte portée à l'intérêt collectif des consommateurs ;
- Condamné la société Laboratoires Forte Pharma à payer à la CLCV la somme provisionnelle de 5 000 euros à valoir sur l'indemnisation du préjudice associatif;
- Condamné la société Laboratoires Forte Pharma au paiement de 6 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- Condamné la société Laboratoires Forte Pharma aux dépens.
Confirmer l'ordonnance entreprise pour le surplus.
Et, statuant à nouveau :
- Dire et juger n'y avoir lieu à référé ;
- Dire et juger l'absence d'une pratique commerciale trompeuse au sens de l'article L.121-2 et suivants du Code de la consommation ;
- Dire et juger l'absence de trouble manifestement illicite et de dommage imminent;
- Dire et juger que la demande de la Confédération Consommation, Logement et Cadre de vie excède la compétence du juge des référés ;
- Débouter la Confédération Consommation, Logement et Cadre de vie de l'ensemble de ses demandes à l'encontre la société Laboratoires Forte Pharma.
En tout état de cause
- Condamner la Confédération Consommation, Logement et Cadre de vie à payer à la société Laboratoires Forte Pharma la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- Condamner la Confédération Consommation, Logement et Cadre de vie aux dépens de première instance et d'appel.
Au soutien de ses demandes, la société Forte Pharma fait valoir en substance que :
- L'ordonnance doit être confirmée en ce qu'elle a jugé que la prétendue fausse présentation de la composition de XtraSlim700 et la prétendue utilisation d'allégations de santé interdites impliquent une analyse et une comparaison qui ne relèvent pas de l'évidence requise en référé de même que le prétendu manquement à ses obligations au regard de la représentation négative de l'activité sportive qui implique d'apprécier si le propos sur le sport entre dans le registre de la publicité hyperbolique aussi en ce qu'elle a jugé qu'aucun dommage imminent n'est caractérisé en l'absence de tout élément sur la dangerosité du complément alimentaire pour le consommateur.
- L'ordonnance doit être infirmée en ce qu'elle a jugé qu'elle s'est rendue coupable d'une pratique commerciale trompeuse constitutive d'un trouble manifestement illicite en l'absence d'étude scientifique réalisée sur le produit fini, dès lors que cette absence ne constitue pas, en tant que telle, une pratique commerciale trompeuse et que le juge des référés n'a pas caractérisé l'altération substantielle du comportement économique du consommateur.
- Il est parfaitement licite de rattacher des caractéristiques mises en avant sur un produit donné à un composant du produit et non à l'intégralité du produit considéré comme l'autorise le Règlement (CE) n° 1924/2006 concernant les allégations nutritionnelles et de santé portant sur les denrées alimentaires, et notamment à son article 10.3 et il est possible de communiquer sur les caractéristiques propres à l'un des ingrédients présents dans le produit, le seul fait de mettre en avant les résultats d'une étude qui a porté sur l'un des ingrédients composant le produit fini n'étant pas en tant que tel de nature à induire le consommateur en erreur sur les qualités substantielles, les propriétés et les résultats attendus de l'utilisation du complément alimentaire.
- En exigeant la preuve scientifique validant la transposition de l'étude Liposlim au produit XtraSlim700, alors que la CLCV n'apporte nullement la preuve contraire lui permettant d'alléguer que les références à une étude scientifique portant sur le complexe Liposlim en l'espèce seraient constitutives d'une pratique commerciale trompeuse, le Président du Tribunal fait peser sur l'appelante la charge de démontrer l'absence d'un trouble manifestement illicite et en cela revient à renverser la charge de la preuve en matière de référé, et ce faisant, à tenir pour vraie l'allégation de la CLCV sans que celle-ci n'apporte aucun élément concluant en ce sens, portant ainsi gravement atteinte aux droits de la défense de l'appelante.
- La licéité d'une publicité s'apprécie de manière globale, en tenant notamment compte de l'ensemble des mentions qui figurent sur l'étiquetage du produit considéré et qu'en l'espèce aucune mention sur l'étiquetage ne suggère que l'étude scientifique à laquelle il est fait référence a été menée sur le produit XtraSlim700 alors même qu'elle a pris le soin pour chacune de ces mentions de préciser par renvoi, ou directement dans le corps du message publicitaire, que l'étude visée concerne le complexe wakamé curcuma de sorte que la présentation faite n'est pas manifestement fausse ou de nature à induire en erreur sur les qualités substantielles, les propriétés et les résultats attendus de l'utilisation de ce complément alimentaire.
- Il convient de prendre en compte l'intégralité de l'opération promotionnelle qu'elle a organisé, notamment sur son site internet conformément aux dispositions de l'article L. 121-3 du Code de la consommation et qu'en l'espèce les contraintes de temps et d'espace liées aux publicités télévisuelles ne permettent notamment pas à l'annonceur de s'étendre sur l'étude scientifique, le régime diététique
qu'il convient de suivre et l'activité physique qu'il convient de pratiquer étant précisé que ces informations sont relayées sur le site internet de Forte Pharma.
- L'altération substantielle du comportement économique du consommateur n'est pas sérieusement caractérisée et ne peut résulter de la seule comparaison avec deux complexes alimentaires concurrents sur le marché de la perte de poids alors que le produit Anaca 3 ne contient aucune des substances présentes dans le produit XtraSlim700 et que le produit Oenobiol contient du wakamé dans des quantités moindres de sorte que le choix de l'un ou l'autre de ces produits pourra donc se faire sur d'autres critères, notamment sur la composition et pas uniquement sur les performances du produit.
- L'existence d'une pratique commerciale trompeuse en l'espèce est sérieusement contestée et ce d'autant que le taux de recommande du produit qui est de 80 % atteste de l'absence de tromperie pour le consommateur.
- Les provisions accordées par le premier juge au titre de la réparation du préjudice collectif des consommateurs et du préjudice associatif ne sont étayés par aucun élément pertinent.
Par conclusions récapitulatives et emportant appel incident transmises par voie électronique le 4 janvier 2019, la CLCV demande à la cour, au visa notamment des articles 808 et suiv. du Code procédure civile, L. 121-1 et suiv. et l'article L. 621-11 du Code de la consommation et L. 131-1 du Code des procédures civiles d'exécution, de :
Confirmer l'ordonnance de référé rendue par le Tribunal de grande instance de Paris le 15 novembre 2018 (RG n° 18/56845) en ce qu'elle a retenu le trouble manifestement illicite et a, en conséquence :
Condamné la SA Laboratoires Forte Pharma, à titre de mesures conservatoires, à supprimer de tous les supports de présentation, de commercialisation et de publicité, actuels ou à venir, les références suivantes :
- " extra fort " à propos de la qualification de brûleur de graisse
- " efficacité prouvée "
- " scientifiquement prouvé "
- " brûle 700 kcal/jour "
en l'état, au regard de la seule étude disponible sur le complexe Liposlim, sous astreinte de 300 euros par infraction constatée - l'infraction étant constituée par chaque boîte mise en vente et/ou chaque publicité diffusée - passé un délai de 60 jours à compter de la signification de la présente ordonnance, ladite astreinte ayant vocation à courir pendant un délai de 60 jours ;
S'est réservé la liquidation de l'astreinte ;
Confirmer l'ordonnance du 15 novembre 2018 (RG n° 18/56845) en ce qu'elle a condamné la SA Laboratoires Forte Pharma à payer à la CLCV une somme provisionnelle à valoir sur l'indemnisation du préjudice résultant de l'atteinte portée à l'intérêt collectif des consommateurs mais Infirmer l'ordonnance en ce qu'elle a condamné la SA Laboratoires Forte Pharma à la seule somme de 5 000 euros à ce titre ;
Confirmer l'ordonnance du 15 novembre 2018 (RG n°18/56845) en ce qu'elle a condamné la SA Laboratoires Forte Pharma à payer à la CLCV une somme provisionnelle à valoir sur
l'indemnisation du préjudice associatif mais Infirmer l'ordonnance en ce qu'elle a condamné la SA Laboratoires Forte Pharma à la seule somme de 5 000 euros à ce titre ;
Confirmer l'ordonnance du 15 novembre 2018 (RG n° 18/56845) en ce qu'elle a condamné la SA Laboratoires Forte Pharma à payer à la CLCV des sommes au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et aux entiers dépens mais Infirmer l'ordonnance en ce qu'elle a condamné la SA Laboratoires Forte Pharma à la seule somme de 6 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Infirmer l'ordonnance du 15 novembre 2018 (RG n° 18/56845) pour le surplus et notamment en ce qu'elle a rejeté les autres demandes formulées par la CLCV ;
En consequence, statuant à nouveau :
Rejeter l'ensemble des demandes, moyens, fins et prétentions de la société Laboratoires Forte Pharma ;
Ecarter des débats l'ensemble des pièces produites par la société Laboratoires Forte Pharma rédigées en anglais et ne faisant pas l'objet de traduction en français, à savoir, les pièces adverses n° 10, n° 11, n° 12, n° 13) et, en conséquence, Rejeter tout moyen et argumentation de l'appelante qui se fonde sur ces pièces ;
Constater que la société Laboratoires Forte Pharma, dans le cadre de la commercialisation du complément alimentaire XtraSlim 700, manque aux bonnes pratiques et à la diligence professionnelle ;
Constater que la société Laboratoires Forte Pharma, dans le cadre de la commercialisation et de la présentation du complément alimentaire XtraSlim 700, a recours à des allégations, indications et présentations fausses, mensongères, trompeuses et de nature à induire en erreur les consommateurs concernant la nature, les éléments essentiels, la composition, les effets et les résultats attendus de ce complément alimentaire ;
Constater que la société Laboratoires Forte Pharma, dans le cadre de la commercialisation et de la présentation du complément alimentaire XtraSlim 700, utilise des allégations de santé interdites ;
Constater que la méthode de commercialisation et de présentation mise en œuvre par la société Laboratoires Forte Pharma a altéré ou est susceptible d'altérer de manière substantielle le comportement économique des consommateurs ;
En conséquence,
Dire et juger que la société Laboratoires Forte Pharma s'est rendue coupable d'une pratique commerciale trompeuse dans le cadre de la commercialisation du complément alimentaire XtraSlim 700 qui constitue tant un trouble manifestement illicite qu'un dommage imminent ;
En conséquence, Ordonner toutes les mesures conservatoires et de remise en état de nature à faire cesser le trouble manifestement illicite et le dommage imminent ;
Ordonner la cessation de la commercialisation du complément alimentaire XtraSlim 700 dans son état actuel et la modification immédiate de l'ensemble des supports de présentation, de commercialisation et de publicité du produit ;
Pour ce faire, Ordonner notamment les mesures suivantes :
o Ordonner le retrait et interdire pour l'avenir toute publicité, toute présentation, sur l'ensemble des supports de vente, de présentation ou de publicité du produit faisant mention d'éléments trompeurs ou de nature à induire en erreur le consommateur sur l'efficacité et les résultats attendus du produit et, notamment :
- de toutes les mentions faisant référence à l'étude WF/NP 16-6422 portant sur le complexe d'aliments wakamé curcuma ;
- de toutes les mentions ou formulations visant à affirmer la preuve de l'efficacité du produit XtraSlim 700 ;
- de toutes les mentions ou formulations faisant un lien direct entre la perte de poids ou un amincissement de la silhouette ou une perte de 700 Kcal/jour, par le biais de la prise du produit XtraSlim 700 ;
- de toutes les allégations de nature à présenter une activité physique comme étant inutile, inefficace ou dénigrante ;
- de toutes les allégations de santé non autorisées et portant notamment sur les ingrédients suivants : le cassis, le wakamé et le konjac ;
- de toutes les mentions, références ou formules suivantes ou de celles qui en auraient le même sens (ensemble ou détachées) : " efficacité prouvée " ; brûleur de graisse " Extra fort " (alors qu'il peut simplement être indiqué " brûleur de graisse ") ; " résultat de cette étude : - 700 Kcal/jour " ; " scientifiquement prouvé " ; " résultat scientifique " ; " XtraSlim 700 brûle 700 calories par jour " ; " L'innovation minceur 2018 pour perdre du poids " ; " une formule unique, exclusive, à l'efficacité prouvée, qui brûle en moyenne 700 Kcalories par jour ! " ; " Pour brûler 700 Kcal/jour et perdre du poids, je fais une cure d'XtraSlim 700, mon bruleur de graisses extra fort à l'efficacité prouvée " ; toutes les formulations de nature à promettre des résultats rapides telles qu'accoler " rapidement " à la formule " retrouver une silhouette idéale " et de toutes autres mentions, formulations, références similaires ;
o Ordonner le retrait de la vente et le rappel des invendus du complément alimentaire XtraSlim 700 eu égard aux éléments trompeurs et erronés figurant tant sur le boîtier contenant les gélules que sur le packaging ;
o Ordonner le retrait et interdire pour l'avenir sur l'ensemble des supports de présentation, toutes les références et présentations tronquées et trompeuses des résultats de l'étude portant sur le complexe alimentaires wakamé curcuma ;
o Ordonner le retrait sur le site internet de Forte Pharma (https://www.fortepharma.com/fr) des deux graphiques représentant les effets supposés de la prise du produit sur la silhouette et les calories brûlées par jour ;
o Ordonner le retrait et le rappel de l'ensemble du mobilier et support de présentation (tels que les présentoirs et affiches) distribués auprès du réseau de distribution (pharmacie et parapharmacie) à destination du consommateur ;
o Ordonner la cessation de la diffusion du spot publicitaire réalisé pour promouvoir le complément alimentaire XtraSlim 700 sur tous support de diffusion ;
o Ordonner la publication en première page du site internet de la société Laboratoires Forte Pharma (https://www.fortepharma.com/fr) de la décision à intervenir pendant une durée minimum de trois mois, et ce, sous astreinte de 2 000 euros par jour de retard dans un délai de 8 jours
à compter de la décision à intervenir ;
o Ordonner la communication par la société Laboratoires Forte Pharma du nombre de boîtes du complément alimentaire XtraSlim 700 vendues sur le territoire français depuis le début de la commercialisation de ce produit, et ce, sous astreinte de 2 000 euros par jour de retard dans un délai de 8 jours à compter de la décision à intervenir ;
Ordonner l'exécution par Forte Pharma de l'ensemble des mesures conservatoires et de remise en état prononcées par l'ordonnance du 15 novembre 2018 (RG n° 18/56845) à savoir : la suppression de tous les supports de présentation, de commercialisation et de publicité, actuels ou à venir, les références suivantes :
- " extra fort " à propos de la qualification de brûleur de graisse
- " efficacité prouvée "
- " scientifiquement prouvé "
- " brûle 700 kcal/jour "
sous astreinte de 300 euros par infraction constatée - l'infraction étant constituée par chaque boîte mise en vente et/ou chaque publicité diffusée et/ou chaque support de présentation non supprimé du produit - passé un délai de 60 jours à compter de la signification de l'ordonnance dont s'agit à savoir, le 19 novembre 2018 ;
Ordonner l'exécution par Forte Pharma de l'ensemble des autres mesures conservatoires et de remise en état prononcées par la Cour dans le cadre de la décision à intervenir dans un délai de 15 jours à compter de la signification de la décision et ce, sous astreinte de 300 euros par infraction constatée ;
Dire et juger que les manquements de la société Laboratoires Forte Pharma ne souffrent d'aucune contestation sérieuse au même titre que les préjudices en résultant pour la CLCV ;
En conséquence, Accorder une provision de 382 054,60 euros à la CLCV en raison de son préjudice d'atteinte à l'intérêt collectif des consommateurs et, subsidiairement, octroyer une provision qui ne saurait être inférieure à 5 000 euros conformément aux termes de l'ordonnance ;
En conséquence, Accorder une provision de 150 000 euros à la CLCV en raison de son préjudice associatif ; et, subsidiairement, octroyer une provision qui ne saurait être inférieure à 5 000 euros conformément aux termes de l'ordonnance ;
Et enfin, Condamner la société Laboratoires Forte Pharma à verser à la CLCV la somme de 15 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.
La CLCV fait valoir en substance que :
- L'existence d'un trouble manifestement illicite découle de la pratique commerciale trompeuse dont s'est rendue coupable la société Forte Pharma, celle-ci s'étant appuyée sur des éléments mensongers, trompeurs et de nature à induire en erreur le consommateur pour le convaincre d'acheter le produit XtraSlim 700 et notamment les nombreuses références à la perte de poids et à la minceur et la référence systématique à une étude scientifique afin de convaincre les consommateurs de l'efficacité de son produit.
- Le fait de présenter le produit XtraSlim 700, qui n'est qu'un simple complément alimentaire, comme un produit permettant de manière certaine et par son seul effet, la perte de 700 Kcal par jour, mais également la perte de poids, preuve scientifique à l'appui, constitue une pratique commerciale trompeuse de même que l'utilisation d'une étude scientifique à mauvais escient.
- L'affirmation en caractères très apparents de l'" efficacité prouvée " du produit est mensongère puisque cette affirmation repose en réalité sur une étude qui porte, non pas sur le produit XtraSlim 700, mais sur le complexe d'aliments wakamé curcuma et qu'il n'existe donc aucune preuve de l'efficacité du produit telle qu'invoquée par la société Forte Pharma qui, par son procédé, tente à l'évidence de tromper le consommateur et de l'induire en erreur étant ajouté qu'il ressort de manière évidente de l'étude produite que les résultats obtenus dans le cadre de la consommation de Liposlim ne sauraient être transposés à XtraSlim 700 alors que le liposlim ne représente que 16,5 % d'une dose journalière d'XtraSlim 700 et que cette étude exclut de nombreuses catégories de personnes (et notamment les sujets fumeurs, les sujets qui exerçaient une activité sportive et les sujets qui n'étaient pas en surpoids), qu'aucune précision n'est donnée quant à la proportion des hommes et des femmes dans chacun des deux groupes utilisés et que le nombre de sujets est trop faible (60 sujets ont participé à cette étude, 30 ayant consommé le produit, 30 ayant consommé le placébo)
- La présentation de la composition d'XtraSlim 700 faite aux consommateurs, diffère de la présentation de la composition du produit faite en interne par Forte Pharma, ce qui est de nature à induire en erreur le consommateur, puisque la composition du produit sur ce document et sur le boitier met en lumière plusieurs différences de dosage dans les aliments qui composent XtraSlim 700 et notamment s'agissant du cassis.
- Le manquement aux bonnes pratiques et à la diligence professionnelle est caractérisé en laissant croire aux consommateurs qu'ils maigriront et perdront du poids sans avoir à pratiquer la moindre activité physique et en ayant recours à une publicité qui donne une image négative de la pratique d'un sport.
- La réglementation prohibant l'usage d'allégations de santé n'a pas été respectée en l'espèce dès lors que certaines allégations de santé utilisées par la société Forte Pharma pour décrire les effets des aliments composants le complément alimentaire XtraSlim 700 ne figurent pas sur la liste établie par le Règlement (UE) n° 432/2012 de la Commission du 16 mai 2012 établissant une liste des allégations de santé autorisées portant sur les denrées alimentaires alors que l'utilisation d'une telle allégation de santé lors de la commercialisation d'une denrée alimentaire est strictement encadrée par le règlement CE n° 1924/2006 du Parlement européen et du Conseil du 20 décembre 2006 concernant les allégations nutritionnelles et de santé portant sur les denrées alimentaires.
- La méthode de commercialisation utilisée par la société Forte Pharma est susceptible d'altérer le comportement économique des consommateurs de manière substantielle pour un produit dont le coût se situe au surplus dans la fourchette haute des compléments alimentaires (entre 34 et 39 euros) et ce alors que le consommateur est invité à se procurer plusieurs boîtes.
- Le juge des référés ne peut retenir qu'en l'absence de tout élément sur la dangerosité du complément alimentaire pour le consommateur, aucun dommage imminent n'est caractérisé, dix mois après le début de sa commercialisation alors que la pratique commerciale trompeuse est actuellement en cours sur le territoire français que ce soit notamment à travers le site internet de la société, l'emballage contenant les gélules comportant des images trompeuses, actuellement en vente auprès des consommateurs qui n'ont pas encore acheté ce produit.
- Le préjudice d'atteinte à l'intérêt collectif des consommateurs, qui correspond au dommage subi par la collectivité des consommateurs et qui résulte directement du risque qui pèse sur ces derniers au titre de la pratique commerciale trompeuse est caractérisé et doit s'apprécier au regard de la faute lucrative tirée de la vente de chaque boite litigieuse à un prix moyen de 37 euros vendues au jour de la décision à intervenir, étant observée que 103 258 boîtes du produit ont été vendues entre février et octobre 2018.
- Le préjudice associatif est caractérisé en ce qu'il résulte des sommes engagées par l'association afin de prévenir les infractions, de protéger les potentielles victimes et de permettre une information complète du consommateur à ce sujet et ce d'autant que l'association devra mobiliser dans toute la France et dans les milliers de points de vente sur une courte période ses salariés et adhérents, afin de faire procéder à autant de constats d'huissiers pur vérifier le respect de la décision à intervenir.
SUR CE LA COUR
Sur la demande de voir écarter des débats les pièces 10, 11, 12 et 13 ;
En l'espèce, il ressort des pièces communiquées par la société Forte Pharma qu'une traduction libre des paragraphes extraits des pièces 10 à 13 dont elle se prévaut particulièrement au soutien de ses prétentions, est bien communiquée.
En outre, la seule production d'un document en langue étrangère ne suffit pas à le déclarer irrecevable dès lors que son contenu est compréhensible pour le juge sans qu'il soit nécessaire de recourir à un expert pour traduire le document, et sous réserve que, dans l'hypothèse où le juge motiverait sa décision sur la base de ce document, il traduise les éléments sur lesquels il fonde sa décision.
En l'état de ces éléments, cette demande sera rejetée.
Sur l'existence d'un trouble manifestement illicite et d'un dommage imminent ;
En application de l'article 809 du Code de procédure civile, le président peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.
Le trouble manifestement illicite résulte de toute perturbation résultant d'un fait qui directement ou indirectement constitue une violation évidente de la règle de droit. Il s'ensuit que pour que la mesure sollicitée soit prononcée, il doit nécessairement être constaté à la date à laquelle le juge statue et avec l'évidence qui s'impose à la juridiction des référés, la méconnaissance d'un droit sur le point de se réaliser et dont la survenance et la réalité sont certaines.
Le dommage imminent s'entend quant à lui du dommage qui n'est pas encore réalisé mais qui se produira sûrement si la situation présente doit se perpétuer. Il s'ensuit pour que la mesure sollicitée soit prononcée, il doit nécessairement être constaté à la date à laquelle le juge statue et avec l'évidence qui s'impose à la juridiction des référés, l'imminence d'un dommage.
En application de l'article L. 121-1 du Code de la consommation " Les pratiques commerciales déloyales sont interdites. / Une pratique commerciale est déloyale lorsqu'elle est contraire aux exigences de la diligence professionnelle et qu'elle altère ou est susceptible d'altérer de manière substantielle le comportement économique du consommateur normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, à l'égard d'un bien ou d'un service. (...). Constituent, en particulier, des pratiques commerciales déloyales les pratiques commerciales trompeuses définies aux articles L. 121-2 à L. 121-4 et les pratiques commerciales agressives définies aux articles L. 121-6 et L. 121-7 ".
Selon l'article L. 121-2 du même Code " Une pratique commerciale est trompeuse si elle est commise dans l'une des circonstances suivantes : (...)
2° Lorsqu'elle repose sur des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur et portant sur l'un ou plusieurs des éléments suivants :
a) (...)
b) Les caractéristiques essentielles du bien ou du service, à savoir : ses qualités substantielles, sa composition, ses accessoires, son origine, sa quantité, son mode et sa date de fabrication, les conditions de son utilisation et son aptitude à l'usage, ses propriétés et les résultats attendus de son utilisation, ainsi que les résultats et les principales caractéristiques des tests et contrôles effectués sur le bien ou le service (...) ".
Enfin, aux termes de l'article L. 121-3 du Code de la consommation " Une pratique commerciale est également trompeuse si, compte tenu des limites propres au moyen de communication utilisé et des circonstances qui l'entourent, elle omet, dissimule ou fournit de façon inintelligible, ambiguë ou à contretemps une information substantielle ou lorsqu'elle n'indique pas sa véritable intention commerciale dès lors que celle-ci ne ressort pas déjà du contexte./ Lorsque le moyen de communication utilisé impose des limites d'espace ou de temps, il y a lieu, pour apprécier si des informations substantielles ont été omises, de tenir compte de ces limites ainsi que de toute mesure prise par le professionnel pour mettre ces informations à la disposition du consommateur par d'autres moyens. "
Il ressort de ces textes qu'une pratique commerciale trompeuse, qui peut résulter d'une opération de communication, est interdite par la loi et qu'elle est donc constitutive d'un trouble manifestement illicite et si elle persiste, d'un dommage imminent, autorisant le juge à prendre des mesures appropriées pour la faire cesser au sens de l'article 809 du Code de procédure civile.
Sur les agissements imputés à la société Forte Pharma ;
Sur les mentions portées sur l'emballage du produit ;
En l'espèce, il ressort des pièces versées et des débats que depuis janvier 2018 la société Forte Pharma commercialise un complément alimentaire dénommé Xtraslim700 et que sur la boîte d'emballage de ce produit, sont inscrits :
- Sous la dénomination du produit, la mention " Brûleur de graisses extra fort (1) ", le (1) renvoyant au dos de l'emballage à la mention suivante : " Une association de curcuma et de wakamé : le wakamé aide à brûler les graisses, réduire l'appétit et à contrôler son poids " ;
- Dans un encadré argenté les mots suivants : " Brûle 700 Kcal/jour* Efficacité prouvée (3) ", l'astérisque renvoyant à la précision portée au dos de la boîte " Résultats moyens de l'étude " et le (3) renvoyant à la précision suivante : " Étude scientifique. L'efficacité du complexe d'ingrédient Wakamé Curcuma a été prouvée par une étude scientifique en double aveugle versus placebo, menée sur 59 personnes pendant 28 jours ".
- Au dos de l'emballage les phrases suivantes : " Vous cherchez une solution naturelle et efficace pour perdre du poids " (les mots perdre du poids étant inscrits en gras). (...) " Une association synergique de 8 actifs soigneusement sélectionnés : 4 extraits de plantes, choisis pour leur action minceur : une association de curcuma et de wakamé : le wakamé aide à brûler les graisses, réduire l'appétit et à contrôler son poids (...) ".
- Sur l'un des côtés de l'emballage, la mention selon laquelle " Un complément alimentaire ne doit pas se substituer à une alimentation variée et équilibrée et à un mode de vie sain ".
- Au bas du dos de l'emballage du produit la reproduction d'un livret et les mots " Inclus dans la boîte, un livret de conseils & de menus minceurs ".
Sur les informations délivrées par le spot publicitaire concernant le produit XtraSlim 700;
Aux termes d'un procès-verbal de constat d'huissier dressé le 13 juillet 2018, la promotion de ce produit est également réalisée à travers un spot publicitaire qui montre une jeune femme allongée sur un canapé un verre à la main avec une voix off indiquant : " Vous voulez perdre du poids et le sport n'est pas toujours votre fort ; XtraSlim 700 brûle 700 calories par jour et c'est scientifiquement prouvé ; Pour mincir, juste un petit effort : courir à la pharmacie ; XtraSlim 700 de Forte Pharma, fortez vous mieux ".
Le spot s'achève avec une scène au cours de laquelle la femme consommant XtraSlim 700 se rend à la pharmacie pour acheter le produit et croise en chemin une femme pratiquant la course à pied en plein effort.
Ce spot est accompagné d'un bandeau défilant en bas de l'écran comportant le message d'alerte suivant " pour votre santé, mangez au moins cinq fruits et légumes par jour ".
Sur la communication du produit dans la presse écrite ;
La promotion du produit litigieux est également réalisée dans la presse écrite et notamment dans l'hebdomadaire Cosmopolitan, qui dans son édition du mois d'août 2018 fait la promotion du produit XtraSlim 700 dans une publicité mentionnant : " Je brûle 700 Kcal/jour - Pour brûler 700 Kcal/jour* et perdre du poids, je fais une cure d'XtraSlim 700, mon brûleur de graisses extra fort à l'efficacité prouvée " l'astérisque renvoyant à la phrase " Résultats moyens de l'étude scientifique WF/NP 16-6422 " et renvoyant au site " www.fortepharma.com " " pour retrouver " toutes les informations sur ce produit.
Sur les informations délivrées sur le site internet de la société Forte Pharma ;
Il ressort du procès-verbal de constat susvisé que la promotion du produit XtraSlim700 est faite sous la rubrique " univers minceur " du site internet de la société Forte Pharma accessible par l'adresse URL https://www.fortepharma.com/fr qui présente le produit comme " La solution extra pour perdre du poids " et sous la rubrique " nos produits pour mincir " et " perdre du poids ".
Ainsi, en cliquant sur l'onglet " en savoir plus " sous l'image du produit XtraSlim700, l'huissier de justice constate que s'ouvre une page sur laquelle apparaîssent notamment les messages suivants : "XtraSlim 700 - Bruleur de graisses extra fort ", " une formule unique, exclusive, à l'efficacité prouvée, qui brûle en moyenne 700 Kcalories par jour ! ".
De même, aux termes de ce constat, l'huissier a pu constater sur la page d'accueil de ce site un espace dédié à ce produit et qu'en cliquant sur " découvrir " apparaît une page présentant le produit XtraSlim700 comme étant " L'innovation minceur 2018 pour perdre du poids ", "Des resultats extra ", " Une solution naturelle et efficace pour vous aider a retrouver la ligne " " 700 Kcal brûlees en moyenne* " l'astérisque renvoyant en petits caractères à des " Résultats moyens de l'étude scientifique réalisée sur le complexe d'ingrédients wakamé curcuma menée sur 59 personnes pendant 28 jours (WF/NP 16-6422) " étant observé qu'un onglet " accéder à l'étude " figure également.
Il convient de préciser que cette même page (reproduite intégralement dans l'annexe 2 du constat d'huissier) comporte aussi sous la forme d'un témoignage les propos d'une consommatrice indiquant avoir " testé " le produit pendant " 4 semaines en suivant les conseils repris dans le livret fourni qui est d'une bonne aide pour des idées de repas et des astuces minceurs. Un petit déjeuner équilibré que je prenais que trop rarement auparavant, un déjeuner qui me permet de tenir sans fringale jusqu'au dîner plus léger, 2 gélules aux 2 principaux repas, 30 minutes de marches 3 à 4 fois par semaine, quelques légers écarts le week end end. 3 kilos en moins et surtout presque une taille de gagnée !!! je recommande ce produit et je vais d'ailleurs prolonger la cure ".
De même cette même page comporte une rubrique " secrets minceurs " dont le secret n° 1 est " Je ne fais pas l'impasse sur mon petit dejeuner ".
Sur la qualification de ces constatations ;
En application des articles L. 121-1 à L. 121-3 du Code de la consommation précités, une pratique commerciale peut être qualifiée de trompeuse notamment si elle repose sur des allégations, indications ou présentations de nature à induire en erreur le consommateur sur les caractéristiques essentielles du bien et notamment ses qualités substantielles et les conditions de son utilisation, ses propriétés et les résultats attendus de son utilisation étant observé qu'il importe de tenir compte, lorsque la pratique dénoncée résulte de moyens de communication commerciale, de toutes les mesures prises par le professionnel pour mettre à la disposition du consommateur les informations requises.
A cet égard, il peut être constaté que l'ensemble des moyens de communication litigieux, ainsi que décrits ci-dessus, utilisés pour assurer la promotion commerciale du complément alimentaire XtraSlim700 insistent de manière récurrente sur l'effet bénéfique de la prise de ce complément alimentaire non seulement sur la perte de calories dans des proportions élevées (le message de la perte de 700 calories par jour est systématiquement repris) mais aussi sur la perte de poids en résultant, soit expressément par un message en ce sens (cf. notamment sur la boîte d'emballage du produit mais aussi au travers de la voix off du spot publicitaire ou encore la publicité destinées à la presse écrite), soit indirectement par la présentation dudit produit dans des rubriques consacrées aux " produits pour mincir " ou intitulées " perdre du poids ".
En outre, il y a lieu d'observer que sur les différents supports de communication précités, à l'exception du site internet de la société Forte Pharma, le message délivré aux consommateurs ne s'embarrasse pas de nuances et laisse entendre que la seule consommation du produit litigieux suffit à produire les effets annoncés à savoir la perte de 700 calories par jour et la perte de poids.
Tel est particulièrement le cas des mentions portées sur l'emballage du produit qui mettent en exergue sous une forme visible au premier coup d'oeil par le consommateur, l'information selon laquelle ce produit " Brûle 700 Kcal/jour* Efficacité prouvée " et renvoient au surplus par une astérisque au dos de la boîte à une étude qualifiée de " scientifique " portant sur le complexe d'ingrédient Wakamé Curcuma, ingrédients qui font partie de la composition du produit, sans préciser de manière claire au consommateur que les effets annoncés, à supposer même qu'ils soient prouvés par l'étude scientifique alléguée, supposent pour être atteints de combiner la prise de ces gélules avec une alimentation saine et équilibrée et une activité physique.
A cet égard, le spot publicitaire diffusé par la société Forte Pharma pour promouvoir le produit XtraSlim700, en ce qu'il met en scène précisément une femme qui consomme le produit XtraSlim700 sans faire de sport et une autre femme qui, présentée sous un jour moins attrayant, pratique la course à pied, et qu'il commence par les propos " Vous voulez perdre du poids et le sport n'est pas toujours votre fort " - laisse entendre que la consommation de ce complément alimentaire peut effectivement se substituer à la pratique d'une activité sportive et produire les mêmes effets sur la perte de poids sans aucun effort physique.
Tel est le cas aussi de la campagne de publicité lancée dans la presse écrite, telle que reproduite dans le magazine Cosmopolitan, qui n'est assortie également d'aucune réserve pour rappeler la nécessité de combiner la prise de ce complément d'un régime alimentaire ou d'une activité sportive régulière.
De telles omissions sont nécessairement sciemment perpétrées par la société Forte Pharma, qui se présente elle-même comme une professionnelle du secteur et qui en outre prend la peine d'insérer dans le coffret d'emballage un livret intitulé " mes 10 secrets minceur pour une silhouette idéale - conseils pratiques et menus " préfacé par un expert en nutrition donnant des conseils d'alimentation et d'activité physique, reconnaissant ainsi elle-même la nécessité de compléter la consommation du produit par une alimentation saine et une activité physique. C'est au demeurant le message qu'elle insère aussi au sein de son site internet comme relevé ci-dessus, notamment par la reprise du témoignage d'une consommatrice ou la rubrique " secrets minceurs " qui permettent de nuancer les propos et éclairer le consommateur sur les conditions d'utilisation du produit.
Il convient d'observer à cet égard que si au bas du dos de l'emballage du produit est mentionné le fait qu'est " Inclus dans la boîte, un livret de conseils & de menus minceurs ", aucun lien n'est clairement fait entre cette référence et les conditions d'utilisation du produit. En outre, comme l'indique à juste titre la CLCV, le seul fait d'inclure cette information dans la boîte n'est pas de nature à l'exonérer d'une pratique commerciale trompeuse dès lors que ce livret n'est à la disposition du consommateur qu'une fois le produit acheté et qu'il n'a donc pas d'incidence sur la décision commerciale d'achat du produit, nécessairement antérieure.
Si l'alinéa 2 de l'article L. 121-3 du Code de la consommation dispose que " Lorsque le moyen de communication utilisé impose des limites d'espace ou de temps, il y a lieu, pour apprécier si des informations substantielles ont été omises, de tenir compte de ces limites ainsi que de toute mesure prise par le professionnel pour mettre ces informations à la disposition du consommateur par d'autres moyens ", il n'est pas démontré en l'espèce que de telles contraintes feraient obstacle au rappel même succinct de cette information sur la nécessité pour atteindre les résultats annoncés de compléter la consommation des gélules avec une alimentation saine et une activité physique.
De même, la seule mention selon laquelle " Un complément alimentaire ne doit pas se substituer à une alimentation variée et équilibrée et à un mode de vie sain " au demeurant obligatoire en application de l'article 10 du décret n° 2006-352 du 20 mars 2006 relatifs aux compléments alimentaires qui prévoit que l'étiquetage des compléments alimentaires doit porter une déclaration visant à éviter que les compléments alimentaires ne soient utilisés comme substituts d'un régime alimentaire varié, ne suffit pas à prévenir le risque d'une erreur du consommateur dès lors que cette information est écrite sur le côté de l'emballage en petits caractères et est supplantée par l'effet sur le consommateur des informations précitées mises en exergue sur ce même emballage précitée laissant supposer que la seule consommation du produit permet, sans autres réserves de brûler 700 calories par jour.
De même, le renvoi au site internet dans la publicité insérée dans la presse écrite afin de " retrouver toutes les informations sur www.fortepharma.com ", quand bien même ce site apporte des nuances sur les conditions de consommation dudit produit, n'est pas suffisant pour faire cesser la tromperie qui résulte de l'information délivrée sans réserve au consommateur sur l'effet systématique de la perte de calories par la simple consommation du produit en l'absence d'une information même succincte insérée dans cette publicité.
Enfin, la présence du bandeau déroulant inséré dans le spot publicitaire qui indique " pour votre santé, mangez au moins cinq fruits et légumes par jour " n'est pas de nature à atténuer le risque d'erreur du consommateur dès lors que ce message porte sur une recommandation de santé d'ordre général qui ne s'adresse pas nécessairement aux usagers de compléments alimentaires mais à toute la population quelle que soit sa situation. En outre, s'agissant d'un message écrit repris dans une publicité audiovisuelle, il n'est guère lisible pour le téléspectateur moyennement attentif dont l'attention est, compte tenu de la durée très brève du spot (15 secondes), essentiellement captée par le message audio insistant sur l'effet du produit par sa seule consommation sur la minceur et la perte de calories à hauteur de " 700 calories par jour " ou encore le contraste entre l'image d'une femme svelte, souriante, habillée d'une manière vive et en bonne santé, avec l'image d'une femme marquée par l'effort physique qu'elle s'inflige en pratiquant la course à pied.
Il ressort de ces éléments que les informations délivrées par la société Forte Pharma tant sur l'emballage du produit litigieux, que sur le spot publicitaire et sur la campagne de publicité telle que réalisée dans le magazine Cosmopolitan, sont de nature à induire en erreur le consommateur sur les conditions d'utilisation du complément alimentaire XtraSlim 700 et sur les résultats attendus de son utilisation, faute de préciser de manière suffisamment claire et expresse que la seule consommation dudit produit n'est pas suffisante pour espérer atteindre les résultats annoncés et qu'elle doit être complétée par une alimentation saine et variée et une activité, si ce n'est sportive, du moins physique.
Le fait d'induire en erreur le consommateur est d'autant plus caractérisé que ce message sans réserve ainsi délivré sur ces supports est renforcé par la mention complémentaire, notamment sur l'emballage, d'une " efficacité prouvée (3) " et d'un renvoi à une " étude scientifique ", lesquelles mentions qui vont ensemble conforter le consommateur dans la croyance de la pertinence et la complétude de l'affirmation simpliste ainsi délivrée.
A cet égard, sans qu'il relève du pouvoir du juge des référés de porter une appréciation sur la véracité des résultats avancés par cette étude qui porte, non sur le produit XtraSlim700 mais sur le complexe Wakamé Curcuma figurant parmi les ingrédients utilisés dans la composition du produit litigieux et qui a été réalisée en double aveugle " versus placébo sur 59 personnes pendant 28 jours ", il peut être observé que le fait de mettre en avant une telle caution scientifique pour affirmer les effets directs sur la perte des calories et du poids par la seule consommation du produit vendu, est d'autant plus de nature à induire en erreur le consommateur sur les caractéristiques essentielles du produit et en particulier sur les conditions de son utilisation, lesquelles ne sont pas rappelées selon des modalités permettant au consommateur d'en prendre effectivement connaissance avant d'effectuer l'acte d'achat.
Une telle communication, dont la société Forte Pharma reconnaît qu'elle a été de "grande ampleur " est de nature à altérer de manière substantielle le comportement économique du consommateur en ce que la décision d'achat du produit par les consommateurs auxquels s'adresse la publicité litigieuse est susceptible d'être altérée par la mise en exergue sans réserve de l'efficacité sur la perte importante de calories de ce produit par sa seule consommation en le laissant croire l'absence de nécessité de lier cet usage, pour en atteindre les effets annoncés, à une alimentation saine et une activité physique régulière.
Si l'incidence sur le marché concerné de la pratique litigieuse n'est pas nécessaire pour apprécier le caractère substantiel de l'altération du comportement économique du consommateur, qui doit être appréciée au regard de son incidence sur la décision commerciale du consommateur moyen, ces agissements ont pu contribuer au succès du produit dont les ventes entre janvier et octobre 2018 ont été de 103 257 unités, ce dont il ressort que le consommateur moyen a manifestement été réceptif à cette communication contenant des informations lui permettant d'espérer un effet immédiat sans autres efforts alimentaires ou physiques.
A cet égard, le fait que ce succès se traduise aussi par un taux de recommande de 80 % ne conduit pas à infirmer la thèse d'une absence d'altération initiale du comportement du consommateur puisque précisément, il peut avoir connaissance, une fois le produit acheté, des divers conseils d'utilisation et qui permettent précisément de l'informer sur les conditions de son utilisation.
Au regard de ces éléments, ces seules pratiques, sans qu'il soit nécessaire d'examiner les autres moyens soulevés par la CLCV au soutien de sa demande, doivent être qualifiées de trompeuses.
Elles constituent dès lors un trouble manifestement illicite. En outre, ces pratiques n'ayant pas cessé à ce jour, elles caractérisent aussi un dommage imminent, sans qu'il ne soit nécessaire de subordonner ce dernier à la preuve d'une atteinte à la santé des consommateurs, le dommage imminent étant caractérisé par la seule continuation des agissements déloyaux de la société Forte Pharma susceptibles d'atteindre jour après jour de futurs consommateurs dont le comportement économique est susceptible d'être altéré en raison de la persistance de ces pratiques.
Il convient en conséquence d'ordonner les mesures conservatoires propre à faire cesser ce trouble et prévenir le dommage imminent et ce dans les conditions et limites qui sont fixées par le présent dispositif, toutes autres mesures n'étant pas justifiées ou nécessaires à la cessation du trouble et la prévention du dommage.
Sur les demandes de provisions ;
En application de l'article 809 alinéa 2 du Code de procédure civile, le président peut dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.
En l'espèce, la pratique commerciale trompeuse ayant été caractérisée, il a nécessairement été porté un préjudice à l'intérêt collectif des consommateurs que la société Forte Pharma est chargée de protéger de sorte que l'allocation d'une provision n'est pas sérieusement contestable.
Eu égard au marché des compléments alimentaires, dont il ressort d'une étude émanant de l'Agence nationale de sécurité de sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES) produite aux débats, portant sur les années 2014-2015, que 30 % des adultes âgés de 18 à 79 ans ont consommé au cours des 12 derniers mois des compléments alimentaires, et au regard de l'ampleur selon le Syndicat National des Compléments Alimentaires (Synadiet) du marché des compléments alimentaires qui, pour l'année 2017, représentait 1,8 million d'euros de chiffre d'affaires, mais aussi des ventes des produits XtraSlim700 sur une période 10 mois (plus de 100 000 unités) laissant augurer un chiffre d'affaires, pour un produit vendu au client entre 34 et 39 euros, supérieur à trois millions d'euros, la provision sur le préjudice aux intérêts collectifs des consommateurs sera fixée à la somme de 100 000 euros.
De même, afin de remplir sa mission légale, la CLCV a nécessairement dû engager des dépenses importantes pour faire constater les pratiques commerciales déloyales sur les différents supports de communication ainsi que des moyens humains et matériels pour informer les consommateurs sur de telles pratiques de sorte qu'elle subit aussi un préjudice associatif distinct du préjudice à l'intérêt collectif des consommateurs qu'elle est fondée à voir indemniser et qui n'est pas sérieusement contestable à hauteur d'une somme provisionnelle qu'il convient d'évaluer à 50 000 euros en l'espèce eu égard à l'importance du marché visé par le produit et le nombre de consommateurs potentiellement impactés.
Sur les autres demandes ;
Le premier juge a fait une application équitable de l'article 700 du Code de procédure civile et fondée de l'article 696 du même Code de sorte que l'ordonnance attaquée doit être aussi confirmée de ces chefs.
En cause d'appel, la société Forte Pharma dont le recours est rejeté devra supporter les dépens conformément à l'article 696 du Code de procédure civile.
Il y a lieu en outre de condamner la société Forte Pharma à verser à la CLCV, qui a dû exposer des frais irrépétibles pour faire valoir ses droits, une indemnité au titre de l'article 700 du Code de procédure civile qu'il est équitable de fixer à la somme de 8 000 euros.
Par ces motifs, Confirme l'ordonnance rendue le 15 novembre 2018 en ce qu'elle a rejeté la demande tendant à écarter les pièces 10 à 13 de la société Forte Pharma, constaté l'existence d'un trouble manifestement illicite, condamné la société Laboratoire Forte Pharma à payer à l'association de consommateurs Confédération de la Consommation, du Logement et du Cadre de vie une somme au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et les dépens; l'infirme pour le surplus ; statuant à nouveau et y ajoutant : dit que la société Laboratoires Forte Pharma s'est rendue coupable d'une pratique commerciale trompeuse dans le cadre de la commercialisation du complément alimentaire XtraSlim 700 qui constitue tant un trouble manifestement illicite qu'un dommage imminent ; en conséquence, ordonne à la société Laboratoires Forte Pharma la cessation provisoire de la commercialisation du complément alimentaire XtraSlim 700 dans son état actuel jusqu'à l'insertion, sous quelque forme que ce soit, le cas échéant par l'ajout d'un étiquette collée sur les emballages, d'un message rappelant la nécessité de compléter l'absorption de ce produit par une alimentation saine et la pratique régulière d'une activité physique ; ordonne la modification de l'ensemble des supports de présentation, de commercialisation et de publicité du produit afin d'y insérer un message rappelant la nécessité de compléter l'absorption de ce produit par une alimentation saine et la pratique régulière d'une activité physique ; le tout sous astreinte de 100 euros par infraction constatée - l'infraction étant constituée par chaque boîte mise en vente et/ou chaque publicité diffusée et/ou chaque support de présentation non modifié du produit - passé un délai de 30 jours à compter de la signification de la présente décision ; condamne la société Laboratoires Forte Pharma à payer à l'association de consommateurs Confédération de la Consommation, du Logement et du Cadre de vie une provision de 100 000 euros au titre de l'indemnisation à valoir sur le préjudice d'atteinte à l'intérêt collectif des consommateurs ; condamne la société Laboratoires Forte Pharma à payer à l'association de consommateurs Confédération de la Consommation, du Logement et du Cadre de vie une provision de 50 000 euros au titre de l'indemnisation à valoir sur le préjudice associatif ; rejette le surplus des demandes ; condamne la société Laboratoire Forte Pharma à verser à l'association de consommateurs Confédération de la Consommation, du Logement et du Cadre de vie la somme de 8 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux dépens d'appel.