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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 11, 8 février 2019, n° 16-07399

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Legras de Grandcourt (ès qual.), Selfoo (SARL)

Défendeur :

SFR (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Lis Schaal

Conseillers :

Mmes Bel, Cochet-Marcade

Avocats :

Mes Ollivier, Guerre, Terdjman

T. com. Paris, du 24 févr. 2016

24 février 2016

Faits et procédure,

La société Selfoo, dont l'actionnaire unique est la société Yookard, a été créée en 2001, avec pour objet la commercialisation en gros, demi gros et détail de produits et services de téléphonie mobile prépayés.

La société SFR a pour activité l'établissement et l'exploitation d'un réseau de radiotéléphonie public numérique. Dans ce cadre, elle diffuse et commercialise, tant auprès du grand public que des entreprises, des abonnements à son réseau. Elle offre également, comme de très nombreux autres opérateurs de téléphonie, des services "prépayés".

La société SFR a notamment élaboré une offre de services prépayés sans facture et sans abonnement, intitulée "SFR La Carte", déclinée en plusieurs éléments pouvant être acquis seuls ou conjointement :

- une carte SIM ;

- un pack incluant une carte SIM et un mobile ;

- des coupons permettant de recharger le crédit de la carte SIM.

Dans le cadre de la commercialisation des services prépayés "SFR La Carte", elle collabore avec des distributeurs "grossistes" dont la société Selfoo qui distribuait, par le biais de son réseau de distributeurs, les offres SFR. Le contrat liant les parties était renouvelé tous les ans depuis 2005 et prévoyait les conditions de rémunération de la société Selfoo.

Malgré un chiffre d'affaires en hausse constante, la société Selfoo a au cours de l'année 2010 rencontré des difficultés financières liées à des problèmes de trésorerie, difficultés qui ont engendré le retrait du concours bancaire de la Banque Postale et des incidents de paiement de factures émises par la société SFR.

Le 3 octobre 2010, la société SFR a suspendu ses livraisons auprès de la société Selfoo.

La société Selfoo sollicitait alors l'ouverture d'une procédure de sauvegarde auprès du tribunal de commerce de Nanterre. Les sociétés Selfoo et SFR s'étant néanmoins rapprochées, le président du tribunal de commerce a nommé un administrateur ad hoc auprès de la société Selfoo par ordonnance du 7 décembre 2010, et, sous son égide, les deux sociétés ont conclu un protocole d'accord le 18 janvier 2011 par lequel la société Selfoo reconnaissait devoir à la société SFR la somme de 1 347 403,67 € TTC, les parties s'entendant pour apurer cette dette selon un échéancier sur douze mois convenu entre elles soit jusqu'au 15 décembre 2011, la société SFR accordant quant à elle un encours de 1 500 000 € à la société Selfoo et reprenant ses livraisons à la fin du mois de janvier 2011.

Des retards de paiement étant à nouveau intervenus de la part de la société Selfoo, la société SFR a, à nouveau limité ses approvisionnements, et un second protocole d'accord a été conclu entre les parties le 22 février 2012.

La société Selfoo rencontrant à nouveau des difficultés financières a été placée sous procédure de sauvegarde par décision du tribunal de commerce de Nanterre en date du 15 mai 2012, désignant Me Francisque Gay en qualité d'administrateur judiciaire. Une réunion était organisée entre la société Selfoo, son administrateur et la société SFR au mois de juin 2012.

Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 24 juillet 2012, la société SFR informait la société Selfoo qu'elle ne renouvelait pas la convention qui expirait donc au 31 décembre 2012, et qu'elle opérait une compensation entre leurs créances respectives.

Par jugement du tribunal de commerce de Nanterre en date du 28 août 2012, la procédure de sauvegarde de la société Selfoo a été convertie en procédure de liquidation judiciaire et Me Legras de Grancourt nommé en qualité de liquidateur judiciaire.

Par acte en date du 28 mars 2013, Me Legras de Grancourt, ès qualités, a fait assigner devant le tribunal de commerce de Paris la société SFR.

Par jugement en date du 24 février 2016 assorti de l'exécution provisoire, le tribunal de commerce de Paris a condamné la société SFR à payer à Me Legras de Grandcourt, ès qualités, les sommes de 341 000 € et de 271 147,59 € avec intérêts au taux légal à compter du 28 mai 2013, date de l'assignation et anatocisme, débouté Me Legras de Grandcourt, ès qualités, de toutes ses autres demandes d'indemnisation, de sa demande en paiement de l'intégralité du passif de la société Selfoo, de sa demande de désignation d'un expert et de sa demande de publication du jugement, a rejeté les demandes des parties au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et condamné Me Legras de Grandcourt, ès qualités, aux dépens de l'instance.

Sur la nature du contrat liant les sociétés Selfoo et SFR

Le tribunal a rejeté la demande du liquidateur tendant à voir qualifier de mandat d'intérêt commun le contrat liant les parties et, en conséquence, à voir indemniser les pertes d'exploitation du mandataire aux motifs que :

- la société Selfoo en tant que grossiste est libre d'organiser son réseau de vente avec les distributeurs, la procédure d'agrément des points de vente par la société SFR prévue à l'article 3.5 du contrat n'ayant jamais été mise en œuvre,

- la société SFR se comporte vis-à-vis de la société Selfoo comme un simple prestataire de service de facturation, la société Selfoo ne produisant pas d'élément concernant la facturation des distributeurs,

- les dispositions de l'article 4.2 selon lesquelles la société Selfoo est ducroire du paiement de son réseau de distribution' n'est qu'une garantie exigée par la société SFR pour être payée et ne signifie pas que la société Selfoo vend les produits au nom de la société SFR,

- la société Selfoo vend à la société SFR sa capacité à accéder aux clients finaux grâce au réseau de commercialisation qu'elle a constitué,

- la société Selfoo ne démontre pas que la propriété des produits ne lui est pas transférée alors que le système de facturation le dément,

- la restriction sur les prix prévues à l'article 3.2 s'applique aux prix de vente à l'utilisateur final et ne s'applique pas à la négociation entre le grossiste et son distributeur,

- la participation au programme de promotion et de publicité est classique et rémunérée,

- les clients finaux n'étant pas déterminés, la propriété de la marchandise étant transférée à la société Selfoo et les prix n'étant pas fixés par la société par SFR, le contrat n'est pas un contrat de mandat, ni a fortiori un contrat de mandat d'intérêt commun.

Sur les demandes indemnitaires liées à des inexécutions contractuelles

Au titre du délai de règlement des factures, le tribunal relève que le contrat prévoit un règlement à 30 jours mais qu'il permet également de faire évoluer les conditions et qu'en réduisant le délai de règlement de 30 à 10 jours, la société SFR a fait légitimement usage des dispositions du contrat, la société Selfoo ne démontrant pas avoir réagi à cette réduction du délai de règlement, que la société SFR pouvait légitimement s'inquiéter de la situation de la société Selfoo en raison du solde débiteur de son grossiste, qu'elle a par deux protocoles successifs tenté de trouver une solution au problème en isolant la dette et en échelonnant son remboursement et qu'il n'est pas établi que la loi sur la modernisation des entreprises n'a pas été respectée s'agissant du délai de règlement de la rémunération spécifique.

Sur les livraisons par SFR et la cessation de l'approvisionnement de la société Selfoo entre fin septembre 2010 à fin janvier 2011, le tribunal remarque que l'activité de la société Selfoo ne s'est pas arrêtée pour autant et qu'il ne peut être reproché à la société SFR d'avoir fait jouer l'exception d'inexécution face à l'incident avec la Banque postale du mois de juillet 2010 et la dette de la société Selfoo à l'égard de la société SFR qui s'augmentait à plus de 1 million d'euros.

Le tribunal considère en revanche, s'agissant de l'exécution du protocole n° 2, que la société SFR a empêché, alors que la société Selfoo avait pourtant commencé à apurer sa dette, le déroulement normal de l'exploitation de son grossiste en restreignant les livraisons et est donc responsable d'une perte de marge brute de 341 000 €.

- Sur la rupture brutale et abusive

Sur le caractère brutal de la rupture, le tribunal considère pour rejeter la demande de la société Selfoo à ce titre, que la relation commerciale entre les parties se traduisait depuis plusieurs années par une chaîne ininterrompue de contrats à durée déterminée, que les difficultés de la société Selfoo a abouti à deux protocoles avec la société SFR alors que celle-ci avait la possibilité de résilier le contrat, la société Selfoo pouvant donc s'attendre au non renouvellement du contrat et que la société SFR a averti plus de cinq mois avant l'échéance du dernier contrat qu'elle n'entendait pas le renouveler, ce préavis étant suffisant.

Sur la rupture abusive du fait de la compensation entre les deux créances par la société SFR, le tribunal considère que cette compensation est intervenue au cours de l'application du protocole n° 2 qui avait explicitement séparé le remboursement de la dette de l'exploitation de la société Selfoo dans le but que celle-ci retrouve une rentabilité, qu'en procédant à cette compensation, la société SFR n'a pas respecté l'esprit du protocole et que cette décision est abusive. Il condamne en conséquence cette dernière à payer la somme de 271 147,59 € correspondant à la créance de la société Selfoo.

- Sur la qualité de la société SFR de dirigeant de fait de la société Selfoo et la demande de paiement de la totalité du passif

Le tribunal considère que la société Selfoo échoue à démontrer une intervention positive de la société SFR dans la gestion et la direction de la société Selfoo, ni ne caractérise les faits reprochés à la société SFR au titre de la "violence économique" et rejette les demandes de la société Selfoo à ce titre.

Me Legras de Grandcourt, ès qualités de mandataire liquidateur de la société Selfoo, a interjeté appel contre cette décision le 25 mars 2016.

Prétentions et moyens des parties

Par dernières conclusions en date du 1er novembre 2018, Me Legras de Grandcourt, ès qualités de mandataire liquidateur de la société Selfoo sollicite, aux visas des articles 1134, 1147, 1382 et s., 1999 et 2000 du Code civil, ensemble l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce, de la cour de :

- infirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions, sauf en celle par lesquelles il a condamné la société SFR au paiement des sommes de 341 000 € et de 271 147,59 €,

Statuant à nouveau pour le surplus :

- condamner la société SFR au paiement de la somme de 3.068.745,18 €, en application des dispositions des articles 1999 et 2000 du Code civil et au titre de l'indemnisation des frais exposés par le mandataire dans le cadre de l'exécution de son mandat et ayant eu pour objet le développement de la technologie et du réseau de distribution nécessaire à permettre la revente des produits de la société SFR ;

- condamner la société SFR au paiement de la somme de 1 105 376,68 €, en application des dispositions des articles 1999 et 2000 du Code civil, au titre des frais exposés par le mandataire dans le cadre de l'exécution de son mandat et ayant eu pour objet la rémunération des commerciaux nécessaires à permettre la revente des produits de la société SFR ;

- condamner la société SFR au paiement de la somme de 144 119,35 €, en application des dispositions des articles 1134 et 1147 du Code civil, en réparation du préjudice emporté par l'inexécution contractuelle imputable à la société SFR et constitué par le montant des frais financiers dont la société Selfoo a dû s'acquitter ;

- condamner la société SFR au paiement, en application des dispositions des articles 1134 et 1147 du Code civil, au paiement de la somme de 355 200 €, en réparation du préjudice emporté par l'interruption, d'octobre 2010 à février 2011, du contrat de mandat, préjudice correspondant à la perte de marge brute subie par la société Selfoo ;

- condamner la société SFR au paiement, en application des dispositions des articles 1382 et suivants du Code civil et L. 442-6, I, 5° du Code de commerce, de la somme de 367 750€, en réparation du préjudice emporté par la résiliation abusive du contrat de mandat ;

- condamner la société SFR au paiement de l'intégralité du passif de la société Selfoo en raison de son immixtion et de sa gestion de fait de la société, dont le montant sera déterminé après vérification complète des créances déclarées ;

- désigner à cette fin, dans l'hypothèse où la cour souhaiterait disposer d'une information plus précise sur le quantum des sommes dont la société SFR devra s'acquitter de ce chef, tel expert qu'il plaira à la cour de nommer ;

- dire que toutes les condamnations prononcées à l'encontre de la société SFR porteront intérêt au taux légal à compter de la délivrance de l'assignation introductive d'instance et que ces intérêts seront capitalisés par année échue, en application des dispositions de l'article 1154 du Code civil ;

- ordonner la publication aux frais de la société SFR d'un extrait du présent jugement dans les journaux Les Echos et Le Figaro Economique, sans que les frais de publication puissent excéder, pour chaque publication, une somme de 5 000 € ;

- condamner la société SFR au paiement de la somme de 30.000 € par application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- condamner la société SFR en tous les dépens de première instance et d'appel.

- Sur la nature des relations unissant la société Selfoo à la société SFR,

Au soutien de la qualification de cette relation en mandat, l'appelante se fonde tout d'abord sur l'objet du contrat qui a pour but de permettre au public de profiter de l'accès au réseau SFR, cet accès se faisant par la souscription d'un droit d'usage de minutes de télécommunications sur le réseau GSM de SFR, l'existence de ces minutes, ainsi que leur qualité, étant de la responsabilité de la société SFR qui proposait ainsi un service, l'usage de son réseau, en contrepartie d'un prix. Elle en déduit que la société SFR se bornait à louer l'accès à ces minutes, qu'elle ne vendait rien et se bornait à monnayer les services qu'elle offrait, qu'au surplus ces minutes étaient incessibles et que, contrairement à ce qu'a retenu le tribunal il n'y a pas eu d'opération d'achat revente entre les sociétés SFR et Selfoo puis entre Selfoo et ses distributeurs, s'agissant de la présentation au public d'une offre de souscription aux services proposés par SFR.

Elle ajoute que la société SFR contrôle l'usage qu'elle faisait de ses minutes puisque le contrat prévoyait que si plus de 20 % des utilisateurs finaux résiliaient leurs lignes dans les deux jours de la souscription après les avoir activées, la société SFR pouvait suspendre ses relations avec la société Selfoo.

Elle invoque également l'impossibilité de toute modification des conditions fixées par la société SFR pour la vente de ses services, les distributeurs devant proposer à l'utilisateur des offres SFR aux prix fixés par cette dernière, l'impossibilité de vendre séparément les éléments des packs prépayés, la possibilité pour SFR de modifier à tout moment ses offres et l'obligation pour elle de désactiver les coupons électroniques et de restituer les coupons plastiques, la privant unilatéralement de la propriété sur un bien qu'elle est censée avoir acquis, ce quand bien même elle bénéficie d'un avoir, et la perte du droit de diffuser les offres à compter de la fin du contrat.

La société Selfoo en déduit qu'à supposer même que le circuit d'achat revente décrit par la société SFR ait été possible, elle et ses distributeurs ne disposaient sur les biens mis à leur disposition d'aucun droit de propriété et n'étaient que de simples détenteurs précaires des biens dont SFR conservait toujours le droit de lui reprendre dès qu'elle le souhaitait.

Elle fait alors valoir qu'au regard de la nature de la mission à elle confiée par la société SFR, la qualification du mandat s'impose. Elle soutient qu'elle accomplissait des actes juridiques en concluant des conventions et en s'engageant vis-à- vis des clients qui souscrivaient des offres de services, à ce que ces services existent et soient de bonne qualité, ces conventions et engagements étant pris au nom de la société SFR. Elle précise qu'il ressort des modalités organisées par le contrat pour la prestation de service que le client était convaincu de conclure une convention non avec l'un des distributeurs de la société Selfoo mais avec la société SFR, ce qui était d'ailleurs le cas puisque cette convention ne lui ouvrait de droits qu'à l'encontre de la société SFR et que c'est seulement contre cette dernière qu'il pouvait se retourner en cas de difficulté.

Elle soutient alors que sont réunis les critères constitutifs d'un mandat d'intérêt commun, le mandataire, la société Selfoo, intervenant activement dans la création, l'essor ou le développement de la clientèle de son mandant, la société SFR, cette clientèle étant commune, la vente d'un produit diffusé par SFR, au prix fixé et avec une promotion et une publicité définies par cette dernière, n'étant pas de nature à permettre à la société Selfoo de développer une clientèle qui lui est propre, et la rémunération versée au mandataire étant une véritable commission variant en fonction des affaires traitées et, partant, liée au profit du mandant, la seule rémunération de la société Selfoo correspondant aux pourcentages visés par l'avenant dit de "rémunération spécifique", directement indexée sur le profit réalisé par la société SFR puisqu'elle est fonction des activations de lignes suivant la souscription des offres du mandant dont la souscription s'est effectuée par l'intermédiaire du mandataire, faisant à cet égard un parallèle avec la situation des diffuseurs de presse.

Elle considère alors qu'en application des dispositions des articles 1999 et 2000 du Code civil, la société SFR doit lui rembourser les avances et frais faits pour l'exploitation du fonds et l'indemniser des pertes essuyées à l'occasion de sa gestion, aucune faute ou imprudence ne pouvant lui être imputée, les incidents de paiement étant le fruit de la tentative de la société SFR d'échapper à ses obligations de mandante.

- Sur l'inexécution par la société SFR de ses obligations contractuelles

La société Selfoo reproche à son co contractant de ne pas avoir respecté ses engagements contractuels en lui imposant le règlement des factures dans un délai de 10 jours au lieu des 30 jours contractuellement prévus, à compter de la mise à disposition des produits, manquement reconnu par la société SFR dans le cadre du premier protocole d'accord, ce qui lui a causé des difficultés de trésorerie et entraîné des incidents bancaires.

Elle ajoute qu'il existe une autre cause à ses difficultés de trésorerie liée au délai de paiement par SFR des commissions qui lui sont dues, le versement des commissions intervenant 60 jours voire 180 jours après que les prestations aient été réalisées, ce en contravention avec les dispositions de la loi sur la modernisation des entreprises (LME), la société SFR sollicitant qu'elle diffère la date d'émission de ses factures au mépris des dispositions de l'article L. 442-6 I du Code de commerce.

Elle fait valoir que la société SFR a aggravé la situation en suspendant l'exécution du contrat d'octobre 2010 à février 2011 et que l'ouverture de la procédure collective est liée à l'inexécution de la condition essentielle de réussite du protocole n° 2 à savoir l'approvisionnement de 3.000 packs par mois.

- Sur la résiliation abusive du contrat de mandat

S'agissant d'un contrat de mandat d'intérêt commun, la société Selfoo considère que sa révocation est subordonnée à "un consentement des deux parties ou à une cause reconnue en justice, ou enfin selon les clauses du contrat" et que si ces conditions ne sont pas respectées par le mandant, une indemnité est due de plein droit au mandataire, sauf en cas de cause légitime de révocation, c'est-à-dire en cas de faute du mandataire.

Elle indique que ses difficultés trouvent exclusivement leur origine dans les fautes commises par la société SFR et, notamment, dans l'obligation qu'elle lui a faite, en violation des stipulations contractuelles, de s'acquitter immédiatement du coût de la mise à disposition des offres de service en vue de leur diffusion, et que la société SFR doit l'indemniser des conséquences de cette rupture.

A titre subsidiaire, et dans l'hypothèse où le mandat serait considéré comme n'étant pas d'intérêt commun, elle soutient le caractère abusif (brutal) de la rupture intervenue à l'issue de relations contractuelles anciennes de 10 années et un mois après que les parties se soient entendues oralement sur leur poursuite, indiquant qu'elle ne pouvait avoir aucun doute sur le maintien du lien contractuel.

Elle souligne que les modalités de rupture choisies par la société SFR la condamnaient inéluctablement en raison du choix opéré par cette dernière de compenser la créance qu'elle détenait à son encontre avec les sommes dont elle était débitrice à son endroit, celle-ci ayant agi avec une légèreté blâmable, car ne pouvant ignorer que sa décision emporterait inéluctablement la liquidation de son cocontractant qui lui était économiquement dépendant, réalisant 88 % de son chiffre d'affaires avec elle.

Elle précise s'être trouvée immédiatement dans une situation matérielle la prévenant de poursuivre son activité et l'obligeant à demander la conversion en liquidation de son plan de sauvegarde. Elle ajoute que bien que lui laissant, en apparence, cinq mois avant que la résiliation n'intervienne, la société SFR mettait immédiatement un terme à ce contrat, en stoppant toute livraison, alors qu'elle se trouvait en état de dépendance économique à son égard.

Elle soutient que le délai de préavis nécessaire pour lui permettre de réorganiser son activité ne peut être inférieur à 12 mois. Elle sollicite en réparation de son préjudice l'excédent brut d'exploitation de 367 750 €.

- Sur la demande en paiement de l'intégralité du passif

La société Selfoo fait valoir qu'elle a été pilotée et donc juridiquement gérée par la société SFR dont elle était économiquement dépendante, l'ensemble de ses décisions de gestion lui ayant été imposé par le rythme contraint des seuils de commandes et d'activation, le non-respect des contrats notamment quant au délai de paiement des factures, et la violence économique exercée par la société SFR.

Elle soutient qu'en s'immisçant dans la définition de son activité commerciale, en fixant les échéances des remboursements auxquels elle devait procéder ainsi qu'en arrêtant unilatéralement le volume de son activité, la société SFR s'est comportée en dirigeant de fait et doit être condamnée à payer l'intégralité du passif.

Par dernières conclusions d'appel incident notifiées et déposées le 20 novembre 2018, la société SFR sollicite, au visa des articles 1134, 1147, 1382, 1999 et 2000 du Code civil, 9 du Code de procédure civile, L. 651-2 et L. 442-6 I 5° du Code de commerce, de la cour de confirmer le jugement entrepris sauf en ce qu'il l'a condamnée à payer à la société Selfoo les sommes de 341 000 € au titre d'un prétendu non-respect par SFR de ses engagements contractuels en termes de volumes de livraison, et la somme de 271 147,59€ à raison d'une prétendue compensation abusive de créance opérée par elle-même, de débouter la société Selfoo de l'ensemble de ses demandes et en tout état de cause, de condamner la société Selfoo à lui payer la somme de 30 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, et au paiement des entiers dépens.

A titre liminaire, elle relève la carence de l'appelante dans l'administration de la preuve, celle-ci se fondant principalement sur les rapports établis par Me Gay administrateur judiciaire puis par Me Legras de Grandcourt, liquidateur judiciaire, alors que ces documents sont dénués de force probante, "nul ne pouvant se constituer une preuve à soi-même".

- Sur la nature des relations unissant la société Selfoo à la société SFR,

Elle soutient que la convention conclue entre les parties n'était pas un mandat et ne constituait a fortiori pas un mandat d'intérêt commun.

Elle fait valoir que la convention de grossiste n'est pas un contrat de mandat, que la société Selfoo n'était aucunement son mandataire et n'accomplissait aucun acte juridique pour son compte, son activité consistant à faire de l'achat revente en son nom propre et pour son compte propre.

Elle relève que la société Selfoo était libre de fixer ses tarifs et conditions dans le cadre de ses relations avec ses distributeurs, l'article 3.1 du contrat s'appliquant aux relations entre les distributeurs et le consommateur final, que l'appelante organisait librement son réseau de distribution, que le mécanisme d'autofacturation est parfaitement licite, la société Selfoo lui ayant seulement confié mandat d'éditer les factures qu'elle devait lui régler au titre de sa rémunération et non les factures devant être payées par les distributeurs. Elle précise qu'il n'existait aucun lien d'ordre financier, logistique ou contractuel entre elle et les distributeurs de la société Selfoo.

Elle explique que la participation de la société Selfoo à la publicité et à la promotion des produits SFR est une caractéristique usuelle d'appartenance à un réseau de distribution.

Elle considère que le transfert de propriété est caractérisé, la société Selfoo lui achetant les coupons pour les revendre à ses propres distributeurs. Elle soutient que cet état de fait est confirmé par l'insertion d'une clause de réserve de propriété dans les conditions générales de vente d'équipements de radiocommunication, auxquelles la société Selfoo a adhéré et également par le transfert des risques qui s'opérait au moment de la livraison des coupons et tickets à la société Selfoo.

Elle estime que la société Selfoo ne saurait revêtir la qualité de mandataire dès lors qu'elle agissait, en sa qualité de grossiste, en son propre nom et pour son propre compte et non pour celui de SFR (article 3.3 du contrat), la rémunération proportionnelle versée étant uniquement destinée à inciter la société Selfoo à s'approvisionner auprès d'elle, plutôt qu'auprès d'un autre opérateur concurrent et le fait qu'un service soit fourni par elle-même à l'acquéreur final ne démontre pas l'existence d'un mandat, la société Selfoo n'ayant du reste aucune relation avec les acquéreurs finaux qui traitent avec les distributeurs.

Elle conclut que la double activité d'achat revente exercée par la société Selfoo est par nature incompatible avec la qualification de contrat de mandat, le mandataire ne se voyant jamais transférer la propriété du bien qu'il a pour mission de commercialiser pour le compte exclusif du mandant, le mandataire se bornant à représenter le mandant et ne supportant aucun risque pouvant découler de l'opération.

Elle conteste l'existence d'un mandat d'intérêt commun en raison de l'absence de mandat, ajoutant qu'elle et la société Selfoo ne disposent d'aucune clientèle commune et que le mode de rémunération de l'appelante ne caractérise pas l'existence d'un intérêt commun.

A titre infiniment subsidiaire, elle conclut au débouté de la société Selfoo de ses demandes indemnitaires, celle-ci ayant commis des manquements dans l'exécution du contrat de mandat en ne payant pas les factures échues qu'elle a émises. Elle ajoute que celle-ci ne justifie pas que ses frais auraient été engagés pour son compte et qu'en tout état de cause, la société Selfoo a renoncé à se prévaloir de la qualité de mandataire et à solliciter le remboursement de ses frais.

- Sur l'inexécution de ses obligations contractuelles

La société SFR soutient n'avoir commis aucun manquement contractuel dans le cadre de l'exécution de la convention au titre des délais de règlement des factures et en interrompant brièvement les livraisons entre fin septembre 2010 et fin janvier 2011.

Elle réplique que c'est la société Selfoo, et non elle, qui a commis des manquements dans l'exécution du contrat. Elle considère que les modalités de paiement dont se plaint aujourd'hui la société Selfoo ont été tacitement acceptées par cette dernière qui ne les a d'ailleurs jamais critiquées tout au long de la relation et que le décalage de trésorerie dont l'appelante cherche à lui imputer les conséquences, lui est en réalité imputable puisqu'elle était libre de fixer des modalités de trésoreries adaptées auprès de ses propres distributeurs.

Elle ajoute que sa brève interruption des approvisionnements et la limitation des volumes livrés à la société Selfoo résulte des impayés récurrents de cette dernière, laquelle a accumulé une dette de 1 499 995,43 € à son égard. Elle précise qu'en se contentant de suspendre temporairement les approvisionnements dans l'attente d'une régularisation de la situation, elle a fait preuve d'égard vis-à-vis de la société Selfoo, dans la mesure où les impayés de la société Selfoo lui ouvraient le droit de résilier de plein droit la convention, ce qu'elle n'a pas fait. Elle ajoute que la poursuite de l'activité de la société Selfoo en dépit de cette interruption de livraisons de quatre mois démontre que cette dernière a privilégié d'autres opérateurs fournisseurs à la société SFR, preuve - s'il en était besoin - qu'elle ne dépendait pas d'elle.

Elle rétorque à l'appelante qu'au regard des graves manquements contractuels commis, celle-ci ne saurait sérieusement prétendre se voir indemniser à hauteur de 355 200 € au titre de la perte de marge subie du fait de l'interruption des livraisons.

S'agissant des volumes de livraison, elle réplique n'avoir pris aucun engagement en la matière au titre du protocole n° 2. Elle explique que si elle a été contrainte de limiter les volumes livrés à la société Selfoo postérieurement à la signature du Protocole n° 2, c'est à raison de l'accumulation par celle-ci d'impayés et du dépassement de l'encours consenti.

- Sur la rupture du contrat

La société SFR considère n'avoir commis aucune faute au titre d'une prétendue rupture brutale et abusive du contrat, la convention conclue entre elles le 29 février 2012 étant d'une durée déterminée de 10 mois, non renouvelable par tacite reconduction, à la différence des premiers contrats conclus en 2005 et 2007. Elle ajoute que l'arrivée à terme de la convention, dont la société Selfoo a été avisée 5 mois avant l'échéance, préavis raisonnable, ne peut s'analyser en une rupture brutale de la relation, ce d'autant que la relation contractuelle s'était progressivement précarisée, comme le sait parfaitement l'appelante qui ne pouvait légitimement espérer une continuité de celle-ci.

Elle soutient que la compensation par elle opérée n'est entachée d'aucun abus, s'agissant d'un simple mode de paiement licite, valablement exercé par elle et nullement contraire aux accords des parties n'ayant jamais renoncé formellement au bénéfice d'une compensation. Elle réplique que c'est la défaillance de la société Selfoo dans l'exécution de ses engagements au titre du Protocole qui l'a contrainte de procéder à cette compensation et qu'en l'absence d'une quelconque stipulation expresse en ce sens, il est inexact de considérer comme l'a fait le tribunal - que le Protocole n° 2 aurait "séparé le remboursement de la dette de l'exploitation de Selfoo".

Elle ajoute que la dette de la société Selfoo à son égard justifiait le non renouvellement de la relation commerciale.

- Sur la demande en paiement de la totalité du passif

La société SFR fait valoir qu'il est de principe que l'action en paiement de l'intégralité du passif d'une société en liquidation judiciaire a pour unique fondement les dispositions des articles L. 651-2 et suivants du Code de commerce, excluant le régime de responsabilité de droit commun invoquée par l'appelante. Elle ajoute que l'action en responsabilité fondée sur l'article 1382 du Code civil est fermée même dans le cas où l'action en comblement de passif n'aurait pas été mise en œuvre.

Elle considère que cette tentative de contournement des dispositions spécifiques du Code de commerce relatives à la responsabilité d'un dirigeant de fait ou de droit d'une société en liquidation judiciaire pour faute de gestion ayant contribué à l'insuffisance d'actif est vouée à l'échec.

Elle en déduit que la société Selfoo est irrecevable à demander la condamnation de SFR au paiement de l'intégralité de son passif.

En tout état de cause, elle fait valoir que les conditions légales de l'action en responsabilité pour insuffisance d'actif ne sont pas remplies en l'espèce, la société SFR n'étant pas le dirigeant de fait de la société Selfoo.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, il est renvoyé aux dernières conclusions signifiées conformément à l'article 455 du Code de procédure civile.

SUR CE,

Il ressort des éléments versés au débat et des explications des parties que :

Depuis le 30 avril 2002, les sociétés SFR et Selfoo entretiennent des relations commerciales matérialisées chaque année, au moins depuis 2005, par la conclusion d'une "convention grossiste des offres prépayées par coupon de rechargement" d'une durée d'un an renouvelable par tacite reconduction puis, à compter du 1er janvier 2008, à durée déterminée d'une année, réitérée en 2009, 2010 et 2011. La convention de 2011 a fait l'objet d'une prorogation exceptionnelle au 29 février 2012 et une nouvelle convention a été conclue en 2012 du 1er mars 2012 au 31 décembre 2012.

En raison d'incidents de paiement de la société Selfoo qui ont entraîné une suspension des remises de coupons plastiques et tickets électroniques par la société SFR, un premier protocole d'accord a été conclu entre les parties le 18 janvier 2011 en présence de Me Denis Facques ès qualités de mandataire ad hoc de la société Selfoo désigné par ordonnance du 7 décembre 2010 du président du tribunal de commerce de Nanterre. L'objet de ce protocole est, d'une part, d'organiser l'apurement en douze échéances de la dette de 13 473 403,67 € TTC que la société Selfoo reconnaît devoir à la société SFR, ce avant le 16 décembre 2011 et, d'autre part, de revoir les conditions de règlement et de suspension des services, le paiement des factures étant effectué par la société Selfoo à 30 jours date de la facture, la société SFR consentant par ailleurs un encours à la société Selfoo d'un montant de 1 500 000 € correspondant à l'ensemble des commandes passées par la société Selfoo à la société SFR auquel s'ajoute le montant total de la somme globale due et restant à payer par la société Selfoo à la société SFR.

La société Selfoo n'ayant respecté que partiellement ce premier protocole puisque, si elle a effectivement soldé son arriéré, elle n'a pas réglé ses factures à échoir étant ainsi redevable envers la société SFR au 20 février 2012 de la somme de 1 499 995, 43 €, la société SFR a à nouveau limité ses approvisionnements dans l'attente de la signature d'un second protocole d'accord le 22 février 2012 ayant pour objet la mise en place d'un échéancier jusqu'au mois de décembre 2012 permettant à la société Selfoo d'apurer la dette ci-avant rappelée qu'elle reconnaît, la société Selfoo s'engageant à payer les factures à échoir au titre du contrat pour l'année 2012 à venir, et la société SFR renonçant à réclamer les intérêts et pénalités et à intenter une action judiciaire en recouvrement des factures impayées tant que l'échéancier fixé est respecté et les factures à échoir honorées.

La société Selfoo n'ayant pas pu redresser la situation et rencontrant toujours des difficultés de trésorerie, elle a sollicité l'ouverture d'une procédure de sauvegarde accordée par ordonnance du tribunal de commerce de Nanterre en date du 15 mai 2012 désignant Me Gay en qualité d'administrateur judiciaire.

La société SFR a déclaré sa créance de 1 499 756,41 € TTC au passif de la procédure collective par lettre recommandée adressée le 11 juillet 2012 à Me Legras de Grandcourt, ès qualités de mandataire judiciaire.

Par lettre recommandée du 24 juillet 2012, la société SFR informait la société Selfoo ainsi que Me Gay qu'aucune autre convention ne sera conclue à l'issue de la convention du 29 février 2012 expirant le 31 décembre de cette même année.

Par jugement du 28 août 2012, le tribunal de commerce de Nanterre a converti la procédure de sauvegarde en procédure de liquidation judiciaire, Me Legras de Grandcourt étant désigné en qualité de liquidateur judiciaire.

- Sur la qualification du contrat

Me Legras de Grandcourt, ès qualités, soutient que le contrat liant la société Selfoo à la société SFR est un contrat de mandat d'intérêt commun et sollicite de son mandant le remboursement des frais exposés dans le cadre de l'exécution de ce mandat.

La notion d'intérêt commun au mandant et au mandataire repose sur l'intérêt qu'ils ont tous deux dans l'opération juridique que le mandataire est chargé de négocier ou de conclure pour le compte et au nom du mandant, le mandataire étant personnellement intéressé à la réalisation de l'acte à accomplir par le mandat.

Il convient donc de rechercher s'il existe un contrat de mandat définit à l'article 1984 du Code civil comme un "acte par lequel une personne donne à une autre le pouvoir de faire quelque chose pour le mandant et en son nom" et dans l'affirmative, si le mandataire trouve un intérêt non pas dans la seule rémunération de sa mission, mais dans l'activité qu'il déploie au service du mandant, activité qui doit servir en même temps ses propres intérêts.

Il y a mandat lorsque des personnes chargent une autre d'accomplir pour leur compte un acte juridique et non des actes matériels, sans pouvoir de représentation, éléments qui caractérise le contrat d'entreprise.

Il appartient à Me Legras de Grandcourt, ès qualités, qui invoque l'existence d'un contrat de mandat entre la société Selfoo et la société SFR de le démontrer.

Il fait valoir que l'objet des obligations de la société Selfoo et de ses distributeurs, dont celle-ci se porte fort, est de commercialiser les offres diffusées par SFR et que c'est par leur intermédiaire qu'est acceptée l'offre de l'opérateur, que l'ensemble des stipulations contractuelles établit, d'une part, que Selfoo et ses distributeurs devaient apparaître comme un émanation de SFR, d'autre part, que seule SFR était tenue par les obligations que l'acceptation de son offre de service avait fait naître et que se forme un contrat de prestation de services entre cette dernière et l'utilisateur final, le client étant convaincu de conclure une convention non avec l'un de ses distributeurs mais avec la société SFR.

Il convient de relever que la convention conclue entre les sociétés Selfoo et SFR a pour objet de définir le cadre de la commercialisation des offres de rechargement, des offres prépayées et des packs SFR (les services), mis en place par SFR, dans les points de vente de la société Selfoo qualifiée de "grossiste" et donc notamment les conditions de fourniture des tickets électroniques et des coupons plastiques assurée par la société Selfoo et ses distributeurs. A cet égard il est mentionné en préambule du contrat que les distributeurs comme la société Selfoo, ont été "choisis notamment pour leur aptitude lié à leur qualité de grossiste, et notamment celle relative à la gestion d'un réseau constitué de points de vente, à leur dynamisme, leur potentiel commercial, la qualité de leurs recommandations auprès de leurs canaux de distribution, ainsi que de leur connaissance du marché et des services offerts par SFR".

En effet, ainsi que l'ont justement relevé les premiers juges, la société SFR et la société Selfoo ont contracté, pour la société SFR, en raison de l'aptitude de la société Selfoo liée à sa "qualité de grossiste, et notamment celle relative à la gestion d'un réseau constitué de points de vente..." et, pour la société Selfoo qui dispose d'un réseau de distribution, afin de "commercialiser les offres de services prépayés par coupon de rechargement (coupon plastique et ticket électronique) à travers ses point de vente".

En conséquence, la présente convention organise les relations entre la société SFR et son "grossiste", la société Selfoo, qui distribue les coupons plastiques (coupon de rechargement des offres prépayées "SFR la carte" disponibles en point de vente et se matérialisant par un support de type plastifié comportant un Code de rechargement (associé à un montant de communication) dissimulé sous une pellicule à gratter par le client) et les tickets électroniques (coupon de rechargement des offres prépayées "SFR la carte" disponibles en point de vente et se matérialisant par l'édition d'une facturette de chargement comportant un Code (numéro associé à un montant de communication), qui est communiqué au serveur de rechargement SFR par le client afin de créditer son compte) et des packs SFR auprès de ses points de vente qui lui passent commande, conserve ces produits en stock dont elle assure la distribution auprès des points de vente, gère le stock, détient la garde des produits, supportant les risques de vol et de dégradation. La société Selfoo organise donc son réseau de distribution qui commercialise auprès du consommateur final les offres SFR susvisées. Elle a pour obligation d'utiliser exclusivement ses points de vente, ne pouvant commercialiser en direct les coupons auprès de tout autre distributeur que les points de vente agréés, l'évolution du réseau devant faire l'objet d'une information préalable de la société SFR. La société Selfoo commande auprès de la société SFR les coupons plastiques et les tickets électroniques qui les lui facture, la société Selfoo facturant ensuite les points de vente et assurant le paiement auprès de SFR (article 3.5 du contrat).

Le distributeur respecte les procédures établies par la société SFR en assurant les ventes des offres de rechargement, des offres prépayées et des packs SFR aux conditions fixées par la société SFR, "il intervient en qualité d'intermédiaire entre le client et SFR et ne peut en aucun cas s'engager vis-à-vis des clients de SFR, ou conclure toute convention, au nom et pour le compte de SFR" (article 3.3 de la convention).

Il ressort de l'ensemble de ces éléments que la société SFR utilise le réseau de distribution de la société Selfoo pour commercialiser ses offres et qu'elle fournit à cette dernière des tickets électroniques, des coupons plastiques ou des packs que la société Selfoo revend à ses distributeurs qui les revendent à l'utilisateur final en leur nom propre.

Me Legras de Grandcourt, ès qualités, ne conteste pas utilement ce transfert de propriété des marchandises à son profit en invoquant la possibilité pour la société SFR de suspendre de manière temporaire ou définitive l'accès de la société Selfoo au code serveur personnalisé qui lui est attribué et permettant son identification dans le cadre de la commercialisation des offres de rechargement, des offres prépayées et des packs SFR, en cas de taux supérieur à 20 % de résiliation frauduleuse constaté sur le Code serveur, cette disposition visant à sanctionner un comportement frauduleux. Elle ne peut arguer de l'interdiction de toute modification des conditions fixées par la société SFR pour la vente des services notamment quant au prix, cette contrainte étant imposée au point de vente qui distribuent des cartes prépayées au consommateur final et non à la fixation du prix entre la société Selfoo et ses propres points de vente. De même, sont inopérantes à contredire le transfert de propriété les obligations imposées au grossiste de ne pas porter atteinte au "pack SFR", la possibilité pour l'opérateur de modifier à tout moment ses offres ou la perte à compter de la fin du contrat du droit de diffuser les offres, s'agissant de contraintes liées au respect des droits de la société SFR sur ses produits et inhérentes à tout contrat de distribution, étant relevé que la société SFR édite un avoir en échange de la reprise des stocks. Elle n'argue pas non plus utilement de l'existence de la clause de réserve de propriété dont bénéficie la société SFR pour considérer qu'elle ne pouvait céder à son tour ses biens, cette clause étant garantie à la société SFR jusqu'à paiement du prix.

De même, il échoue à démontrer l'existence d'un contrat de mandat. Les dispositions prévues au contrat dénie en effet à la société Selfoo tout pouvoir de conclure un contrat au nom et pour le compte de la société SFR (article 3.3), aucune circonstance de fait ne venant contredire ces stipulations. La distribution par la société Selfoo par l'intermédiaire de ses points de vente des offres prépayées de la société SFR qui permettent au consommateur d'accéder au réseau SFR, ne signifie pas que l'appelante contracte avec le consommateur final au nom et pour le compte de la société SFR.

Aucune autre disposition du contrat invoquée par Me Legras de Grandcourt, ès qualités, ne vient démentir l'absence de pouvoir de représentation par celle-ci de la société SFR.

Il en va ainsi de l'obligation pour la société Selfoo de respecter les règles relatives à la co publicité et aux marques SFR comme de la participation de la société Selfoo à un programme de promotion et de publicité des produits SFR (articles 4 et 6) s'agissant uniquement d'actes matériels accomplis par la société Selfoo et non d'actes juridiques fait au nom de la société SFR.

Me Legras de Grandcourt, ès qualités, ne peut pas plus se prévaloir des obligations de la société SFR nées du contrat (article 7) selon lesquelles l'opérateur s'engage à satisfaire toute demande d'accès aux services souscrite par l'intermédiaire du distributeur à ces conditions, fournit les documents commerciaux, administratifs et techniques nécessaires à la commercialisation des offres, assiste et forme à cette fin la société Selfoo pour caractériser un contrat de mandat, ne s'agissant pas d'actes juridiques que la société SFR l'a chargée d'accomplir pour son compte. Enfin, la garantie donnée par l'opérateur à la société Selfoo contre toute réclamation d'un client relative à l'état du réseau ou à la défaillance des minutes, démontre au contraire que les contrats concluent entre les points de vente de la société Selfoo et l'abonné ne le sont pas pour le compte de la société SFR.

La circonstance que l'abonné ai pu croire contracter directement avec la société SFR et non avec un distributeur de la société Selfoo, à supposer établie, est inopérante à caractériser le contrat de mandat.

Au vu de ce qui précède et des motifs pertinents du tribunal que la cour adopte, la société Selfoo n'étant pas investie d'un pouvoir de représentation, est un simple intermédiaire entre la société SFR et ses points de vente distribuant les offres aux abonnés sans avoir la qualité de mandataire.

Me Legras de Grandcourt, ès qualités, ne peut donc revendiquer un mandat d'intérêt commun.

L'ensemble de ses demandes à ce titre sont rejetées et le jugement déféré confirmé.

- Sur l'inexécution des obligations contractuelles

Sur le délai de paiement des factures

Me Legras de Grandcourt, ès qualités, reproche en substance à la société SFR de l'avoir obligée depuis 2007 à un règlement immédiat des factures alors que le délai contractuellement prévu était de 30 jours, et d'avoir ainsi été directement à l'origine des incidents bancaires qu'elle a connu au cours de l'année 2010 lesquels ont emporté des conséquences que l'opérateur a aggravé en suspendant l'exécution du contrat. Elle oppose également à l'opérateur les délais de 60 à 180 jours qu'il lui a imposé contractuellement pour lui régler la rémunération de ses prestations, ces délais étant contraires à l'article L. 441-6 du Code de commerce.

Selon les dispositions des contrats successifs conclus entre la société Selfoo et la société SFR (article 3.6 du contrat de 2010, article 3.5 pour les contrats de 2011 et 2012), les factures établies à chaque commande par la société SFR sont payables dans un délai de 30 jours date de facture par la société Selfoo.

Il ressort du protocole numéro 1 susmentionné du 18 janvier 2011 conclut entre les sociétés Selfoo et SFR et par lequel cette dernière accordait notamment un échéancier à la société Selfoo, que la société "SFR a souhaité que Selfoo règle ses factures dans un délai moyen de trois jours suivant l'émission de celles-ci, malgré les termes de la convention qui stipulent un règlement à 30 jours" et que "dans ces conditions, Selfoo, qui perçoit sa rémunération au titre de la convention en moyenne plusieurs mois après la réalisation de ses prestations contractuelles a connu des difficultés de trésorerie qui l'ont empêchée d'honorer le paiement de plusieurs factures ...".

Contrairement à ce qu'a retenu le tribunal, les dispositions du contrat ne prévoient pas de modalités de révision des délais de paiement des factures de la société Selfoo à la société SFR, les dispositions de l'article 11 qui prévoient la possibilité pour la société SFR de modifier les conditions et grilles de rémunération en fonction de l'évolution du marché s'appliquant à la seule rémunération que la société SFR doit payer à la société Selfoo.

Néanmoins, le paiement des factures des commandes de coupons plastiques et de tickets électroniques est une obligation qui incombe à la société Selfoo et non à la société SFR, ce paiement devant intervenir au plus tard dans un délai de 30 jours de la facture selon le contrat, la société Selfoo pouvant s'acquitter de celle-ci dans un délai moindre.

Ainsi que le démontre la société SFR par les factures et le tableau mentionnant les délais de paiement des facture par la société Selfoo depuis 2002 et non contesté par cette dernière, qu'elle verse aux débats et ainsi que le reconnaît la société Selfoo dans ses écritures, la pratique du paiement des factures à 10 jours par la société Selfoo à la société SFR a débuté dès l'année 2007, des délais de paiement inférieurs à 30 jours étant déjà pratiqués en 2006 et ce, bien que l'obligation de la société Selfoo de payer les factures de la société SFR dans le délai de 30 jours a été maintenue à l'occasion de la conclusion de chaque nouvelle convention annuelle jusqu'en 2012.

Me Legras de Grandcourt, ès qualités, n'est pas fondé à reprocher à la société SFR le non respect de ses obligations contractuelles en imposant à la société Selfoo de régler les factures dans une délai plus court, ce alors que cette dernière a elle même accepté de payer dans ce délai pendant plusieurs années en connaissance de cause, sans opposer à la société SFR les dispositions des contrats qui lui permettaient de bénéficier d'un délai plus long, le seul courriel adressé par la société Selfoo à la société SFR concernant l'impact des délais de paiement en lien avec l'évolution de son chiffre d'affaires datant du 7 février 2005, bien antérieur à la pratique précitée, les délais de paiement effectifs étant à cette date de 30 jours. Il ne peut pas plus invoquer l'imposition unilatérale de ces délais de paiement par la contrainte économique, cette dernière n'étant nullement établie.

De même, le décalage entre le paiement des commandes des cartes passées par la société Selfoo à la société SFR avec celui du paiement par la société SFR de la rémunération de la société Selfoo (60 jours de la facture - annexe 5 du contrat) ne concerne que la rémunération complémentaire et non la rémunération principale (annexe 2) calculée et versée chaque mois dans un délai de 30 jours. Il n'est pas démontré par Me Legras de Grandcourt, ès qualités, que ce délai prévu à l'annexe 5 n'est pas conforme aux dispositions de l'article L. 441-6 du Code de commerce qui dispose que "le délai convenu entre les parties pour régler les sommes dues ne peut dépasser soixante jours à compter de la date d'émission de la facture". De même, les dispositions de l'annexe 5 du contrat prévoyant que le chiffre d'affaires hors taxes de référence pour le calcul de cette rémunération est le chiffre d'affaires calculé sur un quadrimestre, et donc que les factures sont émises à l'issue de chaque période quadrimestrielle, ne signifient pas que la société SFR a demandé à son cocontractant de différer la facturation en contravention les dispositions de l'article L. 442-6 I du Code de commerce alors applicables.

Aussi, Me Legras de Grandcourt, ès qualités, n'est pas fondé à reprocher à la société SFR la situation financière obérée de la société Selfoo et l'incident bancaire qu'elle a connu en 2010 avec la Banque postale en raison des délais de paiement qu'elle a accepté depuis 2007, ce en connaissance des problèmes de trésorerie qu'ils pouvaient générer. A ce titre, il convient de relever que dans le rapport de Me Gay du 28 août 2012, il est indiqué que c'est en raison d'une augmentation importante du chiffre d'affaires en 2010, ce cycle de croissance générant un important besoin en fond de roulement, que des tensions de trésorerie ont été telles qu'elles n'ont pu être compensées par les concours bancaires que la société Selfoo utilisait habituellement pour compenser son manque de trésorerie causé par les délais de paiement pratiqués par les opérateurs.

Aucun comportement fautif de la société SFR n'étant caractérisé, le jugement déféré est confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de Me Legras de Grandcourt, ès qualités, à ce titre.

Sur la suspension des livraisons

Me Legras de Grandcourt, ès qualités, considère que les conséquences sur la situation financière de la société Selfoo ont été aggravées par la société SFR qui a suspendu le contrat en cessant les livraisons en 2010.

La société SFR reconnaît dans ses écritures avoir suspendu les livraisons entre fin septembre 2010 et fin janvier 2011, soit quatre mois.

Néanmoins il ressort des éléments fournis au débat qu'à la suite de l'incident bancaire rencontré au mois de septembre 2010 par la société Selfoo avec la Banque postale, la société SFR a mis en demeure la société Selfoo par lettre recommandée avec accusé de réception du 18 octobre 2010 de payer la somme de 1 175 502,88 € correspondant à plusieurs factures impayées au cours du mois de septembre 2010 en raison notamment de rejets de chèques, dont elle restait débitrice après compensation avec la somme de 171 900,79 € due par la société SFR au titre de sa rémunération.

Ainsi que l'a relevé le tribunal, ce manquement à une obligation essentielle du contrat par la société Selfoo est suffisamment grave pour justifier l'exception d'inexécution que lui a opposé la société SFR en suspendant les livraisons des produits commandés, ce jusqu'à la conclusion d'un protocole d'accord entre les parties le 18 janvier 2011 organisant le remboursement de la dette de la société Selfoo.

Aucune faute contractuelle de la société SFR n'étant caractérisée sur ce point, le jugement entrepris est confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de la société Selfoo à ce titre.

Me Legras de Grandcourt, ès qualités, critique également la société SFR qui s'est selon lui, employée à empêcher la société Selfoo de respecter les termes du protocole numéro 2 que ces sociétés avaient conclu en s'abstenant de livrer un nombre de packs suffisants qui lui était nécessaire pour honorer les engagements qu'elle avait souscrits au titre dudit protocole.

Un protocole numéro 2 a en effet été conclu entre les parties le 22 février 2012 en suite du protocole numéro 1 partiellement respecté par la société Selfoo qui a soldé l'arriéré dont elle était débitrice mais n'a pas réglé les factures à échoir, restant redevable de la somme de 1 499 995,43 € selon décompte arrêté au 20 février 2012.

Par ce protocole, la société SFR a accepté la mise en place d'un échéancier jusqu'au mois de décembre 2012 pour permettre à la société Selfoo "de retrouver son volume d'affaires, suivant le plan établi par Selfoo établi et annexé au protocole et permettant d'obtenir des résultats financiers satisfaisants". Le plan annexé au protocole et signé par la société SFR se basait sur un nombre de 3 500 packs livrés par la société SFR et de 2 800 packs vendus par la société Selfoo entre février et décembre 2012. Selon le compte rendu du 18 janvier 2012 de la réunion entre les sociétés SFR et Selfoo organisée la veille, rédigé par Mme X de la société SFR, il est mentionné que : "Après discussion l'hypothèse la plus réaliste qui a été proposée par SFR et sur laquelle M. Y (de la société Selfoo) devra travailler et nous faire un retour avant le 31/01/2012 est la suivante :

- Remboursement sur 10 mois (de février à décembre 2012) avec des échéances du moratoire qui pourront être progressives (ex 90 K€ de février à avril et 140 de mai à décembre) Niveau de l'encours 400 K€.

- Ce plan de remboursement a été construit sur un prévisionnel d'activité de 3000 packs LS/mois et un CA rechargement de 350 K€/mois.

Dans cette hypothèse de remboursement il est néanmoins nécessaire d'obtenir un prêt bancaire permettant d'anticiper le remboursement du moratoire et d'obtenir une ligne de découvert autorisé".

Il résulte de ce qui précède que l'apurement de la dette de la société Selfoo et partant, le respect du protocole n° 2, était lié à une livraison de 3 000 packs mensuels par la société SFR à la société Selfoo. A cet égard, la société SFR ne peut être suivie quand elle affirme qu'elle n'a pris aucun engagement en terme de volume de livraison, le plan d'affaires joint au protocole rédigé certes par la société Selfoo mais sur indication de la société SFR qui avait privilégié cette hypothèse ainsi qu'il ressort du compte rendu daté du 18 janvier 2012 susmentionné, faisant partie intégrante du protocole, le volume de livraison des packs y indiqué étant une condition nécessaire au respect par la société Selfoo des conditions dudit Protocole. L'absence d'engagement sur le nombre de packs livrés mensuellement relevé par Me Gay dans son rapport au tribunal de commerce en vue de l'audience du 28 août 2012 ne concernait pas le protocole du 22 février 2012 mais les suites de la réunion organisée en son étude au mois de juin 2012 en raison de l'ouverture de la procédure de sauvegarde par jugement en date du 15 mai 2012.

Or, il apparaît des éléments versés au débat que par courriel de la société Selfoo adressé à la société SFR le 17 avril 2012, celle-ci indiquait qu'au mois de mars 2012, elle n'a pu obtenir la livraison des 3 500 unités attendues, que pour les mois d'avril et mai, la société SFR proposait la livraison de 2 000 packs au lieu et place des 7 000 attendus, que la commande du 4 avril 2012 de 3 500 packs n'a été honorée par la société SFR que le 12 avril suivant pour seulement 1 000 unités et que la commande des cartes du 13 avril 2012 n'était toujours pas livrée. A cet égard, l'affirmation de la société SFR selon laquelle elle a été contrainte de limiter les volumes livrés à la société Selfoo en raison de l'accumulation par cette dernière d'impayés et du dépassement de l'encours consenti n'est nullement démontré par le courriel interne du 3 juillet 2012 qu'elle verse au débat qui se contente de faire un point sur le nombre de packs livrés.

En conséquence, en refusant de livrer à la société Selfoo le nombre de packs nécessaire à la poursuite normale de son exploitation dans les conditions convenues dans le protocole du 22 février 2012 et partant de lui permettre de respecter ses engagements nés dudit protocole, la société SFR a commis une faute engageant sa responsabilité contractuelle.

Le jugement entrepris est confirmé en ce qu'il a condamné la société SFR à payer à la société Selfoo la somme de 341 000 € HT correspondant à la perte de marge brute (9 000 packs livrés sur les 24 500 prévus au protocole, marge unitaire de 22 € HT selon les éléments fournis par le liquidateur judiciaire), montant non contesté par la société SFR devant le tribunal et devant la cour.

- Sur la rupture de la relation commerciale

La qualification du contrat liant les parties en mandat d'intérêt commun n'ayant pas été retenue par la cour, les demandes de Me Legras de Grandcourt, ès qualités, au titre de la résiliation abusive du contrat de mandat sont rejetées.

A titre subsidiaire, il fait valoir que la société SFR est l'auteur d'une rupture brutale des relations commerciales établies.

Aux termes de l'article L. 442-6 I 5° du Code de commerce,

"I. Engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel personne immatriculée au répertoire des métiers :

5° De rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels. ... Les dispositions qui précèdent ne font pas obstacle à la faculté de résiliation sans préavis, en cas d'inexécution par l'autre partie de ses obligations ou en cas de force majeure".

La relation commerciale établie doit présenter un caractère suffisamment prolongé, significatif et stable entre les parties permettant à la victime de la rupture d'anticiper légitimement et raisonnablement pour l'avenir la persistance d'un flux d'affaires avec son partenaire commercial.

Il apparaît en l'espèce que depuis le 30 avril 2002, les sociétés SFR et Selfoo entretiennent des relations commerciales matérialisées chaque année, au moins depuis 2005, par la conclusion d'une "convention grossiste des offres prépayées par coupon de rechargement" d'une durée d'un an renouvelable par tacite reconduction puis, à compter du 1er janvier 2008, à durée déterminée d'une année, la dernière convention conclue le 29 février 2012 étant d'une durée déterminée de 10 mois. A la suite d'incidents de paiement de la société Selfoo, un premier protocole d'accord a été conclu entre les parties prévoyant un échéancier de paiement de la dette de la société Selfoo au cours de l'année 2011. Ce protocole ayant été partiellement respecté, la société Selfoo n'ayant pas pu faire face au paiement des factures à échoir, un second protocole a été conclu le 22 février 2012 prévoyant un échéancier de paiement jusqu'au 31 décembre 2012.

Si la relation commerciale établie peut résulter d'une succession de contrats à durée déterminée, sans tacite reconduction, encore faut-il que la partie qui se prétend victime de la rupture brutale du courant d'affaires ait pu légitimement s'attendre à la stabilité et la poursuite de la relation après l'échéance du dernier contrat.

Or, il résulte de ce qui précède que le dernier contrat conclu en 2012 était d'une durée de 10 mois et non plus d'un an et venait à échéance le 31 décembre 2012 et que la société Selfoo avait rencontré des incidents de paiement ayant nécessité la signature de deux protocoles successifs en 2011 puis 2012 pour lui permettre de rembourser sa dette importante, celle-ci ne pouvait donc ignorer que ce contrat, à l'échéance, était susceptible de ne pas être renouvelé. En outre, la société SFR lui a signifié par lettre recommandée avec accusé de réception datée du 24 juillet 2012, cinq mois avant l'échéance du contrat, qu'aucune nouvelle convention ne lui sera proposée après l'échéance de la convention du 29 février 2012, et ne lui a donc pas laissé croire à la conclusion d'un nouveau contrat. A cet égard, la société Selfoo se contente d'affirmer sans en apporter une quelconque démonstration que la société SFR a cessé les livraisons dès la lettre annonçant l'absence de conclusion d'un nouveau contrat, alors que dans le courrier du 2 août 2012 qu'elle adresse à son administrateur judiciaire pour l'informer qu'il n'y aura pas de nouveau contrat avec la société SFR en suite de la convention grossiste venant à le 31 décembre 2012, la société Selfoo précise qu'elle a "stoppé depuis hier les achats..." .

En conséquence, la société Selfoo dont le contrat venait à échéance, ne pouvant raisonnablement anticiper une continuité de la relation commerciale pour l'avenir, Me Legras de Grandcourt, ès qualités, n'est pas fondé à invoquer la rupture brutale des relations commerciales établies par la société SFR.

Le jugement déféré est confirmé en ce qu'il a rejeté sa demande au titre de la rupture brutale des relations commerciales établies.

Me Legras de Grandcourt, ès qualités, invoque d'autre part une rupture abusive des relations commerciales de la part de la société SFR, celle-ci ayant opéré une compensation entre ses créances de près de 1 500 000 € avec les sommes dont elle était débitrice à l'égard de la société Selfoo au titre de la rémunération assise sur la vente des packs (271 147,57 €), cette compensation ne permettant pas à cette société de continuer son activité.

Il ressort en effet de la lettre datée du 24 juillet 2012 que la société SFR informe son cocontractant qu'elle "va opérer une compensation de l'ensemble des sommes dues au titre de la relation contractuelle existante".

Ainsi que le relève pertinemment la société SFR, la compensation opérée est licite et aucun engagement de non-compensation de sa part ne résulte du rapport de l'administrateur judiciaire établi en vue de l'audience du tribunal de commerce du 28 août 2012 qui ne fait mention que d'un engagement oral de SFR lors d'une réunion du mois de juin 2012 non repris par écrit comme convenu, la réponse de la société SFR consistant en l'envoi de la lettre du 24 juillet 2012 annonçant la fin des relation d'affaires avec la société Selfoo. Cette compensation est bien intervenue en cours d'exécution du protocole n° 2 du 22 février 2012 dont la finalité était toutefois de permettre à la société Selfoo de rembourser les factures échues d'un montant total de 1 489 000 € tout en honorant les factures en cours, aucun engagement de la société SFR de s'abstenir de procéder à des compensations ne pouvant être déduit de ce protocole ni de son esprit comme l'a fait le tribunal, cet acte ayant pour seul objet de permettre à la société Selfoo de rembourser à la société SFR les arriérés de paiement tout en honorant les factures en cours, ce en obtenant des résultats financiers satisfaisant.

Il n'est pas démontré par Me Legras de Grandcourt, ès qualités, que la société SFR a commis une faute en procédant à une telle compensation. Il est en conséquence débouté de sa demande de dommages et intérêts à ce titre.

Le jugement déféré est donc infirmé en ce qu'il a condamné la société SFR à payer à Me Legras de Grandcourt, ès qualités, la somme de 271 147,57 € à titre de dommages et intérêts.

- Sur la demande en paiement de la totalité du passif

Me Legras de Grandcourt, ès qualités, soutient "qu'il est incontestable que la société Selfoo a, de fait, été " pilotée " donc juridiquement gérée par la société SFR. L'ensemble de ses décisions de gestion lui a été imposée par le rythme de la société SFR, les contrats de la société SFR, le non-respect par la société SFR desdits contrats et la violence économique exercée par la société SFR à son endroit".

Ainsi que le relève la société SFR une telle demande ne peut être fondée que sur les dispositions de l'article L. 651-2 du Code de commerce qui prévoient dans la version applicable au présent litige, notamment que lorsque la liquidation judiciaire d'une personne morale fait apparaître une insuffisance d'actif, le tribunal peut, en cas de faute de gestion ayant contribué à cette insuffisance d'actif, décider que le montant de cette insuffisance d'actif sera supporté, en tout ou en partie, par tous les dirigeants de droit ou de fait, ou par certains d'entre eux, ayant contribué à la faute de gestion. En cas de pluralité de dirigeants, le tribunal peut, par décision motivée, les déclarer solidairement responsables.

Me Legras de Grandcourt, ès qualités, s'abstient de préciser la base légale sur laquelle il se fonde et ne vise nullement les dispositions de l'article 1382 (ancien) du Code civil. Aussi la demande est recevable et conformément aux dispositions de l'article 12 du Code de procédure civile selon lesquelles le juge tranche le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables, la cour comme le tribunal, fait application de l'article L. 651-2 du Code de commerce précité pour trancher cette demande.

A la qualité de dirigeant de fait celui qui exerce une activité positive et indépendante dans l'administration générale d'une société, l'immixtion dans la gestion d'une entreprise devant se traduire par des actes positifs en toute indépendance.

La preuve de tels actes ne pouvant résulter de l'exécution d'un contrat de grossiste qui l'a été sous le contrôle du dirigeant de droit de la société, aucun dépassement des obligations inhérentes à la nécessaire collaboration des parties par laquelle se définit ce type de contrat n'étant établie, ni de la conclusion d'un protocole d'accord par ce même dirigeant de droit en toute connaissance de cause aux seules fins de permettre l'apurement du passif exigible et la continuation de l'exploitation de la société. De même cette gestion de fait ne peut être caractérisée par la seule dépendance économique de la société Selfoo par rapport à la société SFR, étant relevé qu'il n'est pas établi que cette dépendance est le fait de la seule société SFR, celle-ci apparaissant résulter des seuls choix de la société Selfoo qui ne caractérise pas plus la "violence économique', à supposer pertinente, dont elle affirme avoir été victime de la part de son co-contractant.

Le jugement déféré est en conséquence confirmé en ce qu'il a rejeté la demande à ce titre, ainis que la demande d'expertise y associée.

Le rejet par le tribunal de la demande de Me Legras de Grandcourt, ès qualités, de publication de la décision est également confirmé, cette demande n'apparaissant au vu de ce qui ne précède nullement justifiée.

- Sur les autres demandes

Partie perdante, Me Legras de Grandcourt, ès qualités de mandataire liquidateur de la société Selfoo, est condamné aux dépens.

L'équité commande de ne pas faire application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile. La société SFR et Me Legras de Grandcourt, ès qualités de mandataire liquidateur de la société Selfoo, sont déboutés de leurs demandes à ce titre.

Par ces motifs, : LA COUR, confirme le jugement entrepris sauf en ce qu'il a condamné la société SFR à payer à la société Selfoo la somme de 271 147,57 € ; statuant à nouveau de ce chef, déboute Me Legras de Grandcourt, ès qualités de mandataire liquidateur de la société Selfoo de sa demande de dommages et intérêts en réparation du préjudice au titre de la résiliation abusive du contrat ; rejette toute autre demande plus ample et contraire ; vu l'article 700 du Code de procédure civile, déboute Me Legras de Grandcourt, ès qualités de mandataire liquidateur de la société Selfoo de sa demande ; déboute la société SFR de sa demande ; condamne Me Legras de Grandcourt, ès qualités de mandataire liquidateur de la société Selfoo aux entiers dépens de la procédure d'appel.