CA Orléans, ch. civ., 4 février 2019, n° 17-00732
ORLÉANS
Arrêt
PARTIES
Défendeur :
Camping-cars de Touraine (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Guyon-Nerot
Conseillers :
Mmes R. Malignac, Sousa
Avocats :
Mes Desplanques, Cebron-De-Lisle
Mme Marie Lyne EL BOUDALI, Greffier lors des débats et du prononcé.
Prononcé le 04 FEVRIER 2019 par mise à la disposition des parties au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.
A la suite de la réception à son domicile, le 27 février 2015, d'une invitation à se rendre à des journées 'portes ouvertes' organisées par la société Camping-Cars de Touraine, monsieur Alain S. accompagné de sa compagne, madame Liliane S., a signé, le 18 mars 2015, un bon de commande portant sur un véhicule camping-car neuf de marque Dethleefs, modèle T 7151-4, et sur divers accessoires livrables au plus tard le 10 mai 2015, ceci moyennant le prix de 65 805 euros avec reprise d'un matériel d'occasion évalué à 30 805 euros, versant chacun la somme de 6 580 euros à titre d'acomptes par chèques bancaires qui ont fait l'objet d'un encaissement le 23 mars 2015.
Exposant qu'ils ont décidé de renoncer à la vente conclue du fait de l'insistance d'un vendeur, en en informant leur venderesse dans ses locaux le 21 mars suivant puis par pli recommandé avec demande d'avis de réception le 23 mars 2015 et qu'en vain ils ont amiablement demandé à leur venderesse de pouvoir exercer cette faculté avec restitution des sommes versées, ils l'ont assignée à ces fins par acte du 28 août 2015.
Par jugement contradictoire rendu le 19 janvier 2017 le tribunal de grande instance de Tours les a déboutés de l'intégralité de leurs demandes, débouté la défenderesse de sa demande reconventionnelle tendant à voir juger que madame S. serait partie au contrat conclu le 18 mars 2015 entre la société Camping-Cars de Touraine et monsieur S. en
condamnant in solidum les demandeurs à l'action à verser à cette société la somme de 1.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens.
Par dernières conclusions (n° 2) notifiées le 30 août 2017 monsieur Alain S. et madame Liliane S., appelants, prient en substance la cour d'infirmer le jugement et, principalement de prononcer la nullité du contrat souscrit le 18 mars 2015, subsidiairement de constater l'exercice par monsieur S. de son droit de rétractation, en toute hypothèse de constater la perception irrégulière par la société intimée des sommes qu'ils lui ont versées, d'en ordonner la restitution à chacun, avec intérêts au taux légal à compter du jour de leur perception en condamnant la société Camping-Cars de Touraine à payer à chacun la somme indemnitaire de 2 000 euros pour résistance abusive outre celle de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Par dernières conclusions notifiées le 03 juillet 2017 la société à responsabilité limitée Camping-Cars de Touraine prie essentiellement la cour de confirmer le jugement, de déclarer les appelants irrecevables et, en tout cas, mal fondés en l'ensemble de leurs demandes et de les en débouter en les condamnant à lui verser une somme complémentaire de 2 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les entiers dépens
SUR CE,
Sur la recevabilité de l'action de madame S.
Attendu que la société appelante qui précise qu'elle n'entend pas remettre en question l'appréciation du tribunal jugeant que seul monsieur S. a la qualité de contractant demande, ce faisant, à la cour de 'constater', sans plus de développements, que madame S. n'a aucun intérêt ou qualité pour agir à cette instance et qu'elle doit, de ce chef, être déclarée irrecevable en ses demandes ou, pour le moins, en son appel ;
Mais attendu qu'outre le fait qu'en application des dispositions des premier et deuxième alinéas de l'article 954 du code de procédure civile les parties sont tenues de formuler les moyens de fait et de droit sur lesquels chacune de leurs prétentions est fondée dans des conclusions comprenant une discussion desdites prétentions et que tel n'est pas le cas en l'espèce, force est de considérer qu'à l'occasion de la signature du bon de commande litigieux par monsieur S., madame S. a procédé au versement d'un acompte ;
Qu'elle a, par conséquent, tant qualité qu'intérêt à agir dès lors qu'elle entend en poursuivre le remboursement dans le cadre de cette action de sorte que le moyen ne saurait donc prospérer ;
Sur l'application des dispositions de code de la consommation relatives aux contrats conclus à distance et hors établissement
Attendu que les appelants reprochent au tribunal d'avoir jugé que la vente conclue le 18 mars 2015 est exclue du champ d'application de l'article L. 121-16, 2° sous b) selon lequel :
'Au sens de la présente section, sont considérés comme (...) 'contrats hors établissement' tout contrat conclu entre un professionnel et un consommateur (...) dans le lieu où le professionnel exerce son activité en permanence ou de manière habituelle ou au moyen d'une technique de communication à distance, immédiatement après que le consommateur a été sollicité personnellement et individuellement dans un lieu différent de celui où le professionnel exerce en permanence ou de manière habituelle son activité et où les parties étaient, physiquement et simultanément, présentes ; (...)'
et d'avoir par conséquent rejeté leurs moyens de nullité tenant à la méconnaissance des prescriptions en matière de contrats conclus à distance et hors établissement, s'agissant plus précisément du non-respect du délai de rétractation et de celui de la perception de l'acompte prévus aux articles L. 121-21 et L. 121-18-2 du même code ;
Qu'ils lui reprochent d'avoir ajouté à la loi une exigence qu'elle ne contient pas en évoquant l'absence de promesse de cadeau dans l'invitation adressée au domicile de monsieur S. alors que la sollicitation visée par ces textes conduit à n'envisager que les procédés par lesquels le professionnel invite personnellement un consommateur à se déplacer dans un établissement et qu'à leur sens l'invitation reçue constitue 'incontestablement' une sollicitation personnalisée;
Qu'ils lui font par ailleurs grief d'avoir considéré que le contrat de vente n'a pas été conclu immédiatement après la sollicitation de la société alors que l'invitation personnalisée réceptionnée le 27 février 2015 portait sur la période s'étendant du 10 au 18 mars, sans limitation de visites, et que s'ils ont effectué une première visite le 15 mars, la seconde, le 18 mars, est en lien avec ladite sollicitation, l'invitation valant pour toute la période sans être limitée à une unique visite ; qu'ils ajoutent que cet achat, par son montant, nécessitait deux visites, la seconde étant la conséquence de la première, que leur intention n'était d'ailleurs pas d'acquérir et entendent préciser qu'ils ont été d'emblée 'happés' par un commercial alors que monsieur S. sortait affaibli d'une hospitalisation ;
Attendu, ceci étant exposé et s'agissant de la sollicitation en cause, que les appelants sont fondés à soutenir qu'elle répond à partie de la définition du texte sus visé dans la mesure où, comme la preuve en est rapportée, le contrat en cause, souscrit dans les locaux de l'établissement commercial de la société Camping-Cars Touraine a été proposé à monsieur S., personnellement et individuellement, en dehors de celui-ci ;
Qu'ils ne peuvent en revanche être suivis dans la présentation qu'ils font de la concomitance qu'exige ce texte pour son application dès lors qu'il n'est pas contesté qu'ils n'ont répondu à l'invitation aux journées 'portes ouvertes' qu'organisait la société intimée que trois semaines après réception de cette invitation et que trois jours après une première visite, ils sont retournés dans les locaux de l'établissement commercial en signant alors le bon de commande litigieux ;
Que l'article L. 121-16, 2° sous b), transposant la directive 2011/83 UE du Parlement et du Conseil du 25 octobre 2011 relative aux droits des consommateurs, exige en effet que la souscription ait lieu 'immédiatement' et qu'à s'en tenir à cette directive à la lumière de laquelle doit être interprété le droit national, plus précisément son article 2, 8 ° sous c) adopté après énoncé d'un vingt et unième considérant, la finalité de ce texte est de protéger le consommateur, surpris ou influencé, qui s'est engagé sans avoir eu le temps de réfléchir entre la sollicitation dont il a été la cible et la conclusion du contrat ;
Que ce n'est manifestement pas le cas en l'espèce dès lors que quand bien même ils auraient eu affaire à un vendeur persuasif ils ont disposé d'un nécessaire temps de réflexion, décidant de répondre à la sollicitation personnelle plusieurs semaines après sa réception sans conclure et, surtout, décidant de leur propre chef de retourner sur le lieu de vente trois jours après leur première visite pour, cette fois, s'engager ;
Qu'il s'en évince que les appelants échouent en leur moyen de sorte que doit être confirmé le jugement qui en dispose ainsi ;
Sur les autres demandes
Attendu que la teneur de la présente décision ne permet pas d'imputer à faute à la société Camping-cars de Touraine la résistance abusive dont se prévalent les appelants au soutien de leur demande indemnitaire ;
Qu'ils en seront, par voie de conséquence, déboutés ;
Attendu que l'équité conduit à allouer à la société Camping-Cars de Touraine la somme complémentaire de 1 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Que les appelants qui succombent seront déboutés de leur réclamation de ce dernier chef et supporteront les dépens d'appel ;
Par ces motifs, rejette le moyen d'irrecevabilité opposé à l'action de madame Liliane S.; confirme le jugement entrepris et, y ajoutant ; condamne monsieur Alain S. et madame Liliane S. à verser à la société à responsabilité limitée Camping-Cars de Touraine la somme complémentaire de 1 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens d'appel.