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Décisions

Cass. com., 6 février 2019, n° 17-23.361

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

PARTIES

Demandeur :

Iplus concept (SARL)

Défendeur :

Compagnie générale d'affacturage (SA) , Icade (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Riffault-Silk

Rapporteur :

Mme Poillot-Peruzzetto

Avocat général :

M. Debacq

Avocats :

SCP Thouin-Palat, Boucard, SCP Alain Bénabent, SCP Célice, Soltner, Texidor, Périer

T. com. Paris, du 10 sept. 2013

10 septembre 2013

LA COUR : - Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Guift concept, devenue Iplus concept (la société Iplus), était en relation d'affaires depuis 2003 avec la société Icade EMGP, devenue la société Icade, qui constituait son principal client ; que cette dernière a accepté la proposition commerciale du 26 avril 2007 de la société Iplus relative à la fourniture de logiciels et de services, dénommée " commande ouverte ", pour un montant de 687 696 euros et a versé un acompte d'un montant de 83 444,44 euros, des commandes particulières devant être passées en exécution de cette commande ; que reprochant à la société Icade une baisse de celles-ci à compter du 30 juin 2008, suivie d'un arrêt en 2009, la société Iplus l'a assignée en réparation de son préjudice résultant de la rupture brutale d'une relation commerciale établie ; qu'ayant constaté, en cours d'instance, que la société Icade avait utilisé des logiciels antérieurement livrés, la société IPlus a émis trois factures, entre septembre et décembre 2010, qu'elle a ensuite cédées à la société Compagnie générale d'affacturage (la société CGA), dans le cadre d'un contrat d'affacturage ; que la société CGA ayant assigné la société Icade en paiement de ces factures, les instances ont été jointes ;

Sur le premier moyen : - Attendu que la société Iplus fait grief à l'arrêt du rejet de sa demande de condamnation de la société Icade pour rupture abusive et brutale d'une relation commerciale établie alors, selon le moyen : 1°) que le caractère prévisible de la rupture d'une relation commerciale établie n'exclut pas qu'elle puisse intervenir brutalement si elle ne résulte pas d'un acte du partenaire manifestant son intention de ne pas poursuivre la relation commerciale et faisant courir un délai de préavis ; que pour débouter la société Iplus de sa demande de dommages-intérêts au titre de la rupture brutale d'une relation commerciale établie, la cour d'appel a retenu, par motifs adoptés, que la diminution du courant d'affaires était prévisible puisque liée aux difficultés du marché de la construction, dont on ne pouvait croire que la société Iplus ne fût pas informée, ce dont il résultait que la rupture ne présentait pas les caractéristiques requises pour engager la responsabilité de son auteur ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher comme l'y invitaient les conclusions de la société Iplus, si la rupture avait fait l'objet d'une notification faisant courir un délai de préavis, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 442-6 I 5° du Code de commerce ; 2°) qu'en relevant que la rupture était prévisible pour la société Iplus, sans rechercher, comme elle y était invitée, si cette dernière pouvait s'y attendre en l'état du courrier du 3 février 2009 par lequel la société Icade lui assurait vouloir maintenir la relation commerciale dans les mêmes termes qu'auparavant et adressé à la société Iplus pendant la crise économique alléguée comme cause justificative de la rupture, la cour d'appel a privé sa décision de base au regard de l'article L. 442-6 I 5° du Code de commerce ;3°) que la rupture brutale d'une relation commerciale établie engage la responsabilité de son auteur, même si elle n'est que partielle ; qu'après avoir relevé qu'entre le 30 juin 2008 et le 30 juin 2009, le chiffre d'affaires réalisé entre les sociétés Iplus et Icade avait chuté de plus de 50 %, la cour d'appel a retenu, par motifs adoptés des premiers juges, qu'il n'y avait pas eu de rupture des relations commerciales, mais une diminution du courant d'affaires entre les parties ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé l'article L. 442-6 I 5° du Code de commerce ; 4°) que la société Iplus faisait valoir que la diminution significative du volume d'affaires, évaluée à plus de 50 % entre les exercices 2008 et 2009, n'avait été que le prélude à un complet tarissement des commandes ; qu'en retenant qu'il n'y avait pas eu de rupture des relations commerciales, mais seulement une diminution du courant d'affaires entre les parties, sans s'expliquer sur la circonstance invoquée par la société Iplus, qui se prévalait d'une cessation complète des commandes à compter de la fin de l'exercice de l'année 2009, la cour d'appel a privé sa décision de base au regard de l'article L. 442-6 I 5° du Code de commerce ; 5°) que la société Iplus faisait valoir que la société Icade n'avait connu aucune baisse de son activité immobilière pendant les années 2008 et 2009, nonobstant la crise financière alléguée comme fait justificatif à la rupture ; que pour statuer comme elle l'a fait, la cour d'appel a dit que la société Iplus ne contestait ni la réalité de la crise de 2008, ni la baisse significative ayant affecté l'activité immobilière de la société Icade ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a dénaturé les écritures de la société Iplus, en violation de l'article 4 du Code de procédure civile ; 6°) que la conjoncture économique n'est de nature à exonérer de sa responsabilité l'auteur de la rupture brutale d'une relation commerciale établie qu'à condition qu'elle soit constitutive d'un cas de force majeure ; que, pour débouter la société Iplus de sa demande de dommages-intérêts au titre de la rupture brutale d'une relation commerciale établie, la cour d'appel a retenu que la rupture dont elle se plaignait n'était pas imputable à la société Icade, laquelle justifiait d'une diminution significative de son activité de promotion immobilière durant la période au cours de laquelle la rupture était intervenue, diminution consécutive à la crise économique et financière de 2008 ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si cette crise revêtait les caractéristiques de la force majeure exonératoire, la cour d'appel a privé sa décision de base au regard de l'article L. 442-6 I 5° du Code de commerce ; 7°) que la conjoncture économique n'est de nature à exonérer de sa responsabilité l'auteur de la rupture brutale qu'à condition d'être accompagnée de circonstances de nature à établir que cette rupture n'a pas été délibérée, telles la volonté affichée de poursuivre la relation ou bien la modification par le cocontractant de l'économie de la convention ; que pour débouter la société Iplus de sa demande de dommages-intérêts au titre de la rupture brutale d'une relation commerciale établie, la cour d'appel a retenu que la rupture dont elle se plaignait n'était pas imputable à la société Icade, laquelle justifiait d'une diminution significative de son activité de promotion immobilière durant la période au cours de laquelle la rupture était intervenue, diminution consécutive à la crise économique et financière de 2008 ; qu'en statuant ainsi, sans relever aucune autre circonstance de nature à établir que la relation commerciale n'avait pas été délibérément rompue par la société Icade, cette dernière n'ayant démontré ni sa volonté de poursuivre la relation commerciale, ni qu'elle a été forcée d'y mettre fin sous l'effet d'un bouleversement de l'économie de la convention, la cour d'appel a violé l'article L. 442-6 I 5° du Code de commerce ;

Mais attendu, en premier lieu, qu'après avoir relevé que les relations entre les parties s'inscrivaient dans le cadre d'une commande ouverte devant être suivie de commandes particulières et retenu, hors toute dénaturation, que la société Icade justifiait d'une diminution significative de son activité de promotion immobilière durant la période du 1er juillet 2008 au 30 juin 2009, consécutive à la crise économique et financière de 2008, l'arrêt en déduit que la rupture dont se plaint la société Iplus n'est pas imputable à la société Icade ; qu'en l'état de ces seuls motifs, la cour d'appel, qui n'était pas tenue d'effectuer les recherches invoquées aux quatrième, sixième et septième branches, a pu rejeter la demande de la société Iplus ;

Et attendu, en second lieu, que le moyen critique, en ses première et deuxième branches, des motifs surabondants ; d'où il suit que le moyen, pour partie inopérant, n'est pas fondé pour le surplus ;

Mais sur le second moyen, pris en sa seconde branche : - Vu l'article 1134 du Code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ; - Attendu que pour condamner la société Icade à payer à la société CGA la somme de 51 832,13 euros au titre du solde restant dû sur les trois factures, l'arrêt retient que le remboursement de l'acompte d'un montant de 83 444,44 euros est venu se compenser à due concurrence, lors de l'émission des factures litigieuses les 17 septembre, 18 octobre et 6 décembre 2010, laissant un solde de ce montant ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle confirmait le jugement en ce qu'il condamnait la société Iplus à restituer à la société Icade l'acompte de 83 444,44 euros, la cour d'appel, qui a déduit cette somme du montant de la dette de la société Icade envers la société CGA, a violé le texte susvisé ;

Par ces motifs, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le dernier grief : Casse et annule, mais seulement en ce qu'il condamne la société Icade à payer à la société Compagnie générale d'affacturage CGA la somme de 51 832,13 euros TTC au titre du solde restant dû sur les trois factures, l'arrêt rendu le 16 juin 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée.