Livv
Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 11, 15 février 2019, n° 17-12220

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Bureaux d'Expertise Comptable Conseil et Assistance (SARL)

Défendeur :

AE Bureautique (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Lis Schaal

Conseillers :

Mmes Bel, Cochet Marcade

Avocats :

Mes Fertier, Huchet

T. com. Evry, du 16 mai 2017

16 mai 2017

Le 18 octobre 2012, la SARL Bureau d'Expertise Comptable Conseil et Assistance (société Becca), ayant commandé un photocopieur "Konica Minolta C224" auprès de la SAS AE Bureautique (société AE) adossé à un contrat de location financière avec la société BNP Lease, a aussi souscrit un contrat de service avec la société AE, d'une durée de 60 mois pour l'entretien de l'appareil et ses fournitures. Le 4 août 2015, la garantie fabricant du photocopieur devant expirer au 30 octobre 2015, la société AE a proposé à la société Becca une extension de garantie au tarif de 900 euros HT par an ou la facturation des pièces détachées et des visites pour dépannage au tarif en vigueur.

La société AE affirme [conclusions page 3] que la société Becca a finalement opté pour cette dernière solution, par lettre du 16 septembre 2016, tout en l'interrogeant par ailleurs sur le coût d'une résiliation anticipée du contrat de service, tandis que la société Becca prétend que le contrat de maintenance s'est arrêté suite à la lettre précitée de la société AE et indique avoir débranché le photocopieur début octobre 2015.

Se fondant sur les conditions générales du contrat de service, la société AE, prétendant appliquer la facturation minimale qui y est stipulée, a émis deux factures totalisant la somme de 1 445,20 euros, les 4 janvier (facture n° 2016.0037, d'un montant de 1 009,73 euros TTC, pour la période du 31 octobre 2015 au 30 octobre 2016) et 12 avril 2016 (facture n° 2016.1526, d'un montant 435,47 euros TTC), dont les prélèvements bancaires automatiques de règlement ont été rejetés, les factures demeurant impayées en dépit de relances et d'une mise en demeure de payer du 13 mai 2016.

Saisi le 13 juillet 2016 d'une requête en injonction de payer de la société prestataire de service, le président du tribunal de commerce d'Evry a, par ordonnance du 27 juillet 2016, enjoint à la société Becca de payer à la société AE la somme de 1 445,20 euros en principal, outre frais et dépens.

Signifiée le 29 août 2016, l'ordonnance d'injonction de payer a fait l'objet d'une opposition de la société Becca par lettre recommandée (n° 1A 113 521 8850 6) du 26 septembre 2016.

Devant le tribunal désormais saisi du fond du litige, la société AE a demandé la condamnation de la société Becca à lui payer la somme globale de 3 960,23 euros TTC en principal en faisant état de nouvelles factures, outre les sommes de 120 euros au titre de "l'indemnité légale pour frais de recouvrement" et de 2 500 euros au titre des frais irrépétibles, tandis que la société Becca s'y est opposée.

Par jugement contradictoire du 16 mai 2017, assorti de l'exécution provisoire (tout en indiquant statuer en dernier ressort), le tribunal a condamné la société Becca à payer à la société AE les sommes de :

- 4 752,79 euros, majorée des intérêts au taux de 1,5 fois le taux légal à compter du lendemain de l'échéance de chacune des quatre factures détaillées au dispositif du jugement,

- 120 euros, au titre de l'indemnité forfaitaire de recouvrement,

outre la somme de 300 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile,

en ayant notamment retenu que la tarification du contrat de service se faisait sur relevé trimestriel des compteurs et que l'article 2 des conditions générales stipule une indemnité de résiliation calculée sur "une base minimum de 95 % du montant total des facturations [en fait la moyenne de facturation des 6 premiers mois] jusqu'à l'expiration de la durée de l'engagement du client".

Vu l'appel interjeté le 19 juin 2017, par la société Becca et ses dernières écritures télé transmises le 21 novembre suivant, réclamant la somme de 3 550 euros au titre des frais irrépétibles et :

- soutenant d'abord ("avant toute discussion") que le tribunal a statué "ultra petita" et en demandant ensuite sa réformation "en ce qu'il a condamné la société Becca à payer la somme de 4 752,79 euros correspondant aux factures impayées", dès lors que les demandes de la société AE "n'excédaient pas la somme de 3 960,23 euros en principal",

- poursuivant ensuite l'infirmation du jugement, au visa des articles L. 133-2 du Code de la consommation et L. 442-6, I, 2° du Code de commerce en demandant le rejet des demandes de la société AE en soutenant que les conditions générales lui sont inopposables, en raison de leur illisibilité du fait de la taille des caractères d'imprimerie et du caractère "abusif" de la facturation minimale, tout en estimant que la société AE "doit émettre de nouvelles factures sur les seules bases du contrat de service et du relevé réel de copies, soit 7,5 euros HT par 1 000 copies noir & blanc et 75 euros HT par 1 000 copies couleur", outre annuellement, 400 euros HT au titre de la connexion et 23 euros HT au titre des frais de gestion ;

Vu les dernières conclusions télé transmises le 13 novembre 2017, par la société AE intimée, réclamant la somme de 5 000 euros au titre des frais irrépétibles et :

- soulevant "in limine litis" l'irrecevabilité de la demande "nouvelle en cause d'appel" selon elle, de modification du prix appliqué aux copies, qui n'avait pas été discuté en première instance, et soutient qu'en tout état de cause, le tarif appliqué résulte de l'indexation prévue par l'article 4 des conditions générales, les premières indexations ayant été appliquées sans contestations de la société Becca qui en a réglé les factures correspondantes,

- et poursuivant sur le fond la confirmation du jugement pour le surplus ;

Sur ce,

Considérant, à titre liminaire, que la société Becca, invoquant l'article L. 133-2 du Code de la consommation, prétend que la taille des caractères des conditions générales insérées au verso du contrat sont "totalement illisibles" pour en déduire que les conditions générales lui sont inopposables ;

Mais considérant, outre que les conditions générales de services [pièce intimée n° 3] sont lisibles pour un lecteur attentif, que la société Becca a signé le contrat de service sur la première page, immédiatement sous la mention "le client reconnaît avoir pris connaissance et accepté les conditions générales de service figurant au verso ..." et que l'article L. 133-2 du Code de la consommation, alors en vigueur, ne s'applique pas aux contrats de fournitures de biens ou de services conclus entre sociétés commerciales, de sorte que lesdites conditions générales sont opposables à la société Becca ;

Considérant aussi que la société Becca soutient que le tribunal aurait statué "ultra petita" en faisant valoir que les demandes de la société AE n'excédait pas la somme de 3 960,23 euros en principal, alors que les premiers juges l'ont condamné à payer la somme de 4 752,79 euros ;

Mais considérant, outre qu'au demeurant l'appelante n'en déduit pas une demande d'annulation de la décision, que la société Becca reconnaît elle même que ce montant correspond à des factures impayées et qu'il résulte de la motivation du tribunal que ce montant correspond à celui initial de l'ordonnance d'injonction de payer (1 445,20 euros), auquel s'est ajouté les montant de deux nouvelles factures produites aux débats du 6 octobre 2016 (792,56 euros) et du 17 janvier 2017 (2 515,03 euros), la société AE ayant la possibilité de compléter sa demande initiale (objet de la requête en injonction de payer) jusqu'à la clôture des débats, par des demandes complémentaires en cours d'instance, en lien suffisant avec la demande initiale, de sorte que, contrairement à ce que soutient à tort la société Becca, le tribunal n'a pas statué "ultra petita", en la condamnant à payer la somme globale de 4 752,79 euros en principal (1 445,20 + 792,56 + 2 515,03);

Considérant encore que, pour s'opposer aux demandes de la société AE, la société Becca poursuit aussi l'infirmation du jugement au visa de l'article L. 442-6, I, 2° du Code de commerce sur le déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties, pour en déduire un "motif supplémentaire" de juger abusive "et donc inopposable" la clause dite de facturation minimale ;

Mais considérant, outre que ledit article, fondé sur la responsabilité de l'auteur soumettant son partenaire à un déséquilibre, conduit à indemniser la victime par l'allocation de dommages et intérêts qui ne sont nullement demandés par la société Becca, que cette dernière, en visant ce texte, n'a pas articulé de demande spécifique en découlant, hors la prétendue inopposabilité de la clause, de sorte que le visa qu'elle a effectué est finalement inopérant ;

Que par ailleurs, la société AE soulève l'irrecevabilité de la demande de la société Becca, "nouvelle en cause d'appel" selon elle, de modification du prix appliqué aux copies, qui n'avait pas été discuté en première instance, tout en en laissant "l'appréciation à la cour";

Mais considérant qu'en se bornant à demander l'établissement de nouvelles factures conformément, selon l'appelante, aux clauses du contrat, la société Becca, en précisant ses moyens de défense pour s'opposer aux demandes de la société AE, ne formule pas de demande nouvelle au sens de l'article 564 du Code de procédure civile ;

Considérant sur le fond, que les demandes principales de la société AE se fondent sur l'application de l'article 9 des conditions générales de services stipulant une indemnité de résiliation ;

Que le contrat de service (n° 000117) du 18 octobre 2012, souscrit entre les sociétés Becca et AE, est un contrat "de type relevé compteur" selon la nomenclature figurant à l'article 2 des conditions générales de services, d'une durée de 60 mois courant à partir de sa signature en application de l'article 3 des mêmes conditions générales, moyennant un tarif selon le relevé de copies effectuées et indiqué par le compteur, et qu'il n'est nullement prévu un autre type de facturation en fonction de la durée de garantie du fabricant, la maintenance étant offerte, selon mention manuscrite figurant en première page dans le cadre "observations";

Qu'en ayant proposé une maintenance payante par sa lettre du 4 août 2015, alors qu'il restait encore plus de 14 mois à courir, la société AE a cessé de respecter ses obligations contractuelles et se trouve à l'origine de la résiliation du contrat de service opérée par la société Becca en débranchant l'appareil à compter du mois d'octobre 2015, durant lequel expirait la garantie constructeur et constituant le point de départ de la volonté unilatérale de la société AE et non prévue contractuellement de faire désormais payer la maintenance en plus de la tarification du nombre de copies relevé au compteur ;

Qu'il convient dès lors de constater que la résiliation du contrat de service en octobre 2015 est aux torts exclusifs de la société AE ;

Qu'il convient aussi de relever que si "pour compenser les moyens mis en place préalablement pour assurer un service de maintenance", le dernier alinéa de l'article 9 des conditions générales de services stipule, en cas de contrat de type relevé compteur, "une indemnité de résiliation calculée sur la base de la facturation minimum fixé à l'article 2, AE exigeant alors le versement d'une indemnité contractuelle égale à 95 % de cette facturation minimum jusqu'à l'échéance du contrat", cette clause stipulée uniquement au bénéfice de la société AE, est inapplicable lorsque la résiliation du contrat résulte du fait de cette dernière ;

Qu'en conséquence, les prétentions de la société AE sont intégralement in fondées et que le jugement doit être infirmé ;

Considérant que succombant en appel, la société AE ne peut pas prospérer dans sa demande d'indemnisation de ses frais irrépétibles et doit supporter les dépens ;

Qu'il apparaît équitable de laisser à la société Becca la charge définitive des frais irrépétibles qu'elle a exposés depuis le début de l'instance ;

Par ces motifs : LA COUR, Déclare les conditions générales de services opposables à la sarl Bureau d'Expertise Comptable Conseil et Assistance - Becca - ; Dit que le tribunal a statué dans les limites de sa saisine, sauf à préciser qu'il a statué en premier ressort ; Infirme le jugement sauf en ce qu'il a déclaré recevable l'opposition à l'ordonnance d'injonction de payer, et statuant à nouveau ; Déboute intégralement la SAS AE Bureautique de ses demandes ; Déboute les parties de leur demande au titre des frais irrépétibles ; Condamne la SAS AE Bureautique aux dépens de première instance et d'appel ; Admet Maître Stéphane Fertier, avocat, au bénéfice de l'article 699 du Code de procédure civile.