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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 11, 15 février 2019, n° 17-12889

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Valsem Industries (SAS)

Défendeur :

Centralweb (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Lis Schaal

Conseillers :

Mmes Bel, Cochet Marcade

Avocats :

Mes Delay Peuch, Defrance, Gauvin

T. com. Paris, du 26 mai 2017

26 mai 2017

Le 28 juillet 2010, la Sasu Société industrielle de découpage et de conditionnement Sidec a conclu avec la SARL Centralweb, un contrat de services pour la création, le développement, la mise en ligne l'hébergement et la maintenance d'un site web. D'une durée initiale de deux années, le contrat se renouvelait ensuite tacitement pour des périodes d'une année, sauf résiliation notifiée par une partie selon les conditions prévues au contrat, mais aujourd'hui discutées.

La société Sidec ayant résilié le contrat par lettre du 13 janvier 2015 avec effet immédiat, la société Centralweb en a pris acte le 9 mars suivant tout en précisant qu'en application de ses clauses, la résiliation prenait effet le 19 décembre 2015, le prestataire en continuant l'exécution et la facturation jusqu'à cette date, tandis que la société Sidec a cessé le paiement des factures dès le mois de janvier 2015. Le référé intenté le 1er février 2017 par la société Centralweb devant le président du tribunal de commerce de Paris, pour notamment le versement d'une provision, a été rejeté par ordonnance du 14 février suivant en raison de l'existence de contestations sérieuses sur la date de prise en compte pour déterminer le point de départ de la durée initiale, les parties étant invitées à saisir le juge du fond.

Le 16 février 2017, la société Centralweb a attrait au fond la société Sidec devant le tribunal de commerce de Paris en vue de faire condamner cette dernière à lui payer la somme de 11 884 euros TTC en principal, augmentée des intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure de payer du 23 juin 2015, en règlement des factures impayées de la période de janvier à décembre 2015, outre la somme de 5 000 euros de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant de la "résistance abusive" et l'indemnisation des frais irrépétibles.

S'y opposant, la société Sidec :

- à titre principal s'est prévalue de la nullité relative du contrat de prestation de services en ce qu'il a été signé "par une personne dépourvue de pouvoir pour l'engager",

- subsidiairement, en soutenant que le contrat était à durée indéterminée en raison "de la rédaction confuse et inapplicable de l'article 4 rendant incertain et donc indéterminable le point de départ et le terme extinctif de chaque période", pour en déduire qu'étant [en fait] d'une durée indéterminée, le contrat était unilatéralement résiliable à tout moment et a fait valoir par ailleurs que la demande au titre d'une résistance qualifiée d'abusive n'était pas justifiée dès lors qu'elle a pu légitiment croire à l'efficacité immédiate de sa lettre de résiliation au regard de la complexité de l'article 4 du contrat,

- plus subsidiairement, en prétendant que la rémunération demandée s'avérait "disproportionnée" au-delà de la somme de 300 euros HT, soit 360 euros TTC, en sollicitant en conséquence le paiement de la somme de 10 824 euros TTC en dommages et intérêts venant compenser, à due concurrence de la différence, la somme réclamée par la société Centralweb,

outre également l'indemnisation des frais irrépétibles.

Par jugement contradictoire du 26 mai 2017, assorti de l'exécution provisoire, le tribunal:

- après avoir essentiellement retenu qu'en exécutant le contrat pendant plus de trois années, la société Sidec l'avait ratifié, qu'un document du 16 février 2010, visé à l'article 7 du contrat, permettait d'interpréter son article 4 en fixant la date anniversaire à la date de mise en ligne du site, pour en déduire le point de départ de la durée contractuelle, s'établissant ainsi au 19 décembre 2011, et en ayant relevé qu'à la date de la mise en demeure de payer du 23 juin 2015, certaines échéances n'étaient pas encore exigibles,

- a condamné la société Sidec à payer à la société Centralweb, la somme requise de 11 184 euros, majorée des intérêts au taux légal à compter de l'assignation du 1er février 2017, et la somme de 1 000 euros au titre des frais irrépétibles, rejetant toutes les autres demandes des parties.

La société Sidec a interjeté appel le 27 juin 2017. Elle a fait ultérieurement l'objet d'une dissolution sans liquidation du fait de la transmission universelle de son patrimoine à la SAS Valsem Industries (société Valsem) par acte du 16 octobre 2018 enregistré le 25 octobre suivant, laquelle a repris de plein droit la suite de la présente instance en appel.

Vu les dernières écritures télé transmises le 19 novembre 2018 par la société Valsem appelante, réclamant la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles et poursuivant l'infirmation du jugement (sauf en ce qu'il a rejeté la demande indemnitaire de la société Centralweb pour résistance abusive), en reprenant les moyens antérieurement soutenus en première instance, soit en soulevant, à titre principal, la nullité du contrat en raison du défaut de pouvoir de son signataire et en faisant valoir subsidiairement qu'il était unilatéralement résiliable à tout moment en raison de l'indétermination du point de départ de sa durée et que le montant de la rémunération demandée est disproportionné justifiant l'allocation d'une indemnité de dommages et intérêts à hauteur de la somme de 9 020 euros HT, soit 10 824 euros TTC ;

Vu les dernières conclusions télé transmises le 29 septembre 2017, par la société Centralweb intimée, réclamant la somme de 5 000 euros au titre des frais irrépétibles et poursuivant la confirmation du jugement ;

SUR CE,

Considérant que, pour s'opposer au paiement qui lui est réclamé, la société Valsem soutient la nullité du contrat, en ce qu'il a été signé par son responsable commercial, lequel, n'étant pas dirigeant social de la société Sidec, n'avait pas le pouvoir de l'engager ;

Mais considérant, outre que le cachet de la société a été apposé sur la première page du contrat, qu'il n'est pas contesté que le contrat litigieux a été exécuté durant plus de quatre années et que les factures ont été réglées jusqu'en janvier 2015 ;

Qu'il s'en déduit, la société Sidec ayant par hypothèse connaissance dès l'origine du défaut qu'elle invoque aujourd'hui de qualité du signataire la représentant, qu'en effectuant régulièrement le paiement des factures, elle a implicitement, mais nécessairement, confirmer tacitement le contrat dont elle n'est plus fondé aujourd'hui à en demander la nullité en raison du défaut allégué des pouvoirs de son responsable commercial ;

Considérant par ailleurs, qu'aux termes de l'article 4 ("date d'entrée en vigueur et durée des présentes"), que si l'entrée en vigueur du contrat est fixé à la date de sa signature, sa date anniversaire est fixée à celle de mise en ligne du site ;

Qu'il n'est pas contesté que le site web de la société Sidec a été mis en ligne le 19 décembre 2011, de sorte que la durée initiale du contrat a couru jusqu'au 19 décembre 2013, date à laquelle il s'est tacitement renouvelé d'année en année jusqu'au 19 décembre 2015, la dénonciation du 13 janvier 2015 ne pouvant avoir d'effet que pour l'échéance de la période tacite alors en cours, l'article 4 précité stipulant que la notification de la résiliation devait être faite au moins deux mois avant la date anniversaire de la période en cours ;

Considérant que la société Valsem prétend aussi que le montant de la rémunération demandée est disproportionné justifiant l'allocation d'une indemnité de dommages et intérêts à hauteur de la somme 10 824 euros TTC en visant l'article L. 442-6, I, 2° du Code de commerce sur le déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties en invitant la cour à contrôler l'adéquation du prix à la prestation fournie ;

Mais considérant qu'en se bornant à produire un devis par un autre fournisseur sans établir que la prestation proposée par ce dernier était en tout point comparable à celle aujourd'hui litigieuse, alors qu'elle ne conteste pas par ailleurs que la société Sidec a accepté à l'époque le prix proposé lors de la signature du contrat de services objet de la présente instance, la société Valsem ne rapporte pas la preuve, qui lui incombe du déséquilibre significatif allégué ;

Considérant, par ailleurs, qu'en poursuivant purement et simplement la confirmation du jugement, la société Centralweb a acquiescé au rejet par le tribunal de sa demande indemnitaire pour résistance abusive ;

Que succombant dans son recours, la société Valsem ne peut pas prospérer dans sa demande d'indemnisation de ses frais irrépétibles mais qu'il serait, en revanche, inéquitable de laisser à la société Centralweb la charge définitive de ceux supplémentaires qu'elle a dû exposer en cause d'appel ;

Par ces motifs, LA COUR, Confirme le jugement en toutes ses dispositions ; Condamne la SAS Valsem Industries aux dépens d'appel et à verser à la sarl Centralweb une indemnité complémentaire de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles ; Admet Maître Géraldine Gauvin, avocat, au bénéfice de l'article 699 du Code de procédure civile.