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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 13 février 2019, n° 16-20542

PARIS

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

ECB Cash (SARL), Depreux (ès qual.)

Défendeur :

Cash Converters Europe (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Luc

Conseillers :

Mmes Mouthon Vidilles, Comte

Avocats :

Mes Baechlin, Vignes, de Balmann

T. com. Paris, du 14 sept. 2016

14 septembre 2016

FAITS ET PROCÉDURE

La société ECB Cash est spécialisée dans le commerce de détail de biens d'occasion en magasin.

La société Cash Converters Europe (ci-après Cash Converters) est une enseigne spécialisée dans l'achat et la vente auprès de particuliers de biens d'occasion. Son concept se décline selon deux formats, les magasins " Cash Converters " dits " classiques " dédiés aux zones commerciales, et les magasins " Cash Converters " dits " City " plus petits, dédiés aux centre villes.

En octobre 2012, la société Cash Converters a remis un Document d'Information Précontractuel à Monsieur X.

Le 31 octobre 2012, Monsieur X a conclu un contrat de franchise avec la société Cash Converters, puis, en mars 2013, il a créé la société ECB Cash qui s'est substituée à lui dans l'exécution du contrat de franchise.

En juillet 2013, un local a été trouvé dans la ville d'Armentières, et l'exploitation du magasin a commencé ce même mois, mais les résultats n'ont pas été au rendez-vous. Le contrat n'a, toutefois, pas été résilié.

Monsieur X a estimé que son consentement avait été vicié lors de la signature de ce contrat, exposant avoir signé pour une franchise classique et s'être retrouvé avec une franchise " City ", moins rentable.

C'est dans ce contexte que par acte extrajudiciaire du 15 janvier 2016, la société ECB Cash a assigné la société Cash Converters Europe devant le tribunal de commerce de Paris afin d'obtenir, à titre principal, la nullité du contrat de franchise et, à titre subsidiaire, la résiliation judiciaire du contrat aux torts de la société Cash Converters Europe.

Par jugement du 14 septembre 2016, le tribunal de commerce de Paris a, sous le régime de l'exécution provisoire :

- débouté la société ECB Cash de sa demande d'annulation du contrat de franchise,

- débouté la société ECB Cash de sa demande de résiliation de ce contrat aux torts du franchiseur,

- débouté la société ECB Cash de ses demandes de remboursement des sommes versées à la société Cash Converters Europe,

- condamné la société ECB Cash à payer la société Cash Converters Europe la somme de 8.000 euros HT avec intérêts au taux légal à compter du 2 février 2015,

- débouté la société Cash Converters Europe du surplus de sa demande reconventionnelle,

- débouté les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires,

- condamné la société ECB Cash à payer à société Cash Converters Europe la somme de 4.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, déboutant pour le surplus de ta demande,

- condamné la société ECB Cash aux dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 82,44 euros dont 13,52 de TVA.

Par jugement du 14 novembre 2016, le tribunal de commerce de Lille Métropole a ouvert une procédure de sauvegarde à la demande d'ECB Cash. Aucun administrateur n'a été désigné et la S. Depreux a été nommée en qualité de mandataire.

Par requête présentée au juge commissaire à la procédure de sauvegarde de la société ECB Cash, Monsieur X, ès qualités, a sollicité de voir prononcer la résiliation judiciaire du contrat de franchise en cours. Par ordonnance du 6 juin 2017, le juge commissaire a alors ordonné la résiliation du contrat de franchise au 30 juin 2017.

Le 15 juin 2017, la société Cash Converters a déclaré sa créance.

Par jugement du 7 novembre 2017, la société ECB Cash a fait l'objet d'une procédure de liquidation judiciaire et Me Depreux a été nommé liquidateur.

Me Depreux, ès qualités, est intervenant volontaire à l'instance.

La société ECB Cash a interjeté appel du jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris le 14 septembre 2016.

La procédure devant la cour a été clôturée le 18 décembre 2018.

Vu les dernières conclusions de Me Sébastien Depreux, ès qualités de mandataire judiciaire de

la société ECB Cash, appelante, déposées et notifiées le 30 novembre 2018 par lesquelles il est demandé à la cour, au visa des articles R. 330-3 du Code de commerce et 1109 et suivants du Code civil de :

à titre principal,

- prononcer la nullité du contrat de franchise régularisé entre ECB Cash et Cash Converters,

par conséquent,

- condamner la société Cash Converters Europe à régler à ECB Cash la somme de 60 367,01 euros assortie des intérêts au taux légal à compter de l'assignation,

à titre subsidiaire,

- prononcer la résiliation judiciaire du contrat de franchise aux torts de Cash Converters et par conséquent condamner la société Cash Converters Europe à payer à ECB Cash la somme de 30 183,50 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du jour de la demande,

en toute hypothèse,

- condamner la société Cash Converters Europe à rembourser à ECB Cash la somme de 7 657,20 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du jour de la demande,

- débouter Cash Converters de ses demandes reconventionnelles,

- condamner la société Cash Converters Europe à payer la somme de 10 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamner la société Cash Converters Europe aux entiers dépens ;

Vu les dernières conclusions de la société Cash Converters, intimée, déposées et notifiées le 14 décembre 2018 par lesquelles il est demandé à la cour de :

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la société ECB Cash de toutes ses demandes, fins et conclusions,

- admettre la société Cash Converters Europe au passif de la liquidation judiciaire de la société ECB Cash pour la somme de 13 521,41 euros,

- condamner la Selarl Sébastien Depreux, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société ECB Cash, à payer à la société Cash Converters Europe la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamner la Selarl Sébastien Depreux, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société ECB Cash, à supporter les dépens de première instance et d'appel ;

SUR CE, LA COUR,

Sur la nullité du contrat de franchise

En application des dispositions des articles 1108 et 1109 du Code civil dans leur rédaction applicable, le consentement de la partie qui s'oblige est une condition essentielle de la validité d'une convention et il n'y a point de consentement valable si ce consentement n'a été donné que par erreur ou surpris par dol. L'article 1110 ancien du même Code dispose que l'erreur n'est une cause de nullité que si elle porte sur la substance même de la chose qui en est l'objet et l'article 1116 ancien précise que le dol est une cause de nullité lorsque les manœuvres pratiquées par l'une des parties sont telles qu'il est évident que, sans ces manœuvres, l'autre partie n'aurait pas contracté, qu'il ne se présume pas et qu'il doit être prouvé.

Par ailleurs, l'article L. 330-3 du Code commerce dispose que " toute personne qui met à la disposition d'une autre personne un nom commercial, une marque ou une enseigne, en exigeant d'elle un engagement d'exclusivité ou de quasi exclusivité pour l'exercice de son activité, est tenue, préalablement à la signature de tout contrat conclu dans l'intérêt commun des deux parties, de fournir à l'autre partie un document donnant des informations sincères, qui lui permette de s'engager en connaissance de cause ". Ce document d'information pré contractuelle, " dont le contenu est fixé par décret, précise notamment, l'ancienneté et l'expérience de l'entreprise, l'état et les perspectives de développement du marché concerné, l'importance du réseau d'exploitants, la durée, les conditions de renouvellement, de résiliation et de cession du contrat ainsi que le champ des exclusivités ".

Selon l'article R.330-1 du Code commerce, le DIP doit contenir : "(....) 4° La date de la création de l'entreprise avec un rappel des principales étapes de son évolution, y compris celle du réseau d'exploitants, s'il y a lieu, ainsi que toutes indications permettant d'apprécier l'expérience professionnelle acquise par l'exploitant ou par les dirigeants. Les informations mentionnées à l'alinéa précédent peuvent ne porter que sur les cinq dernières années qui précèdent celle de la remise du document. Elles doivent être complétées par une présentation de l'état général et local du marché des produits ou services devant faire l'objet du contrat et des perspectives de développement de ce marché. Doivent être annexés à cette partie du document les comptes annuels des deux derniers exercices ou, pour les sociétés dont les titres financiers sont admis aux négociations sur un marché réglementé, les rapports établis au titre des deux derniers exercices en application du III de l'article L. 451-1-2 du Code monétaire et financier ; 5° Une présentation du réseau d'exploitants qui comporte : a) La liste des entreprises qui en font partie avec l'indication pour chacune d'elles du mode d'exploitation convenu ; b) L'adresse des entreprises établies en France avec lesquelles la personne qui propose le contrat est liée par des contrats de même nature que celui dont la conclusion est envisagée ; la date de conclusion ou de renouvellement de ces contrats est précisée ; Lorsque le réseau compte plus de cinquante exploitants, les informations mentionnées à l'alinéa précédent ne sont exigées que pour les cinquante entreprises les plus proches du lieu de l'exploitation envisagée ; c) Le nombre d'entreprises qui, étant liées au réseau par des contrats de même nature que celui dont la conclusion est envisagée, ont cessé de faire partie du réseau au cours de l'année précédant celle de la délivrance du document. Le document précise si le contrat est venu à expiration ou s'il a été résilié ou annulé ; d) S'il y a lieu, la présence, dans la zone d'activité de l'implantation prévue par le contrat proposé, de tout établissement dans lequel sont offerts, avec l'accord exprès de la personne qui propose le contrat, les produits ou services faisant l'objet de celui-ci ; 6° L'indication de la durée du contrat proposé, des conditions de renouvellement, de résiliation et de cession, ainsi que le champ des exclusivités. Le document précise, en outre, la nature et le montant des dépenses et investissements spécifiques à l'enseigne ou à la marque que la personne destinataire du projet de contrat engage avant de commencer l'exploitation".

Il résulte de la combinaison des articles sus visés qu'un manquement à l'obligation d'information pré contractuelle prévue à l'article L. 330-3 du Code de commerce n'entraîne la nullité du contrat de franchise que s'il a eu pour effet de vicier le consentement du franchisé.

Sur le vice du consentement

Sur la présentation dans le DIP d'un projet différent de celui mis en place

La société ECB Cash soutient que la société Cash Converters a violé l'article L. 330-3 du Code de commerce en ne présentant pas dans le DIP ou dans le contrat de franchise le projet réel, mettant en place un projet différent de ce qui avait été annoncé à Monsieur X.

En effet, elle soutient que si le DIP présentait les 2 concepts de Cash Converters, le concept classique et le concept " City ", il était prévu lors de sa remise et lors de la conclusion du contrat de franchise que M. X, puis la société ECB Cash, ouvrirait un magasin du concept classique, ce qui n'a pas été le cas. Ainsi si le nombre de familles de produits pouvant être vendus, le droit d'entrée (10 000 euros au lieu de 18 239 euros) ainsi que le stock de départ (30 000 euros au lieu de 50 000 euros) ont été réduits, le chiffre d'affaires escompté a également baissé (entre 450 000 et 700 000 euros pour un magasin City, et un million d'euros pour un magasin classique). Or, elle relève que dans son prévisionnel, M. X, ayant l'intention d'ouvrir un magasin classique, avait escompté un chiffre d'affaires d'environ 520 000 euros la première année, pour espérer atteindre 700 000 euros les années suivantes, ce qu'il n'aurait pas prévu s'il avait entendu ouvrir un magasin City. De plus, la société ECB soutient que la société Cash Converters a eu connaissance de ce prévisionnel puisqu'il est dans sa mission d'accompagner le franchisé dans l'élaboration de son business plan, et n'a pourtant pas alerté son franchisé sur le fait que prévoir 700 000 euros de chiffre d'affaires par an ne pouvait pas être réaliste pour un franchisé City.

Selon la société ECB Cash, la société Cash Converters a donc cherché à tromper Monsieur X lors de la souscription de son contrat de franchise car elle a volontairement présenté dans le DIP la mise en place d'un magasin classique et est même allée, toujours dans le but de dissimuler à Monsieur X que son intention était de lui faire ouvrir un magasin City, jusqu'à lui faire régulariser un contrat de franchise classique, lui faisant régler la moitié des droits d'entrée relatifs à ce type de magasin.

Ainsi, selon la société ECB, le consentement de M. X a été vicié puisque s'il avait eu connaissance du chiffre d'affaires que réalisent les magasins City, il ne se serait jamais engagé à régler des royalties de 1 450 euros HT par mois, et, ce, même si, à compter de mars 2014, ces royalties ont été réduites par le franchiseur à hauteur de 1 000 euros. Elle invoque aussi que le dol doit s'apprécier au moment où le contrat de franchise a été conclu, soit en octobre 2012.

Enfin, selon elle, le modèle économique des " City " n'était pas viable, car sur les cinq magasins City dont le franchiseur produit les chiffres d'affaires, tous ont enregistré des pertes, quatre sont en liquidation judiciaire (Meaux, Lilas, Nanterre, Saint Denis) et le cinquième a quitté le réseau (Calais).

En réplique, la société Cash Converters soutient que Monsieur X s'est vu remettre un document d'information précontractuelle lui ayant permis de s'engager en parfaite connaissance de cause.

De plus, elle indique que le chiffre d'affaires annuel de 517 000 euros HT prévu par le prévisionnel la première année était réaliste, les magasins City de Meaux et Calais générant un chiffre d'affaires compris entre 450 et 700 000 euros par an et que ce prévisionnel ne prévoyait pas un chiffre d'affaires d'un million d'euros en année 1.

Elle invoque aussi plusieurs facteurs explicatifs quant aux fermetures de magasins Cash Converters : franchisé devenant directeur de magasin (Meaux), problèmes de santé du franchisé (Nanterre), liquidation après trois ans de poursuite d'activité après la rupture du contrat de franchise (Les Lilas), absence de volonté des franchisés de renouveler le contrat de franchise (Calais).

Elle soutient aussi que c'est Monsieur X qui s'est spécialement intéressé à ce format City car c'est lui qui a choisi le local d'Armentière, sans qu'elle ne lui suggère ou lui impose ce choix, et alors même que ce local ne se prêtait qu'à une exploitation sous le format d'un " City ", compte tenu à la fois de son emplacement et de sa configuration.

Enfin, elle expose qu'il ne saurait lui être reproché d'avoir fixé la redevance d'enseigne à la somme forfaitaire de 1 450 euros HT pour les magasins " Cash Converters City ", comme pour les magasins " Cash Converters " de zone commerciale, car l'assistance prodiguée est la même, qu'elle que soit la surface des magasins.

Il est constant que M. X a conclu le 31 octobre 2012 avec la société Cash Converters Europe un contrat de franchise après s'être vu remettre un document d'information précontractuelle (DIP).

Ce DIP était relatif au format traditionnel de franchise Cash Converters, caractérisé par des magasins de grande surface implantés dans des zones commerciales.

Même si aucun avenant portant sur la formule Cash Converters City n'a été versé aux débats, il apparaît que dès le choix de son local, d'une superficie de 100 m2 environ, M. X savait que son contrat de franchise serait exécuté comme un contrat City, et non un contrat classique. C'est ainsi que le 12 mars 2013, il a demandé au responsable du développement du réseau les " coordonnées des franchisés du Nord possesseurs de City ", afin de prendre contact avec eux, expliquant avoir besoin d' " une idée plus précise du modèle City " (pièce 42 de Cash Converters). C'est en fonction de cet emplacement choisi par lui, validé par le franchiseur, qui ne lui permettait, en raison de sa superficie, que d'opter pour une franchise City, qu'il a établi son propre prévisionnel, soit un chiffre d'affaires de 517 051 euros la première année d'exploitation, 564 055 euros la deuxième, 677 419 euros la troisième (pièce 48 de Cash Converters). A aucun moment, il ne démontre avoir été trompé et avoir réalisé son prévisionnel sur la base des chiffres d'une franchise classique. Ces chiffres étaient réalistes au regard de ceux réalisés par les franchisés Cash Converters City, tels qu'indiqués par le franchiseur, de sorte qu'aucun reproche ne peut être fait à la société Cash Converters s'agissant de la non-contestation de ces chiffres. Enfin, ainsi que le soulignent à juste titre les premiers juges, le droit d'entrée de 30 500 euros a été ramené à 10 000 euros, démontrant que les parties s'étaient entendues sur ce nouveau format.

La société ECB ne peut donc prétendre s'être engagée sur un contrat classique, dans l'objectif de réaliser 1 million d'euros de chiffre d'affaires, et avoir été trompée par le vrai format choisi, puisque, dès le départ, elle savait qu'elle s'engageait sur la formule City.

Par ailleurs, elle ne démontre pas que le concept n'était pas viable. En effet, si le franchisé cite la situation difficile de sept franchisés, en liquidation ou sortis du réseau (pièces 28 à 30 de la société ECB), il apparaît en premier lieu, que certains d'entre eux ont souhaité volontairement quitter le réseau pour des raisons étrangères à une mauvaise rentabilité et qu'en second lieu, la société Cash Converters justifie de l'accroissement du nombre des franchisés City, et verse aux débats une extraction de son logiciel de caisse faisant état de franchisés City aux chiffres d'affaires conséquents (pièce 41 de Cash Converters).

Sur l'absence de présentation du marché local dans le DIP

La société ECB Cash soutient qu'en violation de l'article R. 330-1 4° du Code de commerce, la société Cash Converters ne lui a apporté aucune présentation du marché local, puisque, lors de la signature du contrat de franchise, aucune zone de prospection n'avait été définie, pas plus que dans le document d'information précontractuelle qui faisait référence à un projet d'installation dans la Région Nord, sans plus de précision et que le local n'a été trouvé qu'en juillet 2013 soit plus de 9 mois après la signature du contrat de franchise. Elle fait aussi valoir que le franchiseur ne l'a pas aidée dans la recherche d'un emplacement, alors que Monsieur X ne connaissait pas particulièrement la ville d'Armentières, étant demeuré au Maroc les 5 années précédant son retour en France.

Elle explique que la présentation du marché local constitue une obligation déterminante et essentielle du franchiseur, dont la méconnaissance fausse le consentement.

De plus, elle rappelle qu'il ne faut pas confondre la présentation du marché local incombant au franchiseur conformément à l'article R. 330-1 4° du Code de commerce et l'étude de marché qui, elle, n'est pas à la charge du franchiseur et qui relève de la responsabilité du franchisé.

Mais la société Cash Converters ne pouvait décrire le marché dans le DIP alors que l'emplacement n'était pas encore choisi par le franchisé.

Le franchiseur réplique, à juste titre, que l'enseigne " Cash Converters " rencontre des succès certains dans nombre de villes comparables à Armentières et que les meilleurs magasins du réseau sont implantés dans des villes ayant des taux de pauvreté ou des taux de chômage au moins aussi importants que ceux enregistrés dans la ville d'Armentières et invoque plus particulièrement que le magasin " City " d'Abbeville réalise 515 000 euros de chiffre d'affaires avec une population de 24 237 habitants (25 993 habitants à Armentières), un taux de pauvreté de 26,6 % (24,1 % à Armentières) et un taux de chômage de 24,2 % (18,3 % à Armentières).

En outre, il appartient à la partie invoquant un défaut d'information précontractuelle et alléguant que son contrat encourrait une annulation à ce titre de démontrer en quoi son consentement s'en serait trouvé vicié. Or, elle échoue dans cette démonstration. Le choix de l'emplacement incombait au franchisé (qui était originaire du Nord).

Sur l'absence de cause résultant de l'absence de savoir-faire

La société ECB Cash demande que soit prononcée la nullité du contrat de franchise pour absence de cause résultant de l'absence de transmission d'un savoir-faire.

Elle soutient que le savoir-faire, outre le fait qu'il doit être original et spécifique, éprouvé, actualisé, identifié, doit fournir un avantage concurrentiel. Or, elle prétend que le modèle économique des magasins City n'était pas viable, ce dont conviendrait la société Cash Converters elle-même en baissant le montant des royalties, consciente que des montants aussi élevés ne pouvaient être supportés par des magasins générant un chiffre d'affaire moyen de 500 000 euros.

De plus, elle estime qu'aucun savoir-faire réel ne lui a été transmis que ce soit lors de :

- la formation de M. X, " formé " au modèle classique,

- l'agencement du magasin,

- postérieurement à l'ouverture du magasin, période pendant laquelle il n'a reçu aucune information de la part de son franchiseur pendant plus d'un an.

Par ailleurs, les renseignements voire les préconisations, qui avaient été donnés par le franchiseur se sont avérés totalement inefficaces voir même dangereux, comme par exemple les vitrines préconisées par le franchiseur qui avaient des clés similaires pour tous les modèles vendus, de sorte que l'ensemble des magasins franchisés ont eu à subir des vols sans effraction commis par des personnes disposant d'un jeu de clés de ce type d'armoire.

En réplique, la société Cash Converters expose que le savoir-faire du réseau " Cash Converters " est bel et bien " secret, substantiel et identifié ", selon les termes du règlement CE n° 330/2010 sur les restrictions verticales. A ce titre, elle soutient que le réseau " Cash Converters " est depuis plusieurs années membre de la Fédération Française de la Franchise alors que, pour le devenir, il faut justifier du respect du Code européen de déontologie de la franchise qui impose au franchiseur d'avoir " mis au point et exploité avec succès un concept pendant une période raisonnable et dans au moins une unité pilote avant le lancement du réseau ".

Par ailleurs, elle relève que le concept du " Cash Converters City " est parfaitement rentable. Elle fait valoir, à ce titre les chiffres d'affaires des franchisés de Meaux, Calais, Lilas, Nanterre et Saint Denis.

Le savoir-faire est défini comme un ensemble finalisé de connaissances pratiques, transmissibles, non immédiatement accessibles, non brevetées, résultant de l'expérience du franchiseur, testées par lui et conférant à celui qui le maîtrise un avantage concurrentiel.

Le règlement n° 330/2010 du 20 avril 2010, relatif aux restrictions verticales définit ainsi le savoir-faire (art. 1er, g) : " le savoir-faire signifie un ensemble secret, substantiel et identifié d'informations pratiques non brevetées, résultant de l'expérience du fournisseur et testées par celui-ci ".

Or, le contrat de franchise précise bien le contenu du savoir-faire du franchiseur, lui-même transmis au franchisé dans un manuel opératoire.

De plus, la société ECB ne démontre pas l'absence de consistance du savoir-faire de la société Cash Converters, savoir-faire éprouvé.

Le jugement entrepris sera donc également confirmé en ce qu'il a rejeté la demande d'annulation du contrat de franchise pour absence de cause.

Sur la résiliation du contrat de franchise aux torts du franchiseur

A titre subsidiaire, si la cour venait à confirmer le jugement rendu et à ne pas ordonner la nullité du contrat de franchise, la société ECB Cash ne sollicite plus la résiliation du contrat de franchise, celle-ci ayant été prononcée par ordonnance du juge commissaire du 6 juin 2017 mais entend engager la responsabilité du franchiseur pour inexécution de ses obligations contractuelles. En effet, si elle ne conteste pas la résiliation judiciaire du contrat de franchise par le juge commissaire au visa de l'article L. 622-13- IV du Code de commerce, elle soutient cependant que ce dernier ne s'est pas prononcé sur la non-exécution par la société Cash Converters de ses obligations.

Elle sollicite à ce titre l'allocation de dommages intérêts d'un montant de 30.183,50 euros, correspondant à la moitié des sommes versées à Cash Converters.

Elle invoque plusieurs manquements contractuels :

Sur l'absence d'assistance

La société ECB Cash soutient qu'elle n'a bénéficié d'aucune assistance lors :

- de l'installation de son magasin, le franchiseur s'étant contenté de valider le local,

- du choix du mobilier, car si les références des meubles et des fournisseurs ont bien été produites par Cash Converters, ces meubles se sont avérés inadaptés,

- de l'exécution du contrat, aucune réunion annuelle n'ayant eu lieu alors que le contrat en prévoyait deux par an.

Sur le défaut de loyauté

La société ECB Cash soutient que le franchiseur a fait preuve d'une déloyauté à son égard dans le cadre de l'exécution du contrat de franchise :

- en diffusant de la publicité sur la zone d'exclusivité de son franchisé, à savoir la ville d'Armentières, concernant ses magasins intégrés Cash Converters de Lille Centre et Capinghem, faisant prévaloir ses intérêts personnels,

- en communiquant, lors du comité d'enseigne du 17 janvier 2015, auprès de l'ensemble des membres du réseau en ces termes : " des procédures de rupture de contrat ont été engagées à l'encontre d'Armentières ", alors même qu'à cette date, aucune demande de rupture du contrat n'avait été formalisée par Cash Converters.

Sur le budget communication nationale

La société ECB Cash soutient que, selon l'article 6 du contrat de franchise prévoyant une contribution du franchisé à la publicité à hauteur de 2,5 % de son chiffre d'affaires HT de l'année N-1, cette contribution sera répartie entre les opérations de publicité locale et nationale et que la part de contribution affectée aux opérations de publicité nationale ne pourra excéder 1,5 % du chiffre d'affaires du franchisé de l'année N-1. Cependant, selon elle, la commission publicité de la société Cash Converters n'ayant pas adopté de délibération précisant quel pourcentage de ces 2,5 % devrait être consacré à la publicité nationale, le franchiseur n'est pas recevable à solliciter un quelconque paiement au titre de la contribution communication et ne pouvait donc lui facturer la somme de 7 657,20 euros TTC dont elle demande remboursement ; d'autant plus que, dès sa première année d'exercice, elle a dépensé une somme de l'ordre de 19 000 euros TTC au titre de la publicité locale, dépassant ainsi largement les 2,5 % de son chiffre d'affaires.

Le franchiseur réfute tous ces griefs.

Repose sur le franchiseur l'obligation de transmettre au franchisé des moyens susceptibles de reproduire la réussite éprouvée par lui : savoir-faire, assistance et signes distinctifs attractifs de clientèle.

Or, la société ECB ne démontre pas le défaut d'assistance du franchiseur ni son manque de loyauté dans l'exécution du contrat.

La société Cash Converters soutient à juste titre que les griefs qui lui sont imputés sont insusceptibles de justifier une résiliation du contrat aux torts du franchiseur.

M. X a reçu un formation théorique et pratique initiale (pièce 51 de Cash Converters), a été convoqué aux réunions régionales organisées au sein du réseau (pièce 52 de Cash Converters), et a reçu des visites par l'animateur du réseau, en juin 2014 et juin 2015 (pièces 49 et 53 de Cash Converters). Dans le cadre de son devoir d'assistance, le franchiseur a proposé en décembre 2014 la mise en place d'un " report de règlement pour 6 mois à compter des prélèvements de janvier 2015 (factures décembre 2014) concernant les royalties " (pièce 7 d'ECB). Enfin, elle n'a pas sollicité de la société ECB Cash la descente forcée de l'enseigne, ce qui a permis à la société ECB Cash de poursuivre un temps son activité sous l'enseigne et au travers du concept Cash Converters (pièce 34 de Cash Converters).

Concernant la loyauté, la publicité en cause n'est parue qu'une seule fois et avait été commandée avant l'entrée de Monsieur X dans le réseau et une nouvelle publicité est parue dans un numéro ultérieur, qui visait le magasin d'Armentières.

Concernant les critiques relatives au budget communication nationale, celles-ci sont infondées, compte tenu de l'effort publicitaire du franchiseur pour accroître toujours la notoriété de l'enseigne " Cash Converters " (pièces 55 à 58 de Cash Converters).

Il y a donc lieu de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a estimé que la société Cash Converters n'avait pas manqué à ses obligations contractuelles.

Sur la demande reconventionnelle de la société Cash Converters

La société Cash Converters demande que la société ECB Cash soit condamnée à lui verser la somme de 13 521,41 euros en sus des 8 000 euros octroyés par le tribunal. Selon elle, cette somme correspond à des arriérés de factures dont le montant a été fixé au 13 avril 2015. Elle fait valoir une mise en demeure de février 2015 portant sur 9 218 euros.

La société ECB Cash soutient que le décompte produit par Cash Converters et qui comprend à la fois les royalties et la participation à la publicité est erroné car :

- le franchiseur n'est pas recevable à solliciter un quelconque paiement au titre de la contribution communication,

- il n'a jamais été prévu que la visite de " client mystère " par le franchiseur, intégrée dans ce décompte, serait payante.

La société Cash Converters ne verse aux débats qu'un relevé de compte et des factures de redevances de franchise et de publicité.

Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a condamné la société ECB à payer à la société Cash Converters la somme de 8 000 euros, représentant 8 redevances de franchise (de juillet à septembre, novembre, décembre 2014 et janvier à mars 2015), celles-ci n'étant pas sérieusement contestées par le franchisé. Cette somme sera assortie des intérêts au taux légal à compter du 2 février 2015.

Elle sera fixée au passif de la liquidation de la société ECB.

La demande de la société Cash Converters sera rejetée pour le surplus, celle-ci étant insuffisamment étayée.

Sur les dépens et frais irrépétibles

La Selarl Depreux, prise en la personne de Maître Depreux, ès qualités de liquidateur de la société ECB Cash, succombant au principal, sera condamnée aux dépens d'appel ainsi qu'à payer à la société Cash Converters la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile au titre de la procédure d'appel.

Par ces motifs : LA COUR, confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a condamné la société ECB à payer la somme de 8 000 euros à la société Cash Converters, l'infirme sur ce point, et, statuant à nouveau, fixe la créance de la société Cash Converters au passif de la société ECB à la somme de 8 000 euros ; condamne la Selarl Depreux, prise en la personne de Maître Depreux, ès qualités de liquidateur de la société ECB Cash, aux dépens d'appel ainsi qu'à payer à la société Cash Converters la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile au titre de la procédure d'appel.