Livv
Décisions

CA Montpellier, 2e ch., 12 février 2019, n° 17-02458

MONTPELLIER

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Groupe France Epargne (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Prouzat

Conseiller :

Mme Bourdon

Avocats :

SCP Legros Julien Blondeaut Dat, Me Constant, SCP Argelliès Apollis, Me Coté

T. com. Montpellier, du 29 mars 2017

29 mars 2017

FAITS ET PROCEDURE - MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES :

La SAS Groupe France Epargne (la société GFE) commercialise des programmes immobiliers sous des régimes fiscaux divers auprès d'investisseurs privés.

Elle a signé, le 22 avril 2009, un contrat dit " d'agent commercial " avec X auquel elle confiait un mandat non exclusif à l'effet de procéder, en son nom et pour son compte, sans aucun lien de subordination, à la recherche d'acquéreurs ou de preneurs, et plus généralement de se livrer à toutes opérations relevant de l'activité de " transactions sur immeubles et fonds de commerce ", réglementée par la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970 et le décret 72-678 du 20 juillet 1972 (...) ; il était précisé au contrat que l'agent s'engage à respecter les instructions de vente qui lui seraient adressées par le mandant ainsi que les tarifs et les barèmes de remises pratiqués par celui-ci qui se réserve le droit de les modifier, qu'il s'engage encore à ne pas modifier les documents remis par le mandant, qu'il n'a pas qualité pour contresigner les documents préliminaires de Vefa (article 4) et que le mandant se réserve la faculté d'accepter ou de refuser les acquéreurs potentiels présentés (article 1er).

Le contrat a été conclu à durée indéterminée et la rémunération de l'agent fixée en pourcentage du prix de vente des biens commercialisés, neufs ou d'occasion ; un avenant du 25 octobre 2013 prévoit que la rémunération du mandataire est fixée à 4,50 % TTC du prix de vente TTC du bien immobilier, hors meubles, et à 6,50 % TTC lorsque le client réservataire n'est pas un contact fourni par le mandant et est donc un contact personnel de l'agent.

Le 6 juin 2014, plusieurs collaborateurs de la société GFE, dont M. X, ont adressé à celle-ci un courrier dans lequel ils s'inquiétaient de ne recevoir quasiment plus de rendez-vous, ayant appris que l'ensemble du personnel de la cellule télémarketing en charge de la gestion des agendas avait été licencié, et demandaient à être informés du sort qui leur était réservé eu égard aux conséquences économiques de la situation actuelle.

La société GFE a répondu, le 24 juin 2014, que les difficultés rencontrées par la société, caractérisées par une forte baisse de l'investissement dans le secteur des programmes immobiliers à effets fiscaux incitatifs, l'avait récemment conduite à se réorganiser, qu'elle avait donc cessé de commercialiser de nouveaux programmes, mais que les agents commerciaux devaient poursuivre leurs efforts, s'agissant des programmes existants, pour en réaliser les ventes, tant auprès des prospects que la société peut leur indiquer qu'auprès de tout prospect que leur activité doit les conduire nécessairement à identifier.

Reprochant à la société CFE divers manquements rendant, selon lui, impossible la poursuite de la relation contractuelle, comme la suppression, en mai 2014, du service de télémarketing ayant pour mission de rechercher des prospects et de les orienter vers les agents commerciaux et l'absence de toute information quant à l'évolution de sa politique commerciale du fait de la cession, par suite d'une opération de fusion, au groupe Park&Suites des produits " Appart' City " jusqu'alors commercialisés par elle, en tant que filiale de la société GMI, et désormais commercialisés par une société Cerenicimo, M. X, a, par exploit du 3 avril 2015, fait assigner celle-ci devant le tribunal de commerce de Montpellier pour voir prononcer la résiliation judiciaire du contrat à ses torts exclusifs et obtenir le paiement de l'indemnité de fin de contrat prévue à l'article L. 134-12 du Code de commerce.

En défense, la société GFE a, pour l'essentiel, contesté l'application du statut des agents commerciaux revendiqué par M. X, ainsi que les manquements lui étant imputés pour justifier la résiliation à ses torts du contrat liant les parties.

La juridiction consulaire, par jugement du 29 mars 2017, a notamment :

- dit que M. X a la qualité d'agent commercial,

- prononcé la résiliation judiciaire du contrat d'agent commercial le liant à la société Groupe France Epargne aux torts et griefs de celle-ci,

- condamné la société GFE à payer à M. X la somme de 197 350,23 euros,

- pris acte de la levée par la société GFE de la clause de non-concurrence prévue au contrat d'agent commercial,

- débouté la société GFE de ses autres demandes,

- condamné la société GFE à payer à M. X la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

La société GFE a régulièrement relevé appel, le 28 avril 2017, de ce jugement en vue de son infirmation.

En l'état des conclusions, qu'elle a déposées le 25 juillet 2017, via le RPVA, elle demande à la cour, au visa notamment des articles L. 134-1 et suivants du Code de commerce, de :

A titre principal :

- dire que M. X n'a pas la qualité d'agent commercial au sens de l'article L. 134-1 du Code de commerce, ni la qualité de mandataire d'intérêt commun,

- dire qu'aucune indemnité compensatrice n'est due à M. X en cas de résiliation du contrat, qu'elle n'est pas débitrice d'une obligation contractuelle de prospection, qu'elle a exécuté ses obligations au titre du contrat signé avec celui-ci, qu'elle n'a pas modifié unilatéralement les éléments essentiels du contrat, que la modification du service de standard téléphonique et l'information donnée par elle à M. X ne constituent pas des manquements graves qui lui soient imputables et qu'il n'y a donc pas lieu à résiliation judiciaire du contrat,

- dire que le seul préjudice économique qui résulterait de la résiliation du contrat est une perte de chance non sérieuse de contacts d'éventuels clients et de commissions, que cette perte de chance non sérieuse n'est pas indemnisable, que le préjudice subi par M. X du fait de la résiliation du contrat devrait être calculé au regard de la marge réalisée antérieurement et qu'aucun élément ne permet de procéder à ce calcul,

- débouter M. X de toutes ses demandes, fins et conclusions,

A titre subsidiaire :

- juger qu'elle a mis en mesure M. X d'exécuter le contrat qu'il a lui même résilié et que la résiliation du contrat ne peut être prononcée à ses torts et griefs,

- débouter M. X de toutes ses demandes, fins et conclusions à ce titre,

A titre infiniment subsidiaire :

- juger que l'indemnité de résiliation doit être calculée sur les années 2013 et 2014, que le montant de l'indemnité de résiliation du contrat ne peut inclure la TVA et que l'indemnité ne peut être égale qu'à deux ans de commission,

En tout état de cause :

- dire qu'aucun préjudice ne pourrait être subi par M. X du fait de l'application des dispositions du contrat signé avec elle en cas de résiliation de celui-ci,

- prendre acte de la levée de la clause de non-concurrence prévue à l'article 8 du contrat signé avec M. X en cas de rupture de celui-ci,

- condamner M. X au paiement de la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Elle fait valoir pour l'essentiel que :

- M. X, qui n'avait pas le pouvoir de signer pour son compte les contrats de réservation et ne disposait d'aucune marge de négociation quant aux prix de vente des lots et aux loyers proposés y compris pour les lots faisant l'objet d'une rentabilité bonifiée, était chargé d'un mandat de prospection au titre duquel il s'engageait à rechercher une clientèle et à lui proposer les produits, activité exclusive du statut d'agent commercial au sens de l'article L. 134-1 du Code de commerce,

- l'article 4 de la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970 dite " loi Hoguet " renvoie à l'ensemble du chapitre du Code de commerce consacré au statut d'agent commercial, en ce compris l'article L. 134-1, en sorte que M. X, qui n'a pas reçu d'habilitation de sa part pour négocier, s'entremettre ou s'engager pour son compte, ne peut prétendre bénéficier du statut,

- en l'absence du pouvoir de conclure des contrats de vente et d'une collaboration au développement d'une clientèle commune, il ne peut, non plus, prétendre à l'existence d'un mandat d'intérêt commun,

- aucun manquement ne peut lui être imputé relativement à une prétendue obligation de prospection, qui serait liée à un service de télémarketing, alors que le contrat mettait précisément à la charge de M. X une mission de prospection des acquéreurs potentiels,

- le fait qu'elle ait mis en place un service de standard téléphonique chargé de répondre aux appels de clients potentiels et de transférer leurs coordonnées à M. X ne saurait constituer la reconnaissance d'une obligation de prospection lui incombant,

- elle n'était débitrice d'aucune obligation d'information sur la modification de la structure capitalistique du groupe auquel elle appartient, aucun manquement à l'article 5 du contrat ne pouvant ainsi lui être imputé, et l'intervention de la société Cerenicimo pour la commercialisation de lots invendus, l'a été à l'initiative des promoteurs immobiliers,

- en toute hypothèse, M. X ne justifie d'aucun préjudice économique qui résulterait de la résiliation du contrat, le seul préjudice éventuellement subi par lui ne pouvant être que de la perte de chance de contacts, qui n'est ni sérieuse, ni indemnisable,

- si la commercialisation de nouveaux produits a diminué en raison de circonstances extérieures liées à la baisse de l'investissement, elle a mis M. X en mesure d'exercer son activité, puisque celui-ci a perçu de janvier à juin 2014 des commissions à hauteur de 54 394,48 euros HT, correspondant au montant annuel habituellement perçu par celui-ci.

Formant appel incident, M. X, aux termes des conclusions qu'il a déposées le 12 septembre 2017 par le RPVA, sollicite la condamnation de la société GFE à lui payer la somme de 288 815,92 euros au titre soit de la rupture du contrat d'agent commercial, soit de la rupture du mandat d'intérêt commun si la cour retenait que les relations contractuelles entre les parties s'analysent en un mandat d'intérêt commun ; il conclut à la confirmation du jugement en ce qu'il a prononcé la résiliation judiciaire du contrat d'agence aux torts et griefs de la société GFE et demande subsidiairement, dans l'hypothèse où serait retenue la qualification de mandat d'intérêt commun, que la résiliation d'un tel contrat soit prononcée aux torts exclusifs de la société GFE ; enfin, il réclame l'allocation de la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Il expose en substance que :

- le contrat liant les parties vise le statut d'agent commercial et en tant que professionnel habilité par la société GFE, titulaire d'une carte professionnelle, à s'entremettre et s'engager pour son compte, le statut lui est d'office applicable en vertu de l'article 4 de la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970 renvoyant aux dispositions des articles L. 134-1 et suivants du Code de commerce,

- sa mission consistait à réaliser des transactions sur immeubles et il avait le pouvoir de négocier les tarifs de vente, puisqu'une fourchette de négociation déterminée par un barème de remises lui était attribuée,

- c'est précisément par la négociation de taux de rentabilité bonifiés en termes de revenus locatifs, qu'il est parvenu à convaincre des acquéreurs potentiels de conclure des contrats de réservation, qu'il avait également pour mission de faire signer aux clients,

- quand bien même les conditions d'application du statut légal d'agent commercial ne seraient pas réunies, l'existence d'un mandat d'intérêt commun devrait alors être reconnue, ayant pour objet le développement d'une clientèle commune,

- la société GFE disposait d'un service commercial spécialisé d'une dizaine de personnes travaillant en télémarketing ayant pour mission de trouver les prospects et de fixer les rendez-vous aux agents commerciaux, dont il gérait intégralement l'agenda, et c'est de façon soudaine et inattendue, qu'à partir du mois de mai 2014, à la suite de la suppression de ce service commercial de télémarketing, il s'est trouvé privé de prospects et mis dans l'impossibilité d'effectuer sa mission de prospection pour le compte de son mandant,

- la société GFE, qui s'était engagée contractuellement à le tenir régulièrement informé de sa politique commerciale, a, par ailleurs, manqué à son obligation de loyauté découlant de l'article L. 134-4 du Code de commerce en commercialisant des produits de même nature par l'intermédiaire d'une société Cerenicimo, proposant même un rendement supérieur aux produits que lui-même commercialisait,

- le nombre de lots vendus par la société GFE par l'intermédiaire de ses agents commerciaux est ainsi passé de 467 en 2012 à 292 en 2013 et à moins de 30 dans le courant de l'année 2014,

- la résiliation du contrat doit dès lors être prononcée aux torts exclusifs de la société GFE, qui doit être condamnée à lui verser une indemnité de fin de contrat égale à trois années de commissions.

Il est renvoyé, pour l'exposé complet des moyens et prétentions des parties, aux conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile.

C'est en l'état que l'instruction a été clôturée par ordonnance du 18 décembre 2018.

MOTIFS DE LA DECISION :

L'article 1er de la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970 réglementant les conditions d'exercice des activités relatives à certaines opérations portant sur les immeubles les fonds de commerce énonce que les dispositions de cette loi s'appliquent aux personnes physiques ou morales qui, d'une manière habituelle, se livrent ou prêtent leur concours, même à titre accessoire, aux opérations portant sur les biens d'autrui et relatives à 1°) l'achat, la vente, la recherche, l'échange, la location ou sous location, saisonnière ou non, en nu ou en meublé d'immeubles bâtis ou non bâtis (...) ; il résulte, par ailleurs, de l'article 4 de ladite loi, dans sa rédaction issue de la loi n° 2006-872 du 13 juillet 2006, que toute personne habilitée par un titulaire de la carte professionnelle à négocier, s'entremettre ou s'engager pour le compte de ce dernier justifie d'une compétence professionnelle, de sa qualité et de l'étendue de ses pouvoirs dans les conditions fixées par décret en conseil d'État et que les dispositions du chapitre IV du titre III du Code de commerce sont applicables à ces personnes lorsqu'elles ne sont pas salariées ; il s'ensuit que le collaborateur immobilier non salarié d'un agent immobilier, dès lors qu'il justifie de l'attestation prévue à l'article 9 du décret n° 72-678 du 20 juillet 1972 à l'effet de négocier, s'entremettre ou s'engager pour le compte de celui-ci dans le cadre d'opérations entrant dans le champ d'application de la loi du 2 janvier 1970, est soumis au statut des agents commerciaux régi par les articles L. 134-1 et suivants du Code de commerce.

En l'occurrence, le contrat signé le 22 avril 2009 entre les parties, expressément qualifié de contrat d'agent commercial, consiste pour la société GFE à confier à M. X un mandat non exclusif de procéder, en son nom et pour son compte, sans aucun lien de subordination, à la recherche d'acquéreurs ou de preneurs, et plus généralement de se livrer à toutes opérations relevant de l'activité de " transactions sur immeubles et fonds de commerce ", réglementée par la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970 et le décret n° 72-678 du 20 juillet 1972 (article 1) ; il est indiqué que la mission de représentation confiée à l'agent l'est à titre non exclusif et s'exercera sur l'ensemble du territoire national (article 2) et que le contrat de mandat est conclu pour une durée indéterminée (article 3) ; au titre des obligations pesant sur l'agent commercial (article 4), il est stipulé que l'agent s'engage à exercer son mandat en tant qu'agent commercial mandataire, et ce, à titre de profession habituelle et indépendante, qu'il n'est pas tenu d'exercer sa profession de manière exclusive et constante, mais devra rendre compte à son mandant de l'accomplissement du mandat qui lui est confié, s'obligeant notamment à transmettre à celui-ci toutes pièces relatives à son activité telles que mandat, offre, promesse de vente et contrat préliminaire de vente en l'état futur d'achèvement, et qu'il s'engage à respecter les instructions de vente qui lui seraient adressées par le mandant ainsi que les tarifs et les barèmes de remises pratiqués par celui-ci qui se réserve le droit de les modifier.

La mission de l'agent, telle que définie au contrat (article 4), vise en particulier à établir tous contacts commerciaux avec tout client potentiel, à transmettre au mandant toutes les informations (commerciales et financières) concernant le client, permettant au mandant d'établir un scoring client et de valider la faisabilité de son éventuelle acquisition, à entreprendre toutes démarches et exécuter toutes les formalités nécessaires à la conclusion de la vente pour le compte du mandant, à respecter les dispositions des articles L. 121-21, L. 121-23 à L. 121-27 du Code de la consommation relatives au démarchage à domicile, à faire retour au mandant d'informations sur les rendez-vous fournis par celui-ci, à assister le mandant dans le recouvrement des créances clients si nécessaire et à informer régulièrement le mandant de l'état du marché, des souhaits de la clientèle, des difficultés rencontrées et des actions de la concurrence.

En pratique, M. X s'est vu confier par la société GFE, sur la base de grilles de prix, que celle-ci avait elle-même établis, la recherche et la prospection de clients en vue, d'une part, de la vente de locaux meublés au sein de diverses résidences de tourisme en cours de construction, sous le régime de la vente en l'état futur d'achèvement, et, d'autre part, de la mise en location de ces locaux par le biais d'un baux commerciaux à conclure avec une société Dom Ville Services exploitant la marque " Appart' City " ; les opérations de vente et de location ainsi projetées s'inscrivaient dans le cadre d'un investissement locatif destiné à procurer à l'acquéreur une rentabilité, comprise généralement entre 4 % et 4,20 %, qu'il était susceptible de retirer des loyers commerciaux, et à le faire bénéficier d'une récupération de la TVA liée au statut de loueur en meublé non professionnel et d'une réduction d'impôt de 18 %, calculée sur le prix de revient hors taxes du bien, dans le cadre de la loi " Bouvard Censi " ; il n'est pas discuté qu'en vue de l'exécution d'un tel mandat, M. X était titulaire, en sa qualité d'agent commercial, de l'attestation lui ayant été délivrée conformément à l'article 9 du décret du 20 juillet 1972 par la société GFE, elle-même titulaire de la carte professionnelle.

Certes, l'application du statut d'agent commercial ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties dans le contrat, ni de la dénomination qu'elles ont donnée à leur convention, mais des conditions dans lesquelles l'activité en cause a été effectivement exercée ; au cas d'espèce, même si M. X n'avait pas qualité pour contresigner les contrats préliminaires de Vefa, ne pouvait modifier les documents remis par le mandant et s'était engagé à respecter les instructions de vente lui étant adressées par le mandant, lequel se réservait la faculté d'accepter ou de refuser les acquéreurs potentiels présentés, il n'en demeure pas moins que, titulaire de l'attestation prévue à l'article 9 du décret du 20 juillet 1970, il s'était vu confier un mandat d'entremise visant, hors toute mission de négociation, à la recherche de clients et à la mise en relation de ceux-ci avec son mandant, dans le cadre d'opérations de vente et de location de biens immobiliers entrant dans le champ d'application de la loi du 2 janvier 1970.

En outre, contrairement à ce qui est affirmé, M. X disposait d'un certain pouvoir de négociation puisque, devant respecter les barèmes de remises pratiquées par la société GFE aux termes de l'article 4 du contrat, il était donc nécessairement en mesure d'accorder des remises aux clients dans les limites fixées par le mandant, quand bien même il n'avait pas le pouvoir d'engager celui-ci, qui avait toujours la faculté d'accepter ou de refuser les acquéreurs potentiels ; il avait également la possibilité, ainsi qu'il ressort des pièces produites, d'offrir aux clients, sur certains programmes immobiliers, des loyers hors taxes bonifiés présentant des taux de rentabilité de 4,60 % à 5,55 % par rapport à un taux de rentabilité " classique " de 4,20 %, un courriel de la société GFE en date du 23 juin 2011 avisant ainsi les conseillers (sic) qu'ils bénéficiaient jusqu'au 25 juin de rentabilités bonifiés de 4,60 % à 4,90 % sur le programme " Appart' City " de Pyrénées 2000, outre une prime vendeur de 4 000 euros ; enfin, il était également mandaté, comme cela résulte des termes mêmes de son contrat, à l'effet d'intervenir dans la commercialisation de biens d'occasion provenant de programmes achevés et appartenant à des propriétaires souhaitant les revendre, aucune instruction précise ne lui étant donnée quant au prix de vente.

Il résulte de ce qui précède que M. X peut effectivement prétendre bénéficier du statut d'agent commercial, régi par les articles L 134-1 et suivants du Code de commerce, par renvoi de l'article 4, alinéa 2, de la loi du 2 janvier 1970, dans sa rédaction issue de la loi du 13 juillet 2006, les autres moyens développés étant surabondants.

L'article L. 134-4 du Code de commerce dispose que les contrats intervenus entre les agents commerciaux et leurs mandants sont conclus dans l'intérêt commun des parties et que les rapports entre l'agent commercial et le mandant sont régis par une obligation de loyauté et un devoir réciproque d'information ; le mandant, tenu d'une obligation de loyauté à l'égard de l'agent commercial, doit ainsi mettre celui-ci en mesure d'accomplir son mandat ; l'article 5 du contrat liant les parties énonce, par ailleurs, que le mandant s'engage à tenir l'agent régulièrement informé de sa politique commerciale et qu'à cette fin, il lui remettra tout document commercial de présentation des produits et lui faire part de la stratégie commerciale retenue.

En l'occurrence, la société GFE, qui faisait notamment état, dans un courrier adressé le 25 août 2011 à un autre agent commercial (M. Y), de 62 résidences en exploitation en 2011 et qui possédait au 22 avril 2013 un portefeuille de 274 appartements à vendre localisés dans plusieurs villes de France (Amiens, Angers, Annemasse, Bobigny et Cherbourg), n'avait plus au 4 septembre 2014, selon les pièces produites, que 29 appartements à vendre dans des résidences de tourisme ; dès le 6 juin 2014, plusieurs agents commerciaux, dont M. X, se sont inquiétés auprès de la société GFE de ne recevoir presque plus de rendez-vous, à la suite du licenciement du personnel de la cellule télémarketing en charge de la gestion des agendas, et ont donc demandé à être informés du sort qui leur était réservé eu égard aux conséquences économiques de la situation actuelle (sic) ; dans sa réponse du 24 juin 2014, la société GFE s'est bornée à faire état d'une forte baisse de l'investissement dans le secteur des programmes immobiliers à effets fiscaux incitatifs, qui l'avait obligée à se réorganiser, raison pour laquelle elle avait cessé de commercialiser de nouveaux programmes, et a demandé aux agents commerciaux de poursuivre leurs efforts pour en réaliser les ventes.

Pour autant, il ressort de divers éléments, comme le procès-verbal de réunion du comité d'entreprise de la société Dom Ville Services en date du 7 janvier 2014, la lettre du président du directoire du groupe GMI (M. Z) adressée le 17 janvier 2014 aux propriétaires, le communiqué de presse du 10 mars 2014 des groupes Park&Suites et Appart'City, la plaquette publicitaire des deux groupes après leur fusion et celle de la société Cerenicimo consacrée à la commercialisation d'une résidence d'affaires *** à Bordeaux, qu'en janvier 2014, la société M. Finance et la société Equistone Partners Europe sont devenus respectivement détenteurs de 60 % et 40 % du capital des sociétés du groupe Park&Suites lequel a ensuite pris le contrôle du Groupe Menguy Investissement (GMI), ayant comme société holding la société Financière de Valériane, sachant que parmi les sociétés du groupe GMI figurent la société Dom Ville Services, exploitant des résidences de tourisme sous la marque " Appart' City ", ainsi que la société GFE ; c'est à la suite de la restructuration des groupes Park&Suites et Appart' City formant désormais un groupe devenu le numéro 1 français des résidences de tourisme d'affaires et exploitant 117 résidences situées dans les plus grandes agglomérations françaises, que la commercialisation des programmes réalisés sous ces deux marques a été confiée à la société Cerenicimo.

Il s'ensuit que seule la décision prise au niveau du groupe ainsi restructuré de confier la commercialisation des appartements de la marque " Appart' City ", comme ceux de la marque " Park&Suites ", à un partenaire extérieur, la société Cerenicimo, est à l'origine de la diminution du portefeuille d'appartements de la société GFE, laquelle n'a donc plus été en mesure, à partir du milieu de l'année 2014, de fournir à ses agents commerciaux un nombre de biens immobiliers à la vente en quantité suffisante pour permettre aux intéressés d'accomplir leur mandat ; la société GFE ne pouvait dès lors, pour expliquer à ses agents commerciaux qu'elle avait cessé de commercialiser de nouveaux programmes immobiliers, prendre prétexte d'une forte baisse de l'investissement dans le secteur des programmes immobiliers à effets fiscaux incitatifs ; elle ne peut non plus sérieusement soutenir que ce sont les promoteurs immobiliers qui ont fait le choix de confier la vente des lots issus de leurs programmes à la société Cerenicimo.

Le mandat d'entremise confiée à M. X, qui s'adressait pour le compte de la société GFE à des investisseurs privés, ne pouvait raisonnablement s'exécuter sans que le mandant ne fournisse à l'agent commercial des listes de rendez-vous auprès de clients potentiels, le mandant établissant ou faisant établir des listes de prospects, que l'agent devait ensuite rencontrer lors de rendez-vous fixés à leurs domiciles, selon une méthodologie décrite dans document " gestion de l'activité ", produit aux débats, notamment le 1er rendez-vous dit " de présentation " suite à un rendez-vous fourni par la cellule télémarketing ; un autre document " réussir notre collaboration ", établi par la société GFE, indique qu'une équipe de téléprospecteurs formée au concept GFE Epargne Retraite, encadrée par un responsable de plateau et des responsables d'équipe, a pour rôle d'obtenir aux agents commerciaux des rendez-vous qualifiés, le courriel du 23 juin 2003 de la société GFE, adressé à ses conseillers, faisant état de ce que le service gestion de planning exploite actuellement de nouveaux fichiers pour (...) fournir des rendez-vous en quantité et qualifiés et que pour optimiser le travail des téléopérateurs, le service communication et e business met en œuvre des actions visant à nourrir le centre d'appels, comme un mailing destiné à 5000 prospects ; enfin, il est communiqué le contrat de travail de la salariée (Mme W) responsable de la cellule de télémarketing, licenciée à effet du 15 avril 2011, et qui avait en particulier pour fonction le recrutement des téléprospecteurs chargés de prendre des rendez-vous pour le service commercial du groupe GFE, ainsi que la gestion et le suivi des rendez-vous des agents commerciaux.

La société GFE ne peut ainsi prétendre qu'elle n'avait pas pris l'engagement de faire bénéficier son agent commercial d'un service de télémarketing chargé de lui trouver des prospects, d'autant qu'en vertu de l'article 4 du contrat, celui-ci avait l'obligation à l'égard de son cocontractant de faire un retour d'informations sur les rendez-vous fournis par le mandant.

La société GFE a tenu son agent commercial dans l'ignorance de la prise de contrôle du groupe GMI et de la décision du groupe après sa restructuration de confier à un partenaire extérieur la commercialisation des appartements de la marque " Appart' City ", ce dont il est résulté une baisse de son activité commerciale avec une incidence directe sur l'exécution du mandat de l'agent ; du fait de la prise de contrôle des sociétés du groupe GMI par la société M. Finance et la société EPE via le groupe Park&Suites, la société GFE se trouve désormais incorporée dans ce groupe de sociétés et elle n'a pris, par l'intermédiaire de ses dirigeants, aucune initiative visant à régler le sort du contrat d'agence en cours ou à proposer à l'agent d'autres produits à commercialiser, sachant qu'à compter de juin 2014, M. X ne disposait plus que d'un nombre limité de biens immobiliers à la vente, qui ne lui permettait plus d'accomplir son mandat ; l'intervention de la société Cerenicimo, qui se substituait à la société GFE dans la commercialisation des appartements de la marque " Appart' City ", mettait ainsi M. X dans l'impossibilité de poursuivre la relation contractuelle, alors que celui-ci était tenu à l'égard de son mandant, pendant la durée du contrat, d'une obligation de non-concurrence relativement à toute activité se rapportant directement ou indirectement à des opérations de transactions immobilières dans le cadre d'investissements locatifs ; en outre, en supprimant le service de télémarketing, nécessaire à l'exécution du mandat d'entremise de son agent, la société GFE a également contribué à faire obstacle à la poursuite de la relation.

Les manquements de la société GFE à ses obligations de loyauté et d'information, tels que décrits ci-dessus, justifient dès lors, compte tenu de leur gravité, la résiliation du contrat d'agent commercial conclu le 22 avril 2009 entre les parties aux torts exclusifs du mandant, ainsi qu'en a justement décidé le premier juge.

M. X est donc fondé à prétendre à l'indemnité prévue par l'article L. 134-12 du Code de commerce ayant pour objet d'assurer à l'agent, dont le contrat est rompu, la réparation complète de son préjudice résultant de la perte, pour l'avenir, des revenus retirés de l'exploitation de la clientèle.

Pour l'évaluation du préjudice consécutif à la cessation du contrat, il convient de retenir que la relation contractuelle entre les parties a duré sept ans jusqu'à sa résiliation aux termes du jugement du 29 mars 2017, qu'en 2012 et 2013, M. X a perçu la somme TTC de 197 350,23 euros de commissions, qu'il ne bénéficiait pas d'une exclusivité pour l'exécution de son mandat d'entremise, qu'il était néanmoins tenu d'une obligation de non-concurrence relativement à toute activité se rapportant à des opérations de transactions immobilières dans le cadre d'investissements locatifs, dont il n'a été dispensé que postérieurement à la saisine du tribunal de commerce, et qu'il n'est pas justifié, ni même allégué, d'investissements particuliers effectués en vue du développement de la clientèle commune ; en l'état de ces éléments, le montant de l'indemnité de cessation de contrat due par la société GFE doit être évalué à deux ans de commissions, soit la somme de 158 669,58 euros, arrondie à 158 670 euros, correspondant au montant hors taxes des commissions perçues en 2012 et 2013, sachant qu'une telle indemnité, dont l'objet est de réparer un préjudice commercial, ne se trouve pas assujettie à la taxe sur la valeur ajoutée.

Eu égard à la solution apportée au règlement du litige, la société GFE doit être condamnée aux dépens d'appel, ainsi qu'à payer à M. X la somme de 3 000 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens, sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par ces motifs : LA COUR, Statuant publiquement et contradictoirement, Réforme le jugement du tribunal de commerce de Montpellier en date du 29 mars 2017 mais seulement quant au montant de l'indemnité allouée, Statuant à nouveau de ce chef, Condamne la société Groupe France Epargne (la société GFE) à payer à X la somme de 158 670 euros au titre de l'indemnité prévue par l'article L. 134-12 du Code de commerce, Confirme le jugement entrepris dans le surplus de ses dispositions, Condamne la société GFE aux dépens d'appel, ainsi qu'à payer à M. X la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.