CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 20 février 2019, n° 15-13603
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Siac (SA)
Défendeur :
Renault (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Luc
Conseillers :
M. Bedouet, Mme Comte
Avocats :
Mes Grappotte-Benetreau, Bertin, Lallement, Vogel
FAITS ET PROCÉDURE
La société Siac exploitait, depuis 1964, une concession automobile de marque Renault à Saint Gaudens.
À la suite de l'entrée en vigueur du règlement d'exemption des accords de distribution automobile n° 1400/2002 du 31 juillet 2002, les parties ont conclu le 11 juillet 2003 un contrat de concession à durée indéterminée qui recouvrait à la fois :
- un contrat de distribution sélective qualitative portant sur les activités de réparation et vente de pièces détachées ;
- un accord de distribution sélective quantitative pour la vente de véhicules neufs.
Des contrats analogues ont été conclus le 30 mai 2005 concernant les véhicules de marque Dacia.
Le 4 décembre 2007 (pièce Renault n° 5), en application de l'article 16.1.1, invoquant de faibles performances commerciales, la société Renault a résilié de façon ordinaire, c'est-à-dire avec un délai de préavis de deux ans, le contrat qui la liait à la société Siac pour la distribution et la réparation des véhicules de marque Renault. Ce contrat a donc pris fin le 4 décembre 2009.
A la suite de la résiliation de son contrat, la Siac a contesté cette décision, relevant qu'aucune critique ou mise en demeure ne lui avait été adressée par Renault courant 2007 au sujet de ses performances commerciales en véhicules neufs (VN) et rappelant les efforts consentis courant 2007 pour améliorer ses performances (construction d'un nouveau hall d'exposition représentant un investissement de près de 400 000 euros, embauche d'un vendeur " Sociétés "...) et a mis la société Renault en demeure de lui faire signer un nouveau contrat de concession Renault (courrier du 6 février 2008, pièce adverse n° 6).
Par courrier du 19 mars 2008 (pièce Renault n° 7), la société Renault a contesté les termes du courrier de la Siac, lui rappelant, notamment, ses mauvaises performances durant les trois dernières années, sans répondre à la demande d'un nouveau contrat.
Par lettre RAR du 20 mai 2009, la Siac a réitéré sa candidature déjà notifiée le 6 février 2008 afin d'être maintenue en qualité de concessionnaire Renault au terme de son préavis de résiliation, en vertu d'un nouveau contrat. Elle faisait observer que sa demande ne se heurtait à aucun refus d'agrément susceptible d'être opposé de bonne foi par Renault, puisqu'elle n'avait commis aucune faute grave et qu'elle respectait l'intégralité des critères d'appartenance au réseau, ce que le constructeur avait dûment constaté le 18 décembre 2008, après un audit triennal.
Le 8 juin 2009, la société Renault a pris acte de la demande de la société Siac, mais l'a rejetée, soulignant qu'elle supprimait le point de vente " R1 " (Réseau primaire = concessionnaire) sur la zone de chalandise de Saint Gaudens, avec réduction du numerus clausus d'un contrat à compter du 4 décembre 2009. Elle n'a en revanche pas exclu d'agréer la Siac au sein de son réseau en qualité de réparateur agréé Renault.
S'agissant de la demande relative à l'activité de vente de véhicules neufs, la société Renault a donc informé la Siac que l'activité de distribution de Saint-Gaudens ne serait pas remplacée.
Après divers échanges entre les parties, et notamment un courrier de la société Renault du 8 juin 2009 signifiant que la concession ne serait pas renouvelée à Saint- Gaudens à partir du 4 décembre 2009, le 21 octobre 2009, la société Renault a informé la Siac de sa décision de ne pas renouveler l'activité de distribution de véhicules neufs à Saint-Gaudens, désormais exercée par la concession de Foix.
La société Siac, soutenant avoir été évincée de façon injustifiée et considérant qu'il lui suffisait de remplir les standards qualitatifs pour se voir autoriser à entrer à nouveau dans le réseau après la résiliation du contrat, a été autorisée à assigner à bref délai la société Renault devant le tribunal de commerce de Bordeaux qui s'est dessaisi au profit du tribunal de commerce de Paris, et devant le tribunal de commerce de Paris, afin d'obtenir la condamnation de la société Renault à lui payer à titre de dommages et intérêts les sommes respectives de 4 200 000 euros et 4 946 666 euros.
Par jugement du 16 juin 2015, le tribunal de commerce de Paris a :
- débouté la société Siac de ses demandes,
- condamné la Siac à payer la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
- condamné la Siac aux dépens.
Sur la résiliation du contrat de concession, le tribunal souligne que la société Renault pouvait librement mettre fin au contrat de concession sans avoir à justifier un motif, la seule obligation pesant sur elle étant celle de l'article 16.1.1 du contrat reprenant l'article 3.4 du règlement 1400/2002, à savoir permettre de vérifier que le motif de la résiliation ne visait pas à occulter une pratique anticoncurrentielle. Il relève à cet égard que la société Siac ne prouve pas en quoi le motif retenu par Renault cacherait une pratique anticoncurrentielle et que le préavis de deux ans a bien été respecté. Il en conclut que la résiliation du 4 décembre 2007 n'est pas fautive.
Sur le caractère prétendument brutal de la rupture, le tribunal relève que les parties ne contestent pas avoir entretenu des relations commerciales établies et que le préavis a été exécuté de bonne foi pendant deux ans. Il relève également que les parties s'opposent sur le point de départ de ce préavis et sur la durée du préavis qui aurait dû être octroyée, la société Siac sollicitant un préavis de 36 mois. Il estime que le point de départ du préavis est constitué par la notification de la lettre de rupture du 4 décembre 2007 et non, comme le prétend la société Siac, par la lettre du 8 juin 2009 dans laquelle la société Renault fait connaître ses intentions de ne pas renouveler le contrat de concession à compter du 4 décembre 2009. Il juge également que :
- le préavis de deux ans était d'une durée suffisante,
- la rupture n'était que partielle puisque la Siac conservait la concession Dacia et pouvait se porter candidate à être réparateur agréé Renault,
- la Siac ne démontrait pas avoir été dans l'impossibilité de se reconvertir dans ce délai,
- les investissements de 400 000 euros qu'elle venait de réaliser pour construire un nouveau hall d'exposition n'avait pas été demandés spécifiquement par la société Renault.
Sur le refus de Renault de signer un nouveau contrat de concession, le tribunal relève que la part de marché de Renault était très inférieure au seuil de 40 %, seuil en deçà duquel un réseau de distribution sélective quantitative de véhicules automobiles est présumé exonéré au titre de l'alinéa 3 de l'article 101 du traité. Il souligne également qu'aucune clause noire n'a été identifiée dans le contrat de concession et qu'il n'appartient pas au tribunal d'apprécier la pertinence du numerus clausus instauré par Renault. Il écarte également le grief de discrimination invoqué par la société Siac. Il en conclut qu'en n'examinant pas la candidature de la Siac à sa propre succession à partir du 5 décembre 2009, la société Renault n'a commis aucune faute engageant sa responsabilité.
La société Siac a interjeté appel de ce jugement.
Vu l'appel et les conclusions du 27 décembre 2018 de la société Siac, dans lesquelles elle demande à la cour de :
au visa des articles 1134 alinéas 1 et 3, et 1382 du Code civil, L. 420-1 et suivants, et L. 442-6, I, 5° du Code de commerce,
- infirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions,
et, statuant à nouveau,
- débouter la société Renault de l'intégralité de ses demandes fins et conclusions,
- juger que la société Renault a engagé sa responsabilité contractuelle au préjudice de la Siac en adoptant une attitude contraire à la bonne foi et à la loyauté contractuelle à l'occasion de l'ensemble des circonstances ayant entouré la notification de la résiliation ordinaire de son contrat par courrier du 4 décembre 2007,
*- juger en outre que le motif tiré d'une performance commerciale VN insuffisante invoqué dans la lettre de résiliation du 4 décembre 2007 ne constituait pas la raison transparente et objective de l'exclusion de la Siac du réseau Renault puisque cette résiliation tendait, en réalité, à permettre à Renault de poursuivre sa politique de concentration de son réseau en substituant à la Siac un opérateur concurrent limitrophe, le Groupe Peyrot,
- juger que Renault a opposé durant 16 mois un refus d'examen de la candidature de la Siac ne reposant sur aucun motif, lui laissant espérer un examen ultérieur, ce qui l'a privée d'un préavis utile sur cette période,
- constater que s'agissant du second refus d'agrément d'octobre 2009, celui-ci repose sur un critère quantitatif qui n'a jamais été communiqué par Renault à son réseau et qui ne figure nulle part dans les contrats de distribution Renault,
- juger ce critère inopposable,
- constater de surcroit que ce critère quantitatif prétendument assis sur le nombre de contrats n'a ni pour objet ni pour effet de limiter directement le nombre de distributeurs ou de points de vente du réseau dès lors que l'opérateur auquel il est opposé dispose d'au moins deux contrats antérieurement à la résiliation de l'un d'entre eux,
- constater par conséquent qu'il n'est susceptible d'aucune application uniforme à tous les distributeurs du réseau,
- juger en conséquence ce critère quantitatif inopposable pour ce second motif,
- juger par conséquent que la société Renault a encore engagé sa responsabilité délictuelle en ayant opposé à la Siac un refus d'agrément fautif, la privant ainsi indument de toute possibilité de se maintenir au sein du réseau Renault, et ce contrairement à toute bonne foi puisqu'au mépris des règles essentielles auxquelles obéit tout système de distribution sélective, système pourtant librement choisi par celle-ci,
- juger enfin qu'elle a à nouveau engagé sa responsabilité délictuelle en se rendant coupable d'une brusque rupture des relations commerciales établies de façon ininterrompue avec la Siac depuis 1964, en conséquence et pour les causes sus-énoncées,
- condamner la société Renault à payer à la Siac à titre de dommages et intérêts les sommes de :
* 4 200 000 euros
* 4 946 666 euros
- la condamner au paiement d'une somme de 30 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile,
- la condamner aux entiers frais et dépens d'instance et d'appel dont distraction en application de l'article 699 du CPC au profit de la SCP Grappotte-Benetreau ;
Vu les conclusions de la société Renault du 28 décembre 2018, dans lesquelles elle demande à la cour de :
Vu les articles 1134 du Code civil, L. 442-6, I, 5° et L. 420-1 du Code de commerce, 101 du TFUE et vu le Règlement CE n° 1400/2002 du 31 juillet 2002,
- confirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris le 16 juin 2015 en toutes ses dispositions,
- juger les demandes de la Siac irrecevables et mal fondées,
- juger que la société Renault n'a commis aucune faute en mettant fin, de façon ordinaire, avec un préavis de deux ans, au contrat du 11 juillet 2003 qui la liait à la Siac et a parfaitement respecté les dispositions de l'article 16.1.1 du contrat relatif à sa résiliation ordinaire,
- juger que la société Renault est en droit à l'issue du délai de préavis de 24 mois de ne pas conclure un contrat pour la vente de véhicules neufs Renault avec la Siac,
- juger que cette décision unilatérale est conforme à la liberté contractuelle et à l'interdiction des contrats perpétuels,
- juger qu'une décision unilatérale de refus d'agrément ne relève pas du droit des ententes et que si par impossible elle en relevait, elle serait parfaitement conforme au système de distribution sélective quantitative de Renault et en tout état de cause exemptée de plein droit au regard du règlement d'exemption n° 1400/2002 applicable à l'époque des faits,
- juger que le préavis accordé de deux années conforme au règlement communautaire applicable et à un contrat exempté de plein droit en vertu du droit européen ne peut être contesté et que ce préavis de deux ans était amplement suffisant, d'autant que l'absence de poursuite de l'activité d'après-vente formant l'essentiel de l'activité et de la rentabilité de la Siac lui est exclusivement imputable,
- juger que l'action délictuelle de la Siac est irrecevable car réclamant le même préjudice que son action contractuelle,
- juger que la Siac ne démontre en outre ni le principe, ni le montan de ses prétendus préjudices, ni le lien de causalité entre les fautes alléguées et lesdits préjudices,
- débouter la Siac de l'ensemble de ses demandes, subsidiairement,
- juger que la Siac ne rapporte pas la preuve du préjudice qu'elle prétend subir, ni du lien de causalité entre le préjudice allégué et les griefs faits à Renault, tant la démonstration du préjudice que du lien de causalité faisant défaut, la Siac ayant conservé ou étant en mesure de conserver au moment de la résiliation effective du contrat de concession l'essentiel de ses activités à l'issue du contrat en cours,
- condamner la Siac à verser à la société Renault la somme de 30.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
- condamner la Siac en tous les dépens dont distraction au profit de la Selarl BDL Avocats conformément à l'article 699 du Code de procédure civile ;
SUR CE, LA COUR,
Sur l'application du droit de la concurrence de l'Union
Si la société Siac exclut l'application du droit de la concurrence de l'Union, la société Renault conclut au contraire que le litige est susceptible d'affecter sensiblement le commerce intracommunautaire.
Une restriction verticale anticoncurrentielle affectant un système de distribution sélective qui s'applique à la totalité du territoire national est présumée affecter sensiblement le commerce intracommunautaire, et entraîner par voie de conséquence, l'application du droit de l'Union et donc de l'article 101 du TFUE.
La société Siac ne renverse pas cette présomption.
En l'espèce, les contrats de distribution sélective de la société Renault relèvent du règlement 1400/2002 et du règlement 2790/1999 du 22 décembre 1999. Au demeurant, s'ils ne s'appliquaient pas, ils serviraient de guide d'analyse utile pour l'application du droit français de la concurrence, selon une jurisprudence constante.
Sur la résiliation du contrat
La société Siac invoque successivement la dissimulation du véritable motif de la résiliation (A) et la mauvaise foi de Renault ayant entouré la résiliation du contrat (B).
A. Sur la dissimulation des motifs de la résiliation
La société Siac prétend que le véritable motif de son éviction était d'avantager finalement le groupe Peyrot, déjà concessionnaire et réparateur agréé Renault-Daccia à Foix et Saint Girons, dont le territoire était ainsi étendu à celui, limitrophe et donc directement concurrent, de Saint Gaudens, à son préjudice et à celui des autres distributeurs concurrents limitrophes.
La société Renault relève que la résiliation est conforme au contrat, régulière au regard du droit de la concurrence et que ses motifs, dont elle n'a pas à rendre compte, sont parfaitement transparents.
L'article 16.1.1 du contrat de concession prévoit en effet (pièce Renault n° 3) :
" Il pourra être mis fin au présent contrat, à tout moment par l'une ou l'autre des parties par lettre recommandée avec accusé de réception adressée au moins vingt-quatre mois à l'avance. Le Concédant devra spécifier les raisons objectives et transparentes de la décision conformément au règlement (CE) 1400/2002, afin qu'il puisse être vérifié que la résiliation n'est pas intervenue à cause de pratiques qui ne peuvent faire l'objet de restrictions dans le cadre dudit règlement ".
La société Renault a résilié le contrat de concession de la société Siac par lettre recommandée avec accusé de réception du 4 décembre 2007, avec effet au 4 décembre 2009 (pièce Siac n° 5) :
" Nous vous informons par la présente que nous résilions le contrat de concession Renault que nous avons conclu le 11 juillet 2003, avec prise d'effet au 4 décembre 2009, conformément à l'article 16.1.1 dudit contrat. En effet, ce dernier dispose qu'il pourra être mis fin au présent contrat, à tout moment par l'une ou l'autre des parties par lettre recommandée avec accusé de réception adressée au moins 24 mois à l'avance. (...) Par ailleurs, conformément à l'article 3, paragraphe 4 du règlement CE 1400/2002, nous vous précisions que notre décision de résiliation a été prise en raison de vos faibles performances commerciales VN et de leur dégradation continue ".
La société Renault s'est bien conformée à l'exigence du contrat de concession prévue par l'article 16.1.1 et conforme au règlement CE n° 1400/2002, qui prévoit que " l'exemption s'applique à condition que l'accord vertical conclu avec un distributeur ou un réparateur prévoie qu'un fournisseur qui souhaite notifier la résiliation d'un accord soit tenu de le faire par écrit en spécifiant les raisons objectives et transparentes de la décision de résiliation, afin d'éviter qu'un fournisseur ne résilie un accord vertical avec un distributeur ou un réparateur à cause de pratiques qui ne peuvent faire l'objet de restrictions dans le cadre du présent règlement ".
L'obligation de motiver les résiliations ordinaires introduite par le règlement n° 1400/2002 et reprise par le contrat de concession Renault vise seulement à vérifier que la résiliation n'est pas fondée sur un motif anticoncurrentiel et non pas à vérifier le bien-fondé des motifs de résiliation.
La société Renault a respecté l'obligation de transparence issue du règlement CE n° 1400/2002 et a permis tant à son partenaire (la Siac) qu'à une juridiction éventuellement saisie, de vérifier que la résiliation du contrat n'intervenait pas en raison d'un motif anticoncurrentiel.
Le motif est objectif, puisqu'il est relatif aux performances insuffisantes du concessionnaire. La société Renault démontre en effet, sans être sérieusement contredite, sauf sur les derniers mois ayant précédé la rupture, que les résultats de la concession de Saint-Gaudens relativement à la vente de véhicules neufs étaient, au moment de la résiliation, très en-dessous des résultats régionaux et nationaux depuis 2005 (pièces n° 1 et 2 de Renault).
La société Renault, libre de résilier le contrat à durée indéterminée, même sans faute ou sans griefs particuliers à l'encontre de son concessionnaire, sous réserve de ménager un préavis suffisant, n'a pas à justifier la légitimité de ce grief, ni davantage à justifier que tous les concessionnaires présentant comme la Siac des performances insuffisantes auraient été également évincés du réseau.
A supposer que le véritable motif aurait été de remplacer la société Siac par un autre concessionnaire, une succursale Renault ou un concessionnaire filiale de Renault, ou encore le concessionnaire de Foix, ce motif ne constituerait nullement une pratique anticoncurrentielle, aucune preuve n'étant rapportée que ce remplacement aurait été effectué dans un objet anticoncurrentiel ou aurait eu un effet anticoncurrentiel.
La circonstance que le groupe Peyrot, déjà concessionnaire et réparateur agréé Renault-Daccia à Foix et Saint Girons, ait vu son territoire étendu à la zone limitrophe de Saint-Gaudens ne permet pas d'établir en soi que la résiliation avait pour objet de porter atteinte à la concurrence, la diminution du degré de pression concurrentielle dans la zone de chalandise ne suffisant pas à démontrer la commission d'une pratique anticoncurrentielle ou d'une pratique restrictive de concurrence.
Ce moyen sera donc rejeté et le jugement sera confirmé sur ce point.
B. Sur la mauvaise foi
La société Siac expose que :
- la société Renault a manifesté une hostilité manifeste envers elle au long de l'année 2007,
- elle ne pouvait de bonne foi lui reprocher la prétendue insuffisance de ses performances commerciales VN au cours de l'année 2007 puisque :
- elle n'a adressé aucune remarque ou mise en garde préalable à ce sujet que ce soit en 2007 ou même en 2006,
- la chute d'activité entre mars et août 2007 résultait de circonstances indépendantes de sa volonté totalement assimilables à un cas de force majeure,
- elle a mis en place un lourd plan d'action et d'investissements à long terme au cours de l'année 2007 qui lui a permis de redresser ses ventes VN de façon spectaculaire sur le dernier quadrimestre et début 2008,
- Renault ne pouvait de bonne foi la laisser prendre des engagements à long terme au cours de l'année 2007 et lui laisser croire ainsi dans la pérennité de leurs relations contractuelles alors qu'elle avait nécessairement connaissance de ses propres intentions de résiliation matérialisées par sa lettre du 4 décembre 2007,
- le motif de résiliation invoqué par Renault ne pouvait se concevoir que s'il ne résultait pas d'une décision arbitraire appliquée à elle seule, ayant pour objet ou pour effet de créer un avantage ou un désavantage dans la concurrence entre celle-ci et les autres membres du réseau.
La société Renault demande à la cour de confirmer l'appréciation du tribunal qui a relevé que " les arguments invoqués par la Siac, sur le respect des normes de qualité, ou ses bonnes performances alléguées en 2008, après la résiliation, sur l'absence de griefs contractuels à son encontre ou les performances d'autres concessionnaires sont dépourvus de pertinence pour la cause ".
Si la société Renault, en prononçant la résiliation du contrat de concession la liant à l'appelante, n'a fait que mettre en œuvre les stipulations de ce contrat, une telle résiliation peut, néanmoins, revêtir un caractère abusif en raison des circonstances accompagnant la rupture ; en effet, il s'infère des dispositions de l'alinéa 3 de l'article 1134 du Code civil, dans sa version applicable au moment des faits, aux termes desquelles les conventions légalement formées " doivent être exécutées de bonne foi ", que la faculté de résiliation d'un contrat de droit privé à durée indéterminée ne saurait être exercée dans des conditions exclusives d'une semblable bonne foi, telle, notamment, la création chez le partenaire d'une confiance légitime dans la pérennité des relations commerciales entretenues.
Or, elle ne démontre pas que le " lourd plan d'action et d'investissements à long terme " qu'elle a engagé au cours de l'année 2007, qui lui a permis de redresser ses ventes VN sur le dernier quadrimestre et début 2008, aurait été suscité ou imposé par la société Renault.
En effet, elle soutient sans le démontrer, aucun détail de ces investissements n'étant produit aux débats, qu'elle aurait investi près de 400 000 euros, en 2006-2007, ce qu'elle n'aurait pas fait si la marque lui avait révélé ses intentions de rupture.
Elle ne démontre pas davantage que ces investissements n'étaient pas amortis au jour de la rupture, qu'ils avaient été effectués à la demande du concédant et destinés spécifiquement à la marque, et, enfin, qu'ils étaient non récupérables ou non réutilisables pour d'autres fonctions.
Enfin, les autres reproches ont trait exclusivement aux motifs de la rupture elle-même et non aux circonstances l'ayant accompagnée. Ils sont donc inopérants, comme l'a bien souligné le tribunal.
Sur le refus d'agrément
La société Siac expose que :
- la société Renault s'est abstenue d'examiner sa candidature du 6 février 2008 durant 16 mois sans cependant lui opposer un refus reposant sur des motifs péremptoires, ce qui l'a entretenue dans l'espoir raisonnable de pouvoir être agréée avant le terme de son préavis contractuel,
- elle lui a ensuite opposé un motif inexact, voire mensonger, pour refuser d'examiner sa candidature, en prétendant que le point de vente R1 (concessionnaire) sur la zone de chalandise de Saint-Gaudens ne serait pas remplacé,
- son critère quantitatif de sélection n'est pas prévu dans le contrat de concession,
- il est inopposable au concessionnaire, car il ne peut faire l'objet d'une application uniforme, " le nombre de contrats " se prêtant à une application discriminatoire,
- la faculté d'essaimage évoquée par Renault au profit du concessionnaire de Foix a été suscitée par Renault.
La société Renault souligne en réplique, en premier lieu, que le refus d'agrément ne relève du droit des ententes et constitue une pratique unilatérale.
A supposer ce droit applicable, elle expose en second lieu que :
- la distribution sélective qualitative est exemptée quelle que soit la part de marché du fournisseur, et donc même si celui-ci détient une part de marché de 100 % alors que les réseaux reposant sur la distribution sélective quantitative ne sont exemptés que si la part de marché du fournisseur n'excède pas 40 %,
- elle n'avait pas à justifier à la société Siac, d'un point de vue géographique ou économique, le critère quantitatif applicable au réseau de vente de VN, puisqu'il suffit que ce critère soit défini ; elle avait juste à l'indiquer au candidat à l'agrément, qui ne pouvait être agréé puisque le numerus clausus était atteint ; le critère est donc valide,
- la Siac commet une erreur de droit en prétendant qu'un accord de distribution exempté au titre d'un règlement communautaire peut relever de l'article L. 420-1 du Code de commerce,
- la validité du critère quantitatif est, en tout état de cause, indifférente au regard de la part de marché de Renault, inférieure à 40 %, seuil en deçà duquel la pratique est exonérée automatiquement.
Sur la pratique unilatérale
La constitution d'une entente anticoncurrentielle présuppose la réunion d'un élément subjectif, un concours de volontés entre au moins deux entreprises, et un élément objectif, la restriction de concurrence.
Contrairement aux allégations de la société Renault, la jurisprudence dite Volkswagen n'a pas remis en cause l'éventuelle qualification d'un refus d'agrément de distributeurs par le fournisseur comme entente au sein du réseau, reconnue par la Cour de justice dans un arrêt AEG du 25 octobre 1983 (§ 107/82) : " Une pareille attitude de la part du fabricant ne constitue pas un comportement unilatéral de l'entreprise qui, comme le soutient AEG, échapperait à l'interdiction de l'article 85, paragraphe 1, du traité. Elle s'insère, par contre, dans les relations contractuelles que l'entreprise entretient avec les revendeurs. En effet, dans le cas d'admission d'un distributeur, l'agrément se fonde sur l'acceptation, expresse ou tacite, de la part des contractants, de la politique poursuivie par AEG exigeant, entre autres, l'exclusion du réseau de distributeurs ayant les qualités pour y être admis, mais n'étant pas disposés à adhérer à cette politique " (§ 38) (la cour souligne).
La Cour a certes précisé dans son arrêt dit Volkswagen (CJCE, 13 juillet 2006, Volkswagen, C-74/04 P) qu'en l'absence de dispositions contractuelles pertinentes, l'existence d'un accord au sens de l'article 101 § 1 supposait l'acquiescement, explicite ou tacite, de la part des concessionnaires à la mesure adoptée par le constructeur automobile, cet acquiescement pouvant par exemple être démontré par la pratique effective, par les concessionnaires, de l'invitation du fabricant.
Mais comme la Commission l'avait objecté dans l'affaire AEG : " Si on admettait la conception de la requérante (AEG) selon laquelle les conditions de l'article 85, paragraphe 1, ne sont pas réunies du fait qu'il s'agirait ou dans la mesure où il s'agirait d'actions unilatérales, on devrait conclure qu'une politique discriminatoire d'admission dans le cadre d'un système de distribution sélective est compatible avec l'article 85 et que le principe établi par la Cour de justice dans l'arrêt Metro du 25 octobre 1977 de la sélection des revendeurs sur la base de critères objectifs d'ordre qualitatif et de l'application non discriminatoire des conditions d'admission n'a aucune valeur juridique " (§ 1 in fine) (la cour souligne).
Il y a donc lieu de dire que le droit des ententes est applicable à un refus d'agrément.
Sur l'exonération
Les accords de distribution sélectifs qualitatifs échappent à la prohibition de l'alinéa 1 de l'article 101 du TFUE, pour autant que le choix des revendeurs s'opère en fonction de critères objectifs de caractère qualitatif, fixés d'une manière uniforme à l'égard de tous les revendeurs potentiels et appliqués de façon non discriminatoire, et que les critères définis n'aillent pas au-delà de ce qui est nécessaire. Si ces critères ne satisfont pas à ces conditions, le système de distribution sélective peut encore être exonéré sur le fondement de l'alinéa 3 de l'article 101 du TFUE, s'il ne contient aucune restriction caractérisée, et sous réserve que fournisseur et distributeurs aient une part de marché inférieure à 30 %. Si la part de marché du fournisseur ou des distributeurs excède 30 %, l'exemption automatique ne joue pas.
Les accords de distribution sélectifs quantitatifs ne sont pas licites au regard de l'alinéa 1 de l'article 101 du TFUE, mais sont exonérés au titre de l'alinéa 3 si la part de marché du fournisseur est inférieure à 40 % sur le marché concerné, dans le domaine relevant du règlement 1400/2002.
L'article 1, g) du règlement 1400/2002 définit ainsi un système de " distribution sélective quantitative " : " un système de distribution sélective dans lequel le fournisseur applique, pour sélectionner les distributeurs et les réparateurs, des critères qui limitent directement le nombre de ceux-ci ".
La Cour de justice a rappelé dans un arrêt du 14 juin 2012 (Auto 24 SARL, C-158/11) que " par les termes " critères définis ", figurant à l'article 1er, paragraphe 1, sous f), du règlement, il y a lieu d'entendre, s'agissant d'un système de distribution sélective quantitative au sens de ce règlement, des critères dont le contenu précis peut être vérifié. Pour bénéficier de l'exemption prévue par ledit règlement, il n'est pas nécessaire qu'un tel système repose sur des critères qui sont objectivement justifiés et appliqués de façon uniforme et non différenciée à l'égard de tous candidats à l'agrément ".
En vertu de cette jurisprudence, le critère quantitatif doit donc être défini, c'est-à-dire que son contenu précis doit pouvoir être vérifié.
En l'espèce, l'objet du contrat de concession mentionnait que la distribution des véhicules s'opérait par le biais d'un réseau de distribution sélectif quantitatif, peu important que ce critère n'ait pas été expressément prévu dans le contrat, dès lors que la société Renault en a justifié dans un [sic] adressé à la société Siac le 30 juin 2009 (pièce Siac n° 15) ; il s'agissait d'un critère en termes de " nombre de contrats " :
- à mi-2008, le nombre de contrats était de 306 (305 concessions + le contrat RRG),
- au 1er janvier 2009, le nombre de contrats était de 306 (305 concessions + le contrat RRG),
- à mi-2009, le nombre de contrats était de 303 (302 contrats + le contrat RRG) et comprenait notamment le contrat actuel de la Siac spécifié en cours de préavis de résiliation,
- le 4 décembre 2009, soit à la fin du préavis de la Siac, le numerus clausus été réduit d'au moins un contrat avec effet au 4 décembre 2009 ; le contrat relatif à Saint-Gaudens a été supprimé, ce qui a ramené le plafond à 302 contrats de concession.
Les critiques de la société Siac relatives au caractère discriminatoire du critère quantitatif fondé sur le nombre de contrats ne sont pas pertinentes.
En effet, la circonstance qu'un seul contrat puisse concerner plusieurs établissements ne saurait empêcher l'application uniforme et indifférenciée du critère à l'égard de tous candidats à l'agrément.
La société Renault n'avait pas davantage à justifier, d'un point de vue géographique ou économique, à la société Siac, du critère quantitatif applicable au réseau de vente de VN.
Il suffisait que ce critère soit défini et la société Renault avait juste à l'indiquer à la société Siac, qui ne pouvait être agréée puisque le numerus clausus était atteint. Renault n'a nommé aucun distributeur à Saint-Gaudens à compter du 4 décembre 2009, ce qu'elle avait d'ailleurs indiqué à la Siac dans son courrier du 21 octobre 2009 : " pour votre parfaite information, dans la mesure où ainsi que vous le savez, nous n'allons pas nommer de nouveau concessionnaire sur votre zone de chalandise, cette dernière sera affectée au concessionnaire de Foix " (pièce Siac n° 23).
La présence du groupe Peyrot à Saint Gaudens s'expliquait par l'ouverture, par ce dernier, d'un point de vente supplémentaire, au titre de sa faculté d' " essaimage ", en application du règlement n° 1400/2002.
En tout état de cause, la validité du critère quantitatif critiqué par la Siac et les circonstances dans lesquelles la société Renault s'est abstenue d'examiner sa candidature du 6 février 2008 durant 16 mois sans lui opposer un refus explicite reposant sur des motifs péremptoires sont indifférentes, en l'espèce, au vu des parts de marché de Renault.
Il n'est en effet pas contesté qu'en ce qui concerne la vente de véhicules neufs, la société Renault avait au moment des faits une part de marché très inférieure à 40 % (pièce n° 3 de Renault), même en prenant en compte les autres marques qu'elle distribuait (Dacia) ou avec lesquelles elle entretenait des liens (Nissan), étant même inférieure à 30 %. La part de marché de la société Renault étant inférieure à 40 %, son refus d'agrément doit être considéré comme exempté de plein droit et licite au regard des règles de concurrence.
A supposer même que son système de distribution ait été sélectif qualitatif, et les critères qualitatifs appliqués de façon discriminatoire, sa part de marché étant inférieure à 30 %, le refus aurait été également exempté.
Sur l'application du droit français
Il a été vu plus haut que le droit de l'Union s'appliquait. Or, le droit de l'Union prime sur le droit national, en vertu de l'article 3.2 du règlement n° 1/2003 du 16 décembre 2002, qui dispose : " L'application du droit national de la concurrence ne peut pas entraîner l'interdiction d'accords, de décisions d'associations d'entreprises ou de pratiques concertées qui sont susceptibles d'affecter le commerce entre États membres, [...] qui satisfont aux conditions énoncées à l'article 81, paragraphe 3, du traité ou qui sont couverts par un règlement ayant pour objet l'application de l'article 81, paragraphe 3, du traité ".
Un comportement exonéré au regard des règlements d'exemption européens ne saurait être réprimé, que ce soit par un juge national au regard des textes nationaux ou par un juge de l'Union au regard du droit européen de la concurrence. En revanche, si un comportement n'est pas exonéré au regard de ces règlements d'exemption, il n'est pas pour autant prohibé, les juges devant alors l'apprécier au regard de l'article 101, alinéa 1 du TFUE et de l'article L. 420-1 du Code de commerce.
Sur la rupture brutale
La société Siac demande à la cour de fixer à 36 mois le délai de préavis que la société Renault aurait dû respecter au regard des dispositions de l'article L. 442-6, I, 5° du Code de de commerce. Elle expose que le préavis de 24 mois qui lui a été consenti ne lui a pas permis d'assurer utilement sa reconversion au regard de l'ancienneté de sa relation commerciale avec la marque Renault, des investissements réalisés en 2006-2007 à hauteur de près de 400 000 euros, qui n'auraient pas été entrepris si la marque lui avait révélé ses intentions de rupture et de l'importance de la marque Renault dans son chiffre d'affaire, supérieure à 80 %. Elle souligne que certains constructeurs, parfaitement conscients de l'impact de l'ancienneté de la relation sur la capacité de reconversion du distributeur notifient des résiliations fondées sur une perte de confiance en respectant spontanément un préavis de 36 mois et donc d'une durée supérieure au préavis contractuel de 24 mois conforme au préavis de résiliation ordinaire minimum prévu par le règlement 1400/2002.
Elle ajoute que les autres marques françaises (Peugeot et Citroën) étant déjà représentées sur Saint-Gaudens, une reconversion équivalente était d'emblée vouée à l'échec. Elle demande 16 mois complémentaires, la société Renault s'étant abstenue de prendre position sur sa candidature du 6 février 2008, pendant 16 mois puisqu'elle ne s'y est opposée pour la première fois que le 8 juin 2009, " cette incertitude sur son intention de rompre... " ayant eu pour effet de mettre le futur exclu " dans l'impossibilité de mettre à profit le préavis effectué ", le privant de tout effet utile.
La société Renault réplique en premier lieu qu'il est impossible de remettre en cause l'usage d'une clause contractuelle valable et exemptée et d'un contrat exempté en vertu du droit européen sur la base de l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce, l'article 3.2 du règlement n° 1/2003 du 16 décembre 2002 stipulant que l'application du droit national de la concurrence ne peut pas s'opposer ou interdire un accord couvert par un règlement d'exemption portant sur l'application de l'article 101, paragraphe 3, du traité TFUE, comme le règlement n° 1400/2002.
Elle soutient en second lieu qu'un préavis déraisonnable ne serait aucunement justifié juridiquement et économiquement et que la société Siac n'explique pas en quoi un préavis de plus de deux années serait nécessaire.
Aux termes de l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce : " Engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers (...) de rompre unilatéralement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels. Les dispositions qui précèdent ne font pas obstacle à la faculté de résiliation sans préavis, en cas d'inexécution par l'autre partie de ses obligations ou en cas de force majeure ".
Il ressort de cet article que la brutalité de la rupture résulte de l'absence de préavis écrit ou de l'insuffisance de la durée de ce préavis au regard des relations commerciales antérieures.
L'évaluation de la durée du préavis à accorder est fonction de toutes les circonstances de nature à influer son appréciation au moment de la notification de la rupture, notamment de l'ancienneté des relations, du volume d'affaires réalisé avec l'auteur de la rupture, du secteur concerné, de l'état de dépendance économique de la victime, des dépenses non récupérables dédiées à la relation et du temps nécessaire pour retrouver un partenaire sur le marché de rang équivalent.
Par courrier du 4 décembre 2007, la société Renault a signifié à la société Siac la fin de leurs relations commerciales établies, avec un préavis de deux ans expirant le 4 décembre 2009.
Sur l'application de l'article L. 442-6, I, 5°
L'article 3, § 3, du règlement 1/2003, relatif aux rapports entre droit national et droit de la concurrence européen, dispose : " Sans préjudice des principes généraux et des autres dispositions du droit communautaire, les paragraphes 1 et 2 ne s'appliquent pas lorsque les autorités de concurrence et les juridictions des États membres appliquent la législation nationale relative au contrôle des concentrations, et ils n'interdisent pas l'application de dispositions de droit national qui visent à titre principal un objectif différent de celui visé par les articles 81 et 82 du traité " ; si l'article L. 442-6 du Code de commerce vise à "la protection du fonctionnement du marché et de la concurrence", grâce à la protection des concurrents, cet objectif n'est pas identique à celui poursuivi par la répression des pratiques anticoncurrentielles qui tend à la protection du fonctionnement concurrentiel du marché dans son ensemble.
Le considérant 9 de ce règlement précise que l'application du droit européen de la concurrence n'exclut pas l'application des pratiques restrictives de concurrence de l'article L. 442-6 du Code de commerce : " Les articles 81 et 82 du traité ont pour objectif de préserver la concurrence sur le marché. Le présent règlement, qui est adopté en application des dispositions précitées, n'interdit pas aux États membres de mettre en œuvre sur leur territoire des dispositions législatives nationales destinées à protéger d'autres intérêts légitimes, pour autant que ces dispositions soient compatibles avec les principes généraux et les autres dispositions du droit communautaire. Dans la mesure où les dispositions législatives nationales en cause visent principalement un objectif autre que celui consistant à préserver la concurrence sur le marché, les autorités de concurrence et les juridictions des États membres peuvent appliquer lesdites dispositions sur leur territoire. Par voie de conséquence, les États membres peuvent, eu égard au présent règlement, mettre en œuvre sur leur territoire des dispositions législatives nationales interdisant ou sanctionnant les actes liés à des pratiques commerciales déloyales, qu'ils aient un caractère unilatéral ou contractuel. Les dispositions de cette nature visent un objectif spécifique, indépendamment des répercussions effectives ou présumées de ces actes sur la concurrence sur le marché. C'est particulièrement le cas des dispositions qui interdisent aux entreprises d'imposer à un partenaire commercial, d'obtenir ou de tenter d'obtenir de lui des conditions commerciales injustifiées, disproportionnées ou sans contrepartie ".
Il résulte de ces textes que le préavis de deux années, prévu par le règlement automobile, n'écarte pas la nécessité, prévue à l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce, d'accorder un préavis suffisant au partenaire qui subit une résiliation de son contrat de concession. Il y a donc lieu d'apprécier si le préavis de deux ans accordé par la société Renault à son concessionnaire a été suffisant au regard des circonstances et des diverses caractéristiques de leurs relations contractuelles.
Sur le préavis raisonnable
Les parties sont en relation d'affaires depuis quarante trois ans.
La société Siac n'était pas en situation de dépendance par rapport à la société Renault.
En effet, la Siac aurait pu conserver l'activité de réparateur agréé Renault si elle s'était portée candidate et avait rempli les critères d'agrément, comme le lui avait rappelé Renault. Il est d'ailleurs remarquable que la part de l'après-vente dans son chiffre d'affaires réalisé avec Renault ait été majoritaire et de 79 % dans son résultat demi-net, de sorte que l'impact de la perte de la vente de véhicules neufs Renault doit être relativisé. La société Siac aurait également pu devenir réparateur agréé d'autres marques ou réparateur indépendant de toutes marques automobiles y compris les véhicules de la marque Renualt même si elle n'était pas réparateur agréé Renault. Par ailleurs, elle est demeurée, à l'issue du préavis de résiliation du contrat de concession Renault, distributeur de la marque Dacia et pouvait par ailleurs commercialiser des véhicules d'autres marques, neufs ou d'occasion, la société Renault n'étant pas le seul fournisseur automobile en France.
En outre, comme vu supra, elle ne démontre pas le caractère spécifiquement dédié à la marque Renault des investissements réalisés.
Au regard de ces éléments, le préavis consenti était suffisant pour permettre à la société Siac de trouver un autre partenaire ou vendre sa concession. Elle ne peut se retrancher derrière le délai mis par Renault pour refuser de l'agréer à nouveau, pour prétendre que ce préavis n'aurait pas été effectif.
En effet, il ne peut être soutenu que le retard mis dans la réponse de Renault à sa demande de nouvel agrément l'aurait entretenue dans l'espérance de la conclusion d'un nouveau contrat. La résiliation du contrat de concession, pour performance commerciale insuffisante, ne pouvait a priori lui laisser augurer la conclusion d'un nouveau contrat, à l'expiration du premier.
La société Siac ne démontre pas que les conditions d'exécution du préavis n'auraient pas été les mêmes que celles du contrat et qu'elle aurait été placée dans l'impossibilité de l'exécuter dans des conditions normales.
Le jugement déféré sera donc entièrement confirmé.
Sur l'article 700 et les dépens
La société Siac succombant au principal, il y a lieu de laisser à sa charge les dépens de l'instance d'appel et de la condamner à payer à la société Renault la somme de 30 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
Par ces motifs LA COUR, confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ; condamne la société Siac aux dépens de l'instance d'appel qui seront recouvrés selon les dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile ; condamne la société Siac à payer à la société Renault la somme de 30 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.