CA Chambéry, 2e ch., 14 février 2019, n° 17-01433
CHAMBÉRY
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
SCI La Baraka
Défendeur :
Banque Populaire Auvergne Rhône Alpes
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Madinier
Conseillers :
MM. Le Bideau, Therolle
Avocats :
Mes Morel Vulliez, SCP Pianta & Associés
Exposé du litige
Le 23 août 2000, la Banque Populaire des Alpes a consenti à la SCI La Baraka un prêt en devises (CHF) remboursable in fine d'un montant de 1 500 000 francs (FRF) garanti par :
- une délégation de créance d'assurance vie de 1 100 000 francs (FRF) adossée sur un contrat Fructi Sélection Vie au nom de Madame X,
- un cautionnement solidaire de Madame X et Madame Y à concurrence de 1 800 000 francs (FRF).
En septembre 2012, alors que la SCI La Baraka devait régler l'échéance finale, le montant de l'assurance vie adossé au prêt ne permettait d'honorer qu'une fraction de l'échéance. La Banque Populaire des Alpes a alors demandé à la société de payer la somme complémentaire de 74 925,78 euros par lettre des 17 puis 24 septembre 2012.
Sans réponse de la société, la banque, par lettres recommandées avec demande d'avis de réception du 7 juillet 2014, a mis en demeure la SCI et les cautions de payer la somme de 72 292,09 euros.
Faute de règlement spontané, la Banque Populaire des Alpes a assigné en paiement Madame X, Madame Y et la SCI La Baraka devant le tribunal de grande instance par actes du 25 juillet 2014.
Par jugement du 12 mai 2017, le tribunal de grande instance de Thonon les Bains a :
- déclaré irrecevables les demandes de Madame Y, de Madame X et de la SCI La Barraka tendant à mettre en cause la responsabilité de la banque pour perte de chance,
- condamné solidairement la SCI La Baraka, Madame X et Madame Y à payer à la Banque Populaire des Alpes la somme de 72 292,09 euros, outre intérêts au taux de 1 % à compter du 8 juillet 2014,
- rejeté les demandes de délais de paiement de Madame X et Madame Y,
- rejeté la demande de paiement de la somme de 225 529,76 euros à titre de dommages et intérêts formulée par Madame X à l'encontre de la banque,
- rejeté les demandes fondées sur les dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,
- rejeté les demandes d'exécution provisoire,
- condamné Madame X et Madame Y et la SCI La Baraka à payer les dépens avec distraction au profit de la SCP Pianta et associés.
Madame Y, Madame X et la SCI La Barraka ont interjeté appel du jugement par acte du 21 juin 2017.
Dans leurs conclusions adressées par voie électronique le 28 septembre 2018, Madame X, Madame Y et la SCI La Baraka ont demandé à la cour de :
- réformer le jugement déféré,
- débouter la banque de ses demandes en ce qu'elle ne justifie pas du bien fondé de sa créance,
- déclarer abusive la clause d'intérêt mentionné au contrat de prêt,
- substituer au taux d'intérêt contractuel le taux d'intérêt légal,
- constater que la banque a manqué à ses devoirs de mise en garde et de conseil,
- condamner la banque à payer la somme de 50 000 euros à Mesdames C. et Z. et à la SCI La Baraka à titre de dommages et intérêts,
- condamner la banque à payer aux mêmes 20 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens comprenant la somme de 3 000 euros au titre de l'analyse financière effectuée par le Cabinet Delaporte et associés avec distraction au profit de Maître Morel Vulliez, avocat.
Au soutien de leurs demandes, les appelantes contestent tout d'abord, au visa de l'article 564 du Code de procédure civile, que leurs prétentions soient nouvelles en ce qu'elles tendent à écarter les prétentions adverses.
Sur le fond, Madame Y, Madame X et à la SCI La Baraka affirment que la banque ne justifie pas du montant de la somme qu'elle réclame, notamment s'agissant de la valorisation de l'assurance vie dont le contrat n'est pas produit. Pointant les différents montants qui ont été successivement réclamés, elles concluent, au visa de l'article 1353 du Code civil, ne pas être en mesure de comprendre puis de vérifier la créance revendiquée par la banque.
Par ailleurs, Madame Y et Madame X revendiquent la qualité de partie au contrat de prêt au motif que le prêt et l'assurance vie contractée par la seconde formeraient un ensemble indivisible. Elles soulignent dès lors le caractère abusif de la clause d'indexation en ce que cette clause n'est pas rédigée de manière claire et compréhensible et en ce qu'elle fait peser l'intégralité des risques inhérents à la variation du taux de change sur l'emprunteur. Dès lors, cette clause devant être réputée non écrite, elles retiennent l'application du taux légal.
Elles indiquent en outre avoir pris connaissance de l'erreur affectant le TEG en cours de procédure et contestent la prescription opposée par la banque. Au moyen d'un rapport rédigé par le cabinet d'expert Delaporte, Madame Cavillon, Madame Zarrabi et la SCI Baraka dénoncent le fait que le TEG n'intègre aucunement la commission de change, les droits d'entrée au contrat d'assurance vie et les frais pré conditionnant le prêt. Dans ces conditions, elles s'estiment bien fondées à solliciter la substitution du taux d'intérêt légal au taux d'intérêt contractuel.
Enfin, Madame Y, Madame X et la SCI revendiquent la qualité d'emprunteur ou de caution non averti. Elles prétendent alors que la banque a manqué à son devoir de conseil et de mise en garde à leur égard. Affirmant que le délai de prescription applicable part du jour de la réalisation du dommage, soit de la date à laquelle le solde leur a été réclamé, elles estiment que leur action en responsabilité est recevable et bien fondée. Elles évaluent ainsi leur préjudice commun à la somme de 50 000 euros.
En réplique, dans ses conclusions adressées par voie électronique le 3 octobre 2018, la Banque Populaire Auvergne Rhône Alpes, venant aux droits de la Banque Populaire des Alpes, demande à la cour de :
- confirmer en toutes ses dispositions le jugement déféré,
- déclarer irrecevables et débouter la SCI La Baraka, Madame X et Madame Y de l'intégralité de leurs moyens et demandes,
A titre infiniment subsidiaire,
- dire que la banque ne sera tenue qu'à la restitution de l'excèdent d'intérêts perçus entre les intérêts contractuels réglés par la SCI La Baraka (entre la date de la souscription du prêt et la dernière échéance, soit l'échéance du 13 septembre 2012) et les intérêts au taux d'intérêt légal en vigueur au jour de la souscription du crédit, soit 2,74 %,
- dire et juger que s'agissant des sommes restant dues par la SCI La Baraka à ce jour, celles ci produiront intérêts au taux légal en vigueur en 2000, soit 2,74 %,
- débouter la SCI La Baraka du surplus de ses demandes,
Y ajoutant,
- condamner solidairement la SCI La Baraka, Madame X et Madame Y à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens, dont ceux de première instance, avec distraction au profit de la SCP Pianta & associés.
La Banque Populaire Auvergne Rhône Alpes indique tout d'abord qu'elle n'est pas partie au contrat d'assurance vie souscrit par Madame X et qu'il ne lui appartient pas de verser ledit contrat. Elle verse néanmoins le décompte de remboursement du contrat Fructi Sélection Vie permettant de déterminer le montant net du rachat à la somme de 214 311,58 euros. Elle explique ensuite que sa créance a évolué en raison des versements ponctuels qui ont été effectués permettant de ramener cette dernière à la somme de 71 002,22 euros.
Par ailleurs, la Banque Populaire Auvergne Rhône Alpes considère que la demande tendant à la substitution du taux d'intérêt contractuel par le taux d'intérêt légal doit s'analyser en une demande d'annulation de la stipulation d'un contrat passé par un emprunteur professionnel, pour les besoins de son activité, et s'avère irrecevable comme étant, d'une part, soulevée pour la première fois en appel et, d'autre part, prescrite puisque plus de 5 ans se sont écoulés depuis la signature du prêt. En tout état de cause, la banque estime que les contestations des appelantes sur le taux d'intérêt contractuel sont infondées et qu'une éventuelle faute, à la supposée établie, ne dépasserait pas le seuil de tolérance légal.
De même, la banque demande à la cour de débouter les appelantes s'agissant du caractère prétendument abusif de la clause de variabilité du taux d'intérêt contractuel compte tenu de l'irrecevabilité de la demande puis du caractère infondé du grief.
Enfin, la Banque Populaire Auvergne Rhône Alpes prétend que l'action en responsabilité dirigée contre elle est prescrite. Elle affirme qu'elle n'a, en tout état de cause, pas manqué à ses obligations.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 5 octobre 2018.
Motifs de la décision
1. Sur le montant de la créance
L'article 1343 du Code civil prévoit que le débiteur d'une obligation de somme d'argent se libère par le versement de son montant nominal. Le montant de la somme due peut varier par le jeu de l'indexation. Le débiteur d'une dette de valeur se libère par le versement de la somme d'argent résultant de sa liquidation.
En application des dispositions de l'article 1353 du Code civil, celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver et celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait ayant éteint son obligation.
En l'espèce, la Banque Populaire Auvergne Rhône Alpes produit aux débats le contrat de prêt en devises du 23 août 2000 (pièce n° 1 - SCP Pianta et associés), les actes de cautionnement solidaire de Mesdames X et Y établis le même jour (pièce n° 3 - SCP Pianta et associés) ainsi que la délégation de créance d'assurance vie au bénéfice de la banque (pièce n° 2 - SCP Pianta et associés).
Il résulte des documents précités que la SCI La Baraka a souscrit un prêt d'un montant de 1 500 000 francs (FRF) d'une durée de 144 mois remboursable en 11 annuités en intérêts et assurance et 1 annuité finale en capital et intérêts.
La convention mentionne expressément que le prêt est garanti par les cautions personnelles, solidaires et indivisibles de Mesdames X et Y avec renonciation au bénéfice de discussion et de division à hauteur de 1 800 000 francs (FRF) ainsi que par la délégation d'un contrat d'assurance vie de Madame X, souscrit par acte séparé, d'un montant de 1 100 000 francs (FRF).
Le tableau d'amortissement joint au contrat de prêt permet de constater que le montant de la dernière annuité correspond à l'intégralité du capital emprunté majoré des intérêts courant de la douzième année (pièce n° 1 - SCP Pianta et associés).
En conséquence, il est acquis que la banque justifie des obligations respectives de la SCI la Baraka et des cautions. Conformément à l'article 1353 précité, il appartient au débiteur et aux cautions qui contestent la créance de justifier du paiement ou du fait ayant éteint leurs obligations.
Or, les appelantes, qui prétendent que le produit de l'assurance vie souscrite par Madame X le 25 mars 2000 aurait été suffisant pour désintéresser la banque, ne rapportent aucunement la preuve d'une valorisation erronée du contrat Fructi Sélection Vie souscrit par Madame X.
Il apparaît plus avant que Madame X a été informée, dès le 23 août 2012, du montant du rachat de son contrat (pièce n°14 - SCP Pianta et associés). Cette lettre, dont la date d'expédition correspond précisément à la date anniversaire de la douzième échéance du tableau d'amortissement précité, détaille les supports sur lesquels les fonds étaient répartis, le pourcentage de répartition, le montant du rachat du contrat et celui des prélèvements obligatoires. Pour autant, Madame X qui en qualité de co contractante a légitimement dû conserver son exemplaire de contrat, n'a aucunement contesté ce décompte lors de sa réception ni même en première instance. Au surplus, elle n'indique pas davantage aujourd'hui en quoi celui ci serait erroné.
Dans ces conditions, les suspicions formulées sur la régularité du décompte produit par la banque et sur le montant de sa créance ne sont objectivées par aucun élément précis, étant rappelé qu'il appartient aux débiteurs, en tout état de cause, de démonter qu'ils se sont effectivement libérés de la dette résultant du contrat de prêt du 23 août 2000.
Aussi, le jugement de première instance, qui a valorisé la créance de la banque, en principal, à la somme de 72 292,09 euros, doit être confirmé.
2. Sur la contestation des intérêts revendiqués par la banque
a. Sur la recevabilité des demandes
L'article 564 du Code de procédure civile prévoit, à peine d'irrecevabilité soulevée d'office, que les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.
En l'espèce, s'il est constant que les contestations des appelantes concernant la possibilité pour la banque de se prévaloir du taux d'intérêt contractuel pour valoriser sa créance n'ont pas été portées devant les premiers juges, il importe de retenir que ces prétentions visent à faire diminuer, au moins partiellement, le montant de la demande en paiement présentée par la banque.
En ce sens, ces dernières s'avèrent parfaitement recevables en cause d'appel.
Au fond, les appelantes soutiennent que la clause d'indexation s'avère abusive (b) et que le taux effectif global est irrégulier (c).
b. Sur le caractère abusif de la clause d'indexation
Selon les articles L. 212-1 et L. 212-2 du Code de la consommation, dans les contrats conclus entre consommateurs ou non professionnels et les professionnels, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou effet de créer un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au détriment des premiers.
Au sens du droit de la consommation, le non-professionnel se définit comme toute personne morale qui n'agit pas à des fins professionnelles.
L'objet social de la société La Baraka, tel qu'il résulte de son extrait Kbis (pièce n° 20 - SCP Pianta et associés), comprend l'acquisition d'une propriété à Usinens, la mise en valeur du bien acquis puis l'exploitation par bail ou location des immeubles acquis. Il résulte en outre du même extrait que, pour ce faire, la société dispose d'un capital social de 15 244,90 euros.
Dès lors, au regard de l'objet social de la SCI La Baraka, des fonds propres dont elle dispose, il appert qu'il entre par nature dans son activité de rechercher et négocier des financements en vue d'acquérir un bien immobilier, de le mettre en valeur et de procéder à son exploitation. En ce sens, elle ne peut être considérée comme un non-professionnel au sens du droit de la consommation et ne peut, en conséquence, invoquer à son profit le bénéfice de la législation sur les clauses abusives.
Il doit par ailleurs être relevé que Mesdames X et Y ne sont pas parties au contrat de prêt signé le 23 août 2000 entre la SCI La Baraka et l'établissement de crédit.
A ce titre, il importe de retenir que Madame X ne saurait invoquer la qualité de partie à la convention liant la banque à la SCI au motif que le contrat d'assurance vie qu'elle a souscrit le 23 mars 2000, lequel comporte un objet distinct entre des parties différentes, a été apporté en garantie lors du prêt souscrit 5 mois plus tard par une société civile immobilière dont elle n'assure pas la gestion.
Or, conformément à l'article 2313 du Code civil, si une caution peut opposer au créancier toutes les exceptions non personnelles qui appartiennent au débiteur principal, et qui sont inhérentes à la dette, elle ne peut pour autant se prévaloir d'exceptions qui sont purement personnelles aux débiteurs.
Dès lors, la SCI La Baraka n'étant pas recevable à invoquer la législation sur les clauses abusives, Mesdames X et Y, garantes du prêt, ne le peuvent davantage.
Aussi donc, les demandes formulées au titre du prétendu caractère abusif de la clause d'indexation s'avèrent infondées.
c. Sur la régularité du TEG
Il résulte des dispositions de l'article 2224 du Code civil que l'action du professionnel, dans les litiges relatifs aux prêts souscrits pour les besoins de son activité, se prescrit à compter du jour où il a connu ou il aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.
En l'espèce, il a été rappelé que le contrat de prêt contenant la clause litigieuse est en date du 23 août 2000. La prescription décennale, applicable au jour de la signature du contrat, n'était pas acquise au jour de l'entrée en vigueur de loi du 17 juin 2008 réformant les délais de prescription de telle sorte que la SCI La Baraka, qui était en mesure de vérifier la régularité du TEG depuis le jour de la signature de la convention, était en droit de contester la clause jusqu'au dixième anniversaire du contrat soit jusqu'au 23 août 2010.
Or, les premières conclusions contestant les clauses du prêt sont intervenues après le jugement du 12 mai 2017 soit plus de 6 ans après l'expiration du délai imparti. Dès lors, la contestation qu'elle oppose en appel est prescrite.
De même, conformément à l'article 2313 précité, les garantes ne sauraient se prévaloir du bénéfice d'une prescription dont le point de départ serait différent de celui du débiteur principal sans revendiquer un droit plus important que celui appartenant au débiteur principal. Le point de prescription des actions s'avère donc identique.
Dans ces conditions, la demande formulée visant à l'annulation des stipulations contractuelles doit être rejetée comme prescrite.
3. Sur l'action en responsabilité dirigée contre la banque au titre du non-respect de son obligation de mise en garde et de conseil
a. Sur la prescription de l'action
La prescription d'une action en responsabilité contractuelle court à compter de la réalisation du dommage ou de la date à laquelle il est révélé à la victime si elle établit qu'elle n'en avait pas eu préalablement connaissance.
La SCI La Baraka n'a été en mesure d'évaluer le défaut de conseil et de mise en garde allégué qu'à compter du jour où le dommage s'est réalisé. S'agissant d'un prêt in fine, ladite réalisation s'entend du jour où la banque a appelé l'attention de la société sur le fait que l'échéance relative au remboursement du capital ne pourrait être honorée au moyen de la délégation d'assurance vie.
En l'espèce, il est établit que la banque a porté à la connaissance de la SCI La Baraka par lettre du 17 septembre 2012 qu'elle devait verser une somme complémentaire de 74 925,78 euros. Le délai de prescription concernant la SCI court donc à compter de cette date.
Sans réponse de la société, la banque a actionné les cautions par lettres du 7 juillet 2014, date à laquelle elles étaient dès lors en mesure d'évaluer l'éventuelle faute de l'établissement bancaire à leur encontre.
L'action en responsabilité ayant été développée en première instance au terme de conclusions du 21 mars 2016 par la société et les cautions, le délai de prescription quinquennal n'était nullement expiré.
Dès lors, l'action en responsabilité s'avère parfaitement recevable.
b. Sur les obligations de conseil et de mise en garde
Selon l'article 1231-1 du Code civil, le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l'inexécution de son obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, sauf si l'exécution a été empêchée par la force majeure.
L'obligation de conseil impose une implication subjective du banquier qui doit guider son client dans les choix à opérer. Ce conseil doit se manifester tant dans la phase pré contractuelle que dans la période contractuelle.
Le devoir de mise en garde consiste quant à lui, pour un établissement de crédit, à alerter l'emprunteur ou la caution au regard de ses capacités financières et du risque d'endettement né de l'octroi du prêt. Il n'existe toutefois qu'envers une personne non averti, étant précisé qu'un emprunteur professionnel ne peut être, de facto, considéré comme un emprunteur averti. Il appartient à la banque de démontrer qu'elle a satisfait l'obligation qui lui incombe.
En l'espèce, il est constant que l'emprunt de la SCI La Baraka s'inscrit dans le cadre de son objet social, à savoir l'acquisition d'un bien immobilier puis sa rénovation en vue de son exploitation. Pour autant, il n'est pas démontré que la société ou son gérant possédait une quelconque expérience en matière de financement de projet ou d'investissement immobilier. De même, aucune information n'est avancée par la banque sur les compétences ou l'expérience de Mesdames X et Y en matière bancaire. Dès lors, la personne morale et ses garantes ne peuvent être considérées comme averties.
Si la banque affirme, en tout état de cause, avoir satisfait à ses obligations de conseil et de mise en garde, sa démonstration se limite à affirmer que le contrat d'assurance vie de Madame X avait fait l'objet d'une délégation de créance et que l'opération était pertinente au jour de sa conception. Pour autant, elle ne démontre aucunement avoir vérifié le montant des fonds propres dont disposait la société. De même, elle n'est nullement en capacité de démontrer qu'elle s'est fait communiquer les bilans antérieurs de la SCI La Baraka alors même que sa création remontait à plus de 6 ans. De plus, aucun extrait de compte bancaire ni aucune étude ou projection sur la viabilité du projet financé n'est produit.
La banque n'est pas davantage en capacité d'indiquer de quelle façon elle s'est assurée de la solvabilité des cautions et du risque d'endettement excessif qu'entraînerait leurs engagements respectifs en cas de défaillance de la SCI.
Dès lors, la démonstration du caractère avantageux du montage, à la supposée établie compte tenu de la somme revendiquée par la banque dans le cadre de la présente instance (72 292,09 euros) et de la différence existant entre montant en capital de l'assurance vie (1 100 000 francs (FRF)) et celui du prêt (1 500 000 francs (FRF)), ne peut dispenser la banque de son devoir de conseil et de mise en garde.
Au surplus, la banque ne saurait expliquer pourquoi elle a eu recours, en plus de l'affectation du contrat d'assurance vie de Madame X, au cautionnement de cette dernière et de Madame Y à hauteur de 1 800 000 francs (FRF) chacune si le montage proposé s'était avéré sans aucun risque.
En ce sens, la banque, qui a manqué à ses obligations, a fait perdre à la SCI La Baraka une chance de ne pas contracter le contrat. Les garants ont quant à eux perdu une chance de ne pas se porter caution du prêt. Cette perte de chance doit être réparée par la condamnation de l'établissement bancaire à payer des dommage et intérêts lesquels se valorisent aux sommes de 20 000 euros pour la SCI La Baraka et de 10 000 euros pour chacune des cautions.
En conséquence, la Banque Populaire Auvergne Rhône Alpes est condamnée à payer la somme de 20 000 euros à la SCI La Baraka, 10 000 euros à Madame X et 10 000 euros à Madame Y.
4. Sur les frais irrépétibles et les dépens
L'équité commande de ne pas faire droit aux demandes respectives d'article 700 du Code de procédure civile.
La SCI La Baraka, Mesdames X et Y, qui succombent en principal, sont condamnées aux dépens d'appel dont distraction au profit de la SCP Pianta & associés.
Par ces motifs : LA COUR, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant publiquement, par décision contradictoire, Confirme le jugement déféré sauf en ce qu'il a déclaré irrecevables les demandes de la SCI La Barraka, de Madame X et de Madame Y tendant à mettre en cause la responsabilité de la banque pour perte de chance, Statuant à nouveau sur ce point, Déclare recevable l'action en responsabilité initiée par la SCI La Baraka, Madame X et Madame Y à l'encontre de la Banque Populaire Auvergne Rhône Alpes, Condamne la Banque Populaire Auvergne Rhône Alpes à payer à la SCI La Baraka la somme de 20 000 euros au titre du manquement à son devoir de conseil et de mise en garde, Condamne la Banque Populaire Auvergne Rhône Alpes à payer à Madame X la somme de 10 000 euros au titre du manquement à son devoir de mise en garde, Condamne la Banque Populaire Auvergne Rhône Alpes à payer à Madame Y la somme de 10 000 euros au titre du manquement à son devoir de mise en garde, Y ajoutant, Déclare irrecevable comme prescrite l'action en contestation du taux effectif global, Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires, Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile. Condamne la SCI La Baraka, Madame X et Madame Y aux dépens d'appel dont distraction au profit de la SCP Pianta & associés.