CA Lyon, 3e ch. A, 21 février 2019, n° 15-06461
LYON
Arrêt
Infirmation partielle
PARTIES
Demandeur :
Fabex (SAS)
Défendeur :
Soudal France (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Esparbès
Conseillers :
Mme Homs, M. Bardoux
Avocats :
Mes Aguiraud, Bouton, Abbou, Peuchot
Exposé du litige
Dans le cadre de son activité de commercialisation de produits d'étanchéité, à partir de 1989, la société Soudal Belgique a confié à la société Représentation auto et industrie (société RAI), immatriculée au registre des agents commerciaux et aux droits de laquelle est venue la SAS Fabex, la commercialisation des produits pour son compte.
A compter de 2009, la société Fabex a été commissionnée, avec son accord, par la SAS Soudal France (société Soudal) devenue son seul contractant en 2010.
Les relations entre les parties se sont dégradées, chacune reprochant à l'autre de manquer à ses obligations.
Par lettre recommandée du 4 novembre 2013, la société Soudal a résilié le contrat avec effet au 1er janvier 2014.
Par acte du 29 septembre 2014, la société Fabex a assigné la société Soudal devant le tribunal de commerce de Bourg-en-Bresse en paiement de la somme de 26 282,28 au titre des commissions indûment retirées entre 2010 et 2013, de la somme de 115 602,73 à titre d'indemnité de fin de contrat, la somme de 20 000 à titre de dommages et intérêts pour non-respect du délai de préavis, la somme de 50 000 à titre de dommages et intérêts pour comportement déloyal et fautif et 10 000 au titre du droit de suite.
Par jugement en date 3 juillet 2015, le tribunal de commerce a :
constaté que la société Soudal n'a pas respecté le délai légal de préavis,
condamné la société Soudal à payer à la société Fabex : la somme de 3 000 pour non-respect du délai de préavis, la somme de 63 508,60 correspondant à deux ans de commissions au titre de l'indemnité prévue à l'article L. 134-12 du Code de commerce,
débouté la société Fabex de ses demandes : de versement de la somme de 26 282,38 au titre des commissions indûment retirées sur la période de 2010 à 2013, de droit de suite, d'indemnisation du préjudice subi du fait des agissements fautifs du mandant, de faire produire aux débats les documents comptables de la société Soudal, condamné la société Soudal à verser à la société Fabex la somme de 3 000 en application de l'article 700 du Code de procédure civile,
rejeté toutes les demandes, fins et conclusions des parties, condamné la société Soudal aux entiers dépens.
Par déclaration reçue le 5 août 2015, la société Fabex a relevé appel de ce jugement.
Par arrêt avant dire droit du 13 janvier 2017, cette cour a :
ordonné à la société Soudal de produire aux débats : la copie des comptes clients détaillés certifiés par son commissaire aux comptes, du 1er janvier 2011 au 31 mars 2014 pour les clients des territoires suivants : Antilles françaises (Guadeloupe, Martinique, Saint Barthélémy, Saint Martin), Guyane, Océan Indien (Île de la Réunion, Madagascar, Île Maurice, Mayotte, Comores), Pacifique (Polynésie française, Nouvelle Calédonie)
la copie des factures émises par la société Soudal sur les clients : SMPO, Profix Auto, Sopema, Altalo, Hypermat SA Bâtir, Visserie moderne antillaise, Euro trade ceriex du 1er janvier 2010 au 31 mars 2014 et les extraits de ces comptes clients détaillés pour les mêmes périodes, certifiés par son commissaire aux comptes ainsi que tout autre document comptable qui serait nécessaire pour vérifier et calculer les droits à commissions de la société Fabex.
Par conclusions du 11 octobre 2017, au visa des articles L. 134-1 et suivants du Code de commerce, les articles L. 442-6 et suivants du Code de commerce, l'article 1147 du Code civil, les articles R. 134-3 et suivants du Code de commerce, l'article 11 du Code de procédure civile, la société Fabex demande à la cour de :
la déclarer recevable et bien fondée en son appel, débouter la société Soudal de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions, constater que la société Soudal n'a pas communiqué l'ensemble des pièces comptables demandées,
constater que la société Soudal a indûment retiré le versement de commissions qu'elle était en droit de recevoir,
constater le comportement fautif et déloyal de la société Soudal envers elle, en conséquence, confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :
reconnu que la société Soudal n'avait pas respecté le délai légal de préavis et l'a condamnée à réparer le préjudice subi de ce fait,
considéré que la société Fabex était en droit de percevoir une indemnité de rupture du contrat d'agent conformément aux dispositions de l'article L. 134-12 du Code de commerce,
infirmer le jugement en ce qu'il : l'a déboutée de ses demandes de paiement des commissions indûment retirées et de réintégration de celles-ci dans le calcul de l'indemnité de préavis et de l'indemnité de rupture,
l'a déboutée de sa demande au titre du droit de suite et de réparation du préjudice subi du fait des agissements fautifs et déloyaux du mandant,
statuant à nouveau,
condamner la société Soudal à lui verser les somme de : 58 535,20 HT, soit 70 242,24 TTC au titre des commissions indûment retirées sur la période de 2010 à 2013, 156 504,23 à titre d'indemnité de fin de contrat, 20 000 à titre de dommages et intérêts pour non-respect du délai de préavis, 50 000 à titre de dommages et intérêts pour comportement déloyal et fautif, 10 000 HT soit 12 000 TTC au titre de son droit de suite, condamner la société Soudal à lui verser la somme de 15 000 au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile outre l'indemnité ordonnée en première instance ainsi qu'aux entiers dépens.
Par conclusions du 30 octobre 2017, fondées sur les articles L. 134-1 et suivants du Code de commerce, la société Soudal demande à la cour de :
réformant partiellement, juger que la résiliation qu'elle a prononcée est légitime en ce qu'elle a sanctionné les fautes graves de la société Fabex qui a manqué à son obligation d'information et à son obligation de représentation,
juger que de nombreuses réclamations de la société Fabex portent sur des facturations émises par elle (société Soudal) à l'ordre de centrales d'achats implantées en France métropolitaine qui n'ont jamais été démarchées par la société Fabex et ne pouvait aucunement l'être,
juger que les réclamations indemnitaires de la société Fabex dépassent le cadre strictement légal des droits de l'agent commercial,
débouter en conséquence la société Fabex de l'ensemble de ses demandes fins et prétentions indemnitaires,
condamner la société Fabex à lui verser la somme de 15 000 par application de l'article 700 du Code de procédure civile,
condamner la même à l'ensemble des dépens d'instance.
Motifs
L'article L. 134-4 du Code de commerce stipule :
"Les contrats intervenus entre les agents commerciaux et leurs mandants sont conclus dans l'intérêt commun des parties.
Les rapports entre l'agent commercial et le mandant sont régis par une obligation de loyauté et un devoir réciproque d'information.
L'agent commercial doit exécuter son mandat en bon professionnel ; le mandant doit mettre l'agent commercial en mesure d'exécuter son mandat."
Aux termes des dispositions des articles L. 134-11, L. 134-12 et L. 134-13 du même Code, l'agent commercial n'a pas droit à un préavis et n'est pas indemnisé des conséquences de la rupture du contrat lorsque la cessation du contrat est provoqué par sa faute grave.
Sur la faute grave :
La faute grave de l'agent commercial est celle qui porte atteinte à la finalité commune du mandat d'intérêt commun et rend impossible le maintien du lien contractuel.
Une telle faute grave qui justifie la privation d'indemnité de rupture, est différente d'un simple manquement aux obligations contractuelles justifiant la rupture du contrat. La preuve d'une telle faute incombe au mandant qui l'invoque.
En l'espèce, la société Soudal prétend que la résiliation du contrat était justifiée par les manquements graves de la société Fabex à ses obligations contractuelles, en particulier d'une part, l'absence de toute information dont elle était débitrice à son égard en vertu des règles d'ordre public du mandat d'agent commercial et d'autre part, l'absence de toute diligence de représentation au cours de l'exercice 2013, mais encore, l'absence de toute réponse et de toute action de développement, à la suite de la mise en demeure qu'elle lui avait adressée le 10 juillet 2013.
Sa lettre de résiliation du 4 novembre 2013 est motivée par l'absence d'information sur l'activité l'obligeant à réorganiser le schéma de commercialisation de ses produits et ne lui permettant pas de vérifier la bonne exécution des obligations de l'agent dont tout laissait à penser qu'elle n'était pas conforme à l'intérêt commun des parties, et ce, malgré les différents échanges et les demandes répétées d'information sur ses activités commerciales, restées sans réponse notamment à sa lettre précitée du 10 juillet 2013.
Dans cette lettre du 10 juillet 2013 la société Soudal a répondu aux différents griefs que lui avait précédemment adressés la société Fabex (retrait de zones de prospection et de clients, absence de communication sur les visites effectuées par le mandant ainsi que sur les offres commerciales et les objectifs commerciaux, absence de communication de factures par le mandant, nécessité d'organisation commune de visites). Sur les objectifs, elle a indiqué que depuis plusieurs années, le chiffre d'affaires se dégradait et ne correspondait pas à celui de la métropole sans que la société Fabex prenne le soin d'analyser les causes et lui propose des actions, ce qui l'amenait à s'interroger sur la réalité de ses démarches et la consistance de sa collaboration.
S'agissant du client Bricocéram de Guadeloupe (dont la société Fabex avait contesté le retrait), elle lui a indiqué qu'il n'était pas la propriété de l'agent commercial et lui a demandé de lui communiquer la copie des échanges commerciaux et de l'informer sur les objectifs de chiffre d'affaires et les produits proposés.
En rappelant qu'elle n'avait pas d'information sur ses démarches, elle lui a aussi demandé de lui indiquer quels pourraient être les nouveaux clients prospectés afin d'éviter la présentation d'offres distinctes.
Pour finir ce courrier, la société Soudal a indiqué à sa mandataire, que s'agissant de la résiliation du contrat, que cette dernière semblait appeler de ses voeux, elle se réservait la faculté d'en examiner l'opportunité et le mérite en temps voulu au vu des réponses que le mandataire apporterait à cette lettre.
D'une part, à supposer les manquements allégués établis, la société Soudal n'explique pas en quoi ces manquements s'ils justifiaient la rupture du contrat, constituaient une faute grave de nature à priver la société Fabex des indemnités qu'elle réclame alors que :
elle avait déjà formulé des reproches similaires dans un courrier du 25 avril 2013, elle n'a pas résilié le contrat lors de l'envoi de la lettre du 10 juillet 2013 qui contenait déjà les mêmes griefs se contentant d'évoquer cette possibilité,
elle a rompu le contrat en laissant un préavis précisé dans la lettre de résiliation de moins de 2 mois et qu'elle prétend être en réalité de 6 mois à compter de la lettre du 10 juillet 2013.
D'autre part, il résulte de l'échange de courriers entre les parties que la dégradation de leurs relations est née en 2012 suite à l'intervention de M. X, commercial de la société Soudal sur les zones géographiques dans lesquelles la société Fabex assurait la représentation et aux reproches consécutifs adressés par cette dernière à son mandant relatifs à des manquements à ses obligations d'information (sur les tournées et les rendez vous organisés, sur les commandes passées) mais aussi sur la violation de ses droits (retrait de clients, droit à commission sur les commandes indirectes), reproches que la société Soudal a contestés estimant être en droit d'agir comme elle le faisait en l'absence d'exclusivité accordée à la société Fabex et que c'est à partir de là que la société Soudal a retourné le reproche d'absence de communication d'information.
Dès lors, les manquements contractuels invoqués pour résilier le contrat étant le résultat d'une dégradation des relations contractuelles depuis 2012 et la société Soudal les ayant tolérés pendant toute l'année 2013, selon ses dires, sans reprocher une faute grave dans la lettre de résiliation et en donnant à la société Fabex un préavis annoncé de 2 mois et prétendu de 6 mois, ces manquements ne peuvent être qualifiés de faute grave.
En conséquence, la société Fabex a droit à une indemnité de préavis et à une indemnité de rupture.
Sur le préavis :
Aux termes de l'article L. 134-11 du Code de commerce, lorsque le contrat ne prend pas fin en raison d'une faute grave de l'une des parties ou de la survenance d'un cas de force majeure, les parties peuvent mettre fin au contrat en respectant un préavis, la durée de celui ci est de trois mois pour la troisième année commencée et les années suivantes ; en l'absence de convention contraire, la fin du délai de préavis coïncide avec la fin d'un mois civil.
La société Soudal a résilié le contrat par lettre du 4 novembre 2013 à effet du 1er janvier 2014 soit un délai inférieur à 3 mois applicable en l'espèce compte tenu de la durée du contrat supérieure à 3 ans.
Elle prétend avoir donné un préavis de 6 mois car dans sa lettre du 10 juillet 2013 précitée, elle a rappelé à la société Fabex ses obligations contractuelles et manifesté son intention de résilier le contrat si les manquements n'étaient pas corrigés et ils ne l'ont pas été.
Le délai de préavis court à compter de la résiliation du contrat lequel ne peut pas prendre fin à une date antérieure à la notification de sa résiliation soit en l'espèce le 4 novembre 2013.
La société Soudal n'a donc pas respecté le délai de préavis ce qui l'oblige à payer une indemnité compensatrice pour la période non accordée soit en l'espèce du 1er janvier au 28 février 2014, la demande de la société Fabex en paiement d'une indemnité égale à 6 mois de commission s'ajoutant à la période déjà accordée étant dépourvue de fondement légal.
Le montant de cette indemnité sera examiné en même temps que la demande de la société Fabex relative aux commissions qui concerne la période du 1er janvier 2011 au 31 mars 2014 et inclut donc la période du préavis.
Cette demande en paiement de commissions incluant également une période postérieure à la fin du préavis qui aurait dû être donné amène la cour à examiner la demande relative au droit de suite avant la demande de rappel de commissions.
Sur le droit de suite :
Aux termes des dispositions de l'article L. 134-7 du Code de commerce, pour toute opération commerciale conclue après la cessation du contrat d'agence, l'agent commercial a droit à la commission, soit lorsque l'opération est principalement due à son activité au cours du contrat d'agence et a été conclu dans un délai raisonnable à compter de la cessation du contrat, soit lorsque, dans les conditions prévues à l'article L. 134-6, l'ordre du tiers a été reçu par le mandant ou par l'agent commercial avant la cessation du contrat d'agence.
C'est à juste titre que la société Fabex reproche aux premiers juges de l'avoir déboutée de sa demande en paiement de commissions en application de ce texte au motif que cette indemnité ne se cumule pas avec l'indemnité de rupture.
En effet, les commissions dont le droit est prévu par le texte précité est une rémunération de l'agent commercial et non une indemnisation du préjudice résultant de la rupture du contrat.
La société Fabex sollicite une somme forfaitaire de 10 000 HT à titre de commissions sur les ventes réalisées entre le 1er janvier et le 31 mars 2014.
Le droit de suite n'est pas dû sur la période du 1er janvier au 28 février 2014 pour laquelle est due l'indemnité compensatrice de préavis par ailleurs réclamée.
Pour la période postérieure, le droit à commission et son montant seront examinés en même temps que la demande de la société Fabex relative aux commissions qui concerne la période du 1er janvier 2011 au 31 mars 2014 et inclut donc la période concernée par le droit de suite.
Sur les commissions :
L'article L. 134-6 du Code de commerce stipule :
"Pour toute opération commerciale conclue pendant la durée du contrat d'agence, l'agent commercial a droit à la commission définie à l'article L. 134-5 lorsqu'elle a été conclue grâce à son intervention ou lorsque l'opération a été conclue avec un tiers dont il a obtenu antérieurement la clientèle pour des opérations de même genre.
Lorsqu'il est chargé d'un secteur géographique ou d'un groupe de personnes, l'agent commercial a droit à sa commission pour toute opération conclue pendant la durée du contrat d'agence avec une personne appartenant à ce secteur ou à ce groupe".
Contrairement à ce que soutient la société Soudal, d'une part, ces dispositions s'appliquent que l'agent bénéficie, ou non, d'une représentation exclusive sur un secteur ; d'autre part, l'application du second alinéa ne nécessite pas la définition écrite du secteur confié à l'agent commercial et il s'applique même si les opérations ont été conclues sans l'intervention de l'agent commercial.
La société Fabex prétend qu'elle était chargée du secteur constitué par les Antilles françaises (Guadeloupe, Martinique, Saint Barthélémy, Saint Martin), la Guyane, l'Océan Indien (Île de la Réunion, Madagascar, Île Maurice, Mayotte, Comores), la Polynésie française et la Nouvelle Calédonie. La société Soudal conteste ce fait et argue de son absence de preuve.
Au soutien de son allégation, la société Fabex fait valoir et justifie qu'elle est spécialisée dans la représentation en Afrique, dans l'Océan indien, le Pacifique et les Antilles françaises ; que suite à un salon, elle a proposé, sous sa dénomination antérieure RAI, en se prévalant de sa spécialité, sa représentation dans ces territoires par lettre du 30 octobre 1989 à la société Soudal Belgique qui a accepté cette offre ; que son intervention sur les zones qu'elle indique est confirmée par les extraits de son site internet ; que les analyses financières 2009-2010 et 2010-2011, émanant de comptabilité de la société Soudal concernent le secteur litigieux, que la seconde analyse s'intitule "'analyse secteur Fabex'" ce qui démontre certes, comme le dit la société Soudal, que la société Fabex traitait une partie de sa clientèle mais aussi que la société Fabex était chargée de l'univers commercial concerné par cette analyse soit celui qu'elle revendique.
De plus, l'attribution de ce secteur est confirmée par une lettre de la société Soudal du 12 février 2013 par laquelle elle informe la société Fabex des "modifications de territoires qui vous seront affectés en 2013" et lui demande les modalités de développement qu'elle envisage pour "l'ensemble des clients qui vous sont attribués".
Par ailleurs, la société Soudal ne conteste pas avoir retiré à la société Fabex certains clients de son univers commercial auprès desquels elle assurait la représentation ce qui, de plus, est établi par les courriers versés au débat. Or, dès lors que la clientèle avait été obtenue par la société Fabex, les opérations conclues avec celle-ci ne dispensaient pas la société Soudal de payer à la société Fabex les commissions en application des dispositions légales précitées.
En conséquence, la société Fabex est fondée à réclamer des commissions non seulement pour les opérations commerciales conclues pendant la durée du contrat grâce à son intervention mais aussi pour les opérations conclues avec un tiers dont elle avait obtenu antérieurement la clientèle pour des opérations de même genre et enfin, pour toute opération conclue pendant la durée du contrat d'agence avec une personne appartenant au secteur qui lui avait été confié.
Au vu des pièces produites par la société Soudal en exécution de l'arrêt avant dire droit, et du récapitulatif établi par la société Fabex, la demande en paiement de commissions d'un montant de 15 062 représentant 3,5 % du montant des commandes passées par les clients SMPO, Profix auto, Sopema, Altalo, Hypermat SA bâtir, Visserie moderne antillaise, Euro trade ceriex, clients qui lui ont été retirés à compter de 2010, est justifiée.
Comme déjà exposé, la société Soudal est débitrice de commissions sur les opérations qu'elle a conclues directement avec la clientèle du secteur confié à son agent commercial nonobstant l'absence d'exclusivité et sans pouvoir invoquer l'absence d'intervention de l'agent dans les opérations ce qui conduit au rejet de ses contestations contredisant ces règles.
En revanche la demande de la société Fabex en paiement de commissions sur une somme de 17 235,09 représentant une majoration de 20 % des commandes précitées et passées en 2013 et 2014 au motif que les pièces ne sont pas certifiées n'est pas justifiée, une telle majoration ne reposant sur aucun élément objectif.
La société Fabex demande également des commissions sur des commandes des sociétés Austral import, AB color, Mauvillac et Leroy Merlin dont la comparaison entre les relevés de commissions qui lui avaient été transmis en leur temps et les comptes clients produits en exécution de l'arrêt avant dire droit, fait apparaître une absence de commissionnement sur la somme de 27 829,69 .
Cette demande est justifiée ce qui entraîne un rappel de commissions de 974 .
La société Fabex sollicite enfin des commissions sur le chiffre d'affaires réalisé avec d'autres clients se trouvant sur son secteur et qui a été exclu du périmètre de son commissionnement.
Elle se base sur les pièces comptables produites par la société Soudal pour les années 2011 et 2012 et, pour les années 2013 et 2014, sur une estimation calculée sur la moyenne des deux précédentes années au motif que l'exhaustivité des factures et comptes clients produits est incertaine dès lors que ces documents ne sont pas certifiés et que la comparaison entre les comptes clients non certifiés des années 2010-2011, initialement produits et ces mêmes comptes certifiés produits par la suite démontrent le manque de fiabilité des comptes clients non certifiés sur lequel n'apparaît pas le client Mauvillac alors qu'il apparaît sur les comptes certifiés.
La contestation de la société Soudal sur l'estimation opérée par la société Fabex et tirée de l'absence de preuve de son intervention dans les opérations est inopérante dès lors que le droit à commission n'est pas lié à l'intervention et elle n'est pas pertinente dès lors qu'elle a l'obligation légale de produire l'ensemble des éléments comptables nécessaires à la vérification par son agent commercial des commissions dues, que les observations de la société Fabex sur les pièces produites sont justifiées et qu'elle n'a pas proposé de production complémentaire et de calcul rectificatif.
La demande de paiement de commissions d'un montant de 41 300,11 est justifiée.
En conséquence, la société Soudal doit être condamnée au paiement d'un rappel de commissions d'un montant total de 57 336,11 HT (15 062 + 974 + 41 300,11) soit 68 803,33 TTC pour la période du 1er janvier 2011 au 31 mars 2014 ce qui inclut la période de préavis non donné et la période concernée par le droit de suite.
En conséquence la condamnation précitée remplit la société Fabex de ses droits au titre du préavis et du droit de suite ce qui conduit au rejet des demandes qu'elle forme en sus à ces titres.
Sur l'indemnité de fin de contrat :
La société Soudal soulève en premier lieu la perte du droit à cette commission en application de l'article L. 134-2 du Code de commerce qui dispose : "L'agent commercial perd le droit à réparation s'il n'a pas notifié au mandant, dans le délai d'un an à compter de la cessation du contrat, qu'il entend faire valoir ses droits".
Elle expose que le point de départ de la déchéance est la date de cessation effective des relations contractuelles c'est-à-dire celui où il a été décidé que le contrat cesserait d'être exécuté, peu important que cette date soit antérieure à l'expiration du délai de préavis accordé. Elle prétend qu'en l'espèce, les parties ont cessé toute véritable collaboration à compter de juillet 2013 alors que la société Fabex a réclamé l'indemnité par assignation du 29 septembre 2014.
Un contrat ne peut prendre fin sans avoir été résilié ; à compter de la résiliation, il prend fin soit à l'expiration de préavis soit, à une date antérieure si les parties conviennent de cesser l'exécution du contrat sans attendre la fin du préavis.
En l'espèce, la société Soudal n'a pas dispensé la société Fabex d'exécuter le contrat avant la fin du préavis accordé ni d'office ni sur demande de la société Fabex. En conséquence, la date de cessation effective du contrat a coïncidé avec la date d'expiration du préavis accordé.
La société Fabex ayant demandé paiement de l'indemnité de rupture par assignation du 29 septembre 2014 soit moins d'un an après la cessation effective du contrat, le 1er janvier 2014, le moyen de déchéance de son droit invoqué par la société Soudal n'est pas fondé.
Le préjudice subi par l'agent commercial que l'indemnité de rupture doit réparer, est consécutif à la perte du droit qu'il avait de prospecter une clientèle déterminée et d'en tirer bénéfice en percevant des commissions.
Cette indemnité, en vertu d'un usage professionnel, est égale à deux ans de commissions brutes et il appartient à celui qui veut s'écarter, en plus ou en moins, de cet usage de rapporter les preuves justifiant la majoration ou la minoration.
En l'espèce la société Soudal qui conteste le droit à indemnisation en soutenant la faute grave ne conclut pas, à titre subsidiaire, sur le montant de l'indemnité.
La société Fabex sollicite une indemnité égale à trois ans de commissions en invoquant la durée particulièrement longue (20 ans) de la relation contractuelle et le fait qu'elle a créé et développé l'ensemble de la clientèle sur le secteur qui lui a été confié et sur lequel la société Soudal n'avait, auparavant aucune clientèle.
Sa demande est justifiée.
Il convient de retirer de son calcul les commissions relatives au 1er trimestre 2014 qu'elle rajoute aux trois dernières années et les commissions qu'elle réclame au titre d'une majoration de 20'% sur les commissions des années 2013 et 2014, commissions que la cour n'a pas retenues ce qui donne des commissions d'un montant de 151'993,12 pour les années 2011, 2012 et 2013.
En conséquence, l'indemnité de rupture est fixée à ce montant.
Sur la demande d'indemnisation d'un préjudice résultant des agissements fautifs du mandant :
Au soutien de cette prétention d'un montant de 50 000 TTC, la société Fabex fait valoir que la société Soudal:
lui a retiré unilatéralement les clients les plus fructueux, sans l'indemniser pour la perte de commissions et le déséquilibre contractuel consécutifs à ces changements, sous des motifs fallacieux ou sans fondement et ce, afin de diminuer le montant du commissionnement une fois la clientèle bien établie et, in fine, d'éviter le versement de l'indemnité de rupture,
a manqué à ses obligations légales de loyauté et d'information, M. X agissant de manière opaque, en prenant des rendez vous avec la clientèle de son secteur, sans l'avertir, pour ensuite s'attribuer le succès des négociations, l'évincer et tenter de lui retirer les commissions,
ne l'a pas mise en mesure d'exécuter sa mission en ne lui communiquant pas d'informations sur la marchandise, ni d'instruction particulières sur la clientèle,
a refusé de lui communiquer les éléments comptables nécessaires à la vérification de ses commissions malgré ses réclamations et n'a pas satisfait pleinement à l'injonction de la cour.
Elle fait grief aux premiers juges de l'avoir déboutée de cette demande au motif que preuve des agissements fautifs invoqués n'était pas rapportée et qu'en l'absence d'exclusivité, la société Soudal avait toute latitude pour servir elle même tout ou partie de sa clientèle.
La société Soudal réplique que la société Fabex, qui s'imagine propriétaire de la clientèle, ne peut échapper au régime légal de son statut excluant toute clientèle propre, et qu'en outre, elle ne peut se prévaloir de la moindre exclusivité ; que dès lors elle ne saurait se plaindre de ce qu'elle (société Soudal) se soit attachée elle même à développer sa clientèle et à missionner ses commerciaux pour la visiter.
Elle ajoute que l'absence d'information préalable invoquée par la société Fabex n'était pas possible, celle-ci ne l'ayant pas informée préalablement des clients qu'elle visitait, n'ayant communiqué qu'un seul compte rendu de visite circonstancié en 20 ans de collaboration.
Aux termes de l'article L. 134-4 du Code de commerce déjà cité, les rapports entre l'agent commercial et le mandant sont régis par une obligation de loyauté et un devoir réciproque d'information ; l'agent commercial doit exécuter son mandat en bon professionnel ; le mandant doit mettre l'agent commercial en mesure d'exécuter son mandat.
D'une part, l'obligation de loyauté interdit au mandant, qui a mis en place une organisation de vente en la personne de l'agent commercial, de s'approprier indûment des efforts de celui-ci.
Dès lors, si en l'absence d'exclusivité le mandant peut visiter la clientèle confiée à l'agent commercial, le devoir de loyauté lui interdit de le faire hors la présence de l'agent ce que la société Soudal a pourtant fait ainsi qu'il ressort de l'échange de courriers versé au débat.
D'autre part, ayant l'obligation de mettre l'agent commercial en mesure d'exécuter son mandat, la société Soudal n'était pas en droit de refuser à la société Fabex des informations sur les visites de clients qu'elle organisait et les résultats de ces visites, sans pouvoir se référer à une absence préalable d'information par l'agent alors que c'est elle qui a modifié en 2012, la pratique suivie depuis 1989 par la société Soudal Belgique (société mère aux dires non démentis de la société Fabex) en faisant intervenir ses commerciaux sur l'univers commercial de son agent commercial.
Encore, comme tout contractant, le mandant doit respecter les conditions contractuelles et ne peut imposer unilatéralement des modifications.
En l'espèce c'est ce qu'a fait la société Soudal en retirant des clients à la société Fabex malgré les protestations de celle-ci lui opposant en substance son droit de prospecter sa clientèle et la défaillance de la société Fabex.
Enfin la société Soudal n'était pas en droit de refuser la communication des éléments comptables nécessaires pour vérifier les commissions qui lui étaient dues, obligation qui lui est imposée par l'article R. 134-3 du Code de commerce et refus qui en l'espèce, était le prolongement de son refus de payer des commissions sur la clientèle unilatéralement retirée mais également sur d'autres clients.
La diminution de revenus imposée par la société Soudal à son agent pendant des années a causé à celle ci un préjudice distinct de celui résultant du non-paiement des commissions, réparé par le rappel de commissions au paiement duquel elle est condamnée. De plus l'ensemble des manquements de la société Soudal est à l'origine de la dégradation des relations et a causé un trouble dans l'exercice du mandat par la société Fabex.
Compte tenu des éléments d'appréciation dont la cour dispose, ce préjudice est fixé à 10 000 .
Sur les dépens et les frais irrépétibles :
En application des articles 696 et 700 du Code de procédure civile, la société Soudal partie perdante doit supporter les dépens de première instance et d'appel, garder à sa charge les frais irrépétibles qu'elle a exposés et verser à la société Fabex une indemnité pour les frais irrépétibles qu'elle l'a contrainte à exposer en première instance comme en appel.
En conséquence, le jugement entrepris est infirmé sauf en ce qu'il a condamné la société Soudal à verser à la société Fabex une indemnité procédurale de 3 000 et aux dépens.
Par ces motifs LA COUR statuant publiquement, par arrêt contradictoire, Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la SAS Soudal aux dépens et à verser à la SAS Fabex une indemnité en application de l'article 700 du Code de procédure civile, L'infirme sur le surplus et statuant à nouveau, Condamne la SAS Soudal à payer à la SAS Fabex : un rappel de commissions d'un montant total de 68 803,33 TTC pour la période du 1er janvier 2011 au 31 mars 2014 incluant les commissions dues au titre du préavis non donné et au titre du droit de suite, une indemnité de rupture d'un montant de 151 993,12 , des dommages intérêts d'un montant de 10 000 , Rejette les autres demandes de la SAS Fabex en paiement d'indemnité au titre du préavis et du droit de suite, Condamne la SAS Soudal à payer à la SAS Fabex une indemnité de 15 000 sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, Condamne la SAS Soudal aux dépens d'appel.