Cass. com., 20 février 2019, n° 17-27.668
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
PARTIES
Demandeur :
Connectt 1 (Sasu), Connectt travail temporaire (Sasu)
Défendeur :
Targett (SAS), Samama
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Mouillard
Rapporteur :
Mme Le Bras
Avocat général :
Mme Pénichon
Avocats :
SCP Rocheteau, Uzan-Sarano, SCP Foussard, Froger
LA COUR : - Attendu, selon l'arrêt attaqué, que les sociétés Connectt travail temporaire et Connectt 1 (les sociétés Connectt), qui exercent une activité de travail temporaire et de placement et au sein desquelles M. Samama a assuré diverses fonctions jusqu'à son licenciement survenu en novembre 2014, ont été assignées par ce dernier devant un Conseil de prud'hommes ; que la société Targett a entrepris une activité similaire en mars 2015 ; qu'invoquant des actes de concurrence déloyale de la part de la société Targett et la violation de la clause de non-concurrence souscrite par leur ancien salarié, les sociétés Connectt ont obtenu, par ordonnance du président du tribunal de commerce, statuant sur requête, la désignation d'un huissier de justice aux fins de constat et d'investigations dans les locaux de la société Targett et au domicile de M. Samama ; que ces derniers ont demandé la rétractation de l'ordonnance ;
Sur le troisième moyen : - Attendu que les sociétés Connectt font grief à l'arrêt de les condamner à payer à la société Targett des dommages-intérêts pour procédure abusive alors, selon le moyen : 1°) que la cassation qui interviendra sur le fondement du premier ou du deuxième moyen de cassation, qui font grief à l'arrêt attaqué d'avoir rétracté l'ordonnance rendue sur la requête des sociétés Connectt travail temporaire et Connectt 1, entraînera la cassation par voie de conséquence de l'arrêt en ce qu'il a condamné les sociétés Connectt à verser à la société Targett des dommages-intérêts pour procédure abusive en application de l'article 624 du Code de procédure civile ; 2°) qu'une action en justice ne peut, sauf circonstances particulières qu'il appartient au juge de spécifier, dégénérer en abus de droit ; qu'en se bornant à affirmer qu'il convenait de condamner la société Targett au paiement de dommages-intérêts pour procédure abusive au regard de ses motifs tirés du bien-fondé de la requête formée par les sociétés Connectt, la cour d'appel, qui n'a pas caractérisé l'existence d'une faute ayant fait dégénéré en abus le droit d'agir en justice, a violé l'article 1240 du Code civil (ancien article 1382) ;
Mais attendu que postérieurement à la déclaration de pourvoi, le défendeur a expressément renoncé au bénéfice du chef du dispositif attaqué portant sur l'indemnité allouée pour procédure abusive ; que le moyen est sans objet ;
Mais sur le premier moyen, pris en sa première branche : - Vu l'article 145 du Code de procédure civile ;
Attendu que pour rétracter l'ordonnance rendue sur la requête des sociétés Connectt, annuler tous les actes, procès-verbaux et constats dressés en son application, ordonner la restitution des éléments saisis en exécution de cette ordonnance, l'arrêt, après avoir relevé qu'à la date de la requête, le 27 août 2015, l'existence d'un procès en cours portant sur la clause de non-concurrence insérée au contrat de travail de M. Samama n'avait pas été mentionnée, retient qu'il importe peu que ce litige ne porte initialement que sur la validité de la clause de non-concurrence, dès lors que les sociétés Connectt ont utilisé au cours du procès, en vue d'établir la violation de la clause, les éléments de preuve que la mesure sur requête leur avait permis de recueillir ; qu'en statuant ainsi, alors que l'existence d'une instance en cours ne constitue un obstacle à une mesure d'instruction in futurum que si l'instance au fond est ouverte sur le même litige à la date de la requête, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Sur le premier moyen, pris en sa deuxième branche : - Vu l'article 145 du Code de procédure civile ;
Attendu que pour statuer comme il fait, l'arrêt, après avoir retenu que la cible principale des sociétés Connectt était M. Samama, leur ex-salarié soumis à une clause de non-concurrence dont elles craignaient la violation, retient encore que la requête relevait, à l'égard de M. Samama, de la compétence matérielle non pas du tribunal de commerce mais du tribunal de grande instance ; qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher si les faits allégués ne se rattachaient pas par un lien direct à la gestion de fait, par M. Samama, de la société commerciale Targett, peu important que ce dernier n'ait pas eu la qualité de commerçant, non plus que celle de dirigeant de droit, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;
Et sur le deuxième moyen : - Vu l'article 145 du Code de procédure civile ;
Attendu que pour statuer comme il fait, l'arrêt retient aussi l'absence de faisceau d'indices graves et concordants établissant la vraisemblance d'une perte de clientèle des sociétés Connectt imputables à des faits de concurrence déloyale de la société Targett ; qu'il retient encore que les attestations de deux salariés des sociétés Connectt produites aux débats sont dénuées de valeur probante en l'absence de tout autre indice objectif, que la vraisemblance d'un détournement de fichiers ou d'un stratagème anti-concurrentiel au détriment des sociétés Connectt n'est pas suffisamment établie et que les rapports de filature qui attestent de la présence de M. Samama dans l'immeuble où se trouvent les locaux de la société Targett ont fait l'objet d'une présentation biaisée ; qu'en se déterminant ainsi, par des motifs fondés sur l'absence de preuve de faits que la mesure d'instruction avait précisément pour objet de conserver ou d'établir, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;
Par ces motifs, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs : Donne acte à la société Targett de sa renonciation au bénéfice de la condamnation des sociétés Connectt travail temporaire et Connectt 1 à lui payer la somme de 1 000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive ; Casse et Annule, mais seulement en ce qu'infirmant l'ordonnance de référé, il rétracte l'ordonnance rendue par le président du tribunal de commerce de Paris le 31 août 2015 sur la requête des sociétés Connectt travail temporaire et Connectt 1, annule tous les actes, procès-verbaux et constats dressés en son application, ordonne la restitution des éléments saisis en exécution de cette ordonnance sur requête et en ce qu'il statue sur les dépens et l'article 700 du Code de procédure civile, l'arrêt rendu le 14 septembre 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée.